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Raton et la bagarre #22

mardi 18 juillet 2023
Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Vous voulez vous échapper un instant de l'ambiance hexagonale ? Manque de pot, c'est canicule et embrasement dans le hardcore aussi. Une chaleur de plomb et beaucoup de colère avec le retour d'artistes majeurs de la scène actuelle : Incendiary au premier plan, mais aussi les surfeurs courroucés de DRAIN, le mathcore fébrile de Pupil Slicer et les grands nerveux de Never Ending Game. C'est aussi l'occasion pour plusieurs groupes en pleine ascension de publier leur premier album, avec des résultats très variés : SunamiSPYBuggin. Côté musiques émotives, c'est un excellent cru pour le screamo avec le réveil, parfois providentiel de trois immenses groupes : Loma Prieta, Ostraca et Øjne. Enfin, la place est toujours chaude pour les groupes émergents et futures valeurs sûres, avec cette fois Adrienne, Envision, Power Alone et surtout les Français de Cohésion.

Deux nouveautés pour ce #22 : un sommaire cliquable pour s'y retrouver plus facilement et surtout l'arrivée de la playlist officielle Raton et la bagarre. Avec un titre par album chroniqué, elle sera actualisée à chaque nouveau numéro. Pour l'instant, elle ne contient que les titres de cet épisode, mais les deux premiers articles de l'année arriveront bientôt dessus.

Alors posez-vous / accrochez-vous à la barre du métro / demandez à votre partenaire de se taire et régalez-vous du meilleur du hardcore sorti entre mai et juin. Si jamais l'article vous plaît, parlez-en autour de vous et propagez la sainte parole de la Bagarre.

Incendiary | Ostraca | Buggin | Never Ending Game | Loma Prieta | Drain | Øjne | Spy | Pupil Slicer | Envision | Sunami | Cohésion | Power Alone | Adrienne | Mentions bonus

 

Incendiary – Change the Way You Think About Pain
New York hardcore / Metalcore – USA (Closed Casket)

Faute de temps, pas de chronique pour cet album qui en aurait pourtant largement mérité une. Incendiary, par sa constance, l'extrême efficacité de ses morceaux et la fine alliance entre le New York hardcore au chant quasi-rappé et les riffs metalcore furibonds, s'est imposé comme une tête d'affiche indéniable du hardcore moderne. Jamais décevants, toujours incroyablement carrés, les New-Yorkais promettaient du grandiose après le chef d'oeuvre Thousand Mile Stare, sorti il y a déjà six ans.

Change the Way You Think About Pain commence par l'imparable « Bite the Hook » qui reprend juste là où le précédent disque s'est arrêté. À plusieurs reprises, on frôle même la réécriture, comme sur « Echo of Nothing » qui reprend la même structure que « Still Burning » avec plus de mid-tempo. Malgré les réminiscences, c'est un bonheur de retrouver un Brendan Garrone en pleine forme avec son delivery impeccable et son écriture fine et contestataire : « When the well dries up / The bread has turned to crumbs / They'll look down at the street / And use the stones to speak / Every window deserves a brick »

Côté nouveautés, on peut remarquer un retour à des plans beaucoup plus metal, comme sur « Host/Parasite » et son palm mute sauvage ou sur le refrain très Hatebreed-esque de « Rats in the Cellar ». Le poids des tonalités thrash metal ne s'était pas autant fait sentir depuis Cost of Living. Quant au tube de l'album, « Lie of Liberty », en plus d'être une critique acerbe des incohérences de la posture libertarienne américaine, conjugue un riff classique du groupe avec une guitare mélodique pour un premier couplet et un refrain iconiques. 

Même si Incendiary reste deux têtes au-dessus de la mêlée, certains titres de l'album ont des allures de chutes de studio, ce qui se voit vite sur un disque de 10 titres pour moins de 30 minutes. C'est particulièrement le cas de « C.T.E » et « Collision ». Change the Way You Think About Pain est un album réussi et enthousiasmant pour tous les fans de hardcore charpenté, mais on peut quand même se permettre d'espérer d'Incendiary davantage de renouvellement dans le futur.

