
Raton et la bagarre #34
vendredi 12 septembre 2025
Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Le 10 septembre journée de blocage national, le 12 septembre journée de crowd kill national. Bienvenue dans ce 34e épisode de La Bagarre, la seule rubrique qui se tape une dizaine d'EPs oubliables de beatdown et encore davantage d'albums moyens de screamo pour vous extraire le tout-meilleur du hardcore des deux derniers mois.
Et laissez-moi vous dire qu'avec cet article vous avez de quoi oublier vos déboires personnels ou les tumultes navrants de l'exécutif français. Du facile d'accès au plus conceptuel, du hardcore bas du front au néocrust de gens qui lisent des livres en passant par du formidable metalcore mélodique, je vous souhaite un bon appétit et vous invite, comme d'habitude, à partager ce papier aux collègues que vous souhaiteriez radicaliser.
Nuvolascura | Catharsis | Divine Sentence | End It | A November Morning | Boneflower | Faced Out | Scalp | Killing Me Softly | Scarab | Mentions bonus
Nuvolascura – How This All Ends
Emoviolence / Mathcore – USA (Zegema Beach / I.Corrupt)
Que ce soit dit de but en blanc, Nuvolascura est pour moi le groupe le plus prodigieux du screamo contemporain. Tirant sa force de projets comme Lord Snow ou Loma Prieta, Nuvolascura a transfiguré le style avec ses désormais trois albums, le poussant dans ses retranchements les plus radicaux et dissonants. Il va donc sans dire que j’attendais cet album de pied ferme.
Cinq ans plus tard, How This All Ends commence là où l’incroyable As We Suffer from Memory and Imagination s’était arrêté. D’emblée, on est cueillis par la bourrasque de génie « if portals are linear; you'll die soon enough », qui vient nouer la détresse emoviolence et le grand chaos mathcore de la plus belle et singulière des manières. En plus des explosions grandioses et déchirantes (« ex cryptids ») qui font le sel du groupe, on retrouve aussi beaucoup d’éléments bruitistes comme cette espèce de bruit de marteau piqueur étouffé sur toute la deuxième moitié de « if at all », et des éléments synthétiques qui viennent ajouter à la densité du tumulte émotif.
Ce troisième disque n’est pas non plus une resucée de ce qui l’a précédé. Probablement un brin plus radical, il vient pimenter les compositions avec des chugs metalcore 2000s qui pourraient surprendre mais qui fonctionnent finement, comme sur « figment of reality ». Il ajoute également des respirations au milieu de la tourmente comme ces choeurs éthérés, toujours sur « figment of reality », discrets et élégants. Et puis toujours les mêmes frissons une fois que les guitares décollent, particulièrement sur le suffoquant morceau final, « polar destinies », orchestration apocalyptique, effrayante et compacte.
Avec How This All Ends, Nuvolascura confirme sa finesse d’exécution et son génie. La poigne et l’intensité de cet album permettent d’asseoir la place du groupe dans la scène actuelle et ne peut que nous faire espérer une tournée européenne prochaine.
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Catharsis – Hope Against Hope
Néocrust / Metalcore / Post-metal – USA (Crimethinc / Refuse)
Catharsis fait partie de ces groupes légendaires qui ont participé à définir les contours de la scène telle qu’on la connaît aujourd’hui, mais qui, pour une raison ou une autre, n’a pas vraiment tenu le test du temps et a été oublié au profit d’autres noms. Pourtant, Catharsis était membre de la foisonnante et influente scène de Caroline du Nord de la fin des années 90, aux côtés de Prayer For Cleansing, Undying et qui donnera naissance à Between The Buried And Me. Surtout, le groupe a été l'un des premiers à diffuser le style néocrust, avec Tragedy ou His Hero Is Gone, en mélangeant l’abrasavité crust, la pesanteur du sludge et du post-metal, et l’urgence du hardcore et du screamo. Un style curieux, assez insaisissable mais qui a accouché de nombreux chefs d’oeuvre, dont Passion, le deuxième album de Catharsis (même si je lui préfère son prédécesseur Samsara, plus metalcore).
