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Album

10 novembre 2018 - ZSK

Farsot & ColdWorld

Toteninsel

LabelLupus Lounge / Prophecy Productions
styleBlack Metal atmosphérique
formatSplit
paysAllemagne
sortieseptembre 2018
La note de
ZSK
7/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Alors que Agrypnie a sorti son très attendu nouvel album Grenzgænger (et on va bientôt en parler plus en détail), du côté du reste de la scène Black atmo allemande, on s’organise. Voilà que Prophecy Productions nous propose de faire se rencontrer deux figures de la scène, le temps d’un split. D’un côté, nous avons donc Farsot, qui propose ici du nouveau matériel 1 an et demi après la sortie du satisfaisant Fail·lure. Après un mythique |||| (2007) suivi d’un Insects (2011) qui jouait un peu trop la carte du BM à la Secrets Of The Moon, la formation avait retrouvé un peu de ses lettres de noblesse. De l’autre côté, nous avons le one-man band ColdWorld, qui a connu un parcours de carrière assez singulier. Parti d’un Black ambiant à légère tendance DSBM pour les excellents TheStarsAreDeadNow (2005) et Melancholie² (2008), le projet avait après une longue absence connu des humeurs diverses en changeant de fusil d’épaule sortie après sortie. Entre le très Post-Black Autumn (2016), le presque totalement ambiant EP Interludium suivi d’un autre EP, Nostalgia, lui beaucoup plus cru et old-school, il y avait de quoi faire. En attendant un troisième full-length, le projet de Georg Böner est assez productif vu que Toteninsel est son 6ème stuff (albums, EPs, singles, splits) sorti en l’espace de 3 ans. Farsot, lui, continue discrètement son petit bonhomme de chemin, et ce split est une occasion de ne pas l’oublier en attendant un 4ème album. Les deux formations, qui n’ont finalement que comme seuls points communs d’être allemands et d’œuvrer dans un Black Metal à tendance généralement atmosphérique, vont donc se partager cette sortie avec leurs styles respectifs. Deux morceaux pour chacun, qui forment deux parties - "Erde" (la terre) pour Farsot et "Wasser" (l’eau) pour ColdWorld, et l’on est parti pour 28 minutes atmosphériques et raffinées.

Farsot ouvre donc Toteninsel avec "Erde I" ou, bien que commençant par des instrumentations acoustiques, on reconnaît immédiatement sa patte. Mieux encore, ce morceau retrouve un peu de la vibe de ||||, avec une ambiance et un chant à l’avenant. Le riffing vraiment Metal sera d’ailleurs finalement parcimonieux au sein des presque huit minutes ouvrant ce split, Farsot préférant encore travailler ses ambiances acoustiques. Un riffing qui sera assez cru, avec un chant qui reste grave et lointain. Rien de surprenant, mais un bon morceau de Farsot, qui mine de rien réussit à bien résumer ce qu’il a fait sur ses 3 albums sortis jusqu’à maintenant, nous abreuvant de belles mélodies bien désenchantées. "Erde II" ne fera que prolonger ce plaisir mélodique vu que nous avons affaire à un morceau totalement acoustique et instrumental. Ça ne fait pas beaucoup de « Metal » pour la partie de Farsot, mais ça se laisse largement apprécier pour peu qu’on apprécie leur touché et leurs ambiances. Sans perdre de temps, ColdWorld enchaîne et de la même manière avec un instrumental, "Wasser I", qui lui aussi démarre avec des instrumentations acoustiques et une emphase sur les ambiances, histoire de faire un enchaînement parfait et de donner beaucoup de cohérence à Toteninsel. L’atmosphère proposée par ColdWorld est cependant plus cotonneuse qu’automnale, avec des mélopées assez aériennes. Dès le milieu de course, ColdWorld sort déjà les grattes électriques, surtout les leads, même si "Wasser I" demeurera 100% instrumental. Les hostilités commencent donc vraiment avec "Wasser II", avec des grattes plus terreuses et un chant plus grogné, dans un registre plus sombre et décharné que celui de Farsot. ColdWorld étant tellement changeant, il sera difficile de vraiment relier précisément "Wasser II" à une de ses œuvres passées. Ce qui est sûr, c’est que le projet repart un peu sur ses premiers amours, en moins ambiant et avec un chant bien moins criard. Dépressif sans être trop négatif, "Wasser II" est une pièce de BM traînante qui ne sourit pas, tranchant d’ailleurs assez avec les mélodies de "Wasser I", même si en presque 9 minutes le morceau aura le temps de partir dans des leads assez lumineux, jusqu’à un final très épique d’ailleurs, mais toujours dans un style très triste et désenchanté. En tout cas, ColdWorld est inspiré sur le temps qui lui est alloué, et réussit à proposer une belle œuvre de Black atmosphérique assez noire.

Et c’est déjà fini pour cette collusion entre deux références du Black atmo/ambiant allemand, qui ne se font pas honte l’une à l’autre et ont réussi à proposer quelque chose d’assez cohérent pour faire de Toteninsel un split pas trop collage ni hors-sujet. Peut-être que la collaboration aurait pu être plus poussée comme ça a déjà été fait au sein de certaines formations du Black atmo/ambiant, mais ce que proposent Farsot et ColdWorld en valent la peine. Cependant, pour les fans uniquement, car Toteninsel n’est pas destiné à quiconque d’autre connaissant déjà ces deux formations allemandes, au moins la scène attenante. Et à moins de ne connaître qu’une seule des deux formations et d’en profiter pour découvrir l’autre. Avec moitié de compositions instrumentales sur quatre, cela ne nous donne qu’un seul véritable nouveau morceau de Farsot et de ColdWorld, ce qui est tout de même un peu maigre, et seuls les vrais mordus investiront. Les compositions proposées sont de qualité pour chacun des deux groupes mais 28 petites minutes dont beaucoup purement acoustiques (il faut aimer, forcément), ça demeure léger, Toteninsel étant plus de l’ordre du split EP que du split-album. Vu comment on en fait vite le tour, Toteninsel demeure une sortie anecdotique et n’attirera au final que les collectionneurs ou les complétistes qui veulent tout avoir de leur scène favorite. La musique vaut le coup, le format est plus dispensable. Mais inutile de dire que si Farsot et/ou ColdWorld font partie de vos groupes de chevet, l’écoute est au minimum obligatoire, cela va de soi. Farsot fait bien les choses comme à son habitude, et ColdWorld demeure assez inclassable même s’il fait aussi le travail quelque soit le sous-genre dominant. Un split qui n’est pas un grand indispensable, mais reste intéressant pour tout amateur de Black atmo allemand.

 

Tracklist de Toteninsel :

Farsot
1. Erde I (7:49)
2. Erde II (5:42)
ColdWorld
3. Wasser I (5:14)
4. Wasser II (8:52)