 

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Ostraca – Disaster
Screamo multiple – USA (Skelethal Lightning)

À peine teasé d'une sobre publication une semaine avant sa sortie, le nouvel album d'Ostraca a été révélé au monde fin juin. Les prodiges de Virginie n'avaient rien publié depuis Enemy, album assez frustrant, surtout après le chef d'oeuvre qu'était Last. Malgré la surprise, les attentes étaient donc au plus haut pour voir si Ostraca pouvait confirmer sa place dans le peloton de tête du screamo moderne.

Pour ce retour en pleine forme, le son d'Ostraca a clairement évolué. Dans son amplitude et ses textures, le screamo s'élargit encore plus qu'avant au post-rock et post-metal. En sortant des codes stylistiques du screamo strict, il se rapproche de ce que Tenue ou Infant Island ont pu produire de meilleur. Les morceaux sont longs et chiadés, contiennent tous des dizaines d'idées brillantes et même si tout n'est pas au même niveau, pas deux minutes ne passent sans un éclair de génie que ce soit dans un riff au tone ahurissant de puissance ou dans des arrangements au millimètre (les deux se mêlent à merveille sur « Rebuke » notamment).

Bien parti pour être dans les tops de fin d'année, Disaster n'en est pas moins un album à la densité parfois vertigineuse et qui nécessite un certain effort pour être dévoilée. Vous aurez besoin de plusieurs écoutes dans différents contextes pour dompter le disque et ses méandres. Mais même au premier passage, difficile de ne pas être abasourdi par le talent déployé pour produire un screamo aussi immersif, polyvalent et beau derrière toute l'âpreté.

 

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Buggin – Concrete Cowboys
Hardcore – USA (Flatspot)

Je l'attendais de pied ferme celui-ci. C'était leur EP de 2020 qui m'avait fait découvrir Buggin et pour lequel j'avais eu un petit coup de coeur. Avec cette énergie adolescente dans un écrin de hardcore groovy, impossible de ne pas penser à la scène de Baltimore avec Turnstile, Trapped Under Ice ou End It. J'ai aussi pas mal pensé à Initiate, qui partage ce goût pour les riffs lumineux, une attitude décontractée et un chant féminin.

Les deux avantages centraux de Buggin résident dans l'énergie militante et la voix écorchée de Bryanna Bennett et le groove constant des riffs et de la basse ronflante et mosh-compatible de Brandon Santos (« Not Yours »). Sur ce premier album, le groupe de Chicago, poursuit le même objectif avec un hardcore efficace, consistant mais qui ne se prend jamais trop au sérieux (à la fin de « Snack Run », Bryanna rote dans le micro). Pourtant, il n'hésite pas à aborder des thématiques politiques fortes, féministes sur « Not Yours » et son « call us female-fronted you can eat my fist » ou contre la work culture américaine (« The Customer Is Always Wrong »).

Chaque titre est fun et expéditif, allant du hardcore nerveux à l'ancienne (« Kick Rocks ») au new youth crew de skateur (« Youth ») sans jamais se parjurer. Et franchement, ça fait du bien d'avoir encore des albums simplement bien faits, qui ne font pas nécessairement la course obstinée au break ou à l'attitude la plus menaçante. Buggin est cool, écoutez Buggin.

 

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Never Ending Game – Outcry
Beatdown metalcore – USA (Triple B)

Impossible de se lasser de Never Ending Game. Depuis la sortie de Just Another Day en 2019, c'est probablement le groupe de beatdown métallique que je réécoute le plus. En plus d'avoir des riffs à réveiller les morts, NEG abuse des clichés du style (notamment avec le chant coriace de Mikey Petroski) mais le fait avec une telle authenticité et un tel amour du hardcore que c'est compliqué de ne pas prendre le train en marche.

