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Album

04 novembre 2016 - ZSK

Dark Tranquillity

Atoma

LabelCentury Media Records
styleMélodeath
formatAlbum
paysSuède
sortienovembre 2016
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Un nouvel album de Dark Tranquillity qui sort le jour de mon anniversaire (et le jour de la sortie de Football Manager 2017, aussi), si ce n’est pas un joli cadeau ou un heureux hasard… surtout que comme toujours, s’il y a bien un groupe qui est attendu, c’est Dark Tranquillity. Dans une scène Mélodeath qui a parfois trop pris le pli de la modernité, ou qui au contraire n’a fait que repomper sans panache les grandes gloires (coucou aux nombreuses formations transalpines qui m’ont à la fois amusé et consterné pendant quelques années en d’autres lieux webzinaux…), il faut un patron. Un patron, déjà, pour accompagner quelques petits nouveaux talentueux qui ont choisi de rallier avec brio la cause du Mélodeath purement 90’s, avec ses riffs thrashisants, ses vocaux uniquement extrêmes et ses leads simples mais gracieux. D’ailleurs à ce titre et outre les Anglais d’Engraved Disillusion, ce sont les Français qui se sont distingués ces derniers temps avec notamment Fractal Gates, Fallen Joy ou EverRise. Il fallait aussi un patron pour prendre le relais d’autres formations cultes qui s’essoufflent sérieusement avec le temps, et en particulier la scène suédoise avec un In Flames qui a pris le chemin discutable de l’Alternatif et un Soilwork qui a mon humble avis est réduit à faire un fan-service sans saveur. Certes, At The Gates avait fait un retour en fanfare avec la bombe At War With Reality il y a deux ans. Mais malheureusement cet album n’avait pas réussi à mettre tout le monde d’accord. En haut du panier du Mélodeath suédois, il ne reste donc que Dark Tranquillity, qui lui non plus ne mettra pas tout le monde d’accord, car personne n’est parfait et que tous les goûts sont dans la nature. Mais avec sa longévité, sa forme, son inspiration, et ses albums de qualité, Dark Tranquillity revendique le titre de patron sans aucun culot, et Atoma va encore prouver qu’il y a Dark Tranquillity et les autres.

Il est sûr qu’il va être difficile de faire l’unanimité mais tout bon groupe essaye toujours de fédérer. Le seul album le plus récent de Dark Tranquillity qui mettait d’ailleurs tout le monde d’accord est vraisemblablement Damage Done, qui remonte tout de même à 2002. Character (2005) a mauvaise réputation ; pour moi c’est leur meilleur album, le plus efficace, bourré de feeling ("Through Smudged Lenses", "The Endless Feed", "Mind Matters", "One Thought"…). Fiction (2007) était peut-être un peu trop hétérogène pour convaincre pleinement. Aussi Dark Tranquillity a choisi une voie qui pouvait paraître surprenante : revenir à des choses plus posées, l’époque Projector (1999) / Haven (2000). We Are The Void (2010) remettait alors en avant des ambiances plus feutrées, plus glaciales, avec plus de claviers, et le retour du chant clair « gothique ». Etant resté sur Character et les morceaux les plus mordants de Fiction comme "Terminus (Where Death Is Most Alive)", je n’avais pas été convaincu par cet album globalement pâle et fade. Mais, et même si mon ressentiment n’a pas évolué des masses avec le temps, We Are The Void était surtout un galop d’essai, un album de transition, pour le splendide Construct (2013). C’est là que Dark Tranquillity avait surpris et était revenu tout en haut, pour mieux dominer l’univers du Mélodeath de sa classe. Porté par une atmosphère froide mais enivrante, cet album montrait un Dark Tranquillity à son firmament, capable d’être prenant ("For Broken Words"), de bien capitaliser sur les qualités d’un Projector ("Uniformity", "What Only You Know"), de pondre à nouveau des brûlots à la Damage Done & Character ("The Science of Noise", "The Silence in Between", "Apathetic", "Endtime Hearts") et surtout de se trouver un nouvel équilibre ("State of Trust"). Une vraie tuerie, pour un groupe qui a su se réinventer et trouver une seconde jeunesse, ce qui était pourtant mal parti car Fiction et We Are The Void sentaient la roue libre. Un retour en forme et un nouveau départ qui va être confirmé par cet Atoma. Et pourquoi pas faire encore mieux ?

