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mercredi 5 novembre 2025

Leprous + Gåte + Royal Sorrow @ Rennes

Antipode - Rennes

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Simon : Un nouveau vent du nord vient balayer le territoire. Leprous continue de sillonner les routes pour promouvoir leur album Melodies of Atonement sorti l'an dernier. Après une date « An Evening With » exceptionnelle à la salle Pleyel en début d’année (avec le même programme que le nouveau disque live capté aux Pays-Bas sorti il y a quelques jours) et une tournée nord-américaine, les Norvégiens terminent l'année avec une virée européenne qui traverse la France sans se limiter à Paris. Les fans aux chapeaux ronds ont la primeur du début de la tournée automnale de Leprous avec une date à guichets fermés dans la capitale bretonne organisée par Garmonbozia, dans la même salle qui accueillait Alcest et Bruit au début du mois.

On peut remarquer un « pattern » dans les premières parties de Leprous, combinant souvent les formations norvégiennes folk et d'autres plus modernes. En 2023, le line-up était particulièrement qualitatif et pertinent avec Kalandra et Monuments (malgré un brutal changement d'ambiance entre les deux groupes), tandis que leurs compatriotes Fight The Fight et les Suisses Cellar Darling avaient ouvert leur show à Pratteln en 2024. Cette fois, c'est Royal Sorrow et Gåte qui accompagnent le groupe dans sa tournée. Nous avons également pu reconnaître l'ancien batteur de Monuments, Mike Malyan, officiant comme drum tech et vidéaste pour Leprous.

 

Royal Sorrow

Il fallait être ponctuel pour voir les Finlandais de Royal Sorrow qui débutent leur set quinze minutes seulement après l'ouverture des portes à 20 h. La parenté avec Leprous se ressent principalement dans les sonorités pop des couplets/refrains radieux intégrant les rythmes de metal néo-prog peu économes en contre-pieds. « Metrograve » condense la dualité magnétique du groupe qui a sorti cette année son premier album Innerdeeps. Les breakdowns nous invitent à rejoindre le groupe dans ses headbangs synchronisés comme sur « Give In ». À en voir les larges sourires, les musiciens sont visiblement heureux d'être là et transmettent leur humeur à un public fourni et réceptif. La prestation est propre avec une présence maîtrisée. À moins d'être rebuté par les poses et le style moderne coincé dans le spectre entre Spiritbox et Vola en plus téléphoné, on passe un bon moment, et ce n’est pas non plus la batterie couvrant légèrement les guitares qui gâchera la fête.

 

Setlist :
Release Your Shadow
Metrograve
Evergreen
Samsara
Give In
Innerdeeps

 

Gåte

Vu l'historique de Gåte, ce n'est pas le folk qui allait ouvrir la soirée. L’énergie ne retombera pas pour autant. J'avais quelques appréhensions pour ce quintet, pas seulement par élitisme et dédain après leur passage à l'Eurovision l'an dernier (leur dernière place n'est absolument pas méritée), mais ayant du mal avec le timbre du chant trop daté. En concert, l'admiration l'emporte, pour la capacité vocale et la présence de Gunnhild Sundli. Dès le premier titre, la chanteuse s’impose à pleine voix. Le groupe ferait presque de l’ombre à la tête d'affiche dans ce show solide et affirmé, sans prendre la parole avant la fin du set. Le batteur Jon Even Schärer écrase les autres instruments avec des rythmes frénétiques et un son trop imposant, mais le grincement de la moraharpa, sorte de vièle à clefs, se fait toujours entendre pour des touches traditionnelles à la justesse parfois contestable.

Tantôt encapuchonné, tantôt tout sourire au bord de la scène, le guitariste Magnus Børmark ne tient pas en place et semble incarner un lutin espiègle, jetant son instrument dans tous les sens avec son acolyte Mats Paulsen qui fait tourner sa basse sur les passages effrénés. Plus calme, le final de « Førnesbrunen » est particulièrement touchant et compense un peu l’absence de la tendre ballade « Sjåaren ». Deux nouveaux titres inédits sont interprétés ce soir, parmi des plus anciens comme « Jomfruva Ingebjør ». L’inévitable chanson phare « Ulveham », candidate à l'Eurovision, fait jaillir un refrain emphatique à la rythmique martelée, tandis que « Bannlyst » termine dans une ambiance très folklo avec violon, cercle dansant et cris étonnants comme des chats qu’on a serrés trop forts. Après une telle première partie, on en oublierait presque qu'il y a un autre groupe à voir après, et ce serait bête de partir maintenant.

 

 

Setlist :
Skarvane
Svarteboka
Oskorsreia
Jomfruva Ingebjør
Førnesbrunen
Sannsiger
Ulveham
Bannlyst

 

Leprous

Quelle meilleure entrée qu'avec « Silently Walking Alone » ? Le titre du dernier album souffle déjà un panache épique avec des rythmes chancelants ponctués sur les couplets par ses hics peu audibles à la guitare. Einar Solberg rappelle qu'il s'agit de leur premier concert à Rennes. Sondé.es par le chanteur, les fans nantais.es semblent en nombre, tandis que les quelques Parisien.nes reçoivent quelques huées taquines. Le public est tout de même plus respectueux sur les titres les plus calmes où un silence religieux donne plus de force aux passages de chant seul sur « I Hear the Sirens » et surtout « Distant Bells », point d'orgue émouvant du concert.

