
Chasse le Dragon #7 : Primal Fear, Fer de Lance, Ambush, Haunt...
mardi 30 septembre 2025
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Du heavy metal pour la rentrée ! L'été a été riche en sorties et la pêche a été fructueuse mais surtout très variée cette fois pour cette 7e édition de Chasse le Dragon. Du classique, de l'épique, du proggy et même un sacré OVNI. Et pour ceux d'entre vous qui veulent prolonger le plaisir, demandez le programme : des interviews avec Ambush, Wings Of Steel et Sabaton sont à prévoir sur Horns Up, ainsi qu'une chronique du Helloween qui méritait qu'on en parle plus en longueur. Restez connectés !
Groupes évoqués : Ambush | Speed Queen | Angel of Damnation | Haunt | Steroïd | Primal Fear | Fer de Lance | Phantom Spell | Firmament
Ambush – Evil In All Dimensions
Heavy/Speed metal – Suède (Napalm Records)
Malice : Parmi les héritiers spirituels d'Enforcer, et en provenance du même pays, Ambush a toujours fait partie des groupes les plus qualitatifs, même s'il manquait peut-être ce petit quelque chose faisant la différence. Et ce petit quelque chose, le voilà bel et bien trouvé par Ambush sur cet Evil In All Dimensions, leur premier album chez Napalm Records. Toujours portée par la voix fantastique d'Oskar Jakobsson, la musique d'Ambush se fait ici un peu plus variée, du heavy/speed qu'on leur connaissait déjà ("Evil in All Dimensions", "Iron Sign" et son slava ukraïna sans équivoque, le très Priestesque "Bending the Steel") à des tubes immédiats très 80s (le refrain de "The Reaper" est honteusement catchy).
Jakobsson se risque même à l'exercice casse-gueule de la "power ballad", souvent quitte ou double en heavy à l'ancienne, et s'en sort formidablement bien avec "I Fear the Blood" et ses airs de "Before the Dawn" (Judas Priest). Combinez les qualités d'Evil In All Dimensions au niveau très élevé atteint par Ambush, et vous avez la recette d'un succès annoncé : le futur du genre passera clairement par la Suède.
Speed Queen – ...With a Bang !
Heavy/speed metal– Belgique (High Roller Records)
Malice : J'ai déjà parlé à quelques reprises de Speed Queen ici, ayant découvert ces routiers du speed à la belge en première partie, justement, d'Ambush. Andreas Stieglitz, guitariste du groupe (et entre autres de Kate's Acid), m'avait soufflé et était de loin l'un des meilleurs guitar hero que j'ai eu l'occasion de voir en live. Problème : sur le plan vocal, ça ne suivait pas, et c'est bel et bien toujours Thomas Kenis qu'on retrouve au micro sur ce premier album de Speed Queen (après deux E.P en 2017 et 2020).
Alors, Kenis s'en sort-il mieux sur album ? En un sens, oui, car il ne tente rien qu'il ne sait pas faire, mais ses limites sont évidentes - le refrain du premier titre, "Showdown", très efficace et bardé de riffs, le montre d'emblée. "I Walk Alone" en devient presque pénible à l'écoute malgré de réelles qualités de composition. Cependant, Speed Queen a clairement entre ses mains l'un des meilleurs guitaristes du game (la démonstration de "Chasing Ghosts" !), et passe un solide palier par rapport à ses E.P. Nul doute que mes compatriotes trouveront leur public au sein de la scène, même si je continue de penser que le potentiel est là pour faire bien mieux... avec quelqu'un d'autre au micro.
Angel Of Damnation – Ethereal Blasphemy
Epic doom metal– Allemagne (Dying Victims Productions)
Malice : Après sept ans d'absence, Angel Of Damnation fait un retour assez attendu sur la scène avec cet Ethereal Blasphemy. Il faut dire que le groupe allemand est emmené par des gars au sacré CV : au micro, Gerrit P. Mutz est notamment vocaliste de Sacred Steel, et a enregistré deux albums avec Battleroar, groupe culte grec. Et depuis 2024, à la batterie, on retrouve rien moins que Neudi, batteur de Manilla Road de 2011 à la disparition du groupe (et de Mark Shelton), actuellement derrière les fûts dans Sentry, fondé par les anciens membres du groupe et dont nous parlions dans une rubrique précédente.
