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Raton et la bagarre #33

mercredi 16 juillet 2025
Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

Quelles que soient vos motivations pour l'été, le hardcore est en mesure d'y répondre. Summer body ? Entraînement de crowdkill dans votre chambre. Repos et méditation ? Marathon d'EPs de beatdown. Passer du temps avec vos amis CSP+ ? L'album de Turnstile en fond. Toucher de l'herbe ? Ah là ça risque de coincer...

Mai et juin ont été riches en sorties et je vous parle en détail d'une dizaine d'entre elles, avant de vous faire une liste de recommandations plus longues que les devoirs imposés entre la 3ème et la seconde pour se remettre à niveau en SVT et en LV2. Du post-hardcore au beatdown, en passant par une curieuse sur-représentation du rap metal, donnez-vous en à coeur joie, cette liste est la vôtre.

Profitez aussi de l'été pour partager la bonne parole et recommander la Bagarre à vos partenaires de farniente. Si vous le faites, je promets de me restreindre sur les noms de sous-style à l'avenir (je ne tiendrai pas ma promesse).

 

Gridiron | Life | Stray From the Path | Turnstile | Citrus | Home Is Where | Kaonashi | Pig Pen | Asphyxiated | For Your Health | Mentions bonus

 

Gridiron – Poetry From Pain
Rap metal / Metalcore – USA (Blue Grape)

Quand Gridiron est arrivé dans le grand bouillon créatif du hardcore contemporain, il est venu combler une de ses lacunes : le rap metal à riffs metalcore, qui vient rappeler les grandes heures de E-Town Concrete ou Krutch. Un style pas particulièrement fin, concentré sur l’efficacité et l’impact immédiat, avec une culture beatdown du break et des paroles sur la loyauté et la compétition. Pas exactement la recette pour la dernier prix Renaudot, mais un extrait pur de bêtise fun et entraînante.

Le premier EP était solide et prometteur, le premier album était rempli d’hymnes et ce deuxième album vient confirmer que Gridiron est le seul groupe actuel à savoir faire ce style avec simplicité et pertinence, sans jamais tomber dans le mauvais goût. Les 33 minutes de Poetry From Pain sont digestes grâce à une tracklist bien pensée et de nombreux featurings qui viennent nourrir le propos sans le pervertir. 

« Still Playin’ for Keeps » est le morceau qui va le plus chercher dans le répertoire hip-hop avec la venue de trois rappeurs Jay Royale, Pro Dillinger et Daniel Son et parvient à synthétiser les influences du groupe sans tomber dans la parodie. De la même manière, le rappeur new-yorkais Big Body Bes participe au morceau de clôture. Plus classique, l’intervention du groupe de beatdown Missing Link permet un morceau fort et surtout une réponse à l’excellent « Numbers on the Board » qui invitait le chanteur de Gridiron sur le premier long format des New-Yorkais. Enfin, le polyvalent artiste nothing, nowhere. est présent sur le titre éponyme et ne dénote pas, alors que sa dernière collaboration était pourtant avec SeeYouSpaceCowboy.

J’ai du mal à vous extraire des temps forts du disque tant il est rempli à ras-bord de riffs sauvages, de lignes vocales marquantes, de breaks nerveux ou de punchlines stupides : « You employee of the month at the bitch store », « You still on the bench / And we still the benchmark » ou encore « Pressure breaks pipes, it will break you too ». C’est primaire, c’est direct et c’est aussi mon album de la sélection.

 

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Life – Demo Seven
Screamo – USA (indépendant)

Ok faisons un point Life. Ça n’aura pas échappé aux plus attentifs.ves d’entre vous, je suis très client de la musique de Damián Antón Ojeda, le cerveau incroyablement prolixe derrière Trhä, Sadness et Life. Que ce soit dans le black metal atmosphérique, le shoegaze émotif ou le screamo, Damián excelle à trouver la corde sensible et des ambiances prodigieuses. Mais son projet screamo Life avait disparu des réseaux depuis 2021 et l’excellente Demo Five. Pourtant entre 2023 et 2024, Damián avait sorti pas moins de 39 projets avec Sadness et Trhä.

