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Album

18 juin 2025 - Di Sab

Turnstile

NEVER ENOUGH

LabelRoadrunner Records
styleHardcore de riches
formatAlbum
paysU.S.A
sortiejuin 2025
La note de
Di Sab
6/10


Di Sab

Il y a quelques temps, Maxwell avait publié une vidéo assez intéressante concernant la possibilité de voir certains albums comme une « OST de vie ».  Bande son d’une époque révolue, riffs accompagnant le passage d’étapes cruciales de l’existence, c’est un lieu commun de constater que certaines époques, certaines personnes, certaines épreuves seront liées à des artistes écoutés à ce moment. Glow On, à bien des égards, est l’OST de mes années 2021-2022. Sucré et gorgé d’énergie, il contraste avec le difficile retour à la normale d’une société post Covid, il me rappelle mon insertion professionnelle, des personnes qui me sont chères, d’autres qui me l’ont été, des instants précis de joie et de peine. A ce titre et au-delà de sa qualité intrinsèque, c’est un album qui m’est extrêmement cher car chaque écoute est accompagnée d’une sorte de grand kaléidoscope de souvenirs que je me plais à voir défiler dans mon esprit.

Inutile ici de rappeler que Glow On a permis à Turnsile de totalement changer de dimension. De jeunes promesses d’une scène hardcore en plein âge d’or, ils sont devenus des pièces maîtresses de la musique alternative. Leurs passages réguliers dans des évènements tels que Primavera en attestent. Et là où beaucoup ont découvert le quintet de Baltimore en 2021 et où Glow On a bénéficié d’un réel effet de surprise, Never Enough ne pouvait pas être une révélation. Au mieux, le nouvel opus confirme les talents d’écriture d’un groupe qui a habitué son public à étendre son spectre musical, au pire, l’auditoire se retrouvera face à un album dont la conception même souffre de l’ombre et de la stature de son illustre prédécesseur.

Never Enough se situe entre les deux. Avant toute chose, il convient de souligner l’excellente communication autour du lancement du disque. Pour ne pas se retrouver face à une pression inutile et qui les desservirait, le groupe a choisi d’annoncer le lancement de l’album très peu de temps avant sa sortie. Le fait de proposer Never Enough pour l’été est, bien évidemment, un choix stratégique pertinent. Dernier point et pas des moindres, le groupe a offert un show gratuit dont les bénéfices ont été reversés à des associations aidant les sans-abris. Cette opération a pu améliorer leur image, eux qui ont la réputation d’être avides et qui renoncent à prendre formellement position politiquement, à l’inverses de toutes celles et ceux qui viennent de leur scène d’origine.

Musicalement, en tant qu’album, Never Enough n’est pas inintelligent, loin s’en faut. Il offre un prolongement logique à Glow On de la même manière que ce dernier développait des éléments en gestation dans Time & Space. En 2025, Turnsile travaille toujours avec autant de minutie ses arrangements qui donnent un vrai relief aux riffs. A noter également un vrai travail sur les toplines (« DULL » et « LOOKIN OUT FOR ME » en tête). Au-delà de ça, on retrouve ici aussi quelques balades dans le goût d’ « ALIEN LOVE CALL » et d’ « UNDERWATER BOI ». Never Enough propose surtout beaucoup de titres très rocks dans le goût de « LONELY DEZIRES » là où les pièces purement hardcore et up tempo se font de plus en plus rares. De manière générale, Turnsile, depuis 10 ans, enrichit son hardcore d’éléments extérieurs et en 2025, la rupture est quasiment consommée tant le propos est désormais éloigné de Step 2 Rythm.

Mais au-delà de ces éléments formels, quelle lecture en faire ?  D’une part, en interview, Brendan Yates insiste sur la dimension spontanée des compositions. Et il est difficile de ne pas sentir que Never Enough est un album honnête où le groupe décide de faire ce qui lui plaît. Et force est de constater qu’effectivement, Turnsile tient son cap. Cependant, pour la première fois, l’auditeur n’a pas l’impression d’un réel franchissement d’étapes. Beaucoup de plans sont des calques de Glow On (« NEVER ENOUGH » peut être lue comme une réécriture de « MYSTERY », « BIRDS » rappelle « WLD WRLD »), la pochette en elle-même atteste de ce prolongement. Et parmi les nouveautés, il est assez aisé de les rapprocher de certains grands moments de hardcore des dernières années. Le beat reggaeton de « DREAMING » rappelle celui de « Suffocate » de Knocked Lose x Poppy, les cuivres très originaux du même titre peuvent rappeler les petits inserts de flûte traversière de Speed.  

Certains plats, en particulier les mijotés, sont réputés pour être meilleurs réchauffés que dégustés le jour même. Cette règle ne s’applique que peu aux mets estivaux dont l’intérêt réside dans la fraîcheur, l’acidité, la spontanéité, la légèreté. Turnsile sont d’honnêtes cuisiniers anti-gaspi. Le plat-signature est moins succulent avec des ingrédients rances. Dommage.

Tracklist :
Never Enough
Sole
I Care
Dreaming
Light Design
Dull
Sunshower
Look Out For Me
Ceiling
Seein' Stars
Birds
Slowdive
Time is Happening
Magic Man

 

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