Vingt-quatre ans après leur dernière sortie (si on omet un simple single sorti en 2013), Catharsis fait un come-back inespéré pour un troisième album intitulé Hope Against Hope. Et je suis absolument estomaqué du talent déployé sur ce disque, alors qu’un quart de siècle le sépare de ses aînés. Ce troisième opus est probablement le plus résolument néocrust avec des teintes post-metal omniprésentes, une dissonance constante, un enchevêtrement expert de sons ; des cordes frottées, des choeurs hallucinés et plus généralement une constante générosité dans les compositions. « Power », par exemple, est un morceau aux mille visages, aussi sourd et torturé qu’élégant.
Hope Against Hope est un album qui s’apprécie à la première écoute mais se redécouvre à chaque nouveau passage. C’est une oeuvre dense, qui prolonge le propos du groupe avec une pertinence comme je n’en ai quasiment jamais vu dans un comeback. Catharsis a toujours été un groupe conceptuel, complexe à saisir dans ses approches philosophiques et dans sa vision anarchiste du monde qui convoque autant les théories libertaires que l’absurde, la théologie et la pensée nietzschéenne. Mais rassurez-vous, vous n’aurez pas besoin de maîtriser tout ça pour comprendre que cet album est un tour de force et une sortie unique et extrêmement bienvenue.
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Divine Sentence – Killing Is a Cycle
Metalcore – Suisse (Bound By Modern Age)
Alors, il va falloir prendre des pincettes pour celui-ci. Les personnes les plus assidues en ligne n’auront pas manqué la nouvelle : Divine Sentence s’est séparé soudainement le 8 juillet après que sa chanteuse Sofia a été mise en cause par son homologue du groupe Lifecrusher, qui s’est mis en hiatus dans la foulée. Cette annonce laconique a été publiée une journée seulement après un long communiqué détaillant le parcours thérapeutique de Sofia et expliquant que dissoudre le groupe « ne serait pas la meilleure manière d’aborder le problème ». Une façon de régler les conflits assez impudique, mais dont nous ne sommes pas à même de juger les tenants et les aboutissants, tout étant résumé dans le dernier post (supprimé depuis) de Divine Sentence : « Band is over. Tour is cancelled. LP will not be releasing. »
C’était sans compter sur l’intervention du label allemand vegan straight edge Bound By Modern Age qui a décidé de sortir l’album comme prévu en argumentant que malgré les comportements individuels répréhensibles, le contenu musical et le message politique du disque sont d’une importance supérieure. Grand bien nous en fasse car cet album posthume de Divine Sentence est une réussite absolue.
Le groupe suisse a mis en pratique tous les apprentissages de ses deux premières sorties pour concentrer toute l’adresse, la puissance et la variété d’un metalcore racé et tranchant. Les compositions sont dévastatrices, au faîte du metalcore sauvage, crispé et imprévisible. Les riffs sont fous (celui, prodigieux, de « Silent Execution ») et ne tombent pas dans le Slayer-core dérivatif ; les breaks sont noirs et hargneux, et la pluralité de la batterie est impressionnante, avec des blast beats parfaitement placés.
Sur les 11 morceaux, deux réenregistrements très réussis : « Flames of Justice » du Promo ‘24 et « Silent Execution » de la Demo ‘22. Deux titres qui faisaient déjà partie des gros arguments du groupe, notamment avec le refrain ultra marquant du second et son « There’s no such thing as human slaughter ». À la fin du disque, pour parachever l’ascension, « Aucune pitié pour les mains qui tuent » ajoute une voix claire murmurée qui offre une mélancolie bien trouvée avant une reprise du rythme effréné, et « Le vieux monde se meurt » va encore plus loin, avec un chant clair plus franc et mélodique. Cela donne à voir ce que Dying Wish aurait pu faire si le groupe n’avait pas pris la voie des tics mélodeath et du chant clair maniéré. Au-delà d’une comparaison sans doute facile, Divine Sentence s’éteint sur un grand succès et l’idée que le disque aurait pu ne jamais sortir lui donne une saveur toute particulière.
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End It – Wrong Side of Heaven
Punk hardcore – USA (Flatspot)
End It est l'un des rares groupes actuels qui parvient à garder vivace la flamme d’un hardcore authentique à l’ancienne. Les tendances de la scène ont poussé à inclure davantage de metal ou d’influences alternatives, conduisant à des têtes d’affiches concentrées sur le metalcore ou le post-hardcore, laissant le souvenir des Trapped Under Ice, Rival Mob et autres Suburban Scum au second plan. End It est là pour rappeler comment on fait du hardcore direct et vitaminé, dans la plus pure tradition de la côte Est, avec des lives mémorables entre le hardcore et le stand up.