2025 marque enfin le retour d’un de ses projets les plus excitants et encore une fois, sans faire semblant car ce sont neuf sorties qui se sont enchaînées depuis avril. Difficile donc de vous faire une revue exhaustive des nouveautés, car j’avoue ne pas tout avoir écouté. Mais au moins, je peux vous conseiller My Heart the Dreaming Memory, album de screamo métallique cotonneux, absolument unique dans son identité sonore et son intensité crue.

Mais je crois que celui que je veux retenir c’est Demo Seven, une vingtaine de minutes qui viennent toucher l’essence même des musiques émotives hurlées. C’est une tempête d’émotions, toujours dans la justesse, avec précision et intelligence tout en étant un crève-cœur. « Untitled Six » par exemple est un morceau éblouissant de maîtrise et de sensibilité. Sur « days in the past », Damián livre une performance vocale absolument irréprochable pour le style, toujours sur la ligne de crête de la justesse, entre chant saturé et voix de tête. Sur « perfect kiss » et « we could run away » en revanche, on retrouve des couleurs et des techniques bien plus midwest emo, sans pour autant trancher avec le reste. La démo vient donc synthétiser le meilleur de ce que Life peut produire tout en ne sonnant jamais comme une simple compilation. Si vous avez le temps, prenez le temps de vous plonger dans la discographie touffue, mais si vous voulez une porte d’entrée sur l’oeuvre récente, alors c’est celle-ci que je vous recommande.

 

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Stray From the Path – Clockworked
Rap metal / Metalcore – USA (Sharptone)

Stray From the Path est un groupe à la trajectoire étonnante. Originaire de Long Island à New York, il existe depuis plus longtemps qu’on imagine. Alors qu’on l’associe généralement à la scène metalcore moderne, Stray From the Path est actif depuis 2001 et a sorti quatre albums de metalcore oubliables avant de publier son Make Your Own History en 2009 qui va rencontrer un premier succès populaire. Mais il faudra attendre trois autres albums et Subliminal Criminals en 2015 pour retrouver la recette qui fait la signature du groupe, un metalcore rappé, dissonant et frontalement politique.

Mais pour moi la vraie curiosité du groupe c’est d’avoir attendu autant d’albums avant de devenir vraiment solide. Si les neuf premiers disques contiennent quelques morceaux efficaces, c’est avec leurs trois derniers albums (Internal Atomics en 2019, Euthanasia en 2022 et celui-ci) et cette identité sonore de RATM metalcore que Stray From the Path est devenu un groupe sérieusement intéressant. Sauf qu’en annonçant par surprise Clockworked, les New-Yorkais ont également révélé qu’il s’agirait de leur dernier album et que le groupe se séparerait après une ambitieuse tournée à travers l’Europe et l’Australie. Un départ sur une grande réussite et « sur une décision mutuelle, sans mauvais sang », selon leur communiqué.

Clockworked est un album rempli à ras-bord de ce qui fait Stray From the Path : une énergie extrêmement communicative, un enchaînement de tubes dissonants et militants et un rythme constant sans s’éterniser au-delà de la demi-heure. Plusieurs tubes émergent avec « Fuck Them All to Hell » ou le bourre-pif survitaminé qu’est « Shot Caller » et les deux featurings, avec Flo de Landmvrks sur le morceau titre et Jeff Moreira de Poison the Well sur « Bodies in the Dark », ont de la personnalité et une plus-value indéniable.

Alors rendez-vous à Lille le 12 novembre, à Paris le 13, à Toulouse le 14, ou à Grenoble le 18 pour dire au revoir à un groupe dont les lives sont une expérience joviale et intense et dont les dernières productions sont les témoignages d’une vraie fibre hardcore et d’un activisme sincère et inspirant.

