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Album

25 septembre 2020 - ZSK

Napalm Death

Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

LabelCentury Media Records
styleDeathgrind
formatAlbum
paysAngleterre
sortieseptembre 2020
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

39 ans de carrière. 39 ans. Les pères, les papis, les patriarches, les légendes du Deathgrind, du Death et du Grind tout court aussi (et pas que), tout ce que vous voulez, le respect est déjà éternel pour Napalm Death et on ne va pas les présenter plus que de raison, ça serait presque leur faire injure. Et si vous ne connaissez pas… que dire si ce n’est que votre confinement a en fait commencé en 1980 ou que vous sortez d’une faille spatio-temporelle sur base d’un pont d’Einstein-Rosen ou que vous venez de débarquer d’une autre planète. Bref, tout bon metalleux ou même punk/coreux qui se respecte a déjà forcément touché à Napalm Death. Même votre serviteur, pas spécialement amateur de Grind de manière générale, l’a parmi ses groupes de chevet avec quelques menus disques encastrés dans les meubles idoines. Arrêtons les palabres ici d’autant que le groupe qui nous intéresse est amateur de mandales et ne perd pas de temps. Depuis qu’il est sorti de sa période plus « groovy » des années 90, Napalm Death carbure. Et est sur une forme de compétition depuis Enemy Of The Music Business (2000), où il remettait des pièces extrêmes dans la machine en reprenant les choses où il les avait arrêtées avec Utopia Banished (1992). Maintenant, c’est la constance qui prime. Chacun aura ses favoris et si Enemy Of The Music Business n’était déjà pas en reste, des Order Of The Leech (2002) ou Time Waits For No Slave (2009) envoyaient méchamment, entre des plus classiques mais efficaces The Code Is Red… Long Live The Code (2005) ou Smear Campaign (2006). Toujours aussi engagé, Napalm Death tape là où ça fait mal, et ça fait déjà 20 ans depuis Enemy Of The Music Business qu’il semble inarrêtable. Toutefois, le groupe a été tenté d’évoluer un tantinet. Avec un Utilitarian (2012) un peu plus varié et innovant (on se souvient de l’étonnant "The Wolf I Feed" par exemple). Mais c’était pour mieux nous cogner derrière vu que les Britanniques restaient sur un Apex Predator - Easy Meat (2015) particulièrement offensif, peut-être un de leurs albums les plus sauvages à ce jour. Papis peut-être (bon, même s’il ne reste plus personne du line-up de Scum (1987) désormais, mais le quatuor actuel est là depuis 1991 au plus tard), mais toujours avec la hargne de la jeunesse la plus révoltée. Et même si les sorties de Napalm Death s’espacent de plus en plus dans le temps, ça ne va pas encore s’arrêter. Voici donc, 5 ans après la violence de Apex Predator - Easy Meat, le 16ème album de Napalm Death, Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism.

Ça ne s’arrêtera jamais, en tout cas pas maintenant, vu que Napalm Death démarre sévèrement sur un "Fuck the Factoid" qui après quelques secondes bruitistes envoie directement le Deathgrind que l’on connaît depuis maintenant de nombreuses années. Avec immédiatement, histoire de bien faire comprendre que Napalm Death n’est pas qu’un groupe bête et méchant, des petites compos plus épiques que l’on avait commencé à vraiment croiser sur Utilitarian. Napalm Death a su évoluer avec son temps, quand bien même son fonds de commerce reste ce Deathgrind punchy et urgent. Mais le groupe anglais n’hésite plus à pencher vers d’autres moyens d’expression. Et l’on va bien vite s’en rendre compte sur cet album qui troque à nouveau l’agression pure de Apex Predator - Easy Meat pour la singularité relative d’un Utilitarian. Oh, la bourrinerie sera bien sûr au rendez-vous. Entre un "That Curse of Being in Thrall" qui a tout du nouveau tube ultraviolent à la "Metaphorically Screw You", le final bien remuant de "Contagion", ou les enchaînements de coups de poings bien sévères de deuxième partie de disque ("Zero Gravitas Chamber", "Fluxing of the Muscle", "Throes of Joy in the Jaws of Defeatism", "Acting in Gouged Faith"), il y a de quoi faire pour vous faire bouger les genoux et vous secouer la tête tel un Barney sur scène. Encore une fois, il va falloir faire attention aux meubles à mi-hauteur dans votre lieu d’habitation, le défoulement est toujours garanti. Mais avec Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism, il y a aussi autre chose, pas de la joie, mais presque. Il y a bien sûr des morceaux plus originaux, qui jouent plus sur des ambiances désenchantées, ce qui avait été entamé par certains moments de Utilitarian et qui subsistait encore sur Apex Predator - Easy Meat comme pour un "Dear Slum Landlord…". On s’arrêtera donc ici sur le plus original "Joie de ne pas Vivre" avec sa basse vrombissante, ainsi que sur le bien lourd "Invigorating Clutch" ou encore sur le final forcément plus apocalyptique que sera "A Bellyfull of Salt and Spleen". Napalm Death ne tape pas du début à la fin, ses revendications sociales passant logiquement aussi par la mise en place de ces ambiances plus sombres. Mais ce n’est pas tout, car Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism va aussi montrer que le spectre musical de Napalm Death, tout aussi extrême qu’il soit, ne s’arrête pas qu’au Deathgrind bien dynamique et tranchant si caractéristique de la formation.