La personnalité éclatante de Gerrit Mutz teinte cet Ethereal Blasphemy de bout en bout, comme sur ce très bondissant "Warning from the Sky" aux accents de Reverend Bizarre ; si sa voix m'agace par moments sur Sacred Steel, il est l'un des points forts d'Angel Of Damnation, où ses airs de prêtre fou collent parfaitement à l'ambiance. Mais si Mutz est envahissant, le reste du groupe ne brille pas moins, Daniel Cichos maîtrisant parfaitement l'art de ralentir le tempo de ses riffs pour mieux repartir de plus belle ("Eternal Life in Hell", où Neudi brille de mille feux), ce qui rend cet Ethereal Blasphemy plus intéressant à chaque écoute. Après un guest assez marquant de Meister Cagliostro (Attic) sur "Hungry Hordes of Hades", Angel Of Damnation offre même une hilarante pièce de résistance : "Anal Worship of the Goatlord", aux textes absolument délicieux ("Now it's the time I must confess, I saw the goat and kissed his ass...") en plus d'être un incroyable titre d'epic doom à la Tales Of Creation. Dans un genre qui a sorti peu d'albums marquants cette année (corrigez-moi si je me trompe et communiquez-moi vos références), difficile de passer à côté de celui-ci !
Haunt – Ignite
Heavy mélodique – États-Unis (Indépendant)
Pingouin : La discographie prolifique de Haunt s'étoffe d'un album supplémentaire, le onzième en sept ans, rien que ça. Je ne vous cache pas que pour moi l'apogée du combo de Fresno a eu lieu en 2020 avec l'excellent Mind Freeze, et depuis je trouve que la musique du groupe sent un peu le réchauffé. J'avais presque lâché l'affaire et puis finalement j'ai jeté une oreille à Ignite, sorti le 13 août dernier.
Le constat est le même que depuis cinq ans : Haunt maintient le cap, avec son heavy metal mélodique et moderne, avec un son polissé et des lignes de chant accrocheuses, limite pop. Certains refrains sortent un peu du lot (« Eventide ») mais vraiment ça n'est pas marquant. C'est dommage parce que vraiment les guitaristes de Haunt sont virtuoses, la voix de Trevor William Church est belle et se marie parfaitement avec les riffs qu'il a lui-même composé. Bref, cet énième album des Californiens est un exercice de style, acrobatie exécutée par des professionnels, mais allez-y reproduiez-la chez vous, ça n'est pas si risqué.
Steroïd – Chainmail Commandos
Heavy metal / Egg punk– Australie (Indépendant)
Matthias : La mode est par définition insaisissable ; mais la tendance camail et fléau d'armes se maintient, en général sur un fond aux couleurs criardes, tendance surlignage au Stabilo. En pensera au New Wave/punk de Poison Ruïn, ou encore à Masse d'Armes au rayon dungeon synth – forcément. Si Steroïd côtoie quelque peu ces deux univers, il garde aussi une botte cloutée fermement ancrée dans le heavy metal – où on a vu aussi des coiffes de mailles (Eternal Champion), mais finalement pas tant que ça.
Visuellement, le projet australien tape TRÈS fort. Et musicalement aussi, il arrive à surprendre. Car si les compositions restent fidèles à une NWOBHM encore fort teintée de punk rock et de garage – très tangible sur « Chainmail Commandos » ou « The Mainstage » – et bien, il y a la voix. Gordo Blackers, le seul membre crédité derrière Steroïd, a clairement distordu son chant pour le faire sonner nasillard, enfantin et même assez franchement uncanny. Tout en restant juste, malgré l'impression persistante de l'entendre à travers un tuyau de polystyrène. Les plus jeunes parleront d'une touche volontairement lo-fi, egg punk, mais je suis définitivement trop vieux pour ces tendances issues de memes sur l'internet. Personnellement, j'ai un peu l'impression d'entendre un personnage de dessin animé de mon enfance, mais c'est libre à interprétation, et je vous laisse vous faire une opinion. Le twist étant que je n'ai pas la moindre idée d'à quoi sonne la voix « normale » du chanteur, puisque je le connais sous le nom de Lord Gordith, le claviériste derrière le très chouette projet dungeon synth Quest Master.
Cela dit, si Steroïd désarçonne, l'album ne ralentit à aucun moment, tous les potards à fond dans son véhicule blindé lancé à tout berzingue dans les ruines de Sydney. Le carreau ouvert pour bien faire profiter les goules de l'enchaînement « Bastard Town ».- « Nowhere to Run ».
Chainmail Commandos est une curiosité, un gag même, mais délivré avec un sérieux et un professionnalisme à toute épreuve. Je ne suis pas certain que la blague fonctionnerait encore aussi bien sur un second opus, mais je reste quand même fort curieux de la suite. Car Steroïd se produit en live, et sera d'ailleurs de passage à Paris le 19 novembre au Cirque Électrique.
