
Volbeat + Bush + Witch Fever @ Fornebu
Unity Arena - Fornebu

La caution grunge du webzine.
Entre deux allers-retours en Suède, à Stockholm puis à Göteborg, Volbeat a choisi l’Unity Arena située dans l’aire métropolitaine d’Oslo pour honorer la 56ᵉ date de son Greatest of All Tours Worldwide. Cette fois, les Danois sont accompagnés d’un ensemble plus grunge que celui présenté lors de la virée étasunienne en juillet et août derniers qui avait notamment vu la participation d’Halestorm. Les premières parties anglaises, Witch Fever – qui a remplacé Gel au pied levé – et Bush, constituent un choix intéressant, solide. Bien qu’au regard de l’antériorité et de la reconnaissance musicale des auteurs de Sixteen Stone (1994), leur relégation au rang d'invités semble a minima curieuse. Qu’à cela ne tienne, une demi-heure avant l’ouverture des portes, de jeunes Norvégiens entonnent « For evigt/måske for evigt » avec une fierté et une euphorie qui laissent peu de doute quant au statut de Volbeat. À 18 h, les spectateurs et spectatrices prennent enfin possession des lieux ; le stade diffuse une playlist très à propos ; de « Resurrection » d’Halford au tortueux « Them Bones » d’Alice In Chains.
Witch Fever
Malgré un tube riot grrrl à porter à son actif, décrivant les expériences traumatisantes vécues par Amy Walpole au sein de l’Église (« Dead to Me! »), le quatuor de Manchester n’est clairement pas en terrain conquis. Le public le lui signifie d’une manière étrange, en répondant avec des applaudissements timorés, sinon absents, à la prose antifasciste de leur chanteuse. Un moment lunaire, alors que celle-ci dénonçait les crimes de guerre perpétrés en Ukraine, dans l’État de Palestine et en République démocratique du Congo. L’ambiance confuse autant que les gradins clairsemés prédisposaient moins à un concert mémorable ; aussi, les sorcièresx de Salem ont livré une demi-performance, quoiqu'infiniment courageuse. Un spectateur lance même un objet (un verre en plastique ?) sur scène, avant que ses ardeurs ne soient réfrénées. Finalement, Witch Fever reprend confiance sur le single précité ; sa colère rejaillit sur le morceau suivant qui s’en trouve bonifié. Les circonstances n’aidant pas, le groupe semble néanmoins peu à l’aise, et un décalage évident se produit entre l’engagement punk de son nouvel EP Safe et sa retranscription douloureuse sur scène.

Crédit : Witch Fever
Bush
Après un va-et-vient d’amplis, Nik Hughes lance le show-éclair de Bush en exécutant quelques frappes sous une lumière de club rose, dans une ambiance électro-rock. Ses camarades foulent la scène, et déroulent le classique et multi-référencé « Everything Zen ». Cette jolie entame, d’autant plus appréciable à la suite de l’accueil frigide reçu par Witch Fever, rebat les cartes, en installant une connexion nostalgique avec le public. Durant cette tournée, les Anglo-Américains ont régulièrement modifié leur setlist – la perspective d’en découvrir une nouvelle réveille forcément des envies. Et de l’excitation, puisqu’à défaut de revivre l’Art of Survival Tour de 2022-2023, le groupe nous oriente vers les morceaux heavy de son répertoire (« Identity » et le johnwickien « Bullet Holes »). Quelle que soit la période dont ils sont issus, les morceaux sonnent comme en studio ; le son est impeccable, à l’exception de « Machinehead » où le chanté-bâillé de Gavin Rossdale révèle des imprécisions. Comparativement aux versions enregistrées, les solos sont joués avec un peu moins de conviction tout en restant très clean ; Chris Traynor apparaît en retrait sur les anciens titres, mais s’autorise quelques écarts salvateurs sur les singles du nouvel album. Ces quarante minutes assoient également la vitalité de Bush et de son leader, qui fêtera ses 60 ans la veille d’Halloween. Elles révèlent aussi des complémentarités fortes, comme celle qu’entretient Rossdale et l’indispensable Corey Britz à travers des harmonies et du soutien vocal renforcé, à l’instar du surpuissant « Flowers on a Grave » où les sorties de refrain se répandent en écho dans la salle. Le concert semble expéditif, tant les musiciens font l’économie des mots et enchaînent les titres sans flottement – aucun. Les voir ainsi atteste du professionnalisme des artistes pour qui être appelé en première partie implique un certain « effacement ».
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Crédit : Bush
Volbeat
La soirée connaît son tournant un peu avant l’arrivée des Danois : « Hells Bells » retentit, une toile géante sur laquelle apparaissent les ombres des garçons de Copenhague s’abaisse comme un rideau. Des symboles occultes défilent sur le drapeau, tandis qu’en « coulisse », les premiers riffs de « The Devil's Bleeding Crown » sont assénés. Volbeat se dévoile aux spectateurs et spectatrices après l’introduction. Amusé, Michael Poulsen se demande depuis combien d’années lui et son groupe n’ont pas foulé le sol norvégien – deux ans selon les informations de setlist.fm. Le chanteur excelle par ailleurs dans l’art des petites blagues, comme au milieu de la setlist, quand vient la trollesque « In the Barn of the Goat Giving Birth to Satan's Spawn in a Dying World of Doom » où il interroge le public sur le nom complet du titre, avant de déclarer qu’en lieu et place de la religion, ils croient « aux mères, aux pères et aux bonnes crèmes glacées ». De l’entame rockabilly aux références à peine voilées à Johnny Cash (« I walk the night ») s’ensuivent les images quasi subliminales du Bouc de Mendès projetées par intermittence sur les écrans géants au moment des couplets. Fidèle aux mêmes inspirations, « The Devil Rages On » se montre dans une version plus radicale, en allant puiser dans une psychobilly rampante, étrange, bien plus sombre qu'en studio. Une magie instrumentale, dont l’apothéose intervient lorsque les guitaristes et le bassiste décident de « riffer » en cercle, dans une configuration et une posture scéniques qui n’est pas sans rappeler Metallica.

