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jeudi 15 mai 2025

Amenra + Verset Zero / Divide & Dissolve + Treha Sektori

L'Antipode (Rennes) & Elysée Montmartre (Paris) - Rennes & Paris

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Devenu immense depuis quelques années et ayant acquis la réputation d’un des tout meilleurs groupes en live, Amenra vient de sortir deux EP simultanément qu’ils défendent à travers la France. Retour sur les dates rennaise et parisienne.

 

Divide & Disolve
(Paris)

Di Sab : Trois ans après un passage remarqué et apprécié dans cette même salle, Amenra fait de Paris le point culminant de sa tournée européenne. Les premières parties sont différentes de celles de province. La fois passée, c’était GGGOLDDD et Jo Quail qui précédaient la performance des Belges. Aujourd’hui, Amenra a fait le choix de s’entourer de projets moins catchy, et c’est donc le duo Divide & Disolve, un projet moins identifié qui débute, devant une salle pas franchement comble.

Drone / doom à forte dimension expérimentale avec une batteuse et une guitariste / saxophoniste qui fait un gros travail de sampling, le résultat est, malgré la radicalité de la forme, assez entrainant et la demi-heure passe extrêmement rapidement. Je n’étais pas du tout familier avec l’univers du groupe, mais j’ai été agréablement surpris des retours chaleureux qu’ils ont obtenus ainsi que du soutien affiché par le public lors des discours décoloniaux et anti-racistes de la leadeuse.

 

Treha Sektori
(Paris)

Di Sab : En 2014, je voyais pour la première fois Amenra à Rouen avec peut-être trois-cents personnes. Il y a onze ans, c’était déjà Treha Sektori qui ouvrait pour Amenra. Ce soir, c’est devant cinq fois plus de monde que Dehn Sohra entame sa prestation.

Motion designer (notamment pour Carpenter Brut), chez Treha Sektori, la dimension visuelle est aussi importante que l’aspect musical. Et l’immense écran de l’Élysée Montmartre fait honneur à son talent. Quelques footages côtiers dans un noir et blanc très contrasté qui rappelle le 7ᵉ Sceau, des squelettes de créatures monstrueuses animées : les illustrations parfaites pour le dark ambient, proposé par le one-man band. Fondamentalement viscéral, beaucoup plus centré sur les rythmes que sur les mélodies, le rapport entre l’image et le son est absolument parfait. La réception de ce genre de projets étant fondamentalement individuelle, il est difficile d’estimer ce que le public a pu penser de Treha Sektori. Sur album, j’ai tendance à y trouver moins de prises qu’un projet comme Mutterlein. En revanche, il est impossible de ne pas être impressionné par la dimension que prend le projet en live. Immense respect.  

 

Verset Zéro
(Rennes)

Dolorès : Je dois bien avouer que les premières parties de la soirée parisienne me faisaient de l’œil, proposant un très bel écrin d'introduction à Amenra. A Rennes, c'est Verset Zero qui ouvre et bien que l'artiste, seul sur scène, propose quelque chose de bien rodé, je dois avouer que je n'ai pas été convaincue.

La scénographie est fournie (chandeliers, bannières ornées des initiales du projet, costume et accessoires) et elle fait clairement écho à la musique de Verset Zero. Celle-ci est difficile à décrire par ailleurs, entre ambient à intention rituelle et échos metal, allant du doom au black metal en passant par la musique industrielle. Le musicien joue clairement sur les effets sur sa voix, qu'il maîtrise dans ses textures, mais qui a quand même tendance à manquer de précision sur les martèlements de sa musique. J'avoue ne pas être fan du son de sa boîte à rythmes, que je trouve trop froide et mécanique et que j'aurais sans doute préféré si celle-ci avait eu une essence plus organique, pourquoi pas en jouant sur des percussions plus variées, histoire de créer un peu de transe chez l'auditeur ou l'auditrice. Il y a très probablement un public pour ce que propose Verset Zero, mais sa musique ne colle pas tout à fait à ce que je recherche personnellement dans ce genre de projet.

