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jeudi 13 novembre 2025

Perturbator + Kælan Mikla + GosT @ Nantes

Stereolux - Nantes

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Dès la première écoute du dernier album belliqueux de Perturbator, je me suis jeté sur la billetterie du concert le plus proche. La qualité d’Age of Aquarius m’a convaincu de revoir l’enfant terrible de la darksynth sur cette nouvelle campagne apocalyptique, appuyée par les forces de son homologue texan GosT et des Islandaises Kælan Mikla en renfort. Tout comme Alcest et Leprous le mois précédent, l’Ouest est le point de départ d'une tournée européenne patrouillant à travers le continent avant de revenir à la maison, au Bataclan.

Direction la Cité des Ducs de Bretagne pour assister à cette date d’inauguration et découvrir la toute nouvelle configuration. Après la joie des périphériques rennais et nantais aux heures de pointe et un petit coucou à l’éléphant mécanique à deux pas de la salle sur l’île de Nantes, j’entre enfin dans le Stereolux qui n’affiche pas complet, mais réunit suffisamment de beau monde pour danser sur des airs électro diaboliques.

 

GosT

Commencer avec GosT garantit de coincer les ambiances indé de Kælan Mikla en sandwich entre deux formations plus agressives, mais je me rends compte que ce n’est pas un choix si mal calculé pour offrir une respiration dans la soirée et surtout lancer les hostilités pour chauffer le public. Toujours encagoulé avec une grosse veste « No technofascists » et accompagné d’un bassiste en pantalon treillis comme lui, James Lollar prend cette mission à cœur et nous mitraille de beats à fragmentation sans concession. L’enchaînement « Garruth » et « Maleficarum » est particulièrement destructeur. Ce n’est pas la première fois que GosT assure la première partie de Perturbator, et il est logique de les voir partager la scène tant l’influence est proche. Les textures abrasives de « Behemoth » sur un tempo énergique régalent les aficionados du son dément de « Neo Tokyo ».

L’ambiance n’est pas aussi festive qu’au Motocultor, où le public dansait et slammait dans tous les sens. Le public nantais reste attentif et salue l’artiste dès que l’occasion se présente. Le bonhomme masqué s’agite devant son matos et se déplace sur la scène sur les pauses, mais semble rencontrer des problèmes sur « Leviathan » où une piste du beat disparaît. Qu’à cela ne tienne, on embraye direct sur un nouveau pilonnage brutal avec « Obituary », une munition dévastatrice issue de l’excellent arsenal qu’est son dernier album Prophecy. GosT a tendance à nous perdre avec un déluge anarchique de séquences, ce qui fait qu’après « Digital Death » et « Prophecy », on se retrouve facilement hagard.e. La frustration est d’autant plus forte que le set est expéditif. Ce n’est que la première offensive de la soirée. Malgré quelques tirs manqués, pour ce qui est de nous exploser, la mission est accomplie.

 

 

Setlist :
Garruth
Maleficarum
Behemoth
Leviathan
Obituary
Shiloh’s Lament
Digital Death
Prophecy

 

Kælan Mikla

Comme promis, le trio islandais Kælan Mikla offre plus de contrastes, mais ne dénote pas dans l’atmosphère, avec des sonorités darkwave pesantes. L’ambiance glaciale de « Hvernig kemst ég upp? » en est un parfait exemple. Le clavier distille l’angoisse horrifique et nous prend en tenaille avec la basse puissante à l’autre bout du spectre. « Kalt » rentre dans la phase post-punk du groupe. On monte à l’aiguë au niveau des notes de basse à la The Cure, mais aussi de la voix de Laufey Soffía atteignant son registre « chipmunk », sans faillir.

Après la lente et mélancolique « Sirenur », la bassiste Margrét Rósa quitte la scène, probablement pour régler un problème technique, et ses camarades la suivent dans une fuite collective, trop mal à l’aise pour meubler davantage. La chanteuse revient finalement sur scène après quelques minutes d’incertitude étrange pour annoncer qu’elles ne pourront pas poursuivre, sans en dire plus que « something has come up ». Dommage, le concert était pourtant bien parti et il me tardait de découvrir les musiciennes en live.

