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Série Noire #14 - Sangdragon, Agathi, Hauntologist, Bull of Apis Bull of Bronze...

mercredi 14 février 2024
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Cette première Série Noire de l'année 2024, un 14 février pour déjà la 14ème édition de ce dossier récurrent qui récapitule les sorties black metal écoutées par notre rédaction. Elle sera désormais à paraître tous les trois mois (pour, peut-être, laisser un peu de place à une nouvelle rubrique... ?).
En tout cas, on retrouve cette fois moult projets méconnus, du black à l'ancienne au plus moderne (sous toutes ses formes, vous le verrez).

Groupes évoqués : Bull of Apis Bull of Bronze | Hauntologist | Agathi | Malist | Olhava Farsot | A/Oratos | Sangdragon | Coffret de BijouxWrath of Logarius

 

Bull of Apis Bull of Bronze – The Fractal Ouroboros
Black froid et rituel de gauche – USA (Indépendant)

Dolorès : Tout comme je n'ai aucun souvenir de comment j'étais tombée sur leur premier album (Offerings of Flesh and Gold, 2019), il est évident que j'allais passer à côté de The Fractal Ouroboros, sorti fin 2023, tant ce n'est pas le point fort du groupe que de faire sa promotion. Originaire du Colorado, le collectif se présente comme étant contre les hiérarchies et les oppressions en tout genre, des thématiques qui parsèment les textes de Bull of Apis Bull of Bronze. Dans la lignée du premier album, ce nouvel opus est chaotique, lourd et difficile à digérer. Un black metal froid, rapide et violent, qui se veut sans doute sans concession à l'image de leurs valeurs et qui tarde parfois à évoluer.

Si le feeling général de l'album est prenant, l'album manque parfois d'inattendu et d'accroche. Les passages plus calmes, « rituels » et évolutifs sont les bienvenus, mais les riffs hargneux et hypnotiques qui sont le cœur de l'album manquent parfois de saveur à force de tourner en boucle. 1h14, c'est clairement trop long pour moi, mais c'est indéniablement un album dont je réécouterai quelques titres de temps à autre.

 

Hauntologist – Hollow
Post-Mgla – Pologne (No Solace)

Malice : Déjà riche de deux variants de qualité avec Kriegsmachine et Owls Woods Graves, le Mglaverse s'est encore étendu cette année. Alors que Owls Woods Grave est le side-project de M. (Mikołaj Żentara, chant/guitare) et présente une facette résolument punk du black metal, Hauntologist, ce nouveau venu, est le bébé de Darkside, génial batteur de Mgla (et de Kriegsmachine, donc). Et pour l'occasion, il s'accompagne, à la guitare, au chant et aux claviers, de The Fall (Michał Stępień), lui-même vocaliste... de Owls Woods Graves. On reste entre copains. Mais comment garder de la fraîcheur et varier le propos dans un tel entre-soi ? On pouvait se le demander, d'autant que « Ozymandias », qui ouvre Hollow, est globalement du (très bon) Mgla. Même constat pour « Golem » et son texte profond et sombre qui n'aurait pas déparé sur Exercises in Futility ; jusque là, on se dit qu'on tient juste le successeur spirituel de Age Of Excuse. Ce qui nous fait persévérer, c'est que ces deux premiers titres auraient été parmi les meilleurs de ce dernier opus de Mgla.

Puis, enfin, Hollow surprend un peu : le rythme dansant très punk de « Deathdreamer » (Darkside reste dans les 5 meilleurs batteurs de la scène), son tremolo de guitare grinçant, son final complètement halluciné en font le meilleur morceau de l'album et de ce début d'année à mes oreilles. Le morceau-titre « Hollow », post-punk au chant clair, nous promène dans les blocs de l'Est, dans le froid et sous la neige, mieux que toutes les compiles « Russian doomer » qui traînent sur YouTube. C'est cette ambiance urbaine qui évite à Hauntologist de juste être un Mgla 2.0, comme si on troquait les cagoules pour des hoodies informes logotés The Cure ou Sisters Of Mercy. L'enchaînement « Gardermoen/Car Krukow », à des années-lumière du black metal, conclut un voyage qui ressemble presque à une mue de Mgla en Hauntologist, mue qu'on espère déjà voir continuer sur un second opus.