Sur ce nouvel album toutefois, on remarque plusieurs évolutions stylistiques. Même si le groupe a toujours aimé placer des solos en guitare claire, là ce sont les riffs qui deviennent plus mélodiques (« Down There (With You) » ou « Tank on E »). De l'autre côté, que ce soit sur le titre éponyme ou sur « Something Wrong », certains riffs se placent entre l'héritage de Pantera et celui de Crowbar (Mikey et Kirk Windstein partagent des techniques vocales) avec des plans groovy et marécageux indécents.

Puis surtout, pas un seul break n'est à jeter (« Never Die » en feat avec Trapped Under Ice (!) ou « Hate Today... Die Tomorrow »). Derrière ses allures de sanglier benêt, NEG maîtrise très bien les changements de rythme et les astuces de composition pour maximiser la lourdeur sonore. Même la fin mélancolique de « Goin' Thru Some Things » sonne bien sans faire ringard. Si vous voulez du sing along, les Michiganais réservent toujours quelques morceaux pour hurler avec les muscles bandés. Ici c'est sur « Tank on E » ou le puissant « Memories ». Disons-le franchement : Outcry est un album bien écrit et chaque écoute vous donnera encore un peu plus de plaisir, donc autant commencer tôt.

 

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Loma Prieta – Last
Screamo / Post-hardcore – USA (Deathwish)

Je n'ai jamais été extrêmement client du screamo de Loma Prieta que j'ai toujours trouvé trop répétitif et ampoulé. C'est pourtant un des groupes les plus importants de la scène nord-américaine des 15 dernières années et leur empreinte sur les tendances émotives a été et continue d'être massive.

Sur cet album événement, qui marque leur retour 8 ans après Self Portrait, Loma Prieta change de cap et prend une orientation plus apaisée, vers des terrains post-hardcore, avec des tonalités plus indie. Un choix tout à fait respectable, mais qu'ils ont fait à mes yeux de la même façon que Deafheaven est passé au shoegaze avec Infinite Granite, par une approche artificielle et empruntée, sans la vibration originelle de ces styles (je ne vais pas me faire que des amis avec celle-ci).

Ce qui renforce mon analyse est la pauvreté effarante des paroles, probablement parmi les pires que j'aie lues dans le style. Alors que le kit promo nous annonce « The songs all give voice to the manic nature of the modern human experience », on se retrouve avec des punchlines stupéfiantes comme « Tomorrow is just today, later » ou « I'm told that sunlight is / The best disinfectant / But that same sunlight is radiation / And that same sun sets / The sunlight is bleach ». Ceci étant dit, Loma Prieta sait s'y prendre et certains morceaux savent trouver une résonance particulière, notamment « Sunlight ». Mais malgré les fulgurances, impossible de passer outre l'arrière-goût edgy qui se rappelle à moi pendant la demi-heure que constitue l'écoute.

 

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Drain – Living Proof
Thrash crossover / Metalcore – USA (Epitaph)

Rares étaient celles et ceux qui n'avaient pas été convaincu.e.s par le premier album de Drain, California Cursed, paru en 2020. Le thrash crossover incisif, direct et débonnaire des Californiens avait tous les ingrédients pour faire mouche et devenir l'album de hardcore bagarreur de l'été.

Trois ans plus tard, avec un changement de bassiste, Drain revient avec l'exacte même recette. L'effet de surprise étant passé, l'enthousiasme de la découverte de California Cursed n'est pas réitéré. Néanmoins, le groupe se promène dans son registre et témoigne d'une générosité et d'un savoir-faire pas si courants dans la scène. On retiendra surtout de cet albums les singles, dont « Evil Finds Light » et « Watch You Burn », même si les curieux.ses pourront s'arrêter sur la reprise de « Good Good Things » des Descendents ou sur « Intermission », l'interlude qui donne une place de choix à Shakewell, rappeur californien que vous avez pu croiser en feat chez les $uicideboy$, Ghostemane ou Pouya

En plus du loisir décomplexé qu'offrent les riffs tranchants, le principal attrait, c'est le chant immédiatement reconnaissable de Sammy Ciaramitaro, parfait dans ses placements et son tone proches des références de la Bay Area. Même si ce n'est pas l'album le plus inspiré du groupe, il permet de le placer plus durablement sur la carte du hardcore moderne, non plus comme une promesse fulgurante, mais comme une valeur sûre dont les shows sont probablement sur le podium des plus funs du genre.