 

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Turnstile – NEVER ENOUGH
Post-hardcore / Rock alternatif – USA (Roadrunner)

J’ai des défauts mais pas la prétention de faire mieux que Victor sur son terrain, c’est pour ça que je vous renvoie vers sa chronique, tout en ajoutant quelques mots, car ne pas couvrir ce qui sera probablement le plus gros album hardcore et affiliés de l’année serait un crime.

Je n’ai jamais caché être un fan extrêmement assidu de Turnstile, en continu depuis Nonstop Feeling. Glow On était pour moi, comme pour beaucoup de fans de hardcore, autant un aboutissement qu’une forme de compromission. Mais là où Turnstile a tout gagné c’est que la flamme du hardcore, sa spontanéité et sa vibrance, a toujours occupé une place centrale dans la démarche et les lives du groupe.

Est-ce que ça suffit pour faire un bon album ? Pas vraiment, car comme beaucoup l’ont déjà dit, Never Enough est la version light de Glow On et vient resucer tous les gimmicks de son prédécesseur sans vraiment proposer d’évolution. Sans leur demander de faire dans l’avant-garde, on était en droit d’attendre autre chose qu’un auto-pastiche souvent flagrant. « Never Enough » est une version alternative de « Mystery » (dont le deuxième riff est aussi repris dans « Dull »), « Look Out for Me » rappelle fortement « Fly Again », « Dreaming » est un « Don’t Play » bis, « Birds » est évidemment le nouveau « T.L.C. » et même le riff de « Slowdive » est une version édulcorée de « Sweet Leaf » de Black Sabbath.

Une liste qui pourrait s’étendre, mais dont vous comprenez déjà bien le sens. En plus de tout cela, Never Enough souffre d’une production trop lisse avec des structures de morceaux qui donnent un curieux côté impersonnel au disque (« Sole » dont je perds systématiquement le fil, ou « Sunshower » et sa fin interminable). Turnstile pouvait mieux faire, le public méritait mieux et même si c’est un album qui reste majoritairement plaisant à écouter (surtout la séquence centrale de « Look Out for Me » à « Birds »), la fin est vraiment médiocre et on est en droit d’être déçu. Et pour le bruit de tocage de porte dans « I Care », allez vous faire foutre.

 

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Citrus – Succumb to Scum
Punk hardcore – France (Frozen Records)

Si vous aimez bien rire et que vous êtes au fait des dernières pitreries des réseaux, vous vous souvenez probablement de ce meme opposant egg punk et chain punk. Deux approches radicalement opposées du punk, la première réflexive, humoristique, et surtout nourrie par le post-punk dançant de Devo, et la seconde, primitive, agressive et influencée par le crust et le hardcore urbain, sale et pressé.

Sans trop vouloir spoiler, Citrus est un éminent représentant de la seconde catégorie, en se faisant l’apôtre français d’un grand et joyeux chaos crachotant. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on vous en parle : avec une chronique de la première démo par mes soins et surtout un reportage en terres montpelliéraines par Sleap de la Villardière. Et depuis son premier bourgeonnement (je suis nul en botanique), Citrus n’a fait que parfaire sa recette. 

Succumb to Scum est un EP qui derrière son apparence bestiale est très finement dirigé, dans un hardcore féroce dont on sent encore mieux la digestion des influences crust / stenchcore (ce style de crust particulièrement marqué par le metal extrême). C’est surtout 11 minutes de hardcore fun et survitaminé (mauvais jeu de mot compris), dont l’écoute parvient à être variée malgré le déluge de larsens. Energique, suintant de crasse, de vilénie, mais aussi de talent, Citrus incarne la quintessence du chain punk, du hardcore de gobelin sournois et de ce que SPY n’a pas réussi à tutoyer depuis son deuxième EP.