Il y en a des traces discrètes dès "Fuck the Factoid", et on les remarque plus aisément dès le single "Backlash Just Because" : derrière ce morceau somme toute classique pour du Napalm Death en apparence, se cachent clairement des compos aux accents Post-Punk. Alors, ce n’est pas tout à fait nouveau. On sentait un certain penchant vers ces sonorités dès Utilitarian, et tout aussi sauvage qu’il était, Apex Predator - Easy Meat en avait déjà quelques prémices : "Stubborn Stains", les grattes de "Beyond the Pale", le refrain de "Hierarchies"… ou surtout, le bonus de certaines éditions qu’était "Caste As Waste", ou les influs Post-Punk devenaient évidentes. Des influs qui ont une certaine tendance à s’exposer encore plus, explosant carrément pour un "Amoral" qui ressemblerait à un Killing Joke s’essayant au Deathgrind. N’en demandons pas tant, Napalm Death ne prend pas un virage à la Amebix, et le Deathgrind reste très nettement majoritaire pendant les 43 minutes de l’album. Mais les adjonctions de compos Post-Punk se font souvent remarquer ("Contagion", "Fluxing of the Muscle"… par exemple). Avec les morceaux plus « dark » cités plus haut, autant dire que Napalm Death se diversifie sur ce Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism, presque encore plus que pour un Utilitarian en son temps. Sans pour autant renier son Deathgrind si efficace à aucun moment, histoire de ne pas non plus complètement désarçonner ses fans qui venaient aussi pour chercher un défouloir, surtout 5 ans après le déchainement qu’était Apex Predator - Easy Meat (qui reste le meilleur album du groupe des années 2000 en ce qui me concerne). Pour ce qui est des brûlots purement Deathgrind, Napalm Death assure toujours, même si certaines compos demeurent classiques et sentent parfois un peu le déjà entendu. Mais ce n’est pas très grave après tout. Napalm Death n’est pas non plus le AC/DC/Motörhead/Amon Amarth du Deathgrind et ce Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism avec ses quelques « écarts » très remarquables le prouve aisément. Ce n’est pas leur meilleur album des années 2000 malgré tout, mais globalement il s’inscrit dans une discographie presque parfaitement homogène depuis 20 ans maintenant, et je le laisse à l’appréciation de chacun pour faire sa propre hiérarchie. Mais avec un line-up qui tourne en l’état depuis presque 30 ans (et malgré le fait que Mitch Harris s’est mis en retrait des scènes), le respect est grand, et Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism est tout simplement un très bon album de Napalm Death. Avec ces petits plus, ces touches de Post-Punk assez évidentes, ces passages plus noirs, cette ambiance de misère sociale assez travaillée, qui font que Napalm Death arrive à se renouveler et à proposer des choses pertinentes au sein d’un Deathgrind toujours aussi vindicatif et nullement lassant, ce qui est aussi quelque part la marque des grands. Des papis, des pères, ce que vous voulez, mais qui n’ont nullement l’intention de se taire…

 

Tracklist de Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism :

1. Fuck the Factoid (2:27)
2. Backlash Just Because (2:56)
3. That Curse of Being in Thrall (3:36)
4. Contagion (4:05)
5. Joie de ne pas Vivre (2:28)
6. Invigorating Clutch (4:05)
7. Zero Gravitas Chamber (4:03)
8. Fluxing of the Muscle (4:33)
9. Amoral (3:05)
10. Throes of Joy in the Jaws of Defeatism (2:55)
11. Acting in Gouged Faith (3:37)
12. A Bellyful of Salt and Spleen (4:36)

 

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