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Album

05 mars 2017 - S.

Sale Freux

Vindilis

LabelFrance d'Oïl Productions
styleBlack Metal
formatAlbum
paysFrance
sortiejanvier 2017
La note de
S.
7.5/10


S.

Un an seulement après « Adieu, vat ! », Dunkel ne semble pas être à court d’inspiration en accouchant d’un nouvel opus, intitulé Vindilis. On sentait déjà les prémices d’un virage thématique sur sa précédente offrande en abordant les éléments maritimes. Cette fois, Sale Freux dédie entièrement l’album à un endroit précis de sa Bretagne natale : Belle-Île-en-Mer. Vindilis est en fait le nom historique de ce bout de terre isolé au large de Quiberon.

Comme chaque fois, nous allons suivre le vagabond géniteur et son humeur couchée en musique pendant près d’une heure, à travers cinq morceaux dont la caractéristique est de présenter chacun les mêmes durées, à la seconde près : 11’11’’.

L’auditeur habitué sera d’abord surpris par la production un cran en dessous des dernières réalisations, avec une sonorité plus étouffée qu’à l’accoutumée, moins limpide, tel l’embrun côtier. Une volonté que l’auteur m’a confié, celle de vouloir retourner à un esprit plus Black Metal dans sa structure, même si on reste très loin des premiers albums ou du minimalisme de son ancien projet Saatkrähe. On reconnaît tout de même très bien ce jeu qui fait sa personnalité depuis « L’exil » en 2012. On trouve tout d’abord une batterie plus que primaire, où certains frappés sur les fûts sont accompagnés d’un écho, évoquant le souvenir, l’introspection. Les guitares jouent quant à elles un rôle principal, avec leur sonorité à la fois solennelle et tragique, avec parfois l’imbrication d’une gratte acoustique pour amener un aspect rustique ou intimiste. Les riffs ont cette faculté de se diriger droit aux tripes, tant les compositions sont inspirées et les lignes mélodiques intenses (ce riff à 7’06’’ sur « A flanc de Cormorans », à s’en massacrer l’esprit, du pur génie !). Enfin, la prestation vocale de Dunkel demeure toujours aussi particulière avec son timbre croassant. Forcée, exagérée diront certains, quand moi-même je la qualifierais de sincère, dévouée et…touchante, malgré les apparences. Elle révèle toute la folie et l’implication de la tête-pensante à évacuer ses écrits.

« Le chant du cormoran ne s’entend plus depuis cent ans,
Ravagé par le raz de marée du contemporain courant.
Les marées noires ont moins pollué le littoral béant,
Qu’un seul de vos descendants et moi pourtant…

…je l’ai entendu céans à l’aurore de Donnant
Ce grand cormoran jouxtant les escarpements.
Farouche et fier de pair au Sale Phoenix levants,
Solennelle silhouette dans celle de l’onyx couchant. »

A ce titre, on soulignera la persistance du décalage entre la rudesse de son Black Metal, difficilement accessible, et la poésie des textes faite de ses errances littorales, ses sentiments personnels… autant d’éléments banals qu’il parvient à magnifier dans ses strophes, où il est toujours plaisant de s’y plonger. Il faut en effet faire l’effort de percer l’épaisse carapace du corbac pour en ressentir tout la riche substance. Une substance constituée de quantité d’émotions, la nostalgie, bien-sûr, indissociable à Sale Freux, mais aussi l’amertume, la rancœur, la passion mais avec ici comme fil rouge la contemplation, hommage à Vindilis et toutes les îles du Ponant. D’ailleurs l’album se termine avec une note positive sur « J’ai foutu Sale Freux en l’air », avec son air extatique, vous savez, ce sentiment de plénitude quand vous êtes face aux éléments, l’esprit serein provoqué par la scène qui s’offre à vous, ce plaisir débonnaire… et ce Dunkel qui semble vouloir prendre le large, la promesse d’un autre album dédié à la mer ?

« J’ai griffonné entre deux lampées, aux courants d’air une lettre de papier,
Assaisonnée d’une plume salée, d’Entre-Deux-Mers ornementés,
Lettres de détresse et d’infortune, deux vers audacieux et sans rancune,
S’accordent au passé, aux brisées de mer, brisant les airs d’adieux taciturnes.

Pour que la terre me libère, j’ai foutu Sale Freux en l’air.
Pour que l’océan me tolère, j’ai fait la guerre à votre Terre. »

Sale Freux poursuit son bonhomme de chemin, contre vents et marées, en proposant ici un album moins abordable que ses prédécesseurs, par ses structures, sa production et sa relative répétitivité. Il m’aura fallu maintes écoutes pour m’imprégner de cette nouvelle offrande, d’en apprécier chaque élément. S’il reste un poil moins intense en émotions qu’un « Crèvecoeur » ou « Adieu, vat ! », Vindilis n’en demeure pas moins un bon album, renfermant des mélodies et des sensations qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Tracklist :
1.  Vindilis (le chant du Ponant)
2.  A flanc de cormorans
3.  Thrène
4.  Le rêve armoricain
5.  J'ai foutu Sale Freux en l'air

 

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