 

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Home Is Where – Hunting Season
Emo country rock ? – USA (Wax Bodega)

Voire un groupe évoluer et changer de style peut parfois se vivre comme une dépossession. En publiant son oeuvre, l’artiste la cède entièrement à son public. Celui-ci la fait sienne et est en mesure d’en établir les frontières confortables. Quand l’artiste change de style ou de registre, il vient questionner ces frontières rassurantes établies par le public et rappelle que la direction de son oeuvre lui appartient.

C’est précisément le cas avec ce troisième album de Home Is Where. Le groupe américain avait commencé avec l’excellent EP Our Mouths to Smile et l’album I Became Birds, dans une démarche résolument emo où Brand New venait rencontrer le chant de Neutral Milk Hotel dans un déluge lumineux et chaotique. Puis Dissection Lesson, l’EP collaboratif avec Record Setter, avait été une leçon absolue en matière de screamo conscient et nerveux. L’année d’après, le deuxième album The Whaler revenait à cette identité musicale ludique, très cinquième vague d’emo, avec une poésie foutraque touchante.

2025 marque la sortie d’un troisième long format qui garde cette énergie anarchique et débraillée, mais qui opère un virage marqué vers la country, en gardant une sensibilité emo mais en se défaisant de la majorité de ses marqueurs stylistiques. On reste sur un sosie vocal de Jeff Mangum de Neutral Milk Hotel, mais gonflé à l’harmonica d’un Neil Young des mauvais jours. Le disque se pense comme un témoignage du chaos, des contradictions et de la bizarre poésie du Sud des Etats-Unis, depuis la parole d’une femme trans, car la chanteuse a annoncé son coming out l’année dernière.

Au-delà du changement stylistique, j’ai du mal à retrouver la variété et l’amusement des précédents opus. Les titres s’enchaînent, parfois en se ressemblant beaucoup, comme le difficile duo « shenandoah » / « milk & diesel », et surtout de façon extrêmement énervante. En répétant ad nauseam des gimmicks de composition country un peu faciles et Bea MacDonald en faisant beaucoup trop avec la non-justesse de sa voix, Hunting Season tape sur les nerfs. Il y a bien des tentatives comme « Roll Tide », morceau fleuve ambitieux, bizarrement placé dans la tracklist, avec une progression intéressante mais définitivement trop étirée, mais sur son entièreté, l’album est trop long et souffre trop de redite. À vouloir trop jouer sur la corde de l’album concept, Home Is Where semble s’être un peu perdu en route.

 

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Kaonashi – I Want to Go Home
Mathcore sassy – USA (Rude Records)

Kaonashi est un groupe très curieux dans le paysage metalcore. A l’instar de Callous Daoboys, le groupe est assez caractéristique d’un metalcore chaotique composé par des nerds surdoués avec un gros trouble de la concentration. Ça tombe bien car j’ai des problèmes similaires avec les deux projets. Dans le cas de Kaonashi, sur une base mathcore / metalcore dissonant, le groupe y a ajouté toute une foultitude de touches marquées : un chant strident et maniéré façon sass à la Blood Brothers par ici, des rythmiques djent par là, et surtout une très forte sensibilité pour le post-hardcore alambiqué voire arty avec des plans que Dance Gavin Dance ne renierait pas, quand ce n’est pas du pur metal progressif (« Extra Prayers »).

Les mêmes raisons qui rendent autant Kaonashi extrêmement singulier et prodigieux qu’excessivement énervant. Vous comprendrez vite que c’est pour moi surtout la deuxième catégorie, dans l’exacte même case que The Armed. Alors que Kaonashi prouve sur scène et dans ses communications un amour inconditionnel pour l’instantanéité et la fébrilité hardcore, j’ai du mal à dépasser l’arrogance et l’emphase de sa musique.

