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Album

11 octobre 2019 - Raton

Turnstile

Time & Space

LabelRoadrunner
styleNew York Hardcore
formatAlbum
paysUSA
sortiefévrier 2018
La note de
Raton
9/10


Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Turnstile est une figure majeure de cette nouvelle scène qui ne porte pas encore de nom mais que j’appellerai volontiers « New Youth Crew », parce qu’encore plus que déblatérer sur des albums sortis l’année dernière, j’adore affubler de noms fumeux les nouvelles scènes à la mode.

Cette scène étatsunienne hyperactive, extrêmement teen-friendly, remet au goût du jour l’approche juvénile, communautaire et insouciante du hardcore. Mais c’est surtout une scène hétéroclite et assez intangible où se côtoient New York hardcore (Backtrack, Incendiary), hardcore classique (Cold World, Trapped Under Ice), metalcore (Harm’s Way, Code Orange), beatdown (Knocked Loose, Kublai Khan) et même pop punk (Angel Du$t).

Parmi tous ces beaux noms, Turnstile semble s’affirmer comme le groupe le plus bankable (aux côtés des rockstars de Code Orange), avec une fanbase fidèle et une présence sur le catalogue de Roadrunner Records. Probablement car il s’agit du groupe au son le plus varié, toujours à la croisée de cette scène « New Youth Crew » et des influences hardcore-old school de la côte est des Etats-Unis, la scène new-yorkaise en tête évidemment.

Cette approche composite se retrouve encore plus dans cet album que dans le fabuleux précédent, « Nonstop Feeling » - dont le seul élément véritablement incongru était l’ultra-pop « Blue by You » -. Ici, l’homogénéité n’est jamais recherchée. On passe de bangers dans la pure veine NYHC comme « I Don’t Wanna Be Blind » à des interludes à la saveur d’ascenseur (« Bomb »), en passant par des morceaux aux sonorités plus typées post-hardcore (« Moon »). On trouve même un clavier rock’n’roll dans le furieux « High Pressure ».

Pourtant, le manque d’unité ne fait pas de « Time & Space » un foutoir déconcertant. Au contraire, l’énergie désinvolte qui parcourt le disque lie fortement les titres entre eux, dans un déluge de sueur et de décibels. C’est ce qui me plaît autant chez Turnstile : à l’instar d’un Refused, ils semblent avoir parfaitement digéré tous les codes de la scène pour les réutiliser dans un tout cohérent et d’une efficacité absolue.

Dans leur approche musicale, des guitares au jeu de batterie en passant par le chant unique de Brendan, Turnstile sont aisément identifiables tout en étant extrêmement référencés. À titre d’exemple, dans « Can’t Get Away » un des refrains se voit ponctué d’un « ugh » évoquant directement les scènes tough (beatdown et consors), mais n’est jamais répété une seconde fois, évitant à la référence de manquer de subtilité. Plus encore, le groupe donne une véritable de leçon de composition en ayant recours à des breakdowns infaillibles sans passer à du sous-accordé sur-ralenti de neuneu. « Can’t Get Away » ou « Generator » vous le prouveront.

Si au départ, je trouvais que les singles suffisaient et que le reste n’apportait pas grand-chose de plus au disque, j’ai très vite appris à aimer les autres pistes et me suis rendu compte que « Time & Space » se révélait être un grower, fait rare dans une scène aussi directe et instantanée que le hardcore. Et quand bien même vous ne seriez pas là pour attendre que l’album grandisse en vous, la première écoute demeure tout à fait gratifiante avec des tubes immédiats comme « Real Thing » ou « I Don’t Wanna Be Blind ».

Là où plusieurs artistes de la scène « New Youth Crew » peuvent vite fatiguer par leur lourdeur inconditionnelle (Code Orange ou Knocked Loose), Turnstile garde un côté ultra-accessible, avec des hooks redoutables et de nombreuses variations qui aèrent grandement l’album. Écoutez par exemple « Right to Be », le titre parvient à rester intense sur toute sa longueur tout en étant varié et aéré et sans jamais perdre sa force de frappe.

Quand un artiste de hardcore parvient à être aussi accessible qu’exigeant, le pari est définitivement réussi. Et sans jamais se départir de son côté débonnaire, Turnstile s’impose comme une valeur sûre, voire comme un groupe incontournable pour tout amateur de hardcore, de punk, et même de musiques amplifiées en règle générale.

AOTY 2018

 

Tracklist :

1. Real Thing (1:56)
2. Big Smile (1:30)
3. Generator (3:15)
4. Bomb (0:25)
5. I Don't Wanna Be Blind (2:05)
6. High Pressure (1:57)
7. (Lost Another) Piece of My World (1:52)
8. Can't Get Away (3:02)
9. Moon (1:53)
10. Come Back for More / H.O.Y. (2:55)
11. Right to Be (2:05)
12. Disco (0:47)
13. Time + Space (1:41)

 

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