En 2020 et 2022, les EPs One Way Track et Unpleasant Living étaient déjà des manifestes brûlants d’un hardcore sauvage qui a des choses à dire et qui réinvestit son caractère activiste. Wrong Side of Heaven poursuit cette lancée en se donnant pour objectif de « sensibiliser aux changements qui attendent les Américains, le développement personnel et l'importance de maintenir l'éthique et l'intégrité du hardcore ».
Pour ce faire, le disque est composé de 15 morceaux à l'efficacité constante pour une durée totale de vingt-deux minutes. C’est rapide, riche en idées et en propositions, et surtout excellemment rythmé avec des morceaux qui ne durent jamais plus que ce qu’ils devraient. « I Lament » par exemple, parvient à caser un solo d’entrée, un super riff, un two-step, deux couplets effrénés, un petit break et un solo de sortie en 2:14. La générosité du disque s'exprime à travers des tubes comme « Life Sublime », des breaks impeccables comme sur « Cloutbusting », ou encore une fidèle reprise de « Could You Love Me? » de Maximum Penalty, espèce de ballade pop punk qui rappellera les Descendents et qui vient créer une dernière bulle d'air avant le final mid-tempo maîtrisé et inquiétant de « Empire’s Demise ».
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A November Morning – In the Shadows of Absence
Metalcore mélodique – USA (The Coming Strife)
Vous êtes des personnes intelligentes donc ça ne vous aura pas échappé : on vit depuis deux ans le flamboyant retour en grâce du metalcore mélodique, façon riffs à la At The Gates et sensibilité épique sur chaque breakdown. On doit assurément remercier l’écurie Ephyra pour ce phénomène avec la consécration de Balmora, Since My Beloved ou xNomadx. Mais sur le vieux continent, un label fait au moins tout autant d’efforts pour redorer le blason du metalcore mélodique, les Londoniens de The Coming Strife. Enchaînant sans relâche les sorties plus ou moins inspirées (citons surtout les prodiges de Killing Me Softly, les Français de Even If The Sky Is Falling Down et la comète éphémère qu’était Pieces Of Eden), le label structure la scène et orchestre un succès populaire impressionnant pour une scène de niche.
En l’occurrence, leur sortie récente qui m’a soufflé, c’est le premier EP de A November Morning, création californienne absolument saisissante de maturité et de pugnacité. La particularité de cet EP est la longueur de ses morceaux, bien au-dessus de ce à quoi le style nous habitue. Entre six minutes et sept minutes trente, les titres sont travaillés, prennent le temps de déployer leurs bonnes idées et de créer des atmosphères sans pour autant nuire à la dynamique générale. Grâce à cette attention particulière, les morceaux évitent les gimmicks faciles et le revival fainéant, tout en permettant de cocher toutes les cases du genre : leads mélodiques, riffs épiques à deux guitares, harmoniques artificielles, chugs appuyés, breakdowns lancés avec élan, le tout servi par une batterie versatile sans être trop bavarde.
C’est un EP avec une identité extrêmement marquée, qui enchaîne les références sans pour autant les imposer lourdement. Les titres sont liés les uns aux autres par des samples du Seigneur des Anneaux et le groupe cite aussi À l’est d’Eden de Steinbeck dans ses références majeures. Ne cherchez pas plus loin, si vous voulez vous mettre à jour sur cette scène ou si vous voulez vivre une aventure plurielle et épique, c’est ici que vous la trouverez.
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Boneflower – Reveries
Screamo – Espagne (Deathwish)
Durant les dernières années, l’Espagne a su conforter sa place sur le podium du screamo européen. Víbora, Tenue, Viva Belgrado, Crossed, Drei Affen ont tous marqué à leur manière la scène. C’est également le cas de Boneflower qui avait été très remarqué à la sortie de Armour en 2020. Un album doux-amer très évocateur, mais qui manquait de temps forts.
