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lundi 27 octobre 2025

Paradise Lost + Messa + Lacrimas Profundere @ Paris

Élysée Montmartre - Paris

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Qui aurait cru en 2025 que le gothic doom metal, style pourtant vu par beaucoup comme désuet, serait à l’honneur dans une salle aussi prestigieuse que l’Élysée Montmartre ? C’est cependant bien le cas en ce lundi 20 octobre. Après plus d’une décennie à rester cantonnés au Trabendo, Paradise Lost, éternels pionniers et fers de lance du genre, reviennent dans une salle parisienne d’envergure. Forts d’un nouvel et très bel album, c’est en compagnie de Messa, l’une des sensations doom de ces dernières années, et de la rareté Lacrimas Profundere que les Anglais sont venus dans la capitale pour nous délivrer leurs riffs lourds et leurs mélodies imparables et poignantes...

 

Crédits photos : Léonor Ananké 

 

Lacrimas Profundere

Varulven : En raison d’intempéries assez violentes dans mon département, atteindre Paris fut assez compliqué. C’est donc en retard de dix bonnes minutes, alors que Lacrimas Profundere a déjà commencé son set, que je débarque dans la salle. Bien que j’arrive en cours de show, c’est un réel plaisir de voir les Allemands sur scène pour la première fois. Ayant débuté par un doom gothique très (très) semblable à la période The Silent Enigma / Eternity d’Anathema, ils se sont ensuite dirigés vers une musique plus accessible, à base de gros riffs metal, de mélodies et de refrains accrocheurs typiques du metal goth. C’est donc cette facette qui est surreprésentée durant ce set de huit titres. Et malgré des rythmiques et des samples qui couvrent parfois la voix, impossible de ne pas se laisser aller à remuer le croupion comme dans toute bonne soirée goth dans une batcave.

 

 

Les cinq musiciens ont une bonne énergie, en particulier Julian Larre, qui bouge, saute, harangue la foule sans cesse, jusqu’à descendre parmi elle pour chanter en longeant la salle bras dessus bras dessous avec une personne du public. Mais si l’énergie y fait pour beaucoup, elle ne fait heureusement pas tout. Malgré un mix inégal, certaines des qualités musicales du groupe sont bien discernables. Les mélodies des extraits de l’excellent Bleeding the Stars sont imparables, tandis que les gros claviers à la sauce goth allemande et les refrains font mouche à chaque fois. Une façon de bien entamer la soirée, avant les deux autres monstres de l’affiche…

 

Setlist :
Like Screams in Empty Halls
A Cloak Woven of Stars
To Disappear in You
The Kingdom Solicitude
An Invisible Begining
Unseen
Ave End
Father of Fate

 

 

Messa

Raton : Les premières notes de Messa résonnent avec quelques minutes d’avance dans un Élysée Montmartre rempli. Mais si la salle est pleine, elle ne l’est pas du public de Messa. La foule est respectueuse, mais on la sent surtout là pour Paradise Lost, et les différences stylistiques entre les deux groupes semblent perdre une partie de la fosse, pas forcément emportée par la prestation des Italiens-nes.

Une grossière erreur d'appréciation de la part de cette frange du public, si vous me permettez le jugement. Car Messa a livré une prestation irréprochable, bien qu’un peu courte, reprenant la quasi-intégralité de The Spin, son exceptionnel dernier disque (chronique dithyrambique à lire ici). Six morceaux sur les sept que compte l’album et pas un seul titre des productions précédentes (un « Tulsi » ou un « Orphalese » en plus n’aurait pas été de trop).

 

 

Si le début du set souffre d’un son pas idéal, avec la voix de Sara légèrement en retrait et la batterie trop prédominante, l’équilibre se retrouve par la suite, le volume du chant restant tout de même un peu faible. Pour autant, tous les soli de guitare sonnent du feu de Dieu, que ce soit sur « At Races » ou sur « Immolation », mon préféré. Même constat sur l’immense morceau « The Dress » qui prend une dimension ahurissante en live, huit minutes durant lesquelles le temps semble suspendu à l’Élysée Montmartre.

Même « Reveal », qui vient aérer la solennité du set avec ses sonorités blues et son étrange mais charmant blast sur les couplets, fonctionne à merveille et souligne l’efficacité particulière de l’album sur scène. La conclusion envoûtante et lancinante de « Thicker Blood » parachève un concert maîtrisé, mature et brillant de talent, porté autant par la voix captivante de Sara que par la guitare expressive d’Alberto. Messa quitte la scène et Dead Can Dance résonne dans les enceintes de la salle jusqu’à l’arrivée de Paradise Lost : aucune faute de goût.

