Hugo

J'écoute que du rap et de la techno en vrai.

Avec Horns Up, nous avons décidé de vous proposer un petit détour par le Québec au travers d'une série d'interviews dans nos pages. Avant de retrouver Forteresse la semaine prochaine, c'est d'abord au tour de Monarque, une autre véritable pointure de la scène, de répondre à nos questions. Bien que l'interview ait était réalisée après, elle s'inscrit dans le cadre de la seconde édition du Ragnard Rock Festival, dont nous parlerons. Seront aussi évoqués le futur de Monarque, la genèse du Métal Noir Québécois, ou encore Sanctuaire, side-project de notre invité. Bonne lecture ! 

Bonjour Monarque. Tu as fait partie cette année des représentants du Metal Noir Québécois au Ragnard Rock Festival en compagnie de Forteresse, ce qui a ravit beaucoup de gens. Ce n’est pas ton premier passage en France, me semble-t-il ? 

Salutations!

En fait, Monarque a déjà joué en France en 2011, mais ce concert au RRF s'agit du plus significatif en terme de taille, tant par l'orga, que la scène et du public.

Ça fait quoi de jouer sur la même affiche que des groupes comme Nokturnal Mortum, Kroda, Gaahl's Wyrd, Moonsorrow ?.. Ce sont des formations que tu écoutes ?

C'est un honneur pour nous de partager une affiche comme celle-ci. J'ai longtemps écouté Nokturnal Mortum, Nargaroth, Graveland et les projets de Gaahl, qui sont tous devenus des classiques à leur manière.

J’ai l’impression que beaucoup de personnes en dehors du Québec et, en plus de tes fans de la première heure, ont connu ton projet avec l’excellent dernier album, « Lys Noir », sorti il y a déjà trois ans. Le disque réunissait de nouvelles versions de plusieurs titres du groupes, pour un résultat assez cohérent. C’était ce que tu recherchais ? Et avec le recul, tu penses qu’il a eu un vrai impact ?

Je crois que "Lys Noir" est l'album de Monarque le plus abouti jusqu'à maintenant, tant au niveau de son intensité, qu'en terme de travail et de production. J'ai l'habitude de ne pas forcer les choses et je tâche de toujours avoir une démarche naturelle. L'écho des critiques que j'ai eu est positif, je ne sais pas s'il y a eu un véritable impact sur tant de gens, je ne me soucie pas vraiment des retours en général, excepté celui de mes proches. Mais nous sommes vraiment satisfaits de cet album et avant tout, c'est ce qui compte.

Il apparaissait d’ailleurs sur cet album une reprise de Frozen Shadows, avec un titre issu de son premier album. D’un regard extérieur, on a vraiment l’impression que le groupe a influencé votre scène…

Oui, il s'agit de pionniers. Et aujourd'hui, son fondateur est un ami qui dirige entre autres Sepulchral Productions, un label important qui soutient énormément la scène locale au Québec. J'écoutais beaucoup ce morceau à l'époque et ça m'a marqué. J'ai l'habitude de faire des hommages aux groupes que j'aime, à des classiques, surtout en live, mais je crois que ce morceau avait sa place sur "Lys Noir".

Oui, Myrkhaal c'est bien ça ? On a eu la chance et le plaisir de l'avoir au Ragnard. Mais oui effectivement, je pense même que si l'on écoute l'album sans connaître Frozen Shadows, on peut tout à fait croire qu'il s'agit d'une composition orignale s'inscrivant logiquement dans l'album.

Voilà, nous avons bien rempli notre mandat alors. ;)

En l’espace de quelques années, tu as été impliqué dans de nombreux projets différents, et plus récemment avec ton one-man band Sanctuaire, et son dernier EP que notre rédaction a fort apprécié. Tu as une volonté de faire la part des choses en termes de musique et thèmes abordés, et ne pas tout réunir sous le même étendard ?

Exactement. Par souci de respecter mon concept jusqu'au bout, bien qu'il peut y avoir des similitudes entre certains projets, tous les réunir sous une même bannière n'aurait pas autant de sens pour moi. Avec Sanctuaire je me donne plus de latitude, j'explore le metal, l'ambiant, le "dungeon synth" et je compte inclure une dimension plus acoustique/folk éventuellement. Je ne veux pas me limiter. Mais un projet comme Monarque doit rester du pur BM.