 

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Øjne – Sogno #3
Screamo – Italie (Through Love Records)

Six ans qu'on attendait le retour d'Øjne. Ça peut paraître court par rapport à d'autres groupes dont on attend le retour depuis encore plus longtemps, mais Øjne n'est pas n'importe quel groupe de screamo. C'est celui qui a probablement livré un des meilleurs disques des années 2010 dans le genre. Prima che tutto bruci, sorti en 2017, est tout bonnement un chef d'oeuvre de skramz intelligent, varié, à chialer de beauté autant qu'ivre d'amertume hurlée.

En 2023, avec ce nouvel EP, les Italiens prouvent qu'ils n'ont pas perdu leur avance. Leur maestria dans la peinture d'atmosphères fragiles et nostalgiques avec ces arpèges justes et poignants, est inchangée. Gianluca, le chanteur, montre toujours son aisance dans le chant de tête saturé et dans le spoken word scandé. À ce titre, « Occidente » est une lame enfoncée dans le coeur, un moment de poésie criée qui rappelle sans peine les hauts de La Dispute.

Du grand Øjne qui fait rêver d'une tournée européenne et qui confirme encore un peu plus le groupe comme un pilier indispensable de la scène du vieux continent.

 

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SPY – Satisfaction
Hardcore – USA (Triple B)

Le succès du groupe californien a été fulgurant. Formé seulement en 2020, Spy avait retourné la table du hardcore avec un enchaînement délirant d'efficacité sur ses deux EPs et son split avec Maniac. Un tiercé gagnant qui les promettait à un avenir radieux, d'autant plus que la confirmation scénique du groupe était totale (souvenir particulièrement marquant de leur passage explosif à l'International à Paris en 2022).

Imaginez donc l'attente que représentait un premier « long format » (10 titres mais à peine plus de 13 minutes). Ce qu'il est plus difficile de concevoir c'est comment un groupe à l'énergie aussi débordante et avec le talent pour créer une vraie menace avec un hardcore sauvage, old school et raw, peut livrer un album quasiment dénué de cette hargne transgressive. Là où les EPs Service Weapon et Habitual Offender étaient des bourrasques urgentes et régressives, la première écoute de Satisfaction révèle un album plus sage voire carrément engourdi.

Alors bien sûr, si vous découvrez Spy avec ce disque, vous ne comprendrez rien à ces lignes. Mais essayez de comparer l'énergie des deux périodes et le constat est flagrant. Une inertie dont la faute est à placer sur un mixage beaucoup plus lisse qui ôte la menace du lo-fi passé et sur des riffs moins grinçants, moins inspirés. Paradoxalement, la professionnalisation a eu pour conséquence un appauvrissement des riffs et une domestication de la férocité originelle. Pas nécessairement un album raté, mais on était clairement en droit d'attendre davantage.

 

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Pupil Slicer – Blossom
Mathcore / Post-hardcore – Royaume-Uni (Prosthetic)

Je mentionnais le premier album des Londonien.ne.s de Pupil Slicer dans la Bagarre #9 comme une bonne digestion des classiques de Converge et The Dillinger Escape Plan dans un écrin mathcore moderne. C'était un album très solide, mais soyons francs, assez classique dans son style. L'enjeu de ce deuxième album est donc double : confirmer l'habileté du groupe dans le style pour se faire une place de sous-tête d'affiche, tout en se singularisant de ses influences.