Primal Fear – Domination
Heavy metal – Allemagne (Reigning Phoenix Music)
Malice : Primal Fear, c'est la « Deutsche qualität » : des albums tous les 2 ou 3 ans, interchangeables jusqu'à leur pochette et leur nom, rarement mauvais mais rarement dignes de louanges. Le genre de groupe que tu ne zapperas jamais si on le met dans ta playlist, que tu iras voir avec plaisir en live, mais ça s'arrête à peu près là – un steak-frites musical.
Pourtant, même un steak-frites, plat efficace par excellence, peut avoir une cuisson plus ou moins réussie et des frites plus ou moins savoureuses. Si Seven Seals (2005), New Religion (2007) ou Jaws Of Death (1999) étaient du Black Angus avec frites à la graisse de boeuf, depuis quelques années (à peu près depuis Apocalypse, en 2018), on était sur de la semelle avec frites surgelées. Ce Domination, je l'ai donc écouté initialement avec peu d'attentes et d'intérêt... et quelle bonne surprise ! Primal Fear sort clairement son album le plus inspiré depuis Rulebreaker (2016), si pas avant. Est-ce l'arrivée, enfin, de sang frais aux guitares pour la première fois depuis 2011 ? Thalia Bellazecca, jeune italo-cubaine de 25 ans, a en effet rejoint le groupe et amène clairement sa patte (le solo néoclassique de l'excellent « Far Away »). Son CV pouvait pourtant laisser sceptique puisqu'elle officie dans Angus McSix, side-project de l'ancien chanteur de Gloryhammer dont l'inspiration est au mieux relative.
Ralf Scheepers, évidemment, reste un vocaliste de tout premier plan mais est enfin bien aidé par des titres marquants (le tube « I Am the Primal Fear », l'épique « Eden » qui ramène aux belles années de New Religion). Comme sur chaque album de Primal Fear, il y a du déchet – ça frise l'heure, soit un bon quart d'heure de trop – mais sans qu'on puisse classer Domination dans la pile des oubliables. Une vraie bonne surprise !
Fer de Lance – Fires on the Mountainside
Epic Doom Bathoryesque – États-Unis (Cruz Del Sur Music)
Malice : Je me contredis quelques lignes après avoir écrit plus haut que le doom épique n'avait pas sorti grand chose cette année, car voilà déjà un deuxième album du style à vous conseiller ce trimestre, et cette fois, on parle vraiment d'un incontournable : Fer de Lance sort avec Fires on the Mountainside une véritable pépite, que j'avais cité en fin de Chasse précédente mais qui mérite sa propre entrée.
Le groupe de Chicago avait déjà impressionné avec The Hyberborean mais passe probablement un palier sur tous les plans avec ce deuxième opus, qui commence par un titre éponyme longuet, mais cochant toutes les cases tout en mettant l'auditeur en confiance. Avant de l'embarquer dans un voyage : Fer de Lance est capable de mettre autant d'informations sur les 5 minutes de « Raven's Fly (Dreams of Daidalos » (ces notes de clavecin et d'orgues, ces choeurs!) qu'en 12 minutes du titre d'ouverture. Il y a énormément du Bathory le plus épique et le moins extrême chez Fer de Lance, et si vous ne l'avez pas compris après deux titres, les atmosphères carrément black metal de « Death Thrives » achèveront de vous en convaincre. MP (chant) y double son chant le plus agressif avec des montées pouvant rappeler l'inégalable et regretté Agyll (Scald, avec lequel la comparaison a également beaucoup de sens).
Chaque titre déborde d'idées et d'atmosphères : ces ambiances orientales sur le pont de « Death Thrives » et sur le final « Tempest Stele », le doom bien plus classique de « The Feast of Echoes », calqué sur un rythme à la « Heaven & Hell » et où MP tente ses plus belles imitations de Ronnie James Dio (est-ce un hasard si le titre suivant s'appelle « Children of the Sky & Sea » ?). Fires on the Moutainside, riche, varié, fascinant, est clairement l'un des albums à ne pas manquer cette année pour tous les amateurs du style – ou plutôt des styles, tant il est difficile à classer dans une seule case. Et évidemment que ça nous vient de Cruz Del Sur, un label qui tape quand même rarement à côté !
