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jeudi 27 novembre 2025

Entretien avec Mononc' Serge : « Par un concours de circonstances, j’ai fini par dériver vers le metal »

Mononc' Serge

Rodolphe

La caution grunge du webzine.

À un mois de sa mini-tournée québécoise en solo, le 20 novembre 2025, l’oncle Serge nous a offert une entrevue d’une heure à distance dans le cadre de la promotion de son nouvel album collaboratif Métal canadien-français, dont la chronique est accessible sur le webzine. Pour Horns Up, l’ancien bassiste des Colocs a remis ses pensées en ordre, et s’est épanché sur sa rencontre avec les thrash metalleux d’Anonymus et quelques-unes des déconvenues vécues durant sa carrière. En 2026, son périple continuera en France avec un concert exceptionnel à Le Chinois de Montreuil organisé par nos partenaires de Sanit Mils, ainsi qu'une série de dates en première partie d'Ultra Vomit.

« Dans l’ombre le fantômе de Ronnie James Dio
Frayе avec celui d’Oscar Thiffault
Et de leur rencontre un nouveau métal naît
C’est le métal canadien-français.
 »

 

Tu joues du metal, mais quelles sont tes références en la matière ; en écoutais-tu quand tu étais plus jeune ?

Oui, j’ai écouté du metal pendant une période relativement courte avec le recul, mais qui a été fondatrice. Quand j’ai commencé à jouer de la musique, je trouvais que Slayer, Metallica, c’était trop heavy, donc j’écoutais des choses peut-être plus accessibles comme Iron Maiden, Dio ou le Black Sabbath d’Ozzy et de Ronnie James Dio. Évidemment, un peu comme tout le monde, je me suis habitué au thrash. Je pense que c’est une musique qui s’est un peu normalisée au fil des années. En tout cas, chez nous, ici à l’Arena où l’équipe de hockey de Montréal joue, il aurait été impensable en 1985 ou 1986, que des morceaux de Metallica soient diffusés entre les mises au jeu, alors qu'aujourd’hui, les gens sont habitués. Je parle d’une époque où j’avais 15-16 ans. Je ne faisais pas encore de concerts, mais j’ai commencé mon apprentissage en jouant des trucs de ce style, avant de passer au hard-rock, au rock progressif des années 70, et ensuite à la chanson, au début de ma carrière. Par un concours de circonstances, j’ai fini par dériver vers le metal : c’était comme un retour aux sources.

Avant de vous rencontrer pour la première fois avec Anonymus au Polliwog en 2001, connaissiez-vous mutuellement la musique de l’un et l’autre ? 

Je n’écoutais pas les musiques d’Anonymus, et pour tout te dire, à part avoir entendu leur nom ici ou là, il ne me disait rien. D’ailleurs, le batteur qui m’accompagnait à l’époque faisait partie d’un groupe dont le directeur de tournée était leur gérant. Et quelques mois avant notre première collaboration, mon batteur m’avait proposé de faire quelque chose avec eux. Je n'avais pas vraiment pris le projet en considération, parce que je ne me voyais pas faire du metal, tout simplement. 

Ce qui s’est passé, c’est qu’au tournant des années 2000, pour m’amuser, j’ai écrit des chansons un peu plus heavy avec plus de disto sur un album. Et puis j’ai eu l’idée d’intégrer des éléments de la sorte dans ma musique. Mon propos était déjà assez agressif, même si c’était de la chanson avec une guitare acoustique. Je faisais des morceaux parfois virulents et vulgaires sur des personnalités publiques québécoises. Et le fait de livrer cela sur une musique plus agressive fonctionnait très bien. Avec mes musiciens, j’ai commencé à développer ce style, et j’ai mis le bout du pied dans la scène underground. Anonymus m’a ensuite approché parce que j’avais une personne qui travaillait avec moi, qui avait envoyé l’un de mes albums dans un festival de musique metal, le Polliwog. Et l’un des organisateurs était justement le gérant d’Anonymus, Carlos, et c’est ainsi que ma musique s’est rendue à eux. Probablement qu’ils me connaissaient davantage comme l’ancien bassiste des Colocs que comme quelqu’un qui chantait en solo. Si tu m’avais dit, en 1996-1997, que cinq ou six ans après, j’allais enregistrer un album de metal, j’aurais trouvé l'idée complètement farfelue.

 

Crédit : David LeBlanc

 

Tu parles de « métal canadien-français ». « Aimer les beans » suffit-il à appartenir à cette scène ou existe-t-il des critères extra-culinaires qui définissent ce genre musical ?