Malgré l'intégration de l'Anglais Harrison White aux claviers, les membres du groupe gardent les mains sur les synthés, y compris Einar qui passe plus de temps sur le devant de la scène, mais rejoint sporadiquement son acolyte de session.

Le public rennais sera le premier à entendre en live la reprise d'A-ha, « Take on Me », revisitée lors d'une session documentée par et pour la chaîne YouTube Musora. Solberg admet que ce n'est pas sa chanson préférée de leurs compatriotes new wave, trop entendue, et la reprise n'est pas indispensable en dehors du plaisir de chanter ce tube de karaoké et d'apprécier l'interprétation à leur sauce. C'est toutefois un agréable bonbon qui permet à Einar de briller vocalement, comme si tout le concert ne lui faisait pas déjà honneur. Plus tard, annonçant un autre titre en « avant-première mondiale », le chanteur, malicieux, nous trolle avant de jouer « The Price », leur titre le plus interprété, donc mathématiquement le moins exclusif.

 

 

L'enchaînement de « Castaway Angels » au tube « From the Flame » fonctionne à merveille. Sur ce dernier titre, Baard Kolstad bat la cadence avec une énergie explosive. Comme devant les grands batteurs, on se prend à improviser de l'air drum à l'écoute de ses fills spectaculaires. Le groupe a tendance à varier ses setlists avec des titres en rotation, et c'est la tornade de « Third Law » et « The Valley » qui sont mis à l'honneur ce soir. L'unique extrait de Coal bénéficie d'une atmosphère unique soutenue par la basse persistante de Simen Børven et un lightshow soigné aux lasers verts. Contrairement à la date parisienne en début d'année où le groupe avait inauguré la pyrotechnie, le groupe n'a pas recours à ces artifices enflammés, mais le souvenir est toujours vif lors de l'embrasement du titre « Like a Sunken Ship ». Comme une image résiduelle, je vois Solberg s'élever tel un brasier pendant son growl. En l'absence notable de « Slave », l'autre climax guttural a lieu sur « Nighttime Disguise », dont on se délecte toujours de la savoureuse construction.

Pour finir, « Atonement » signe un rappel irrésistiblement dansant où le guitariste Robin Ognedal distille sa mélodie électro au slide de manière plus organique qu'il n'y paraît. Il est toujours un peu frustrant de ne pas entendre « The Sky Is Red » dans son intégralité, mais le final lancinant, dans le prolongement du rythme barré d'« Atonement », offre un beau défouloir sur scène.

Concert après concert, malgré les gimmicks et au-delà du talent scandaleux des musiciens, Leprous parvient encore à personnaliser son set pour happer son public sans lasser.

 

Setlist :
Silently Walking Alone
Illuminate
Third Law
I Hear the Sirens
Take on Me
Below
Distant Bells
The Valley
The Price
Like a Sunken Ship
Castaway Angels
From the Flame
Nighttime Disguise

Atonement
The Sky Is Red

 

Storyteller : Petit bonus ; l'équipe Horns Up a suivi Leprous le lendemain, jeudi 30 octobre, à Cenon, près de Bordeaux. Là encore, précision métronomique pour le timing, 1 h 30 de concert pour terminer à 23 h pile, heure de couvre-feu de plus en plus admise. La salle est chaleureuse, le son excellent, le show de lumière met en valeur les ambiances et le public en grande partie acquis à la cause des Norvégiens. La plus-value d'un concert de Leprous, c'est que la setlist bouge d'un jour à l'autre. Les morceaux sont différents, mais l'ordre l'est parfois aussi. Et ce soir-là, la doublette Pitfalls, « Below », puis « Alleviate », a réussi à cueillir le public qui était venu prendre sa dose d'émotions. 

Einar Solberg nous explique que le groupe n'est pas là pour jouer des titres joyeux, et même si « Take on Me », titre adoubé par les fans et par le groupe, réjouit la foule, on retombera bien bas dans une humeur plus sombre avec « Slave » qui n'avait pas été joué la veille. Même petite plaisanterie sur « The Price » pour détendre un public qui va chanter toute la soirée et vivre sa meilleure vie. Le groupe le ressent, comprend à quel point les gens communient avec eux et ils en semblent heureux. Einar bouge, court sur la scène, pourtant pas si grande ; les croisements avec les guitaristes sont millimétrés, pendant que Baard tape et fait le show tout en montrant une concentration intense. Et quand le groupe quitte la scène avant les rappels, le public gronde ; on sait qu'il en reste un peu, avant le crépuscule pendant lequel ils vont nous laisser une dernière fois, pour de bon. Et on se retrouve comblés par tant de générosité, on sent qu'ils ne retiennent pas leur énergie, ça fait un bien fou. Merci messieurs.

 

Setlist :
Silently Walking Alone
Illuminate
Bonneville
I Hear the Sirens
Take on Me
Below
Alleviate
Slave
The Price
Like a Sunken Ship
Rewind
From the Flame
Nighttime Disguise

Atonement
The Sky Is Red

***

Merci à Garmonbozia pour l'invitation.