Phantom Spell – Heather and Hearth
Progressive hard rock – UK (Wizard Tower Records)
Circé : Déjà 3 ans que Phatomn Spell avait inscrit son nom dans la liste des groupes à suivre avec Immortal Requiem, un premier album porté par un seul homme, Kyle McNeill, que vous connaissez peut ëtre via son groupe Seven Sisters. Marquer les esprits dès le premier essai reste toujours à double tranchant, lorsque le second chapitre s'annonce. Etait-ce une lune de miel vouée à tourner au vinaigre, un bref éclair de beauté dans une scène surchargée, ou une valeur sûre qui saura continuer à tenir ses promesses une fois le coup de foudre initial passé ?
Eh bien non, Heather and Hearth ne décevra pas. Son créateur continue de référencer les meilleurs noms que son pays a pu nous donner dans les 70s, des plus progs aux plus hard rock, de Jethro Tull à Wishbone Ash en passant par Rainbow ou Uriah Heep. L'album délaisse cependant les aspects plus directement metal de Immortal Requiem, les refrains accrocheurs, les structures plus concises et les riffs épiques. Mais ce qu'il perd dans ce domaine, il le rattrape par ses mélodies accrocheuses, une avalanche d'orgue Hammond encore plus grande qu'avant, une composition progressive parfaitement maîtrisée qui crée un sens de l'épique plus grand, plus fantastique. Heather and Hearth assume complètement son aspect narratif et son amour pour la fantasy, emportant son auditoire dans une épopée tantôt rapide et nerveuse, tantôt douce et nostalgique, passant d'un registre à l'autre avec aise et mêlant habilement ses influences hard rock, progressives et folk, ces deux dernières prenant clairement le pas sur la première. A cet égard, Immortal Requiem était peut-être un album plus équilibré, et on peut regretter l'absence de refrains aussi entêtants que celui de « Dawn of Mind » l'était. Mais Heather and Hearth le surpasse dans la subtilité et l'habileté de sa composition, le travail apporté à ses ambiances et sa cohérence globale.
Firmament – For Centuries Alive
Heavy Mélodique – Allemagne (Dying Victims Productions)
Circé : Dying Victims Productions sont tellement productifs, et ont généralement tellement bon flair, que nous n'avons pas un, mais bien deux groupes de leur roaster dans notre sélection cette fois-ci
Jeune groupe allemand dont le label avait également sorti le premier album en 2023 ainsi qu’un split avec Midnight Prey, Firmament a sorti ce mois-ci son deuxième album, For Centuries Alive. Avouons-le, une pochette aussi belle, c’est un peu comme du clickbait. Mais le contenu en vaut l’écoute ! Mélange de heavy ultra mélodique et de hard rock, Firmament crée un album sonnant beaucoup plus britannique qu’allemand tout en parvenant à se créer sa propre identité en créant une faille spatio-temporelle entre les 80s et les 70s. On oscille entre morceaux cavalant au rythme de mélodies et d’harmonies à la Maiden (dont le chant s’inspire fortement également) et de mid-tempos permettent les influences 70s à la Blue Öyster Cult de briller. Tantôt épique, tantôt groovy, tantôt mélancolique, le groupe arrive à faire de tout cela un hybride au charme indéniable, qui pêche peut être uniquement par sa structure : les morceaux les plus rapides et directs sont au début, ce qui peut créer un sentiment de perte de vitesse, alors que les derniers morceaux valent tout autant l’écoute.
Quelques compléments de dracologie :
Pour ceux qui trouvent que cette sélection manque un peu de power mélodique de qualité (oubliez donc le Helloween), jetez une oreille au très sympathique Ice and Death de Reinforcer. Plaisir d'écoute garanti, même si au final un peu oubliable.
On ne résiste pas à l'appel d'un peu d'exotisme : le heavy en espagnol a toujours son petit charme et le premier album des Argentins d'Awqanákuy, Supraconciencia, peut donc vous intéresser. Le condor mécanique de la pochette, référence claire à Screaming For Vengeance, annonce la couleur, même si Awqanákuy reste bien plus mélodique et FM que Judas Priest. Une curiosité pour fans d'Angeles Del Infierno en manque, mais il y en a certainement !
Certains sont peut-être passés à côté, car on a tout de même tendance à souvent retourner écouter Nosferatu ou Burning Star, mais Helstar a sorti un album,The Devil's Masquerade, ce mois de septembre. James Rivera s'en tient surtout à son mid-range mais reste un vocaliste plein de personnalité, ce qui n'empêche pas ce nouvel album d'être un peu anecdotique, à l'image de son dernier morceau où sept (!) vocalistes tapent le feat, dont Robert Lowe (Solitude Aeternus) Travis Willis (Crimson Glory) et George Call (ex-Cloven Hoof).