(rires) Écoute, quand j’ai écrit la chanson « Métal canadien-français », je me suis demandé en quoi le metal que je faisais se distinguait de celui qui se produit globalement. Et la réponse m’est venue assez rapidement : je fais du metal en français-québécois ou en joual. L’identité et le langage québécois sont très imprégnés dans mes musiques.

Ici, le terme canadien-français est vraiment désuet. La Nouvelle-France a été conquise en 1760 : les Français qui habitaient là s’identifiaient comme des Canadiens, et il y avait les Anglais de l’autre côté. À mesure du temps, les Anglais ont fini par se considérer comme des Canadiens, alors pour faire la différence, l'on a utilisé l’expression « canadiens-français ». C’est un terme qui a prévalu jusque dans les années 1960 ; aujourd’hui, l'on a tendance à parler de québécois. Se décrire comme un Canadien-français est très connoté ethniquement parce qu’il s’agit d’une personne descendant des colons de la Nouvelle-France. En principe, les membres d’Anonymus ne sont pas des Canadiens-français à proprement parler, même s’ils vivent au Québec et parlent français (rires). Ce sont des gens d’origine étrangère : Carlos Araya est né au Chili, les frères Souto sont nés de parents espagnols, et puis Jeff Fortin est comme moi, un vrai Canadien-français (rires).

 

 

Ensemble, vous vous illustrez depuis vingt ans dans le metal. Penses-tu que cette collaboration ait changé ta manière de composer tes albums en solo ?

C’est une bonne question. Je pense que oui, mais de façon inconsciente. Je ne réécoute jamais mes albums, sauf quand je dois réaliser un nouveau pressage pour un vinyle, comme Mon Voyage au Canada sorti en 2001, qui est le disque charnière. C’est un album où le côté trash, heavy, underground, a commencé à être plus présent. Je me disais que dans ce temps-là, je ne faisais pas de metal typé, mais de la musique metal, sans encore bien maîtriser les codes. C’était très spécial. Je me permettais plus de liberté, mais davantage par ignorance, et cela donnait des résultats que je trouve rafraîchissants. Surtout au niveau des textes, c’était tellement trash et ordurier. En même temps, il y a un fil conducteur – le Canada. Le disque passe d’une atmosphère à l’autre, mais j’ai l’impression qu’il se tient bien, et j’en suis assez content. Ce n’est pas un album parfait que je referai, mais quand on me demande lequel est mon préféré, j’ai tendance à dire celui-là.

Comment se passe un enregistrement de Mononc' Serge & Anonymus en studio ? Vous laissez-vous de l’espace pour des jokes trouvées à la volée, ou tout est écrit d’avance ?

De la façon que j’aborde l’écriture des morceaux, ce ne sont pas des blagues : j’essaie de faire de bonnes chansons, mais avec un contenu un peu délirant ou franchement comique. Je me permets de dire un peu tout ce qui me passe par la tête, que je le pense ou non, du moment que c’est une bonne matière. Pour Métal canadien-français, je faisais des maquettes à la maison que je leur envoyais [NDA : à Anonymus] et eux, ils choisissaient celles qu’ils avaient envie : c’était ainsi pour les ¾ de l’album. Il y a quelques titres qui sont des musiques que les gars d’Anonymus ont signées : « La Bataille du Vendredi-Saint » de Jeff Fortin et « S’a coche » qui est de Daniel Souto. J'avais aussi écrit une autre chanson sur une musique de Daniel, mais qui n’a pas été gardée. Quand on enregistre, ils aiment beaucoup rajouter des petits clins d’œil musicaux comme le bout de Guns N' Roses dans « Hommage aux hommages » ou la chanson thème du film d’horreur Halloween dans « Tuer du monde ». Je ne connais même pas ces références (rires). La seule que j’aie mise, c’est quelque chose qui t’a probablement échappé parce que c’est très québécois [NDA : il parle de « Un musicien parmi tant d'autres » du groupe de folk-rock québécois Harmonium]. C’est dans « Hommage aux hommages » quand je dis « On a mis quelqu'un au monde/On devrait peut-être lui rendre hommage » qui renvoie à une chanson très connue chez nous qui dit « On a mis quelqu'un au monde/On devrait peut-être l'écouter ». Et je la chante de la même façon que l’artiste.

D’ailleurs, est-ce que tu as déjà connu des extinctions de voix ?

