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mercredi 20 mars 2024

Botch + Great Falls @Bruxelles

Botanique (Orangerie) - Bruxelles

Hugo

J'écoute que du rap et de la techno en vrai.

Programmation dantesque au Bota’ en ce 15 mars, avec de nombreux concerts programmés ! D’un côté, on retrouve le rappeur new-yorkais MIKE, dont j’ai déjà parlé dans nos pages (oui oui, à l’occasion de son passage à l’Outbreak Fest), et de l’autre Hannah Jagadu, artiste très prometteuse signée chez Sub Pop. Au vu du nombre inhabituellement élevé de personnes portant des chemises flanelles dans l’assistance, on devine aussi qu’un autre style de musique est à l’honneur ce soir… à savoir le dernier passage en Belgique du groupe Botch ! Retour sur une belle soirée dans la grande salle de l’Orangerie.

Great Falls

Great Falls est un groupe originaire de Seattle, que j’ai découvert avec son très bon dernier album Objects in Pain, comme beaucoup d’autres personnes il semblerait. Une belle première partie, donc, proposant un genre de sludge metal bruyant (on pense à certains moments de KEN Mode et Neurosis), doté de nombreux moments plus émotifs lorgnant du côté du post-hardcore. En somme, un bon mélange entre le côté assez hermétique propre à ce genre de musique, avec des instants plus fins qui démarquent le groupe de pas mal d’autres.

Avec une entrée sur scène classique mais ultra efficace, le chanteur débutant a cappella sans utiliser son micro, on sent que le groupe décide de mettre la barre assez haut dès les premières secondes.Malheureusement, le son est assez moyen, en tout cas au début, et on perd pas mal des subtilités de l’album dans le riffing notamment. C’est assez fort, plus énervé qu'en studio, mais quand même captivant car chacun des trois musiciens excelle franchement dans son registre.

L’instant le plus marquant du set reste le dernier titre interprété ce soir, « Thrown Against the Waves », déjà parmi les grands moments de l’album. Découpé en plusieurs temps, le morceau est notamment construit autour d'une superbe montée en puissance, ultra bien retranscrite en live (d’autant plus que le son s’est amélioré entre temps). Tout nous amène vers l’explosion finale, avec l’addition notamment de plusieurs loops légèrement dissonants, laissant par ailleurs beaucoup de place au chant, puissant et déchirant. Aucun doute sur le fait que les gars de Great Falls ont de beaux jours devant eux.

 

©Hugues de Castillo / Liberation Frequency​

Botch

Botch est l’une des formations majeures du style chaotic hardcore (mathcore fonctionne aussi), formée en 1993 par des lycéens qui sortiront quelques années après plusieurs albums devenus cultes. Le groupe se sépare néanmoins en 2002, après un ultime concert à Seattle, paru en DVD sous le titre 061502. Pour beaucoup, les membres du groupe compris, cette séparation est perçue comme étant relativement précoce, la discographie du groupe étant jusqu’alors impeccable, avec la doublette culte American Nervoso / We are the Romans, et le magnifique EP final An Anthology of Dead Ends.

Surprise, en 2022, Botch se reforme après une signature chez Sargent House, et se permet même de sortir un (très bon) nouveau single, « One Twenty Two ». Le morceau évoque directement les droits sexuels et reproductifs, et sort peu de temps après le revirement de jurisprudence par la Cour suprême américaine sur l’arrêt Roe v. Wade. Tout porte à croire que Botch ne prend pas ce comeback à la légère, ayant à coeur de rester pertinent tant sur le plan musical que sur le fond, ce qui participera aussi à la hype autour des futurs concerts du groupe. Plusieurs dates sont alors annoncées, dont une au Hellfest, puis une tournée européenne en 2024… peu de temps avant que le groupe n’annonce qu’il s’agira de la dernière avant une nouvelle séparation.

Avec une entrée sur scène au son de « Showroom Dummies », morceau bien connu du « genre » cocktail nation, le groupe ne perd pas de temps et enchaîne deux des plus gros titres issus de son second disque, à savoir « To Our Friends in the Great White North » et « Mondrian Was a Liar ». A posteriori, on se dit que cette entrée en matière est finalement à l’image du reste du concert, c’est-à-dire impressionnante de maîtrise et d’une puissance rare. Pas moins de quinze titres sont interprétés ce soir, avec une setlist qui est la prolongation de celle du Hellfest par l’ajout de deux morceaux supplémentaires juste avant le rappel.

À la différence de Great Falls, le son est d’emblée ultra massif, et chaque instrument trouve sa place dans le mix (ce qui n’est pas forcément aisé avec ce genre de musique). Le set est construit sur plusieurs montées en puissance, avec des enchaînements intelligents de morceaux, en particulier lorsque le groupe revient sur scène pour le rappel avec le magnifique « Afghamistam », doux avec son final au piano, qui laisse ensuite place à l’écrasant « C. Thomas Howell as the "Soul Man" ». L’effet de surprise fonctionne du tonnerre, même en connaissant déjà ces différents morceaux.  

Le tout est impressionnant de maîtrise, alors que des concerts d’une qualité pareille sont à mon sens fréquents selon-moi dans ce style de musique, et Botch m’impressionne même davantage qu’un Converge dans les bons jours. En plus de cela, les musiciens sont franchement humbles, attachés à communiquer avec le public, que cela soit par quelques blagues bien vues (et assez darons-compatibles, faut bien satisfaire son auditoire) ou des prises de parole tout en sincérité sur le groupe, son histoire, sans jamais en faire trop.

Bizarre de se dire qu’il s’agit-là de mon premier concert de Botch, et sûrement du dernier. Dans la salle, de nombreuses autres personnes, jeunes, sont là pour la première fois, aux côtés des vétérans qui ont probablement connu de près cette époque importante pour les musiques extrêmes. Alors si on espérait un peu, au fond, que le groupe sortirait un dernier album avant de nous quitter, il est difficile de trouver quoi que ce soit à redire après un show d’adieu d’une telle qualité. Bon vent !

Setlist :
To Our Friends in the Great White North
Mondrian Was a Liar
John Woo
Spaim
Japam
Framce
Oma
Thank God for Worker Bees
One Twenty Two
Vietmam
Transitions From Persona to Object
Hutton's Great Heat Engine

Afghamistam
C. Thomas Howell as the "Soul Man"
Saint Matthew Returns to the Womb



©Hugues de Castillo / Liberation Frequency​​

Merci au Botanique pour la soirée, aux deux groupes, ainsi qu'à Hugues de Castillo pour les photos !