Boneflower, fidèle à la tradition européenne et a fortiori espagnole, mâtine son screamo de post-rock. Il y adjoint également une forte sensibilité post-hardcore / emo, avec des voix claires et une nette influence de Touché Amoré, dont l’immense Jeremy Bolm vient d’ailleurs participer sur le titre « Pomegranate ». La patte Boneflower est exprimée avec clarté et talent sur le premier morceau « The Sun and the Moon » où une voix claire délicate coexiste avec un scream intense.
Globalement, l’équilibre est mieux trouvé que sur son prédécesseur et l’inspiration est plus constante. La douceur vaporeuse se marie plus harmonieusement avec l’âpreté du screamo (parfois quasiment black, comme sur « Sad Bird ») et culmine sur des morceaux comme l’impressionnant « The Void ». Ce qui me fascine en revanche est à quel point Boneflower semble être en difficulté à chaque fois qu’il s’agit de finir un morceau. Les intros et progressions sont toujours fines, mais les conclusions sont hâtives et curieuses. Ça ne suffira pas à enlever le plaisir de l’écoute, mais ça méritait d’être noté.
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Faced Out – At Eternity's Edge
Metalcore – Espagne (The Coming Strife)
Les Espagnols de Faced Out ont sorti un premier album début 2023 qui venait rendre hommage au edge metal européen. Cette scène qui, surtout en Belgique et en Italie, poussait le metalcore au plus proche du metal extrême, et était animée par la flamme vegan straight edge, a fait beaucoup d’émules, même outre-Atlantique. Tout n’est pourtant pas à retenir, loin de là, et ce disque était correct mais ne sortait pas assez de la mêlée.
Un deuxième album est donc l’occasion parfaite pour montrer qu’il est davantage qu'un groupe de worship, et étaler ses bonnes idées avec plus de finesse. Et avec At Eternity's Edge, Faced Out y parvient avec grande classe. On sent toujours autant chez les Galiciens l’ombre bienveillante d’Arkangel et From The Dying Sky, mais on constate aussi la proximité avec les groupes floridiens qui s'en sont nourris, Contention au premier plan. Le moindre riff est acéré, fidèle à la tradition de piquer au thrash sa précision clinique, les breaks sont bien amenés, les ambiances sont travaillées et le chant est possédé, comme seul ce style sait le faire.
Faced Out invite également les espoirs du championnat européen : Eric de Boneflower sur « Saudade », Luis de Fractura sur « Smoke & Mirrors » et surtout notre représentant national, Dom de Sorcerer sur « Compounding Sickness ». Des feats, c’est surtout « Smoke & Mirrors » qu’on retiendra, morceau impeccable de hargne, de leads inspirés et d’atmosphère de fin du monde (le sample final de Bessie Smith, toujours une bonne idée). Et pour voir cette grande réussite en live, le groupe sera de passage en France le 27 septembre à Toulouse, le 28 à Lyon, puis le 6 octobre à Paris et le 7 à Bordeaux.
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Scalp – Not Worthy of Human Compassion
Grindcore / Metalcore – USA (Closed Casket)
Dans La Bagarre de mars 2023, je vous parlais du deuxième album des Californiens de Scalp en ces termes : « Expéditif et haineux, Black Tar est un concentré de noirceur et de saturation malfaisante. » Le groupe avait reçu avec ce disque une attention impressionnante que j’explique notamment par le manque de nouvelles propositions dans le Nails-core. Car même si Scalp témoigne moins d’une influence powerviolence, leur son compact, ultra agressif, dopé à l’iconique pédale HM-2 ne peut que les lier aux auteurs de Unsilent Death.
C’est d’ailleurs un constat plus vrai que jamais sur ce troisième album. Écoutez la tornade qu’est « Shacklerot » et vous en conviendrez. Se pose alors une nouvelle question : quel intérêt si l'on a déjà entendu la même recette ? Je l’ai déjà dit et continuerai à le redire, le hardcore ne se définit pas en matière d’obsession pour la nouveauté mais dans l’intelligence de la réécriture, du réemploi de ses références. Et à ce titre Scalp fait un travail honnête.
Ce qu’on peut leur reprocher en revanche, comme je le faisais pour Black Tar, c’est de finalement beaucoup se reposer sur l’épaisseur de son son au détriment d’avoir des compositions marquantes. Scalp c’est du bitume brûlant versé dans les oreilles, fidèle autant à l’ethos du grindcore qu’à la nervosité du metalcore, mais qu’est-ce qu’on en retient ? Une avoinée réussie mais qui peine à faire date et à se singulariser au-delà de son gimmick central.
