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Album

17 octobre 2025 - Team Horns Up

Perturbator

Age of Aquarius

LabelNuclear Blast
styleDarksynth
formatAlbum
paysFrance
sortieoctobre 2025
La note de
Team Horns Up
7.5/10


Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Simon : Welcome back, les beats darksynth gras et épileptiques de Perturbator reviennent dans le mix. Depuis New Model, le grand nom du style avait délaissé les sonorités synth eighties éculées sur une scène saturée pour privilégier plus d’expérimentation et d’autres influences, de l’indus à la coldwave sur Lustful Sacraments. Avec Age of Aquarius, ce n’est pas vraiment un virage à 180° ni un bête retour aux sources, mais plutôt une synthèse du développement du son de Perturbator sur les dix dernières années.

Dès « Apocalypse Now », la brutalité des sons s’invite parmi les rythmes dansants et le chant langoureux de Kristoffer Rygg (Ulver) invoquant Dave Gahan. Sorti sur Nuclear Blast pour tourner la page d’une longue carrière avec Blood Music qui a cessé son activité de label en 2021, l’album commence par un titre qui ne m’avait pas tapé dans l’œil à sa sortie, mais qui prend plus de sens dans la continuité de l’album et s’impose comme le tube marquant. « Lunacy » reprend les hostilités et multiplie les à-coups et accélérations pour nous noyer dans le chaos sous une ambiance darksynth qui conjugue les titres les plus effrénés de The Uncanny Valley et la nervosité d’un « Tainted Empire » sur mon chouchou New Model. On ne retrouvera pas la consistance accrocheuse d’un « Neo-Tokyo » tellement le titre part dans tous les sens, mais l’ambiance est posée. « Mors Ultima Ratio » et « 12th House » puisent également dans cette énergie brute chaotique, avec des sons redoutables propulsés à cent à l’heure familiers, bien que ce dernier parte aussi jouer la carte du minimalisme sur un final classe et ténébreux. Sur « The Glass Staircase », on entend même un recyclage un peu grossier de l’effet de plongeon de « Tactical Precision Disarray », parmi d’autres sonorités lumineuses étonnantes comme l’intro « dance ». Si on veut continuer le jeu du « Who’s who » musical, « The Art of War » serait le digne représentant de Lustful Sacraments avec son ambiance tubulaire glaciale, à laquelle je suis plus insensible.

Le fan-service se poursuit avec les guests sur l’album. Greta Link qui apparaissait sur « Venger » et « Desire » est de retour sur « Lady Moon », qui ne ressemble en rien aux ballades au chant féminin des vieux albums et garde un son rêche, lent sans être cotonneux, bien au contraire. Toutes les solutions de facilité n’ont manifestement pas été prises sur ce disque. Contre toute attente, c’est le titre avec Author & Punisher qui s’apparenterait plus à une ballade sensible, entre deux beuglements intenses de Tristan Shone. « Venus » sans chanteuse : contrintuitif mais valide. Les interludes toujours cinématographiques affinent la fluidité de l’album qui s’écoute agréablement d’une traite. « Hangover Square » réveille les clins d’œil à Blade Runner avec son saxo urbain en écho à « Femme fatale ». Promis, j’arrête là pour les comparaisons.

Sans retomber dans les imageries futuristes cyberpunk ou satanistes, James Kent pose son regard cynique sur le monde actuel. La formule « A war to end all wars » est citée avec ironie sur « Apocalypse Now » pour rappeler que le conflit semble indissociable de la nature humaine et que la guerre pour justifier la paix durable est un vœu pieux adressé inlassablement jusqu’à aujourd’hui.

En parallèle de cette thématique avec l’évocation du stratège Sun Tzu et de son traité L’Art de la guerre, l’album intègre une dimension astrale avec la constellation du verseau (signe astrologique de Kent), Vénus et la Lune sur les titres de l’album. « L’ère du verseau » correspond à la croyance d’un tournant vers une nouvelle période bénéfique pour l’humanité, soit une vision aussi idéaliste que l’illusion de la « guerre qui mettrait fin à toutes les guerres » qui tranche avec la misanthropie chez Perturbator. L’association avec les références belliqueuses de l’album en fait un beau détournement cynique, surtout à notre époque si réjouissante.

Toutefois, placé en conclusion du disque avec la personnalité solaire de Neige au chant, « Age of Aquarius » termine avec un grand doute. Et si des lendemains heureux nous attendaient ? Et si l’ère du verseau était la consécration de Perturbator ? Quelle va être l’évolution de l’artiste au-delà de ce disque ? La composition même du titre entretient le mystère avec une fausse fin avant un retour maladroit et une ultime note en suspension. Étalé sur dix minutes, le morceau développe une lente progression répétant une boucle d’accords dans un numéro d’équilibriste entre l’espoir radieux et les plus sinistres augures, jusqu’à ce que les voix se transforment en hurlements sans conclusion nette. La collaboration entre Alcest et Perturbator sur un disque est un événement, mais la construction trop bancale du titre pose problème sur la longueur, malgré son aura fascinante dès son intro énigmatique.

On peut regretter la maigre prise de risque sur Age of Aquarius et son fan-service, mais après trois disques d’exploration (Lustful Sacraments, mais aussi l’EP New Model et Final Light en collaboration avec Johannes Persson de Cult of Luna), il est difficile de bouder ce refuge vers des sonorités plus connues et toujours redoutables. Sans être aussi audacieux que ses prédécesseurs, Age of Aquarius ne fait pas l’impasse sur les contrepieds et réunit efficacement l’ancien et le nouveau, avant un éventuel grand renouvellement futur.
 

Tracklist :
1. Apocalypse Now (06:00)
2. Lunacy (04:50)
3. Venus (05:48)
4. The Glass Staircase (05:15)
5. Hangover Square (03:08)
6. The Art of War (03:39)
7. 12th House (04:56)
8. Lady Moon (06:55)
9. The Swimming Pool (03:35)
10. Mors Ultima Ratio (05:07)
11. Age of Aquarius (10:19)