
Punkach' renégat hellénophile.
C'est peu de dire qu'il y a eu un phénomène Castle Rat. Avec un unique album à son actif l'année dernière, le groupe de Brooklyn a fait salle comble à travers les USA, avant une grande tournée européenne qui a culminé avec des concerts très remarqués dans des festivals comme le Desertfest, le Hellfest ou le Copenhell.
Il faut dire que bien des astres étaient alignés : la Rat Queen et ses créatures sont arrivées au bon moment, entre revival heavy/doom et nouvel engouement pour la fantasy. Et puis l'album, Into the Realm, s'avérait efficace, certes pas novateur, mais taillé pour plaire au plus grand nombre, avec ses riffs fédérateurs tout droit sortis des 70's. Et bon, on ne va pas se mentir, la Rat Queen elle-même, Riley Pinkerton, a eu un effet certain pour que le groupe soit remarqué, encore que sur scène, les personnages qui l'accompagnent ont aussi droit à leurs moments de gloire.
En fait, si Castle Rat a tant marché, c'est à mon sens aussi parce que le groupe arrivait avec un lore. Un univers complexe bien à lui, ancré dans la sword&sorcery des années 70 et 80, plutôt que de lister des poncifs du style (une chanson sur la vitesse, une autre sur les virées nocturnes, puis une ballade… Le heavy metal est un bingo). Ce n'est pas pour rien que Pinkerton cite Black Sabbath, certes, mais aussi Frank Frazetta comme ses deux grandes inspirations. Alors que le metal à voix claire et sa horde sauroctone reviennent en force, ce sont pour moi les groupes qui jouent à fond la carte de l'escapisme qui s'en sortent le mieux.
Reste que ce lore, il faut le nourrir. C'est ce que propose de faire The Bestiary, second album financé sur Kickstarter, avec à la clef un succès critique à 139.000 dollars. Sauf que la recette, cette fois, ne prend pas.
Pourtant, la magie commence par s'élever, à son rythme, et les riffs hypnotiques de « Wolf I: Tooth & Blade » puis « Wizard: Crystal Heart » font leur petit effet et apportent leur consistance à un chant vaporeux. L'ennui, c'est que tout l'album apportera peu ou prou la même chose, les mêmes riffs doomissimes au service de compositions qui se perdent à force de vouloir coller au son de Black Sabbath. Riley Pinkerton ne débride un peu sa voix que sur un « Siren: The Pull of Promise » qui nous offre une guitare un brin plus incisive, mais une fois passés ces quelques morceaux encore sympathiques, The Bestiary se révèle bien plat.
Là où son prédécesseur savait groover ou nous offrir des pics de folie, ce second album se contente d'enchaîner les pistes mid-tempo et les nappes de brumes vocales. Castle Rat bénéficiait en fait des aspérités de Into the Realm pour nous accrocher à son univers pulp ; ici, rien de too much, rien qui dépasse, la production est si propre que la musique semble lissée, et inévitablement, l'ensemble se retrouve vite à tirer en longueur.
Dans The Bestiary, il y a bien quelques pages, quelques lignes, qui nous accrochent : « Wolf II » ou « Dragon: Lord of the Sky » arrivent encore à invoquer un certain mystère. Mais cela ne dure jamais, et franchement l'album en devient difficile à écouter d'une traite. On ne peut que supposer que The Bestiary a été sorti dans la hâte, pour profiter de l'engouement suscité l'année dernière. Car il ressemble véritablement à un bestiaire de JDR : une collection de passages plus ou moins intéressants dans lesquels piocher pour prolonger son aventure, mais qui n'apportent rien sans un cadre autour.
Tracklist :
Phoenix I: Ardent
Wolf I: Tooth & Blade
Wizard: Crystal Heart
Siren: The Pull of Promise
Unicorn: Carnage and Ice
Path of Moss
Crystal Cave: Enshrined
Serpent: Coiled Figure
Wolf II: Celestial Beast
Dragon: Lord of the Sky
Summoning Spell
Sun Song: Behold the Flame
Phoenix II: Cinerous