Big|Brave + Aicher + Bolt Ruin @Bruxelles
Ancienne Belgique - Bruxelles
On prend les mêmes (ou presque), et on recommence ! Quelques jours après le passage de Militarie Gun, c’est au tour des Canadiens de Big|Brave de passer par le club de l’Ancienne Belgique. On change de style pour quitter le hardcore, donc, mais c’est encore une fois Flood Floor Shows qui organise la soirée. À noter également : il s’agit de la dernière date de la tournée européenne réunissant Big|Brave et Aicher, après plus d’une trentaine de concerts depuis début avril.
Retour en quelques mots sur trois concerts qui sentent bon le drone !
Bolt Ruin
Bolt Ruin est un projet (dark) ambient mené par le Belge Brecht Linden. Fort de plusieurs sorties, un album et un EP, le musicien a la difficile tâche d’ouvrir la soirée avec une musique assez différente des deux autres groupes. J’ai un peu peur au début, car le set commence franchement doucement, avec des projections de plans au drone d’espaces naturels en fond. Dès le titre suivant, néanmoins, le tout est beaucoup plus consistant, tant en termes de scénographie que de musique.
Durant une quarantaine de minutes, Bolt Ruin a su proposer un set relativement dynamique, servi notamment par la présence scénique du musicien. Doté d’un pad controller, il lance des boucles et des séquences, modulées ensuite, qui forment la structure des morceaux. Quelques minutes après le début du set, les projections en fond deviennent beaucoup plus cohérentes à mon sens, avec une série de plans fixes d’une même maison (?). Si ce n’est pas forcément ce que je recherche en studio, le mélange de genres musicaux est vraiment appréciable sur ce type d’expérience en live, car on passe ici régulièrement d’un pur dark ambient à des incursions électroniques type IDM (j'aime pas ce terme, mais certains passages rappellent Jon Hopkins par exemple), voire carrément club.
Finalement, ces différents changements de registres sont cohérents si l’on prend le concert dans son entièreté. On alterne entre des moments forts, presque solennels (certaines séquences de chœurs évoquent l’OST de Ghost in the Shell), avec des passages carrément dansants. Le visuel sert définitivement le côté protéiforme de la musique, pouvant se faire lugubre comme plus nostalgique, voire les deux en même temps (ce côté est d’ailleurs renforcé selon moi par quelques passages au piano qui évoquent Akira Yamaoka). Un chouette concert pour débuter la soirée !
Aicher
On ne savait pas grand chose d’Aicher avant que le groupe monte sur scène. Pas d’infos sur internet, a priori aucun morceau disponible, et le flyer du concert n’évoque que l’idée d’un concert drone. Alors oui, on aura le droit à du pur drone pendant environ 45 minutes, mais mené par l’un des (nouveaux ?) musiciens de Big|Brave ! L’installation est un peu lente, au début, mais rapidement la salle se retrouve inondée par les vibrations de la musique d’Aicher.
Dans un premier temps, le musicien est seul en scène, explorant sons et textures par le biais de ce qui semble être un synthétiseur modulaire. Difficile d’avoir un regard net sur tout l’équipement live du musicien car la fumée envahit vite la salle, donnant un aspect très brumeux et éthéré à la scénographie. Le groupe se transforme en duo vers la moitié du set, avec un autre musicien de Big|Brave qui le rejoint à la guitare et c’est là que l’ensemble décolle véritablement. Le duo fonctionne vraiment bien, en fait, et l’on comprend que la tournée a probablement permis de renforcer l’alchimie entre les deux artistes.
À titre personnel, je trouve qu’il y a une dimension très élémentaire (plutôt littéralement) à la musique drone dans sa forme la plus pure, et surtout en live. On alterne entre les moments d’orage, plus violents, et les accalmies bienvenues et percées par quelques notes de guitare haut-perchées, comme des chants d’oiseaux au travers du vent. Si je pense qu’il y a une bonne part de spontanéité et d’improvisation aux lives d’Aicher, l’ensemble reste assez structuré et la progression logique. L’attitude scénique des musiciens renforce également l’immersion, ceux-ci naviguant sur la scène de façon très expressive, entre les instruments et les machines. Le concert terminé, force est de constater que le public semble conquis malgré quelques railleries au départ par une frange du public visiblement moins intéressée par ces musiques (ce qui semble bizarre, car la musique de Big|Brave est aussi solidement ancrée dans le drone, mais soit).
Big|Brave
Comme mentionné en introduction, les Canadiens de Big|Brave donnent ce soir la dernière performance de leur tournée européenne. À titre personnel, si je connais certaines sorties du groupe (dernièrement, la collaboration avec The Body), c’est la première fois que je le vois en concert et que j’entends l’album Nature Morte (sorti il y a quelques mois, il est joué en intégralité ce soir). Je n’avais donc pas beaucoup d’attentes a priori, ce qui a probablement renforcé l’effet de surprise, tant le show était d’une (rare) puissance.
Plusieurs circonstances dans ma vie, et notamment le fait d’avoir fait assez peu de concerts metal ces dernières années, sont susceptibles de renforcer mes sentiments quant à ce concert. Je pense néanmoins qu’il y avait quelque chose d’assez grandiose dans ce qu’a proposé Big|Brave. Une musique massive, captivante, aidée aussi par un son globalement impeccable. Pour la faire simple, les bases drones posées par Aicher sont toujours présentes, mais la présence de plusieurs instruments (et notamment la batterie qui joue un rôle important pour donner leur structure aux morceaux) donne le côté (post-)metal à la musique du groupe. Les fondations (drones) sont là, le restent, et sont renforcées par les partitions que jouent les musiciens.
Sur scène, on retrouve encore l’alchimie entre les deux membres de Aicher. Outre la batterie, l’un des éléments récurrents qui donne également du corps à l’ensemble, ou plutôt perce ce corps avec beaucoup de force, est la performance vocale de Robin Wattie. On est souvent entre le chant et le pur cri, et cet entre-deux est précisément ce qui rend cela captivant, presque effrayant par moment. On ferme alors régulièrement les yeux, peut-être pour fuir un instant, ou pour mieux contempler les images qui se dessinent dans nos esprits grâce à cette bande-son aussi confortable qu'apocalyptique. Quatre spots éclairent constamment les musiciens, sans que d’autres sources de lumière soient réellement présentes, leur permettant de disparaître régulièrement dans la pénombre. Quand ils sortent du spot une dernière fois, c’est pour mieux remercier le public, fatigués de la tournée, mais ayant sans aucun doute réussi à transmettre quelque chose de beau et incarné à chacun des spectateurs venus les voir.
Merci à Kristof et Flood Floor Shows pour la soirée, à l’Ancienne Belgique, et à Wim Wilms pour les photos.