Crédit : Volbeat
Si la réception est tout autre qu’en première partie de soirée, le groupe échoue toutefois à l’appel du crowd surfing ; le public est taciturne, alcoolisé, et a tendance à modérer ses applaudissements. Outre les nombreuses évacuations de personnes éméchées, du haut de la scène, le leader de Volbeat pointe du doigt un homme en proie à la bagarre. Mais sollicités sur les ballades, les gens allument volontiers le flash de leur téléphone, et le trouble s’atténue ponctuellement. Le set est donc empreint de spontanéité et de bons sentiments : Poulsen distribue des dédicaces à sa famille, à l'instar de « Fallen » composé en hommage à son défunt père, et ne manque pas d’attentions, à la fois pour ses fans et ses confrères de Bush. Une attitude classieuse qui se retrouve jusque dans les morceaux : de véritables millefeuilles musicaux où les accents thrash (hetfieldien ?) de God of Angels Trust ou du banger « Seal the Deal » se mêlent à des sonorités old-school de vieux rock stéréotypé ou de heavy traditionnel. Dans la foule, l'on aperçoit un grand nombre de jeunes vivant l’expérience d’un concert de Volbeat pour la première fois. Cette génération, censée représenter « la relève » aux yeux du quatuor, est invitée à monter sur scène durant « Still Counting ». Parmi la quarantaine de fans, certains headbangent, brandissent des pancartes ou cherchent à décrocher un selfie. Le moment venu, le chanteur place sa Gibson SG GT contre le ventre d’un enfant qui observe, heureux, la dextérité de son idole. Aucun classique n’est occulté, y compris les indéboulonnables « Heaven nor Hell » et la western-like « A Warrior’s Call », « stars » de la tournée européenne.

Crédit : Volbeat
Le concert existe sans période de rappel ; la surprise de « Still Counting » et du mashup final équivaut à ce scénario préparé. Aux alentours de 23 h, le stade s’éclaire et laisse apparaître une marée de déchets, notamment d’éco-cups abandonnés à même le sol. Les rangs se resserrent pour atteindre les extérieurs. Enfin, cette belle soirée alternative se clôt par un retour à l’appartement de location à Ullern ; nous atteignons l’atelier d’art de notre hôtesse à l’étage, ouvrons la fenêtre de toit et découvrons des aurores boréales d’un vert palpitant ondulant à l’horizon, visibles au-delà des arbres et des maisons. « Above heaven. »
Setlist :
- The Devil's Bleeding Crown
- Lola Montez
- Sad Man's Tongue
- Demonic Depression
- Fallen
- Shotgun Blues
- In the Barn of the Goat Giving Birth to Satan's Spawn in a Dying World of Doom
- By a Monster's Hand
- Heaven nor Hell
- The Devil Rages On
- Die to Live
- Time Will Heal
- Black Rose
- Seal the Deal
- For Evigt
- Still Counting (with Kids on Stage)
- A Warrior's Call / Pool of Booze, Booze, Booza