Le motif principal est le chant de Peter Rono. Le hardcore a beau ne s’être jamais basé sur des chants de grande qualité, il y a peut-être des limites, définitivement questionnées par Rono. Le chanteur est reconnaissable instantanément par son hurlement de tête désagréable, comme perpétuellement bloqué au milieu d’un sanglot (pas très loin du DSBM). Il est tout de même à noter que sur cet album, Kaonashi n’a jamais autant fait appel à des types de chants différents, dans une vraie tradition prog.

Les musiciens de Philadelphie vont dans tous les sens, du post-hardcore en référence à Thursday au mathcore perçant, très souvent en jouant sur l’ambivalence entre la grande maîtrise instrumentale et la dissonance et les limites de la justesse, comme sur « J.A.M.I.E. », avec l’intervention d’Anthony Green, légende de la scène et chanteur de Circa Survive et longtemps dans Saosin. Au rayon feats, on peut aussi noter la présence de Piantini Toribio de Newcomer et Joel Turcotte de Royal Coda. Et parfois l’étrange recette fonctionne (« Red Sink, Yellow Teeth »), parfois c’est juste crispant (« Slower Forms of Suicide »). À vous de voir dans quelle équipe vous vous trouvez.

Edit : j'ai vu le groupe en live la veille de la publication et c'était vraiment excellent, très bien orchestré et extrêmement fun. Comme quoi ne restez jamais dans l'aigreur et lancez des tomates sur vos chroniqueurs préférés quand vous les croisez.

 

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Pig Pen – Mental Madness
Punk hardcore – Canada (Flatspot)

Personne ne me contredira si je dis qu’on ne parle que peu du hardcore dans la presse généraliste voire dans la culture populaire en général. Le hardcore a une identité profondément contre-culturelle et underground et ce même quand Turnstile remplit des stades. De fait, il est toujours intéressant de voir les croisements entre culture légitime ou de masse et culture hardcore. L’exemple de cette rubrique est Pig Pen, le projet hardcore du chef, acteur et personnalité publique Matty Matheson. Surtout connu en France pour son rôle de Neil Fak dans The Bear, Matheson est aussi un fan de punk et a décidé de créer un groupe avec des têtes de la scène canadienne : Wade McNeil de Alexisonfire et actuel chanteur de Gallows, ainsi que les frères Ian et Daniel Romanon, actifs dans le milieu alternatif de l’Ontario.

Alors que les attentes pour un acteur qui se met au chant saturé étaient plutôt basses, Matty Matheson s’en sort avec les honneurs avec sa voix sourde et criée légèrement réverbérée. Côté instru, on est sur un hardcore lo-fi à la basse prégnante, à la batterie épaisse et pataude, assez chain punk dans l’esprit et proche de ce que peuvent faire Bib, Spy, Gag ou Armor.

Dans le kit presse, on apprend qu’après des mois à se passer des playlists et des idées de riffs, le groupe a écrit les dix chansons de l’album en une journée et a tout enregistré le lendemain. Une chouette anecdote mais qui se ressent malheureusement dans le produit fini avec une première moitié teigneuse et rentre-dedans (« Mental Mentality » ou « Pig Pen ») et une seconde moitié plus mou du coude et générique (« Venom Moon Rising », « Howl & Veil ») qui lorgne presque du côté du sludge à certains moments, comme sur le final « XJXIXDX » qui s’éternise sur six minutes. Une écoute pas désagréable du tout, mais avec encore de bonnes marges d’amélioration.

 

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Asphyxiated – Reborn in Evil
Slam groove – USA (Mass Casualty Recordings)

Il suffisait du micro buzz autour de Torture et le succès de Final Resting Place pour créer un revival du slam death lo-fi ultra bourrin et joué comme du beatdown groovy (pensez Internal Bleeding et Soils of Fate). Et comme je vous ai déjà pas mal parlé de FRP et de Fatal Realm, je suis obligé de continuer dans les digressions brutal death pour fans de hardcore.