Ça m’est arrivé dans les années 90, alors qu’à ce moment-là, je faisais de la chanson, et j’ai un ami qui m’avait prêté une cassette avec des exercices vocaux. C’est difficile à expliquer, mais je chante à partir de la gorge ou du thorax au lieu de la tête, ce qui permet de crier sans se tuer les cordes vocales. Avec Anonymus, je ne suis pas le seul à chanter, mais je crie davantage. C’est plus exigeant qu’en solo ; tout est plus lourd comme se déplacer, s’installer, etc.

 

 

Dans votre nouvel album collaboratif, il y a un côté kitch, voire ringard, résolument tourné vers les années 80 que j’aime beaucoup, qui s’étend des refrains de « La Guerre de la technologie » qui s’amuse des boomers dépassés par l’époque à laquelle ils appartiennent, jusqu’aux références à peine voilées à Anthrax ou Guns N' Roses. Qu’est-ce qui te fascine autant dans cette scène hard/heavy ?

Les mentions dont tu parles ont vraiment été ajoutées par Anonymus, dont le riff d'Anthrax dans « La Ligue du vieux pouèl ». Je les ai vus en concert il y a plusieurs années, j’ai beaucoup aimé, mais je ne connais pas, du moins je pense que je suis plus familier avec la version « Antisocial » du groupe français [NDA : de Trust]. Je suis certain que c’est le cas d’autres personnes, car dans notre auditoire, il y a aussi des gens de l’extérieur. C’est un peu comme dans un album d’Astérix ; il y a plein de gags qui sont des références culturelles que l’on ne comprend pas quand on a huit ans, mais qui se révèlent à 30 ans quand tu les relis. Je suis un peu un touriste dans le milieu metal. Je n'en écoute pas tellement, et d’ailleurs, quand j’ai commencé à en faire, je me suis demandé comment j’allais être reçu. Finalement, j’ai eu un très bon accueil. Je crois que même quand je ne joue pas de metal, il y a quelque chose dans l’esprit de ce que je fais, qui est compatible avec la façon d’être des metalleux.

Ce qui est amusant dans « La Guerre de la technologie », c’est cet aspect complètement déphasé : tu décris la crainte que les ordinateurs ne remplacent les artistes, à l’heure où l’on est passé depuis deux ans environ à la popularisation des IA génératives de musique. À titre personnel, est-ce une thématique qui te préoccupe ?

Ah oui oui, c’est clair. L’an dernier, après avoir écrit cette chanson, quelqu’un qui écoute ma musique m’a envoyé un message pour me montrer un site où l’on peut rentrer les paroles, donner quelques indications et instructions à la machine, et une minute après, même pas, l'on obtient un morceau arrangé, écrit, une voix qui chante, etc. Qu’est-ce que ce sera dans dix ou vingt ans ? Quelle valeur donne-t-on à la création artistique. Je vais faire 55 ans dans deux semaines, et je suis rendu à un moment où je sais que les gens vont venir à mes concerts et me suivre. Il y a quelque chose d’un peu acquis, mais si je commençais à faire de la musique aujourd’hui, comment je tirerais mon épingle du jeu ? Oui, le phénomène m’inquiète, mais je sais que d’autres gens ont des inquiétudes plus prononcées que les miennes, comme ceux qui font du graphisme par exemple. C’est tellement facile de générer des images. Ces gens vont-ils pouvoir continuer de travailler ? Je n'ai pas de discours plus poussé sur ce sujet-là ni de leçons à donner. Nous, on s’est servis de l’IA pour le clip de « La Bataille du Vendredi-Saint ». C’est le réalisateur du clip qui voulait en intégrer pour expérimenter cette technologie ; on a pu simuler que l’on était dans un grand aréna avec plein de monde. J’ai laissé le réalisateur essayer des choses, je l’assume complètement, mais en même temps, pas trop (rires).

Tu es né en 1970 et le match de hockey dont la chronique est justement au cœur du morceau« La Bataille du Vendredi-Saint » s'est déroulé le 20 avril 1984, provoquant deux bagarres générales, 10 expulsions et 198 minutes de pénalité. Te souviens-tu de cet événement ?