 

Amenra
(Rennes)

Dolorès : Quand on voit un groupe pour la sixième fois, il se peut qu'on ait quelques attentes... Ou pas vraiment, car Amenra se distingue plutôt par sa constance, si bien que je savais d'avance que le concert serait une claque monumentale. Les cinq concerts qui ont précédé celui-ci ont, chacun, été un moment incroyable dont je me souviens encore aujourd'hui. Autrement dit : je n'avais aucune inquiétude quant à la réussite de la prestation de ce soir.

Amenra est donc un groupe constant. C'est peu de le dire puisque ce qui fait leur renommée en live est bien ce son surpuissant qui est toujours d'une perfection absolue. Case cochée ici aussi, puisque pendant 1h10, on se prend un immense mur, un rideau de pluie, un trou noir, en tout cas quelque chose qui nous dépasse complètement, en pleine face. Quelques moments de répit ponctuent les raz-de-marée, menés par des arpèges délicats et une voix claire qui remue bien des choses, à l'intérieur. Fait rare : le public est particulièrement attentif et respectueux à Rennes ce soir, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé et ce qui n'a visiblement pas été le cas lors de certains concerts de cette même tournée. Le silence règne lorsqu'il est d'une évidence absolue, le temps de respirer avant de repartir tête baissée.

Tête baissée, c'est clairement ce qui m'est arrivé tant je vis les concerts d'Amenra plongée dans mes cheveux, les yeux fermés. Difficile, donc, de décrire les projections qui prennent vie dans le dos des musiciens, si ce n'est qu'elles sont dans la droite lignée de l'esthétique du groupe : en noir et blanc (comme les lights sur scène, qui ne laissent la place à aucune couleur, d'ailleurs), étranges et sinueuses, parfois presque symbolistes. A quelques rares occasions, Colin, qu'on a l'habitude de voir chanter de dos, se dévoile au public et semble démontrer beaucoup de gratitude pour la belle salle pleine de l'Antipode.

Côté setlist, la nouveauté se dresse du côté des nouveaux titres sortis récemment, bien sûr, mais le groupe choisit aussi une très belle sélection piochant dans l'entièreté de la discographie. Un petit retour vingt ans en arrière avec « .Am Kreuz. » et sa ligne vocale féminine solennelle, chantée ici par la bassiste, qui vient hanter les esprits. Mass IIII (2008) est très bien représenté, à ma plus grande surprise car c'est pour moi l'album qui a signé la découverte d'un groupe qui me suit depuis plus de dix ans et que je pourrais encore voir des dizaines de fois en live si cela ne tenait qu'à moi.

Di Sab : Pas grand chose de plus à ajouter pour vous narrer la date parisienne. On peut simplement noter un changement de setlist par rapport aux autres dates françaises, probablement en lien avec le fait que le groupe est régulièrement passé par la capitale ces dernières années. Il y a une réelle constance qualitative chez Amenra et, les ayant vu de nombreuses fois, il n'y a qu'une chose particulière qui me vient à l'esprit :

Les Belges ont joué deux extraits des nouveaux EPs, preuve que lesdits EPs ne sont pas que des prétextes pour repartir en tournée et que le groupe les défend. Musicalement, ils contiennent un contraste que le trouve intéressant : d'un côté, on sent que le groupe force la génération de breaks qui sont leur très grand point fort en live, et un titre comme « Salve Matter » fonctionne excessivement  bien. En parallèle, depuis le dernier album, le groupe met en place des plans en spoken words de plus en plus nombreux. Les déclarations étant en flamand, il y a un réel contraste entre la croissance du groupe et le recours à des formes esthétiques peu compatibles avec le succès international. Et « Heden » est un parfait exemple de cela. Un réel parti pris pour un groupe qui n'a pas habitué son public à des consessions. 


 

Setlist Rennes:
1. Salve Mater
2. Razoreater
3. Plus près de toi
4. De Evenmens
5. Heden
6. A Solitary Reign
7. Terziele
8. .Am Kreuz.
9. .Silver Needle. Golden Nail

 

 

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Un grand merci à Garmonbozia & Cartel Concerts pour l'invitation,
aux groupes & aux équipes qui ont permis le bon déroulement de la soirée,

ainsi qu'à Aurélie Parramon pour les photos.