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Killing Me Softly – To Forever Fall Through God's Safety Net
Metalcore – Angleterre (Northern Unrest)
J’avais loupé le coche pour vous parler dans une Bagarre de la bourrasque qu’a été le premier album de Killing Me Softly. Je ne laisserai pas cette grossière erreur arriver deux fois. Autumn Lost in Silence a été une déflagration qui a propulsé les Anglais en tête de proue du revival metalcore émotif en Europe. Il faut dire que le groupe de jeunes prodiges a absolument tout compris à la recette en incorporant autant du Poison The Well que du Balmora dans son metalcore.
Pour cet EP, Killing Me Softly va moins chercher du côté du metalcore mélodique que du côté du Converge-worship (« Bled Saviours » ou « Slipped from the Grasp of Wings »). Moins de leads épiques, plus de dissonance et de riffs chaotiques, tout en conservant la même rigueur et finesse d’exécution. C’est aussi le groupe qui écrit les meilleurs breaks du moment. Il n’y en a pas un seul qui manque sa cible, celui de « Slipped from the Grasp of Wings » est absolument redoutable, mais ma préférence va au démoniaque et teigneux break de « A Keepsake Halo ».
Pas besoin d’épiloguer, le groupe a tout compris de ce qui fonctionne dans le true metalcore actuel, abuse de ses codes avec maestria, cite les plus dignes références, et même quand il revient aux sonorités de son premier disque avec « A Keepsake Halo », Killing Me Softly fait du sans faute. Raffinement confirmé par le sample d’Irreversible à la fin de « Forgotten ». Régalez-vous mes gourmets.
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Scarab – Burn After Listening
Metalcore / Hardcore – USA (Rebirth)
C’est la troisième fois que je vous parle de Scarab après un premier EP bien bourrin et un deuxième EP expéditif qui ne venait pas adoucir la recette. Le modus operandi de Scarab est de prendre la fine fleur, la gelée royale des musiciens de la scène actuelle (notamment Tyler Mullen de Gridiron et ex-Year Of The Knife au chant, et Lennon Livesay, le prodige du metalcore floridien à la guitare) et de proposer une musique pile entre le metalcore et le hardcore avec un son cracra, volontairement dégoulinant et des références au thrashcore et ses structures expéditives.
Les deux EPs étaient réussis mais manquaient de morceaux vraiment marquants et souffraient d’une trop grande cohérence d’ensemble. On se faisait rouler dessus mais sans avoir une envie particulière d’y revenir. Malheureusement, c’est toujours le constat que je fais avec ce premier long format (enfin, faut le dire vite, car il ne dure que treize minutes). Pourtant, Scarab a essayé de mettre les petits plats dans les grands avec une vraie DA et des featurings de haute volée. Sur « Ugly », c’est Todd Jones de Nails, qu’on sait être une influence particulière du groupe, et sur « Withdrawn » c’est George Hirsch (Blacklisted) et Justin DeTore (Sumerlands, Dream Unending, Magic Circle, Mind Eraser, The Rival Mob, Innumerable Forms, entre autres).
Le groupe a néanmoins le grand mérite de prendre le metalcore et de lui donner une vraie saveur old school en le faisant se tourner vers ses courants les plus pressés, avec des rappels à des groupes comme Charles Bronson ou même Dropdead. De toute façon, vous ne prenez pas grand risque à vous le faire tourner, dans moins d’un quart d’heure vous pouvez passer à autre chose.
Abracadrabra, abracadabro, sans demander, je vous remets 12 recos :
Côté deathcore, la sensation actuelle est Psycho-Frame. Après deux EPs marquants en 2023, le supergroupe (avec des membres de Vatican, Moodring, Dying Wish, World Of Pleasure, Worm Sheperd) vient de sortir son premier album. C’est extrêmement dense, technique et frontal, et les fans de deathcore y trouveront assurément leur compte. Les autres, dont je fais partie, trouveront davantage que c’est puissant mais encore trop perclus de gimmicks vus et revus.