Dark Tranquillity a pourtant connu des fortunes diverses. Martin Henriksson a mis les voiles, car il était temps pour lui de dire « stop » après tant d’années, laissant Niklas Sundin seul aux guitares pour le moment. Le groupe suédois ne va pas perdre en inspiration, bien au contraire. Il ne va pas non plus se contenter de pondre juste de nouvelles compos, sans plus de panache, malgré sa prod toujours typique. Alors certes, le groupe ne propose rien de bien neuf, mais comment lui en vouloir après qu’il ait trouvé un nouvel équilibre qui marche pour Construct ? Cependant, des petites choses changent. L’ambiance glaciale régit moins l’ensemble de l’album, qui est à la fois plus direct voire tubesque, mais aussi un peu plus « soft » peut-être, plus mélodique en somme. Atoma, c’est tout simplement We Are The Void en bien mieux, donc la continuité de Construct, avec des touches de Fiction, Damage Done, Character, et bien sûr Projector. Pourtant, encore une fois, le chant clair n’est pas forcément légion, présent sur 4 morceaux seulement ("Atoma", "Forward Momentum", "Our Proof of Life", "Merciless Fate"). J’en profite déjà pour saluer, encore une fois, la performance de Mikael Stanne. Son chant clair est toujours authentique et touchant en plus d’être bien mieux maîtrisé que celui de Projector en son temps, et que dire de son chant Death toujours aussi mordant et efficace ? Plus de 20 ans après The Gallery, le vocaliste roux est toujours très en voix, mettant facilement à l’amende ses collègues Fridén et Strid. Il n’a jamais faibli une seconde et rien que ça nous fait respecter Dark Tranquillity à chaque instant. Et que dire du reste de la formation toujours particulièrement inspirée ? Certes, Atoma respire le Dark Tranquillity par tous les pores et il n’y aura aucune vraie surprise dans les 49 minutes de ce 11ème album des Suédois. Mais l’ensemble est toujours aussi classieux et accrocheur, il y a ici moult véritables modèles de Mélodeath suédois, dans leur style propre qui a toujours été un brin futuriste depuis Damage Done. Les Patrons, tout simplement, pour un nouvel album qui égale facilement son déjà illustre prédécesseur. Voire le dépasse par moments. Un exploit pour un groupe de 23 ans d’âge ?

Si "For Broken Words" ouvrait Construct de manière étonnamment poignante, "Encircled" va lui un peu trancher, et c’est le cas de le dire : on ne perd pas de temps, on balance direct les riffs bien rapides et incisifs pour montrer qu’on a pas affaire à un groupe fatigué. Un refrain déjà épique, des plans mélodiques classiques mais terribles, et voilà comment commencer un album sur les chapeaux de roue, à partir de 3 fois rien et rien de neuf pourtant. Tout ceci pour introduire ce qui est d’ores et déjà le hit de Atoma en la personne de son morceau-titre. Tout le Dark Tranquillity actuel est là-dedans, des claviers fabuleux, des mélodies entraînantes à souhait, des lignes de chant inoubliables, un refrain fantastique, un vrai tube qui se permet même d’être meilleur que les tubes de Construct. Applaudissons ces messieurs rien qu’avec deux titres. Et c’est pas fini. Tout comme le précédent opus, Atoma se balade entre morceaux directs à la Damage Done & Character et plages autrement plus feutrées. Le très touchant "Forward Momentum" se distingue déjà comme une des pistes les plus marquantes de l’album, avec un contraste permanent entre le chant clair très mélancolique et les claviers sidérants d’un côté, les growls et le riff principal très croustillant de l’autre. Toujours dans les contrastes, on notera aussi "Force of Hand", très mélodique (avec des claviers éléctro et du piano) mais aussi très dynamique (grâce à un Stanne qui s’égosille). Et si "Faithless by Default" malgré son refrain dur ou encore "Our Proof of Life" se distinguent encore par l’aspect mélodique de la Force, Dark Tranquillity va donc nous proposer également d’autres tubes bien punchy avec "Neutrality" (lui aussi bien mélodique malgré tout), "The Pitiless" ou encore l’excellent "When the World Screams" qui lui aussi n’aurait pas dépareillé sur Construct. Dernier détail et pas des moindres, la plupart des solos et autres leads endiablés dans un esprit 90’s sont à tomber, mention spéciale à ceux de "Neutrality", "The Pitiless" et "When the World Screams". La classe Niklas.

