
Iron Maiden - "Run for your lives" @ Lyse Arena, Stavanger (NO)
Lyse Arena - Stavanger

hell god baby damn no!
8h de train de nuit, pour me réveiller à l'autre bout de mon pays d'adoption, dans la belle et vivante ville de Stavanger. Il y a des occassions qui ne se manquent pas, et voir Iron Maiden en fait partie, malgré l'angoisse que peut me provoquer l'idée d'un énorme concert en arena. C'est aujourd'hui le stade de foot local qui accueillera les Anglais, sous un soleil bienvenu éclipsant la pluie annoncée.
Je trouve ma place sur les gradins alors qu'Halestorm a commencé à jouer depuis déjà quelques minutes. Lizzy Hale a un charisme indéniable et une présence scénique immanquable. Son chant est fort et porteur. Tellement porteur qu'il porte lui-même l'entièreté de chaque morceau du groupe, parce qu'avouons-le... Il n'y a pas grand chose d'autre, chez Halestorm. Il faudra d'ailleurs attendre les derniers morceaux pour qu'on commence à entendre les guitares, ses vocalises autrement uniquement ponctuées par les gros impacts d'une batterie simple et répétitive. Et même lorsque les guitares deviennent audible, elles ne semblent pas ajouter grand-chose. Malgré tous mes efforts, impossible de rentrer dedans. L'ambiance assez morte du stade n'aide sûrement pas : le public autour de moi n'est clairement là qu'en attente de la tête d'affiche, et la fosse est loin d'être remplie.
Après 45mn de jeu d'Halestorm et une demie heure de changement de set, la tradionelle mise en bouche de "Doctor Doctor" résonne à travers le stade - la tension monte.
Il faut dire que “Run for your lives”, nom de cette nouvelle tournée, a beaucoup de poids sur ses épaules. Maiden fête en effet ses 50 ans avec à la fois la promesse d'une setlist faisant office de best-of oldschool et celle d'une toute nouvelle production. Ladite setlist, dévoilée le soir du premier concert de la tournée, s'avère bel et bien à la hauteur de l'annonce : on regrette certes l'occultation complète de No Prayer for the Dying, mais le reste n'est qu'un enchaînement de tubes, à tel point qu'on entend vite beaucoup de plaintes regrettant l'absence de perles rares. Mais on ne va pas se mentir, lorsqu'on s'appelle Iron Maiden, on peut se permettre de faire un concert best-of, car il y en a tellement. Certains des morceaux de ce soir n'ont pas été joués depuis dix ans – cela reste donc une exclusivité pour toute personne n'ayant pas pu suivre chacune des tournées du groupe depuis les 80's. Un bel hommage à Paul Di'Anno, une triplette du très populaire Powerslave incluant “Rime of the Ancient Mariner”, toujours très demandé par les fans, les deux morceaux les plus progressifs (et les meilleurs, en toute objectivité) de Seventh Son of a Seventh Son... Maiden a de quoi construire une setlist certes très consensuelle, mais variée et bien représentative de ses dix premières années de carrière.
"Run for your lives" a aussi la lourde tâche d'introduire un nouveau batteur, Simon Dawson, alors que Niko McBrain a pris sa retraite live après 43 ans de bons et loyaux services. Quand beaucoup de groupes doivent leur longévité à de nombreux changements de lineup, Maiden peut se targuer d'être une formation stable conservant des membres d'origines et n'ayant pas bougé d'un poil depuis les années 90 - c'est la première fois depuis 1982 que le groupe joue avec un autre batteur. On s'en doute bien sûr, Dawson ne sort pas de nulle part : batteur du projet solo de Steve Harris British Lion, il a une carrière assez longue et varié allant du heavy au death metal, promettant un jeu versatile au possible. Son jeu sur scène est irréprochable, et il se fond complètement dans l'alchimie du reste du groupe.
Comme Ghost dernièrement, Maiden a décidé d'interdire les téléphones lors du concert ; aucun dispositif n'est en revanche réellement mis en place. On regrette d'ailleurs que l'information n'aie pas été clairement communiquée en amont ni en arrivant sur place, hormis quelques posts sur les réseaux sociaux. L'info est apparemment affichée sur les écrans à côté de la scène avant le concert, mais oh comble de l'ironie... Votre serviteur est déficiente visuelle, et incapable de voir lesdits écrans sans zoomer dessus grâce à, vous l'aurez compris, mon téléphone. Qui me servira aussi lors du concert à voir ce qu'il se passe sur la mise en scène, ma place étant bien trop loin pour me permettre d'y voir quoi que ce soit autrement. Et si je comprends et approuve l'initiative d'un concert sans téléphone où l'on profite réellement de l'instant, encore faudrait-il que la politique soit claire. Ou simplement que le public soit un minimum responsible et puisse avoir un usage raisonnable de son téléphone en concert par lui même, ce qui me permettrait de garder le mien au lieu de devoir amener des jumelles pour savoir ce qu'il se passe sur scène. Laissez-moi rêver.
Passons au vif du sujet : la scène dévoile bientôt un énorme écran qui nous transporte dans des rues londoniennes sombres et glauques au rythme de « The Ides of March » en fond – jusqu'à dévoiler nos 5 British gentlemen sur scène qui entament « Murders in the Rue Morge ». Suivi de « Wrathchild » et « Killers », c'est un début de concert frontal et explosif, une entrée en matière radicale et un superbe hommage à Paul Di'Anno, décédé l'an dernier. Bruce Dickinson s'imerge complètement dans la nervosité du chant punkisant. Y a t-il quoi que ce soit que cet homme ne puisse pas chanter ? Il est à peine reconnaissable, si ce n'est par quelques touches personnelles sur certaines fins de phrases. Il prend tout de même beaucoup moins de libertés vocales que lorsqu'il chante « ses » morceaux – il faut dire que le style le permet moins.