À première écoute, le pari est plutôt réussi. Pupil Slicer se démarque en s'ouvrant à d'autres terrains et nourrit son mathcore de styles plus atmosphériques. Les deux premières minutes, extrêmement prenantes, de « The Song at Creation's End » en témoignent avec force, dans une démarche qui peut rappeler Battle of Mice ou Oathbreaker. Un des meilleurs titres de l'album et qui témoigne du gain en maturité et en personnalité du groupe.

De façon générale, les Britanniques ont multiplié les parti-pris modernes : beaucoup plus de segments atmosphériques, une batterie très produite et clinique, des signatures rythmiques syncopées en mode djent digéré (« No Temple ») et surtout une place plus prépondérante donnée au chant clair de Kate Davies. Vous connaissez mon peu d'amour pour le clair dans le metalcore et le mathcore, donc c'est assez prévisible que je ne sois pas conquis, mais ici c'est bien amené. Je ne trouve pas ça nécessaire et l'album aurait été très bien sans, mais c'est fait avec soin.

Seule petite ombre au tableau : alors que la première moitié est d'une consistance et d'une puissance saisissantes (« Departure in Solitude »), la seconde moitié (ou plutôt les quatre derniers morceaux) trébuche avec beaucoup plus d'inspirations prog et des ambiances plus travaillées mais au détriment de l'efficacité. « Blossom » qui vient clore le disque, exprime bien ce changement de direction et peine à me convaincre.  Affaire à suivre car Pupil Slicer a assurément bien plus de qualités que défauts.

 

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Envision – The Gods That Built Tomorrow
Heavy metalcore ? – USA (From Within)

Ça ne faisait que cinq épisodes que je ne vous avais pas parlé d'Envision. Il faut dire que vu le sujet qui nous réunit dans cette rubrique, il serait criminel de ne pas parler d'un groupe qui réunit en son sein des membres actuels et passés de Seed of Pain, Ecostrike et surtout xElegyx.

D'autant plus que la ligne d'Envision semble se préciser de plus en plus. Alors que les premières productions restaient dans un metalcore qui lorgnait gentiment du côté du mélodique, le groupe a marqué un tournant avec son précédent EP And Still... en adoptant des codes heavy metal. Cet album vient confirmer et renforcer cette tendance et permet à Envision de créer quelque chose d'unique. Même si on reste dans une culture hardcore métallique, l'influence du heavy metal est omniprésente avec des solos et des riffs lumineux. Aussi, le LP est traversé par des plans hardcore mélodique prenants et un chant sur la ligne de justesse qui rappelle le hardcore émotif (« Sacred Heart » est une leçon sur ce que le metalcore peut faire quand il est bien nourri).

Une recette particulière, qui peut désarçonner à la première écoute, mais qui révèle très vite ses subtilités et montre à quel point elle est intelligemment exécutée. The Gods That Built Tomorrow mérite absolument le détour car la scène floridienne est remplie de bonnes idées mais peine encore à sortir des Etats Unis.

 

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Sunami – Sunami
Beatdown metalcore – USA (Triple B)

Ce n'est pas la première fois que je déclame ici à quel point Sunami ne m'inspire que l'ennui et le désintérêt (ici + ). Le groupe de beatdown parodique californien existe depuis maintenant quatre ans et semble s'être perdu au milieu de sa plaisanterie. Je ne sais pas vraiment quand s'est opéré ce shift dans l'attitude du groupe, mais ce qui était avant une évidente caricature amusée, devient de plus en plus un projet qui se veut sérieux mais sans changer la recette musicale. Peut-être que ce changement a eu lieu face à l'engouement de la scène étatsunienne pour le groupe (on se rappelle les queues pour le merch lors de leur passage en fest) ou le fait qu'il s'agit désormais du projet principal d'une bonne partie de ses membres. Quoiqu'il en soit, Sunami n'a plus la même saveur qu'avant.