On peut donc considérer Sanctuaire comme un projet plus "libre" ou tu explores différents concepts et univers distincts ? Car la série des « Echo » est très différente d'un disque comme « Le sang sur l'acier », peut-être plus incisif et guerrier...

Voilà. Pour imager un peu, Monarque est bien ancré dans la mort sous toutes ces formes, tandis que Sanctuaire à une fibre plus "lumineuse".
Bien qu'on peut dire que les 2 projets sont voilés par un certain mysticisme. Les thèmes les différencient avant tout.

Les thèmes guident la musique finalement ? L'aspect lumineux se ressent assez avec certaines mélodies qui émanent des compositions de Sanctuaire...
Pour revenir à Monarque, ta dernière production remonte à 2014, sur le split « Légendes » avec Forteresse, Csejthe et Chasse-Gallerie. Tu travailles sur de nouveaux morceaux depuis ?

Oui, je veux changer la dynamique et impliquer davantage les autres membres du groupe. Une première pour moi, qui ai toujours gardé le contrôle jusqu'à maintenant. On verra si l'expérience est satisfaisante, cela nous permettra de se renouveler en quelque sorte tout en conservant l'essence du groupe. C'est un long processus, mais on devrait pouvoir offrir du nouveau matériel éventuellement.

Au fil du temps tu as sorti, en plus de tes trois albums, de nombreux EPs, démos, et surtout des split-albums… Partager un même disque avec un autre groupe est un exercice qui te plaît ? Quelle est ta démarche ?

Oui j'aime bien le concept du split, ça permet de souligner un certain respect, un soutien et on peut parfois faire de belles découvertes.

Tout d'abord pour moi c'est important d'avoir un lien avec l'individu, j'ai souvent des demandes de groupes pour faire des splits, des gens/projets que je ne connais pas du tout. Je trouve cette façon de faire pathétique. C'est un "non" catégorique.

Bien qu'il ne soit pas toujours possible d'avoir une proximité directe, avoir fait des échanges au préalable, des trades, des lettres, c'est la base. Ensuite souvent la possibilité de collaborer et de partager un 7" ou un CD se fera d'elle-même.

Tu es d’ailleurs à la tête d’un label, Les Productions Hérétiques, qui a surtout produit de nombreuses cassettes pour pas mal de groupes, dont les tiens. On en parlait avec Forteresse, nous Français, avons l’impression que la popularité des groupes québécois explose. Je pense notamment à Délétère, que tu as plus moins “lancé” avec ses deux premières démos. Quel est ton point de vue là-dessus et sur l’évolution de la scène ?

Oui, je soutiens les groupes auxquels je crois, à ma façon, avec ce petit label. Comme tu le dis, je produis principalement mes projets ou ceux de mes proches.

Pour nous il s'agit peut-être moins d'une explosion, puisque vu de l'intérieur, beaucoup de groupes québécois partagent les mêmes membres. Notre cercle est assez serré, et nous soutenons tous les projets des un et des autres, ce qui donne une situation que l'on pourrait qualifier d'"incestueuse" (ndlr : je n'avais pas osé !) un peu, haha!

Il y a une petite relève, mais de manière générale pour le moment je crois qu'il s'agit toujours des mêmes acteurs qui font vivre notre scène, soit ceux qui étaient présents lors du "boom" du Métal Noir Québécois, autour de 2005. Plusieurs bars / salles de spectacles ont fermé ici et ça a donné un coup dur à toute la scène. La situation s'améliore tranquillement, alors on aura peut-être droit à un revirement de situation.

Haha oui j'allais y venir, on a vraiment l'impression que la scène est très soudée. On considère d'ailleurs Monarque comme l'un des fers de lance du Métal Noir Québécois avec Forteresse principalement. Tu me parles d'un "boom", que veux-tu dire par là et qu'est-ce que ça signifie pour toi ? A un moment donné, vous avez voulu vous détacher du reste du monde et affirmer votre identité ? 

Ce que je veux dire c'est qu'à un moment donné on a assisté à une explosion d'un tas de nouveaux groupe au Québec, je ne peux pas affirmer que le but était clairement d'affirmer notre identité, mais le choix de la langue pour la majorité des projets, les thèmes (notamment pour Forteresse et Chasse-Galerie) y ont sûrement joué un rôle, oui.