Agathi – Asamgna - අසංඥ
Black mélodique – Sri Lanka (Indépendant)

Dolorès : Si vous aimez le black mélodieux et dépaysant à la Cult of Fire, il se trouve qu'il existe des groupes qui viennent réellement des cultures évoquées et qui méritent toute attention. Agathi, originaire du Sri Lanka, sortait dans les tout derniers jours de décembre un premier EP, trois titres, 17 minutes. Juste assez pour découvrir le projet et y adhérer.

Sans être une claque absolue, Asamgna – අසංඥ laisse présager un groupe à suivre quand on aime ce genre de sonorités, à mi-chemin entre un black qui prend son temps, mid-tempo, animé par une voix un peu grasse pour le style (quand on aime ce type de chant, c'est un détail qui compte !), et parfois des mélodies qui sont identifiées comme asiatiques par nos oreilles occidentales. L'entremêlement est bien dosé et doit être absolument délicieux en live grâce au gros côté fédérateur des titres. A voir si la recette fonctionne et n'est pas trop lassante sur un album entier...

Malist – Of Scorched Earth
Black mélodique – Russie (Avantgarde Music)

Malice : Voilà un album qui m'a clairement pris par surprise. Malist n'en est pas à son coup d'essai, mais j'avoue ne jamais avoir vraiment creusé la discographie de ce one-man band russe, désormais délocalisé en République Tchèque. Et dès les premières notes de « The Lone & Level Sands », j'ai été happé par un tourbillon digne des meilleurs groupes de la scène. Si cette manière de placer la mélodie au centre de chaque morceau est typique de la scène russe, Malist accompagne le tout d'orchestrations intelligentes, mais jamais envahissantes, qui l'apparentent également à la scène finlandaise.

Les transitions des ponts acoustiques, souvent casse-gueule tant elles ont la mauvaise habitude de sonner « forcées », sont fluides et créent la dynamique plutôt que l'ennui. Mieux : par moments, Of Scorched Earth sonne si accrocheur que c'en est tubesque – ce « Winds of Change, Carry Me » avec un vrai refrain ! - à la manière d'un Immortal des grandes années. Ne vous fiez pas à l'étiquette « atmosphérique » qui y est apposée un peu partout : Malist offre là l'un des albums les plus efficaces de ce début d'année, et un indispensable pour les amateurs de black mélodique bien branlé. Of Scorched Earth, c'est en somme tout ce que Uada aurait pu faire de mieux s'ils avaient sorti des albums valables après le premier...

Olhava – Sacrifice
Black metal atmosphérique – Russie (Avantgarde Music)

Malice : Il y a des groupes dont la musique vous touche plus dans un certain contexte. Et je dois dire que celle d'Olhava m'avait particulièrement ému quand j'avais eu l'occasion d'écouter l'album Ladoga (2020) durant un road-trip autour... du lac Ladoga, lors de l'été 2021. Ce premier opus avait tout ce qu'on peut attendre d'un album de black atmosphérique russe : contemplation, mélodies planantes, ce côté spectral de la brume sur le lac.

Depuis, Olhava a sorti deux albums qui me sont passés à côté, mais ce Sacrifice à la pochette intrigante a fini par se faire un chemin jusqu'à mes oreilles. La recette n'a pas foncièrement changé : des pièces excessivement longues (4 « vrais » morceaux qui font entre 14:12 et 17:02), qui installent leurs ambiances avec un talent rare, il faut le reconnaître. Le chant, absent sur l'autre projet d'Andrey Novozhilov Trna, est ici plutôt un instrument supplémentaire, qui s'ajoute au reste comme le vent dans les arbres. Conseil : écoutez Sacrifice au casque, et en fermant les yeux, pour être embarqué par les superbes mélodies de titres comme « Eternal Fire » et ses choeurs solennels. Les interludes « Ageless River », habitude depuis Ladoga, articulent particulièrement bien un tout qui reste franchement longuet mais qui est fait avec passion. Dans un style qui a tout dit, Olhava se répète avec goût.

Farsot – Life Promised Death
Black metal atmosphérique – Allemagne (Lupus Longue / Prophecy Productions)

ZSK : Nom qui revient souvent quand on parle du black atmo allemand, Farsot n’a peut-être pourtant eu le parcours attendu. Et pour cause : il avait frappé très fort avec son premier album conceptuel, |||| (2007), mais n’a jamais été en mesure de le confirmer depuis, décevant pas mal de monde. Insects (2011) puis Fail·lure (2017) étant pourtant d’honnêtes albums de black suivant un peu l’héritage noir et froid de Secrets Of The Moon, mais n’ont jamais été en mesure d’égaler un |||| inoubliable. Le groupe (dont le line-up n’a jamais bougé) n’a pour autant jamais abdiqué, et malgré sa discrétion en bacs (seulement quatre albums en 17 ans, une absence de six ans suivant le split Toteninsel avec ColdWorld), il répond toujours présent.