L'hommage à Di'Anno se termine donc avec l'icônique « Phantom of the Opera ». Alors que techniquement plus ancien que les trois morceaux précédents, c'est une excellente transition entre le Maiden période Di'Anno et la seconde partie de la setlist – plus mélodique, plus posée, sans tomber dans la théâtralité de ce qui a beaucoup fait du Maiden post-81.
Théatralité est ici le mot. Vous l'aurez compris, la nouvelle scénographie plus incroyable que jamais qu'on nous a promise est entièrement basée sur cet écran géant. Tantôt utilisé de manière basique pour diffuser ce qui sont essentiellement des clips – un mini film d'horreur en noir et blanc sur « The Number of the Beast », des images phantasmagoriques sur « Rime of the Ancient Mariner »,... D'autres morceaux exploitent un peu plus le medium, permettant une nouvelle version très impressionnante de l'Eddie géant sur « Iron Maiden » ou des jeux entre la scène et l'écran sur « Hallowed be Thy Name ». Bruce Dickinson commence l'intro enfermé derrière les bareaux, puis court pour se retrouver... Sur l'écran, chassé par un fantôme, courant inévitablement vers le nœud de pendu.
Cette tournée est donc certes une grosse dose de nostalgie, mais le groupe a réellement réimaginé une scénographie avec l'aspect narratif de leurs morceaux comme pilier central, auquel l'écran donne vie, mêlant leurs classiques des 80s aux nouvelles technologies. Et on en ressort en ayant l'impression d'avoir assisté à quelque chose de frais, de nouveau, de contemporain, parcouru de refrains intemporels. Il y a une certaine magie dans l'air, en se laissant emporter par toute cette succession de riffs et de refrains iconiques tout en se perdant dans les images colossales projetées.
Mon seul regret – mais c'est une préférence scénographique personnelle – est que l'omniprésence de l'écran empiète un peu sur ce qui se passe sur scène, en particulier avec un frontman aussi frénétique que Bruce Dickinson. On a cependant bien sûr quelques morceaux sans projections, et de l'action sur scène avec des apparitions d'Eddie. En version old school assoiffé de sang sur « Killers », et en uniforme sur « The Trooper », il est toujours impresionnant de voir sa figure courir après les membres du groupe et manquer de les décapiter. Mais en dehors des projections, c'est au final un show assez épuré sur scène, avec peu de lumières et quasiment aucune pyro. Certes, la lumière nocturne de la Norvège en juin y joue sûrement – le tout rend certainement mieux dans le noir.
Cette partie centrale du concert alterne habilement les morceaux les plus directs et les plus progs, « The Number of the Beast », « Run to the Hills » et « The Trooper » disséminés au milieu pour garder l'attention de tout le monde. Parce qu'avouons-le, si c'est une tournée trop « mainstream » pour les fans, dans les tribunes autour de moi, la plupart du public ne semble se réveiller que pour ces trois morceaux. Personne ne bronchera d'ailleurs autour de moi pour participer au rappel, qui semble effectué à 80% par la fosse.
Le groupe revient rapidement sur « Aces High », aux projections impressionnantes – mais je me souviens d'avoir vu un véritable avion sur scène lorsque j'ai vu Maiden en 2018, et j'avoue trouver cela plus marquant que des images. « Fear of the Dark » suit avec une mise en scène léchée, le chanteur s'avançant lanterne à la main, sa silhouette se détachant sur une immense pleine lune. « Wasted Years » clot la soirée après presque 2h de show – un morceau plein d'émotions, aux riffs et au refrain faits pour la grandeur d'un stade – un final digne de ce nom.
Cinquante années de carrière, et les vétérans sur scène semblent avoir l'énergie et l'enthousiasme de leurs vingt ans. Oh, et ne dites pas à Bruce Dicksinon qu'il a 67 ans et a survécu à une tumeur à la langue - il ne semble pas s'en souvenir. Etre en début de tournée aide sûrement, mais l'homme enchaîne les prestations vocales de haute volée sur une setlist lui demandant tantôt des couplets rapides sans respiration, des refrains en voix de tête, des envolées lyriques, des notes à tenir pendant ce qui semble une éternité... Le tout en continuant de sauter et de courir partout sur scène, mi-acteur, mi-conteur, mi-chanteur. Après cinquante ans de carrière, peu de groupes peuvent se targuer de jouer avec une telle énergie tout en décidant de complètement revoir un live show rodé pour une nouvelle production à la pointe de la technologie. Car on sait bien que surfer sur la nostalgie fonctionne en soit – mais Maiden a tout de même cherché à créer quelque chose de neuf avec cette tournée de classiques.
Bravo, messieurs, et merci. Il y a des concerts qui ne s'oublient pas.
Setlist :
(The Ides of March)
Murders in the rue Morgue
Wrathchild
Killers
Phantom of the Opera
The Number of the Beast
The Clairvoyant
Powerslave
2 Minutes to Midnight
Rime of the Ancient Mariner
Run to the Hills
Seventh Son of a Sevent Son
The Trooper
Hallowed be thy name
Iron Maiden
------------
Aces High
Fear of the Dark
Wasted Years