Avant ça, il y a avait quelques groupes dans différentes villes, des pionniers plus ou moins actifs sur scène. Mais à partir des environs de 2005, on avait beaucoup de petits concerts et on a assisté à l'émergence de plusieurs groupes. Beaucoup sont déjà dissouts depuis, mais les plus solides sont encore là.

Je vois. Et c'est peut-être à ce moment là, et sous la bannière du Métal Noir Québécois, que les groupes se sont unifiés ? En tout cas c'est en 2006 que Sepulchral a repris ses activités si je ne dis pas de bêtises, en sortant les premiers albums de pas mal de groupes. Avant cela il y avait surtout Tour De Garde et d'autres labels plus obscurs à ma connaissance...

Exactement.

Mankind's Demise, a produit "Fier Hérétique" (ndlr : en 2007). Mais ce label n'existe plus aujourd'hui. Tour de Garde est un vieux label qui est encore très important dans l'underground aujourd'hui.

À ce moment là Sepulchral a produit le premier Forteresse, d'autres groupes comme Gris, Sombres Forêts, Sui Caedere, etc, qui se sont fait remarquer à ce moment-là.

Oui, et Tour De Garde produit et distribue pas mal de groupes étrangers, tout en restant intègre à l'esprit underground finalement. Le dernier Sanctuaire est d'ailleurs sorti en collaboration avec ce label...

Oui, c'est bien ça. Tour de Garde et moi sommes partenaires pour certains titres. Notamment ceux de Sanctuaire qu'il produit avec moi.

Tu avais aussi ce projet où sont passés Athros de Forteresse et Bardunor entre autres, et qui n’a sorti qu’une démo et un split, Déliquescence… Qu’est-ce que ça devient ?

Il nous reste un morceau qui sortira je l'espère cet hiver, pour le reste, le futur est incertain concernant ce projet.

Question un peu classique dorénavant, mais que nous aimons poser aux musiciens, quelle est ta vision du Black Metal ?

Trop classique. ;)

Disons que l'authenticité est son pilier fondamental. Pour moi il s'agit d'une musique très spirituelle, bien qu'un groupe ne soit pas forcément dans l'obligation d'avoir des thèmes occultes (quoiqu'une certaine mystique, c'est toujours bon). Philosophiquement, musicalement, certains codes sont importants, mais les initiés les connaissent déjà alors je m'arrête ici.

Haha les réponses varient souvent, c'est intéressant d'étudier les différents points de vue au sein d'un même genre je trouve. Pour revenir à Monarque, je pense que le concert l’autre soir a mis tout le monde d’accord… Pour ceux qui n’étaient pas là, à quoi doit on s’attendre d’un live du groupe, qu’essayez-vous de transmettre ? Est-ce que vous envisagez une tournée européenne ?

Nous tâchons de proposer une performance intense et honnête. Des morceaux violents, allant à des moments plus mélodiques ou atmosphériques. Quelque chose qui s'apparente aux classiques qui ont façonné le genre, auxquels nous rendons hommage en quelque sorte, en y ajoutant notre propre touche.

Nous avons déjà un bon réseau de contacts avec plusieurs personnes pour nous aider à monter une tournée européenne en 2017. J'espère que le projet se concrétisera, mais oui, c'est dans les plans.

On arrive quasiment à la fin de l’interview. Donc quel est l’avenir de Monarque ? Potentiellement une tournée, on l'a dit, mais pourquoi pas un nouvel album ? Il y a quelque chose en particulier que tu souhaiterais développer dans le futur ?

Comme mentionné plus tôt, je compte altérer un peu nos méthodes de création et travailler sur du nouveau matériel, oui. Je suis impliqué dans plusieurs projets et ça peut influencer pas mal la vitesse à laquelle les nouveautés paraissent. Mais il y aura de la nouvelle musique et des concerts. Nous sommes motivés à détonner avec notre métal noir et continuer de performer ici et ailleurs.

Moi et Horns Up te remercions chaleureusement d’avoir accepté cette interview, et vu que je manque cruellement d’originalité, je te laisse le(s) mot(s) de la fin…

Merci à vous pour le soutien! Soyez nombreux à nous rejoindre lors de notre prochain passage dans vos contrées! Black Metal Tabarnak!

Notre live-report du Ragnard Rock Festival se retrouve ici.

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Photos par Figé dans le temps // Sylvain Clapot.