Loin de moi l'idée de dire que ce sont des vendus. Déjà parce qu'on parle du hardcore et que les perspectives d'enrichissement restent extrêmement limitées, et que quand bien même ce serait le cas, c'est un choix qui peut se respecter et qui n'annule en aucun cas la qualité des compositions. Sauf que dans le cas présent, la qualité, je la cherche toujours. Si les deux premières démos me courent sur le système, je reconnais qu'elles contiennent des morceaux marquants dans le style beatdown métallique biberonné au slam death. C'est encore plus vrai pour les deux morceaux issus du split avec Gulch. Mais sur ce premier LP, difficile de s'accrocher à quelque chose, tant la quasi intégralité des morceaux manque de relief et d'identité. On gardera l'introductif "Y.S.A.B." qui suffit à lui seul à résumer la carrière du groupe, mais le reste n'a pas grand chose de mémorable. Pire, le réenregistrement de « Contempt of Cop », issu de la première démo, oublie toute la sauvagerie de l'original. En bref, la blague a assez duré.

 

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Cohésion – A Hill to Die On
Metalcore – France (auto-prod)

Paris n'a toujours pas prévu de faiblir. L'annonce d'un nouveau groupe de hardcore dans la capitale n'est plus chose rare et la diversité stylistique qui nous manquait encore tend à se combler. Notamment grâce à Cohésion, projet tout frais de metalcore façon edge metal bien strident.

A Hill to Die On est leur premier EP et renoue avec une tradition européenne furieuse d'un metalcore construit autour de riffs de metal extrême (death / thrash) et de breaks vicelards pour pulvériser les mâchoires de ses camarades. Bercées par une culture straight edge et revendicative, les paroles abordent la lutte sociale, la solidarité contre l'État (« Humans », « Backs Bent »), la destruction du vivant (« Life ») et le combat contre les violences sexistes et sexuelles (« Sisters »). Mais là où Cohésion promet et régale c'est sur la puissance et la hargne de ses instrus, notamment sur le formidable break de « Humans » ou sur le redoutable plan de basse à la fin de « Life ». Côté chant, ça porte l'urgence et la rogne du style, même si les placements et la saturation pourraient mériter encore un peu de travail.

En tout cas, l'EP est traversé par un soin visible dans les compositions comme dans l'exécution. Une préoccupation qui se voit aussi dans le travail post-enregistrement avec un mixage assuré par Tim (Sorcerer) et un mastering par l'immense Brad Boatright (Audiosiege). Des arguments que j'espère suffisants pour vous convaincre que dans la Bagarre je ne parle jamais d'un groupe que parce qu'il est local, mais bien parce qu'il est pertinent dans la sélection.

 

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Power Alone – Nothingness
Hardcore / Metalcore – USA (Indecision)

Ici, on aime beaucoup Power Alone. À tel point, que le groupe occupait la tête de gondole du hors-série straight edge de la Bagarre. Le quintet californien est une des perles les plus sous-cotées de la scène actuelle et on espère que ce nouvel EP commencera à redresser le cap.

Si vous aimez le hardcore incisif, groovy, mid-tempo et à l'ethos straight edge façon World of Pleasure ou Inclination, vous êtes au bon endroit. Pas vraiment métallique, la recette de Power Alone reprend pourtant les codes du metalcore straight edge et notamment la structure de ses morceaux et la puissance de ses breaks. Des compositions simples, bourrées d'efficacité et portées par la voix expressive et communicative d'Eva, comme sur « Leader Seekers », le meilleur titre de l'EP. Pour finir un déjà très beau portrait, les paroles sont toujours aussi pertinentes, avec des critiques des inégalités économiques et systémiques (« Out for Themselves », « Obsolete »), la théocratie américaine (« Leader Seekers ») ou les dérives de la société industrielle (« Cancer »). Avec toutes ces qualités, même pas besoin de 8 minutes pour convaincre.