Le départ de « Nausea » semble reprendre des sonorités à la « Thematik : Trauer » et l’espoir renaît alors. Mais sans surprise, Life Promised Death se situera finalement dans la stricte lignée de Fail·lure ; à savoir ce black metal très rigide, organique et un brin neurasthénique. Toujours relativement atmosphérique car les breaks aux instrumentations acoustiques seront encore légion, au milieu d’un black metal qui ne sourit pas et dont le tempo s’emballe rarement. La vraie verve de Farsot affleure davantage lors d’envolées mélodiques portées par un chant plus clair assez touchant (cf. le très enivrant « Descent »). Mais cela ne suffit pas pour faire redécoller la carrière de Farsot, qui reste bloqué sur son style renfermé, laissant |||| encore plus loin derrière lui. Si vous aviez malgré tout apprécié Insects et Fail·lure, Life Promised Death vous parlera. Sinon, les regrets perdureront et |||| restera à jamais un one-shot…

A/Oratos – Ecclesia Gnostica
Black metal mélodique et ésotérique – France (Les Acteurs de l'Ombre)

Varulven  : Ayant construit sa réputation sur les groupes de post black doomisants dans ses premières années, le label les Acteurs de l’Ombre s’est ouvert depuis aux ramifications plus mélodiques et épiques du black metal français. Aorlhac, Darkenhöld, et plus récemment Griffon sont les noms venus enrichir le label nantais avec leurs cavalcades conquérantes et leur atmosphères d’un autre temps.

Bon compromis entre solennité mystique et mélodies lumineuses, A/Oratos reprend ici ce que l’on percevait déjà dans l’EP Epignosis, en proposant un black metal mélodique porteur d’une forte identité ésotérique. Une recette d’apparence assez conventionnelle pour qui s’intéresse au genre ces dernières années, mais dont la singularité se cache dans certains détails bien précis.

Des mélodies fortes d’abord, grâce à cette couleur sophistiquée, quasi néoclassique qui jalonne l’ensemble de l’album aux côtés des trémolos attendus, faisant écho à ce que l’on peut trouver chez un groupe comme Griffon. Une atmosphère mystique très prégnante, qui immerge l’auditeur dans un univers où la quête de la connaissance des mystères du divin est le fil conducteur. Trame narrative dont le chanteur Aharon (de Griffon, encore) se fait le conteur, grâce à ses éructations si personnelles et ses psalmodies déclamées et tragiques. Avec ce Ecclesia Gnostica, A/Oratos transcende les esquises de ses débuts en un portrait remarquable de tout ce que le black metal français peut proposer de mieux à l'heure actuelle.

Sangdragon – Hierophant
Black metal épique – France (Wake Up Dead Records)

ZSK : Si Sangdragon n’existe que depuis 2011, il ne faut pas omettre le fait qu’il existe en réalité depuis 1993, successivement sous les noms Daemonium puis Akhenaton. Ce qui en fait d’ailleurs, mis bout à bout, un des plus anciens projets de black metal français encore en activité. One-man band de Lord Akhenaton au départ, Sangdragon est devenu un groupe à part entière depuis qu’il a pris ce nom. Ce qui n’a pas empêché Sangdragon, avec Requiem For Apocalypse (2015), de clôturer la « trilogie mystique » entamée avec Dark Opera Of The Ancient War Spirit (1994) de Daemonium puis Divine Symphonies (1995) de Akhenaton. Mais maintenant, Sangdragon poursuit sa carrière comme si de rien n’était, avec un deuxième full-length, Hierophant.

Si la musique proposée sous les noms Daemonium et Akhenaton était plutôt orientée médiévale/orchestrale que purement black metal, Sangdragon balance nettement vers le « metal » mais ne renie en rien les éléments du passé. Ce qui donne un black metal old school (au chant éraillé typique), mais assez accessible et largement agrémenté de parties symphoniques avec force chœurs et chant féminin, en plus d’ambiances tour à tour orientales et médiévales. Il s’en dégage un côté épique assez entraînant, plus qu’un metal véritablement salvateur (même si certains passages plus thrashy feront taper du pied), avec des ambiances qui font bien voyager à l’image de l’excellent « I Proudly March to Die ». Hierophant se place dans la lignée des morceaux les plus atmosphériques de Requiem For Apocalypse, et se pose comme un album plutôt passionnant, bien que sans surprise niveau strictement metal.