Après six ans d’absence, les prodiges new-yorkais du mathcore Car Bomb sont de retour avec un EP trois titres. Le premier morceau, « Blindsides » est parmi le meilleur de ce qu’ils ont fait, avec une extraordinaire créativité sur les timbres de guitare, et le reste ne démérite pas, mais après autant de temps on attend surtout l’album (possiblement en 2026).
The Armed m’énerve car je trouve que c’est un projet de hardcore d’école d’art et qu’il ne porte pas en lui l’essence et la spontanéité du genre. Leur cinquième album ne fait pas figure d’exception, car bien qu’il revienne à des sonorités plus hardcore que son horrible prédécesseur et qu’il ait ses bonnes idées (le feat avec Prostitute), il reste maniéré et ampoulé et cite plus que jamais les Strokes (« I Steal What I Want »).
Apparemment, Arkangel et Kickback ont fait un enfant au Chili car Martirio sonne exactement comme le fruit des deux (qui ne sont déjà pas les parents les plus éloignés du monde). C’est vraiment super avec tout plein de séquences ultra coriaces, mais ça faisait longtemps que j’étais pas tombé sur un album aussi worship que celui-ci.
Dans le monde verdoyant du screamo, Shoganai vient de ressortir son solide premier EP sur Zegema Beach. Le groupe texan fait un screamo métallique, strident et constant d’intensité (le morceau « Paradise ») qui peut réserver de belles surprises pour le futur. Ça fera penser à Lord Snow, Karloff ou Nuvolascura en moins dissonant et en plus math.
Ça ne surprendra pas grand monde, mais j’ai pas aimé le dernier Fit For A King que j’ai trouvé plus edgy que jamais. Les morceaux les plus digestes sont ceux qui essayent de se concentrer sur la frappe metalcore (« Extinction ») ou de surfer sur le djentcore (« Lonely God » ou « Monolith »), mais le reste sombre dans le refrain en voix claire impersonnel et de mauvais goût (« No Tomorrow », « Between Us » ou l'abominable « Shelter »).
Osees (ex-Thee Oh Sees), après deux albums de synth punk revient au punk garage. Le disque reste malgré tout très différent de A Foul Form, particulièrement old school, là où ce Abomination Revealed at Last est dopé aux rythmiques motoriques krautrock et à l’énergie bordélique qu’on associe traditionnellement au groupe californien. Une écoute bizarroïde et parfois ronflante mais assurément amusante.
Si vous aimez quand votre metalcore est inconditionnellement sombre et qu’il aime les tessitures et la menace du death metal, il y a le premier album d’Erode qui vient de sortir. Le groupe de Baltimore met même une vitesse à Simulakra et Extinguish dans le genre, avec une proposition extrêmement convaincante de noirceur et d’efficacité.
Dans le rayon metalcore mélodique, c’est le label The Coming Strife qui assure les arrivages réguliers : les fans de Black Dahlia Murder première période pourront aller vers le premier EP de You Will Die, qu’on croirait tout droit sorti du début des années 2000 ; si Prayer For Cleansing et les premiers Dying Wish vous manquent, je vous conseille davantage le premier EP de Cross My Heart, cliché mais efficace ; et enfin, avec une référence assumée à Skycamefalling, le groupe floridien withpaperwings fait un très bel hommage à la scène tout début 2000s (type State Craft) avec des gutturaux, des réflexes quasi slam death et des beaux leads épiques de guitare.
Après une vraie réussite avec leur deuxième album en 2022, Pool Kids revient en remettre une couche dans leur registre emo indie, entre pop et rock, nostalgique, ouaté et lancinant. Ça ressemble toujours à une sorte de Phoebe Bridgers emo sur des arpèges midwest discrets, donc vraiment faites vous plaisir, même si ce troisième disque ne contient pas les hauts qui faisaient la force de son prédécesseur.
Slaughter To Prevail (ou Alex Terrible et son ennuyeux orchestre) a sorti une troisième galette indigne d’intérêt particulier, que je me suis infligée et que j’ai chroniquée juste ici.
Bayway, les gros neuneus du New Jersey poursuivent dans l’hyperactivité beatdown / rap metal avec un album entier. C’est toujours aussi abrutissant, mais sans doute indigeste et dans la mesure où l’effet de surprise commence à passer, je me demande s’ils ne pourraient pas varier un tout petit peu la recette. Le feat avec Big Boy est super en revanche.