 

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Adrienne – Summer's Beginning
Metalcore – USA (DAZE / Ephyra)

Lors de ma découverte du premier EP d'Adrienne, j'étais très triste de ne pas l'avoir découvert à temps pour l'intégrer dans une Bagarre. Le groupe est le mélange parfait entre le metalcore sing-along de Unbroken ou 7 Angels 7 Plagues et le edge metal revival à la Contention. C'est sombre, nerveux et menaçant comme un soir de tempête et j'avais plus que hâte de voir comment la prouesse du premier EP pouvait être prolongée.

Evidemment publié chez DAZE et Ephyra, les deux labels absolument leaders dans le "true" metalcore underground, ce second EP intitulé Summer's Beginning est aux stricts antipodes de son titre. Un brin plus contenu que son prédécesseur, il s'inscrit toujours dans cette tradition de metalcore à mélodies fortes façon Skycamefalling. Le 3-titres est surtout porté par « Rebirth », son morceau introductif, mais les autres sont aussi solides et comportent leur lot de riffs marquants et de breaks crapuleux. On attend encore de voir comment Adrienne saura organiser un disque entier, sans juste juxtaposer trois ou quatre bangers, mais à priori tout est bien parti pour eux.

 

Et pour les plus courageux-ses qui ont tenu jusqu'ici, le self a fermé mais il reste du rab' : 

  • Celles et ceux qui trouvent que Ostraca et Øjne c'est bien gentil mais que ça ne vaut pas le vieux screamo qui crachote, pourront évidemment se tourner vers le nouveau Jeromes Dream. Groupe culte d'emoviolence, il s'était déjà risqué au comeback en 2019 avec un album très décevant au chant raté. Alors que ça ne semblait pas gagné, la barre est très nettement redressée sur ce nouveau disque bruitiste et exigeant. À noter que pour ce disque, le guitariste original a été remplacé par Sean Leary, le cerveau de... Loma Prieta.

  • Du nouveau du côté de la Belgique avec le premier album de Mindwar. Les Flamands pratiquent un metalcore vieille école qui rappelle Merauder, Strife et Cro-Mags avec une grosse dose de thrash crossover. Mais pas le crossover qui piaille et shredde à la Mindforce, plutôt le crossover sourd et rampant dans le style de Skourge et SpiritWorld. Rien de révolutionnaire mais une exécution forte et bien dosée, avec un titre final fleuve très bien foutu.

  • Les chaotiques petits génies de home is where, projet floridien de midwest emo nerveux gonflé au post-hardcore, sont de retour pour leur deuxième disque. Adios l'emoviolence de leur split avec Record Setter, on repart sur un joyeux mélange entre Neutral Milk Hotel et la cinquième vague d'emo. Plus long et consistant que son prédécesseur, The Whaler est une nouvelle perle de mélancolie foutraque et de désespoir ironique. 

  • Vous voulez un front avec veines apparentes pour faire peur aux collègues dans le pit ? L'Ordre des médecins recommande l'écoute régulière du split 100% britanniqueFinal Form / Bloodfury, sorti chez DAZE. Les premiers font dans le metalcore rapido-bourrino avec un son mi-gras, mi-clinquant comme on aime. Les seconds pratiquent un deathcore à breaks poisseux et courroucés, moins marquant mais plaisant tout de même.

  • Rayon screamo, je vous conseille de vous pencher sur l'album de Perfumed Saturnine Angels. Composé à l'origine pour le premier chanteur du projet, Brandon Nurick, le groupe s'est retrouvé sans personne derrière le micro après le décès de ce dernier. Le cerveau du projet, l'ultra-prolifique Garry Brents (Gonemage, Cara Neir) a donc recruté Dave Norman, fondateur du label Zegema Beach et membre de Our Future Is an Absolute Shadow ou Apostles of Eris pour assurer le chant. Au programme, un screamo varié, aux multiples influences et doté d'un véritable souffle et d'une urgence communicative.