Avec tout son package d’ambiances dont les influences folkloriques et ethniques sont assez larges, Sangdragon n’a pas été programmé dans des festivals « viking » pour rien, se permettant même de lorgner vers un registre plus moderne en reprenant en concert le célèbre thème de Game of Thrones. Et d’ailleurs, Hierophant a la particularité d’être scindé en deux disques, Black Dragon et White Dragon. Le second propose ainsi huit pistes de musique entièrement acoustique, reprenant les influences médiévales et orchestrales du premier de manière très plaisante, avec même des morceaux vraiment prenants comme « Behind the Mist » et « Snow ». Ce n’est pas du black metal très tendance, ni même vraiment méchant pour du « black », mais ce deuxième album de Sangdragon sent bon l’expérience et propose un récital de metal extrême épique plus que sympathique.

Coffret de bijoux – La l'd​é​pend​å​ancsee ause kel​é​es magiquey qu​ề​ề​ề leyn florquas arkions'​,​` d'un moment ȧ l'autre'​,​;; ṫesesc omeomeas magniq'''''e de​ŝ​ŝ orne​.​.​; m​ë​nt​š​! Ėlll​ễ​s​-​mxme;;, Ėlll​ễ​s​-​les savencs​.​.​;; Nuertas se​û​i​û​lement apr​è​s la pluit​,​;;;
Raw black atmo – Canada (Auto-production)

Raton : Puristes du black metal passez votre chemin car ce nouveau projet québécois vous hérissera probablement le poil. En revanche si vous appréciez l'approche de Trhä, c'est-à-dire du black metal atmosphérique et contemplatif ultra lo-fi et nimbé de douceur, il y a moyen que ça vous parle.

Le one-woman band Coffret de bijoux pousse le curseur encore plus loin que Trhä et se retrouve dans les derniers degrés de la mauvaise qualité sonore. C’est cotonneux et engourdi, mais d’une manière douce et apaisante. Pourtant la dimension âcre du black metal subsiste avec des hurlements stridents épars. Toutefois, elle finit par se marier aux riffs crachotants aux allures de ritournelles sorties d'une vieille boîte à musique impie.

Après les trois longs morceaux qui constituent le noyau du disque, l'artiste offre deux reprises méconnaissables, une d’Adrianne Lenker (chanteuse de Big Thief) et une de l’immense Ichiko Aoba. Ça ne plaira naturellement pas à toutes les oreilles, mais ça a le mérite d’être une proposition radicale dans son domaine, avec beaucoup de ferveur dans la démarche.

Wrath Of Logarius – Necrotic Assimilation
Black metal moderne – USA (Season of Mist)

ZSK : Va-t-on vraiment assister un jour à la naissance d’une véritable mouvance de « black technique » ? C’est la question qu’on peut se poser à chaque arrivée d’un nouvel avatar d’un genre qui n’existe pas vraiment. Après (bien après) Asmodée, Vredehammer, Second To Sun ou encore Fleshmeadow, voici Wrath Of Logarius, quatuor californien repéré par Season of Mist alors qu’il s’appelait encore Martyr Logarius, en référence à un personnage de Bloodborne. Avec l’hyperactif batteur Marco Pitruzzella (Six Feet Under, Waking The Cadaver, et 25 autres) dans ses rangs, Wrath Of Logarius nous propose donc une mise en bouche de son art avec cet EP de 20 minutes, Necrotic Assimilation.

EP qui se permet déjà de balancer une outro et un interlude mais au moins, cela montre qu’il veut aussi travailler ses ambiances, à l’image du très épique « Soul Ascension ». Mais pour le reste, c’est une déferlante de riffaille black metal « moderne ». Avec forcément un côté black/death pour ces riffs agressifs et rangés, mais qui lorgne pas mal vers le tech death, sans en faire des tonnes et restant surtout très frontal. Mais entre les trémolos et le chant (très proche de Vredehammer, comme par hasard), on est quand même dans un domaine black metal, mais très personnel. Le final sur « Beyond the Last Gate » est assez impressionnant, mais les excellents « Swarm » et « The Burning One » ne sont pas en reste et les capacités de Wrath Of Logarius sont là. A l’instar de Fleshmeadow qui restait sur un EP prometteur, c’est à suivre de près, pour voir si du black metal tech/moderne peut vraiment prendre racine.