 

Setlist :
1. Fire on the Roof
2. At Races
3. The Dress
4. Immolation
5. Reveal
6. Thicker Blood

 

 

Paradise Lost

Varulven : Au sein de la team Horns Up, nous avons tous notre groupe chouchou que nous avons vu cinquante mille fois en concert. Pour notre président et militant de la cause mélodeath, c’est In Flames. Pour notre Circé, ambassadrice des fjords, c’est Opeth ou Enslaved. Et pour votre serviteur, c’est Paradise Lost. C’est la septième fois que je vois la bande d’Halifax ce soir. Il m’aura donc fallu attendre dix bonnes années pour enfin découvrir le groupe dans une grande salle parisienne. Avec tout de même une petite appréhension.  Car lors de son dernier passage au Trabendo en 2022, on avait bien vu à quel point le groupe pouvait s’y sentir à l’étroit et que leur prestation en avait été impactée. Entre un investissement moindre et surtout un Nick Holmes parfois fainéant et catastrophique, il y avait de quoi penser que les détracteurs qui chipotent sur les Anglais en live avaient à présent raison.

 

 

Parfois, il suffit juste d’un seul élément nouveau pour que tout change. Disposant enfin d’une salle adaptée à son statut et à toute la majesté de sa musique, Paradise Lost, attendu par un public chauffé à blanc, a livré une leçon de maîtrise et d’émotions pour son retour dans la capitale. Portés par un son monstrueux et un jeu de lumières très soigné, les maîtres du gothic doom nous ont emporté dans leurs univers sombre, mais nuancé, résigné, mais subtil et classieux. Quel plaisir de retrouver dans chaque titre les mélodies tristes et lancinantes de Gregor Mackintosh, qui ne cessent de nous emporter. Et surtout d’avoir droit à un Nick Holmes en forme, bien loin de sa performance très moyenne d’il y a trois ans. S’il est toujours en difficulté sur certaines voix de tête, il ne rechigne pas à l’exercice et réussit malgré tout à placer quelques envolées plaisantes (même si la reverb’ l’aide aussi à ce niveau-là, soyons réaliste). Pour autant, il est toujours impeccable dans ses autres registres. Que ce soit dans ses médiums et ces graves solennels ou encore dans son growl qui, bien qu’étant limité, possède une personnalité et une force d’évocation incontestables.

 

 

Comme toujours avec Paradise Lost, la setlist parcourt une grande partie de la discographie, alternant la noirceur du doom death aux refrains fédérateurs du gothic metal, en passant par les intonations synthrock de l’ère Depeche Mode. Chose assez notable, la setlist a pas mal évolué depuis les dernières tournées européennes. Outre les titres doom death mélodique du dernier album, qui fonctionnent très très bien, les sempiternels « Embers Fire », « Enchantement », « As I Die », « The Enemy » ou « Erased » ont été mis au placard au profit d’autres morceaux plus rares, mais tout aussi pertinents et efficaces sur les planches. On peut citer « True Belief » et sa mélodie tragique qui fait toujours son effet, mais aussi le monolithe « Beneath Broken Earth », concentré de noirceur et de misère qui nous plonge la tête sous l’eau pendant six minutes. L’énergie est aussi au rendez-vous, via « Once Solemn » et « Pity the Sadness », qui nous rappelle que Paradise Lost sait aussi se faire agressif quand il le faut. Puis, les originalités « Nothing Sacred », « Mouth » et « No Celebration »  nous démontrent que la facette la plus électro rock du combo est tout à fait adaptable à une configuration plus metal. Enfin, les musiciens nous réservent quand même leur petit lot de classiques indéboulonnables. On a donc droit à la larmoyante « Faith Divides Us... », ainsi qu’à l’hymne gothic rock « Say Just Words ». Avant de conclure ces 1 h 20 de concert par deux morceaux des deux derniers albums.  Avec un show enfin à la hauteur de son statut, de l'emphase et de la classe de sa musique, Paradise Lost a réussi, malgré quelques petits défauts persistants, à faire oublier sa prestation mitigée du Trabendo en 2022. Il aura fallu attendre la septième fois pour surpasser la catégorie de « concert excellent, mais manquant d'un petit plus... ». Ce 20 octobre 2025, Paradise Lost fut grand, exceptionnel, ultime. Enfin !

 

Setlist :
Serpents on the Cross
Tragic Idol
True Belief
One Second
Once Solemn
Faith Divides Us - Death Unites Us
Pity the Sadness
Beneath Broken Earth
​Nothing Sacred
Tyrants Serenade
Requiem
Mouth
Say Just Words
No Celebration
Ghosts
Silence Like the Grave

 

 

Merci à Garmonbozia, comme toujours, pour la confiance, à Léonor Ananké pour les photos, aux groupes pour nous montrer que, contre toute attente, le metal gothique a encore la cote en 2025 et à l'Élysée Montmartre pour rappeler qu'elle est l'une des salles les plus cool de Paris.