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Album

02 mai 2025 - Team Horns Up

Machine Head

UNATØNED

LabelNuclear Blast
styleGroove metal
formatAlbum
paysUSA
sortieavril 2025
La note de
Team Horns Up
3/10


Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Simon : Véritable requin californien, Machine Head a aussi une carrière en dents de scie. Après la sortie de route qu’avait été Catharsis, le groupe revenait de loin. S’il n’avait pas su reconvaincre une partie de son public, il avait pu remonter dignement la pente avec ØF KINGDØM AND CRØWN en réinvoquant les atouts qui avaient fait le succès de The Blackening (riffs fracassants, longs titres épiques, critique sociale fédératrice plutôt que clivante), sans toutefois prétendre arriver à la cheville de son opus magnum.

L’esthétique du onzième album UNATØNED s’installe dans la continuité de ØF KINGDØM AND CRØWN avec des titres en majuscules aux lettres Ø pour remplacer les O (histoire de bien faire criser les Norvégiens et Danois). La rédaction d'Horns Up s’excuse déjà de conserver cette typographie dans cette chronique par respect pour ce choix artistique. La pochette macabre riche en symboles est à nouveau réalisée par Seth Siro Anton (Septicflesh), toujours à base de cornes de bélier, avec le téton pudiquement censuré de cette funeste madone sur les plateformes d’écoute.

N’attendez pas de titres épiques sur ce disque. Avec quarante-et-une minutes sur 12 pistes, UNATØNED est l’album le plus court de Machine Head. L’écriture de titres de trois minutes était un parti pris dès le départ, et il n’est pas anodin. Exit les progressions, les montées de tension, les pics massifs salement bien construits : ici, on va à l’essentiel du début jusqu’à la fin et on enchaîne les couplets-refrains les plus racoleurs et dégoulinants de mièvrerie, entrecoupés de pathétiques pastiches du groove metal de Machine Head. Les titres aux structures basiques recyclent péniblement toutes les tentatives lamentables d’être moderne et accrocheur. Eu égard à tous les échecs de la bande de Robb Flynn, jamais un album de Machine Head n’a sonné aussi creux et convenu.

Avec « LANDSCAPE ØF THØRNS », piste instrumentale qui sert à peine de hors d’œuvre, on embraye sans transition ni préliminaire sur « ATØMIC REVELATIØNS ». Après tout, « Davidian » et « Ten Ton Hammer » n’avaient pas besoin d’introduction orchestrale sophistiquée pour vous défoncer le crâne, et même Catharsis commençait brutalement avec « Volatile » avec la démarche de rentrer dans le lard direct. Mais la dynamique est totalement confuse avec « ATØMIC REVELATIØNS » dès les premiers accords, après de légères notes de piano mélancoliques. La batterie s’emballe fastidieusement, alignant les changements de rythme sans causer le moindre dommage. À l’instar de « UNBØUND », les riffs sont d’une pauvreté affligeante, beaucoup plus lisses et loin du son corrosif classique de Machine Head. Éternelles marques de fabrique, les harmoniques naturelles sont évidemment de la partie pour contraster les notes graves, mais malgré la débauche d’effets, à aucun moment les riffs ne me saisissent. Unique titre dépassant la barre des cinq minutes, « BLEEDING ME DRY » est embarrassant avec ses guitares dissonantes, grinçant comme mes dents à l’écoute d’une telle bêtise. Le ton emprunte désormais davantage à la vulgarité crasse de Five Finger Death Punch qu’à la cisaille lourde quasi dramatique qui avait fait la réputation de Machine Head. Ne parvenant pas à trouver leur place sur des formats si expéditifs, les solos de guitare sont souvent relégués à l’anecdotique. Est-ce normal que le seul moment où j’apprécie l’écoute est un interlude instrumentale atmosphérique, « DUSTMAKER » ? Rare expérimentation de goût dans un disque sans saveur.

 

 

Comme à son habitude, Robb Flynn ne s’arrête jamais avec un débit fatiguant. Étonnamment, les grognements du frontman sur tout l’album paraissent éreintés comme jamais, comme s’il avait une mauvaise toux ou perdait son souffle. Flynn met davantage à contribution son chant clair avec des tentatives forcées d’écrire des hymnes qui tombent à l’eau les unes après les autres. Le chanteur s’égare complètement sur le pont de « NØT LØNG FØR THIS WØRLD » dans un registre vocal sans aplomb, sur un titre mélodique à des années-lumière de ballades viscérales comme « Now I Lay Thee Down » ou sensibles comme « Darkness Within ». Paresseuse redite précipitée de « MY HANDS ARE EMPTY », les « ooaaooaa » de « BØNESCRAPER » me font lever les yeux jusqu’à les décrocher de leur orbite. Les refrains de « ØUTSIDER » s’invitent à chaque fois comme une mouche dans la bière.

Si la musique tombe plus bas encore que le naufrage qu’avait été Catharsis, Robb Flynn s’épargne au moins les paroles maladroitement cash à base de name dropping et d’egotrip qui avaient multiplié les malaises chez les fans. Hormis le pseudo hymne rassembleur bas du front « UNBØUND » réunissant toutes les phrases clichées, Machine Head renoue avec des textes forts et imagés sur les thèmes de prédilection du groupe : guerres (« ATØMIC REVELATIØNS », « SHARDS ØF SHATTERED DREAMS »), politique et religion (« SCØRN »), addictions (« BLEEDING ME DRY »). « ADDICTED TØ PAIN » évoque également avec amertume le rapport toxique à la célébrité. Là où Catharsis n’avait pas peur de cibler ses adversaires, ce disque montre plus de retenue. Les temps ont changé et les artistes ont appris à se tenir à carreau à force de voir les esprits chagrins se lamenter sur les engagements politiques de groupes qui ont pourtant ouvert leur gueule pendant toute leur carrière. Cette fois cependant, Flynn a trouvé les mots justes, à défaut de compter sur un meilleur support musical pour lui donner de la force.

Préférant barrer les O, Machine Head ne parvient pas à mettre les points sur les I. La lame s’est émoussée par paresse d’écriture et une volonté manifeste d’écrire la musique la plus directe possible en s’épargnant toute fioriture. En retombant dans les travers de Catharsis, Machine Head flingue tout arc rédempteur et récidive avec un album abyssal, sans aucun repentir.

Le plus affligeant est que là où les errances passées avaient eu l’effet d’un électrochoc, cette nouvelle débâcle ne surprend plus. Seul capitaine à bord, comme il l’a toujours souhaité, Robb Flynn n’a plus que des « yes men » autour de lui, et plus personne pour recadrer ses idées. À titre personnel, si je faisais partie des rares à trouver des arguments à Catharsis, il n’y a plus rien à sauver sur UNATØNED. Sans attendre un album concept, j’aurais aimé que l’album suive au minimum la trajectoire de ØF KINGDØM AND CRØWN, ce qui aurait déjà été honorable.

 

Tracklist :

  1. LANDSCAPE ØF THØRNS (00:31)
  2. ATØMIC REVELATIØNS (03:41)
  3. UNBØUND (03:56)
  4. ØUTSIDER (03:56)
  5. NØT LØNG FØR THIS WØRLD (03:55)
  6. THESE SCARS WØN’T DEFINE US (03:30)
  7. DUSTMAKER (02:10)
  8. BØNESCRAPER (03:33)
  9. ADDICTED TØ PAIN (03:10)
  10. BLEEDING ME DRY (05:36)
  11. SHARDS ØF SHATTERED DREAMS (03:28)
  12. SCØRN (04:16)

 

 

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