Toutefois, parce qu’il y a un toutefois, avec 12 titres contre 10 pour Construct, Atoma s’allonge un peu trop peut-être et la clôture sur le plus doux "Merciless Fate" et l’encore bien mélo "Caves and Embers" me paraît dispensable, même si ces deux morceaux ne font absolument pas honte à Dark Tranquillity. Enfin j’évoquerai aussi "Clearing Skies", qui après de nombreuses écoutes de l’album reste pour moi une énigme, avec ses mélodies gentillettes et son étrange refrain pseudo-saccadé, je ne sais toujours pas quoi en penser si ce n’est que si tout l’album avait été de cette facture, je ne l’aurai sûrement pas aimé… Heureusement, Dark Tranquillity a su rester Dark Tranquillity dans l’ensemble, c’est ce qu’on lui demandait, et Atoma est une habile suite à Construct trois ans après, le vrai renouvellement sera pour plus tard même si personnellement je ne cracherai pas sur d'autres albums de cette trempe... Le soufflé a eu le temps de retomber, même si Construct est déjà devenu un indispensable de leur disco voire plus, et Atoma arrive donc à point nommé pour lui succéder, sans réinventer le son du groupe mais ce n’est pas encore le moment et de toute façon, on attend juste que Dark Tranquillity ponde de nouveaux brûlots de Mélodeath, et le contrat est rempli avec un disque où il n’y a rien à jeter des 10 premières pistes. C’est du grand Mélodeath fait par un grand groupe, et voilà le travail. La grande question est de savoir si Atoma est meilleur que Construct ? Je ne peux y répondre maintenant car seul le temps nous dira si des "Atoma", "Forward Momentum" ou autre "When the World Screams" seront autant voire plus cultes que les "For Broken Words", "The Silence in Between" et "State of Trust", ce qui est sûr c’est que dans sa globalité Atoma fait jeu égal avec Construct dans un style généralement similaire, et c’est déjà une belle et admirable performance. A noter que pour les amateurs, nous avons encore le droit à une box limitée avec un CD bonus, qui présente deux compositions où Dark Tranquillity s’essaie à une sorte de Post-Rock, je vous laisserai découvrir le résultat. Quoi qu’il en soit, pour un 11ème album et presque 25 ans de carrière si l’on compte les années Septic Broiler, Dark Tranquillity est toujours là, en grande forme, avec des parti pris stylistiques assumés et réussis, et donne en deux leads, trois lignes de voix, quatre riffs, cinq envolées mélodiques et bien sûr des hits de rigueur au sein d’un album une nouvelle fois génial, une belle leçon à toutes les formations de Mélodeath actuelles, jeunes comme vieilles. La classe des vrais Patrons pour un respect éternel. To the end of our time, for the rest of our lives !

 

Tracklist de Atoma :

1. Encircled (3:32)
2. Atoma (4:19)
3. Forward Momentum (3:40)
4. Neutrality (4:17)
5. Force of Hand (4:22)
6. Faithless by Default (4:31)
7. The Pitiless (4:08)
8. Our Proof of Life (4:22)
9. Clearing Skies (3:33)
10. When the World Screams (3:57)
11. Merciless Fate (4:22)
12. Caves and Embers (4:30)
13. The Absolute (Bonus) (5:15)
14. Time Out of Place (Bonus) (3:39)

 

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