Ah oui oui ! À l’époque, j’écoutais le hockey et je me rappelle cet épisode qui a vraiment été vécu comme quelque chose de très disgracieux. Il y avait une grosse compétition entre les Nordiques de Québec et les Canadiens de Montréal. Les deux équipes se vouaient presque une haine féroce, et puis tout a explosé. C’est un peu le paroxysme de cette rivalité-là (rires). C’est curieux parce que quelques années plus tard, j’ai entendu un morceau à la radio que je n'ai jamais retrouvé – un enregistrement d’un chanteur de western un peu obscur qui décrivait une bataille, une bagarre. Je me disais que ce serait un bon sujet pour une chanson de metal, et l'idée m’est restée sans que je l'exploite. Elle dormait dans un coin de mon cerveau. Et j’ai été surpris de savoir que Jeff Fortin, le guitariste, qui est plus jeune que les autres, n’avait jamais entendu parler de ce match. On lui a montré les images et ensuite, il était très content d’avoir eu connaissance de cet épisode et de jouer un morceau à ce propos.

 

 

N’as-tu jamais subi des pressions ou des représailles dans ta carrière de la part de gens très premier degré ou du milieu du spectacle du Canada francophone, à cause de ton humour parfois tranchant, vulgaire ?

Vraiment peu. Sur mon tout premier album, il y avait une chanson sur le maire de Granby, qui est une petite ville située à environ une heure de Montréal. Je ne connaissais pas la personne : j’écrivais des morceaux sur des thèmes d’actualité et j’étais tombé sur un entrefilet dans le journal qui disait que le maire s’était fait donner un coup de poing sur la gueule par un type dans la rue – on n'en savait pas plus. Je suis parti de ce petit paragraphe, et j’ai extrapolé. Évidemment, je prenais le parti de celui qui avait donné le coup. Dans la chanson, le maire est une crapule, et les gens qui lui tapent dessus sont des héros. J’exagère un peu, mais le morceau ressemble vraiment à cela. C’est une espèce de titre un peu western de saloon qui fait plus ou moins l’apologie de la violence contre les hommes politiques.

Quand le morceau est sorti, on a reçu une mise en demeure de la ville de Granby pour nous demander de ne pas diffuser la chanson. Nous, on a pris le communiqué, et on l’a publié en disant «il ne faut pas faire jouer cette chanson-là ». Forcément, cet épisode a attiré l’attention dessus (rires). J’avais déjà rencontré quelqu’un de la famille du maire de Granby qui savait que ce n'était pas sérieux. Moi, je m’appelle Serge Robert. Et le maire de Granby, au moment où le morceau est sorti, était à couteaux tirés avec la Direction générale de la ville. Et quelqu’un de haut-placé dans la gestion des affaires municipales s’appelait Serge Robert comme moi. Quand ils ont vu qu’il y avait écrit « paroles et musiques de Serge Robert», ils ont pensé que c’était cette personne. Et d’ailleurs, celui-ci a appelé ma compagnie de disques pour dire « bien fait, c’est une bonne chanson » (rires). Il y a eu une espèce d’imbroglio. J’ai fait la une du journal de Granby avec ce morceau ; c’était écrit « le maire Duchesneau, cible d’une chanson haineuse »(rires). Mais quand j’écris un texte pour me moquer de quelqu’un, je ne m'attends pas à recevoir des fleurs.

 


 

D’un côté, il y a en fait les textes qui sont parfois ce que tu évoques, et de l’autre, il y a toute cette partie costumée, habillée, dont tu es coutumier, en particulier en 2015 quand tu as sorti ton album d’actualité et pris les traits d'un islamiste radical sur le plateau de feu MusiquePlus.

Oui, j’avais eu de petits ennuis avec le morceau « L’État Islamique ». J’étais vêtu en djellaba avec une grosse barbe et mon batteur était habillé avec une burka ; on a pris des costumes de circonstance. Moi, je voyais cela comme quelque chose de bon enfant. C’est une chanson dans laquelle je félicite l’EI qui bannit la musique, parce que c’est…

« Une condamnation à la misère et l’exclusion » (rires)

Voilà, la musique mène à la drogue, à la dépravation. Mais j’ai constaté que le simple fait de s’habiller de cette manière passait très mal auprès de certaines personnes, et qu'à l'inverse, d'autres trouvaient cela très bien. Il y a un site d’extrême droite en Bretagne qui avait partagé ma vidéo en écrivant « religion d’enculeurs de chameaux », et je leur ai signalé que ce n’était pas le propos que je voulais véhiculer. J’ai dit que je n’aimais pas que ma chanson soit sur leur plateforme, mais ils ne m'ont jamais répondu. Puis j’ai fini par l'enlever de YouTube parce que je n'avais pas envie de me ramasser avec des fachos. Je ne veux pas de ces gens-là à mes concerts. Ce sont des questions moins sensibles au Québec qu’en France, même si au fil du temps, c’est devenu à peu près comme chez vous. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’harmonisation des débats sociaux à travers le monde.