 

 

Perturbator

Perturbator reprend l’assaut avec la scène baignée du bleu thématique d’Age of Aquarius. Exit le grand portail lumineux en fond. Un bloc vertical, rappelant l’immeuble de la pochette cyberpunk de The Uncanny Valley ou le monolithe de Kubrick, présente deux surfaces projetant des images pour des ambiances variées à chaque titre. Le devant de la scène est occupé par une rangée de lumières capables de créer un mur lumineux devant les artistes. Depuis leur promontoire éclairé à la structure métallique, James Kent et son batteur sortent d’emblée l’artillerie lourde avec « Lunacy » qui enchaîne les ambiances froides et les premiers rythmes frénétiques. Quand il n’est pas masqué dans le brouillard des fumées et du lightshow, on aperçoit bien le visage concentré du musicien, qui incite à plusieurs reprises les premiers rangs à bouger, droit dans les yeux et faisant signe de la main, parfois debout sur son stand de clavier à taper sur le haut de son support. Le batteur se lève pour saluer le public, mais il ne faut pas s’attendre à davantage de communication.

Sur « Excess », Kent jongle entre la guitare et ses claviers pour jouer les mélodies aux cordes. Même procédé sur l’autre extrait de Lustful Sacraments, l’effroyable et génial « Messalina, Messalina », où Kent s’approche du micro pour quelques bribes de spoken word. À la suite d’autres titres du dernier album, le duo guerrier « The Art of War » et « Apocalypse Now » logiquement enchaînés et introduits par les sirènes de bombardement imminent, la setlist semble aussi mettre à l’honneur New Model, avec le retour de « Corrupted By Design » pour mon plus grand plaisir, comme pour mieux accentuer les références du petit dernier à cet EP plus indus et sombre. La chorégraphie des spots est à nouveau soignée, formant des triangles au-dessus de la scène ou évoquant l’éclairage des projecteurs antiaériens en temps de guerre.

Le promontoire se divise mécaniquement pour former un fossé et révéler plus de spots entre les deux musiciens, alors que le sample d’intro tiré de Terminator annonce le classique « Humans Are Easy Prey » pour un fracassage de nuques en règle. On se met à headbanger en hélicoptère comme les musiciens, savourant les touches mélodiques et diaboliques jusqu’au sprint final démentiel du titre. L’intro de « The Glass Staircase » fait clapper les fans avant de partir dans un trip brutal entre sonorités exquises et démonstration de blast beat. Sans être agité dans la fosse, le public est réactif et danse irrésistiblement sur le délicieux « Venger ». Sur cette ballade synthwave dynamique au chant samplé, la combinaison rapide des lumières bleu et rouge donne un effet grandeur nature hallucinant de vieille VHS usée aux couleurs instables. C’est voulu et c’est bien foutu, mais la crise d’épilepsie nous guette, sans parler du déluge stroboscopique occasionnel parfois douloureux.

 

 

Sur cette configuration, je ne saurais assez remercier Perturbator d’avoir joué « Neo Tokyo » avec son intro bien mise en avant plutôt que diluée dans les transitions, comme c’était le cas sur les précédentes tournées. L’effet est d’autant plus saisissant et prépare nos nerfs pour la sauvagerie qui s’ensuit sur ce chef-d’œuvre. Idem pour le classique « Future Club » qui rayonne davantage dans cette position sur le set pour faire danser les foules, comme toujours.

Le grand absent de ce concert est certainement « Lady Moon » du nouvel album, mais le concert était déjà assez suffoquant et corrosif comme ça, surtout en terminant sur deux titres de New Model. J’espère que ce titre trouvera sa place sur les sets de Perturbator à l’avenir. En attendant, l’artiste signe une prestation splendide, globalement complète et équilibrée dans son choix de titres et magnifiée par une mise en scène travaillée de toute beauté. Age of Aquarius n’en finit plus de réunir tous les meilleurs atouts de Perturbator jusque dans sa tournée.

 

Setlist :
Lunacy
Excess
The Art of War
Apocalypse Now
Corrupted by Design
Diabolus Ex Machina / Weapons for Children
Humans Are Such Easy Prey
The Glass Staircase
Messalina, Messalina
Venger
Neo Tokyo
Future Club
Tactical Precision Disarray
Tainted Empire

 

 

***

Un grand merci à Christo Bee pour l'utilisation de ses photos.