Asphyxiated, avec, il semblerait, des membres de Balmora, Azshara et Prevaricate, vient pousser les potards de la bêtise à 12 avec un slam death compressé, à la basse poussée à fond dans le mix et avec une batterie qui claque comme un djembé. La démarche jusqu’au boutiste et la présence de Balmora me pousse à penser qu’Asphyxiated n’est pas un projet tout à fait sérieux et qu’il vient rendre hommage à une scène très précise, non sans ironie (une démarche pas si lointaine de XclocktowerX). Un autre élément pointe vers cette direction : la reprise version slam lo-fi du formidable break de « Love » de Gojira.

D’autres oreilles attentives reconnaîtront peut-être des références à Animosity ou Dehumanized, soit la fine fleur du death metal le plus brutal et crasseux. Derrière ces nombreuses références, il y a surtout une vraie révérence et une volonté d’hommage sincère. Surtout, comme la plupart des auditeurs-trices, vous en avez probablement rien à faire de noter les citations sur-précises, et vous pouvez tout aussi bien vous satisfaire d’Asphyxiated pour ce que c’est : du slam efficace et méchant, avec des breaks puissants (« Reborn in Evil »), du groove (« Earth Reduced to Atoms ») et un chant guttural façon micro-ondes qui tourne.

 

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For Your Health – This Bitter Garden
Metalcore émotif et dissonant – USA (3DOT)

Je vous en parlais dans la Bagarre #9, le parcours de For Your Health est particulier. Du screamo/emoviolence de leur premier EP et du superbe split avec Shin Guard, le groupe de l’Ohio est passé à un melting pot anarchique de tout ce que les années 2000 ont pu produire comme musiques émotives saturées. Il y a quatre ans je disais du premier album : « Sur ce premier LP en solo, soyons honnêtes, For Your Health fait n'importe quoi. Mais au moins, le groupe le fait avec enthousiasme et rigueur. » et je pourrais renouveler ce constat sans sourciller, même s’il est à nuancer.

This Bitter Garden pourrait en tout point se résumer au grand frère de In Spite of. Ce n’est pas un album cohérent mais une lettre d’amour au metalcore emphatique, maniéré et émotif, dans toutes ses digressions. Ce n’est évidemment pas un album pour tout le monde, mais c’est fait avec tellement de déférence et de rigueur, qu’il est difficile de ne pas être touché par ne serait-ce qu’un seul moment des 38 minutes du disque. Il pourrait aussi être analysé comme la relève de SeeYouSpaceCowboy, tant dans son amour pour la dissonance que pour son attirance pour la dimension plus pop / chant clair du post-hardcore.

Compte tenu de la nature de l’album, difficile de ne pas se livrer à une liste de ses ingrédients principaux. La part metalcore chaotique est toujours consistante avec des morceaux très forts comme « Clementine » ou « Lamb Without Fold » ; un titre comme « Longinus » s’inscrit très clairement dans la continuité du sass de SeeYouSpaceCowboy, tandis que le mathcore frénétique se retrouve sur « The Radiant Apostasy » ; de l’autre côté on a des morceaux comme « Flowers for the Worst of Them » qui viennent émuler le mall screamo de Underoath ou Silverstein ; le très complet « The Rotting Pair » qui m’a même fait penser à du Enter Shikari ; ou encore « Heaven, Here » et son spoken word sur du piano qui renvoie directement à La Dispute et sa saga d’EPs Here, Hear. Ultime pour certains, irritant pour d’autres, This Bitter Garden a au moins l’immense mérite d’avoir mûrement pensé son dispositif et son exécution et de rendre difficile d’imaginer une ode plus dense au metalcore accessible 2000s.

 

 

Le soleil vous éclabousse le crâne, mais vous refusez catégoriquement d’écouter Theodora comme tous les cool kids ? Voici donc de quoi faire peur aux UV avec plein de hardcore bien revêche en rab :

  • Le général de Gaulle disait que « la France ne peut être la France sans grandeur » et heureusement, le tout nouveau groupe de metalcore mélodique Even If the Sky Is Falling Down s’y emploie. Avec un trois titres dans le plus pur worship du metalcore mélodique du début des années 2000 (Reprisal, Dead Blue Sky…), c’est une excellente surprise qu’on a hâte de voir grandir. 