Je n'avais pas l’impression de faire quelque chose de particulièrement audacieux : je fais une chanson western, je m’habille en cowboy ; je fais une chanson sur l’EI, je m’habille en conséquence. Il y a tellement de tensions autour des islamistes, et des musulmans en général, que c’est délicat d’aborder ces questions. Je l’ai appris à mes dépens, mais cet événement n’a pas été une grosse affaire. 

C’est amusant, parce que sur l’un des textes promotionnels de l’album Métal canadien-français, il est écrit « 12 nouvelles chansons sulfureuses et ravigotantes dans lesquelles sont traités sans tabou les sujets les plus épineux de l'heure : la soupe aux pois, les groupes hommage, la violence au hockey, la drogue, etc. ». C’est une façon humoristique de dire que tu préfères te tenir loin des vrais sujets d’actualité aujourd’hui ?

Pour vrai, je n'ai pas fait de chansons d’actualité de façon systématique depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, je trouverais l'exercice compliqué avec les réseaux sociaux. Ce que je faisais en 1997, je pouvais me le permettre parce que je savais que je n'avais pas un gros auditoire : je diffusais mes chansons à la radio communautaire une fois le jeudi matin à 8 h en me disant que de toute façon, personne n’écouterait (rires). Je pouvais me payer la traite, et c’est ce que je faisais, je ne m’en privais pas. Aujourd’hui, je n'ai pas une grande notoriété, mais quand même : je ne peux pas faire des choses en catimini. Ne serait-ce que lorsqu’on fait un concert, on s’adresse à un public, et il faut avoir conscience que quand quelqu’un filme, les images peuvent être diffusées sur internet, et que le discours que l'on a dit sans réfléchir peut être à l’origine d’un scandale. Donc c’est une possibilité qui n’était pas là il y a 25 ou 30 ans quand j’ai commencé. Peut-être que je finirai par refaire des chansons d’actualité, je ne sais pas, je ne suis pas tiraillé par cette envie-là. 

 

 

Toi qui as réalisé ton Voyage au Canada en 2001, pourrais-tu un jour en faire de même pour la France ?

Non, franchement, cette idée ne m’a jamais traversé l’esprit. Je ne connais pas tant la France et ses régions que cela. Davantage les autoroutes, les autogrills, les flunchs et ces choses-là. Même le Canada. Quand j’ai fait ce voyage, le lien entre la chanson et la province qui lui était associée était très ténue. Par exemple, j'avais en tête « Fini d’chier », puis j’ai ajouté la mention d’un village dans la province en question simplement pour faire la connexion, mais c’est tout. À la toute fin de « Fourrer », je mentionne le Grand Nord ; c’est un truc que j’ai vraiment forcé pour que le morceau s’intègre à l’ensemble. 

Même si finalement, tu parles un peu de l’Europe sur le nouveau morceau « S'a coche ».

J’adore jouer en Europe. Le Québec, ce n'est pas grand : ça l’est sur une carte géographique, mais la moitié ou plus de la population est concentrée dans un rayon de cinq kilomètres autour de Montréal. Donc faire une tournée nous emmène à l’extérieur dormir et enchaîner trois ou quatre dates de suite, ce que l'on ne fait pas très souvent au Québec. C’est vraiment l’aventure, j’aime beaucoup.

Donc tu as vécu tout ce dont tu parles dans le morceau ?

Oh oui oui oui. J’étais allé demander à un patron de bar un petit remontant, parce que j’étais épuisé, et je m’attendais à ce qu’il revienne avec des shooters de whisky ou je ne sais quoi, et puis il est arrivé avec du vin et de la coke par-dessus, c’était surprenant (rires). Et puis dans la chanson il y a une charge d’excès, de fête ; je joue sur l’exagération, le fait de se défoncer. Parce que franchement, pour enchaîner 10 dates et donner un bon concert, il faut vraiment avoir une certaine discipline. C'est pour cela qu'il faut se reposer et non se défoncer. Quand je commence une tournée, j’ai toujours une espèce de tension, la peur de manquer de voix ou de tomber malade. Le moment-clé, c’est quand on est sur scène avec les gens. Ce qui se passe après, ce n'est pas ce qui me passionne.

 


 

Merci à Serge Robert pour son temps et sa gentillesse, ainsi qu'à Oscar Souto d'Anonymus, Vangelis de Sanit Mils et Raton, d'avoir tous trois contribué à l'organisation de cette interview.