  • Drug Church vous parle mais vous aimeriez une version plus rêche, influencée par le street punk ? Ça tombe bien, le deuxième album de Skinhead a pris un peu la scène de court en intégrant une sensibilité oi! à un hardcore mélodique doux-amer aux paroles souvent bien tristounes. Un disque curieux mais savoureux.

  • La Dispute a commencé à teaser son nouvel album prévu pour le 5 septembre et intitulé No One Was Driving the Car. En plus des trois premiers titres révélés, le groupe légendaire de Grand Rapids a publié « Environmental Catastrophe Film », un morceau fleuve de près de neuf minutes sur l’amertume de vieillir et qui vient tutoyer les plus grandes oeuvres de leur discographie.

  • La meilleure chronique de toutes les Bagarres restera celle de l’avant-dernier album de Malevolence. Je ne ferai donc pas mieux pour le tout nouveau et ça tombe bien, eux non plus. C’est toujours un espèce de Pantera / Lamb of God meets du metalcore qui récite son Parkway Drive, absolument calibré et souvent un peu ringard mais très amusant (même si sur 42 minutes ça devient vite épuisant). 

  • Mugshot décide de mettre de côté la créativité pour émuler un Kublai Khan feat. Knocked Loose pendant toute la durée de son nouvel album. Ne vous y trompez pas, le disque reste copieux et bien ouvragé, mais si comme moi, vous passez trop de temps à écouter des clones des groupes susnommés, vous allez être en territoire très connu.

  • À Zurich on sait visiblement s’énerver. En plus de Divine Sentence dont j'aurais aimé vous parler de l'album mais qui vient d'être annulé, les jeunots de Decay Remains font un metalcore nourri au death metal (en citant Gates of Hell notamment), avec un grand sens de l’urgence, de la composition variée et de chants incarnés.

  • Close enough, welcome back Integrity : il semblerait que derrière le mystérieux projet The Final Agony, il y ait Aaron Melnick, membre fondateur d’Integrity, avec Connor Donegan de Brain Tourniquet au chant et Arthur Rizk himself à la prod. Moi j’ai trouvé ça super (le régal du morceau « Baptized by Flames »), mais c’est du worship pur et dur.

  • Avec son premier album, Iron Mind propose une espèce de rencontre entre du Suburban Scum et du King Nine, en évidemment moins inspiré, mais toujours sympathique. Il n’y a jamais de fautes de goût, mais rarement de temps particulièrement forts non plus. Prenez deux morceaux (au hasard « Test of the Iron Mind » et « More Pain »), ajoutez-les à votre playlist de sport et ça suffira amplement.

  • Full of Hell, après avoir fait le tour du grindcore et de la powerviolence, sort un EP de metalcore mid-tempo avec même un feat de Kruelty sur le dernier morceau. Les influences sludge et industrielles se font toujours sentir, mais les sept morceaux se révèlent assez moyens et peu inspirés. 

  • Emoviolence incarnée et incendiaire en provenance de Caroline du Nord, Process // Sleep tape très fort pour sa toute première production. Avec un style abrasif, noir et puissant (on peut parfois penser à Letters to Catalonia), et des vrais cris stridents, les fans du genre ont tout intérêt à suivre de près ce que le groupe va continuer à sortir.

  • Avec des membres de fallingwithscissors, andthecanaryfell. fait du screamo métallique particulièrement désespéré, avec une anxiété criée qui confine au DSBM et pas mal de bonnes trouvailles. C’est parfois assez amateur, notamment au niveau de la prod, du rythme et certains accents du chant, mais des morceaux comme « When the Heavens Sing, Sorrow Brings Rain » ou « As the Ice Melts » font indéniablement mouche.