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Album

24 septembre 2015 - Michael

Children of Bodom

I Worship Chaos

LabelNuclear Blast Records
styleDeath metal mélodique
formatAlbum
paysFinlande
sortieoctobre 2015
La note de
Michael
6.5/10


Michael

Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.

Ça y est, il n’est plus possible de reculer désormais. Le dernier album de Children of Bodom est disponible, et il faut prendre notre courage à deux mains pour l’écouter. Très enthousiasmés par Halo Of Blood, le dernier album en date, un espoir de renouveau de la musique du groupe était né. Surtout, le départ du guitariste Roope Latvala, aussi sympathique soit-il, pouvait laisser entrevoir un retour aux sources, lui qui a été de tous les albums qui nous ont ou laissés de marbre ou franchement déçus (sauf le dernier en date, donc). Mais les dernières déclarations d’Alexi Laiho, évoquant un album plus direct et facile, ainsi que les premiers titres en streaming nous ont laissé un sentiment mitigé. Pourquoi donc tourner le dos à un passé de compositions de qualité, de mélodies entêtantes et de soli inspirés pour nous resservir cette soupe de riffs bas du front entremêlés de clavier encore présents pour la forme ? Bref, ne nous emballons pas et n’enterrons pas ce I Worship Chaos avant de l’avoir écouté, réécouté et pleinement digéré.

Le premier contact avec l’album est plutôt agréable. La faucheuse est bien présente sur une pochette signée Tuomas Korpi, aux allures de peinture à l’huile aux tons jaunes, représentant une forêt dévastée, comme brûlée, sur un fond d’éclipse. Les codes des artworks de Children of Bodom sont bien présents, ce qui constitue un bon début quand on se rappelle les pochettes calamiteuses d’Are You Dead Yet? et Blooddrunk.

Et c’est dans ce cadre qu’on se lance dans l’écoute de l’album par le titre I Hurt. On y retrouve les ingrédients de la période récente de COB, à savoir un son de guitare plus rond, une voix assez « grave » et une composition résolument taillée pour le live avec des riffs tranchants pour headbanger (le riff à 0’49 !). Mais l’on retrouve également, dès ce premier titre, certains travers du groupe. Finies les envolées guitaristes a la Kissing The Shadows ou autre Toward Dead Ends, Alexi Laiho se contente de trois descentes de gamme et d’un grand coup sur la Whammy bar qu’il aime tant, elle qui lui permet non seulement de mettre fin ou de débuter un solo sans imagination ou, comme c’est souvent le cas en live, d’abréger une partie difficile qu’il ne veut (ou ne peut) pas jouer. Heureusement que les rythmiques restent quant à elles globalement intéressantes et que Janne Wirman, de son côté, s’évertue à enrichir la musique des Finlandais à grands renforts de nappes de claviers.

Après un My Bodom (I Am The Only One) particulièrement insipide et faussement agressif, le groupe lance ce qui est, d’après les dires d’Alexi Laiho - et on le comprend - son titre préféré de l’album : Morrigan. Une rythmique entraînante, un bon solo, des lignes de batterie efficaces et des mélodies qui font mouche pour un titre qui donne envie de headbanger frénétiquement au rythme de la caisse claire. Sur ce titre, on ne regrettera que la pauvreté des paroles du groupe et autres interjections de Laiho (c'est d'ailleurs le cas depuis toujours), car même le solo n’est pas si mal !

Le reste de l’album alterne entre le très bon et le franchement médiocre (Horns et Suicide Bomber, pour ne citer qu’elles). On y retrouve les traditionnelles chansons mid-tempo que le groupe nous offre à chaque album (Prayer For The Afflicted et All For Nothing), qui, bien qu’étant intenses et probablement les seules à véhiculer de réelles émotions dans cet opus, n’arriveront toujours pas à détrôner Everytime I Die dans le genre. On peut d’ailleurs noter que le solo d’All For Nothing est plutôt réussi avec ses sonorités Heavy, ce que le groupe n’a que bien peu exploré par le passé (sur Punch Me I Bleed, peut-être…). Quelques passages qui nous rappellent que Children of Bodom en a sous le pied en matière de composition et de mélodies sont également à mettre au crédit de cet album, comme sur Hold Your Tongue et son break de qualité ou sur le titre Widdershins qui vient clore l’album en piquant notre intérêt de la plus belle des manières.

D’une manière générale, l’album n’est pas mauvais en soi, avec quelques titres excellents que l’on sait destinés à devenir des hits en live (Morrigan en tête mais également Widdershins). Simplement, l’album est particulièrement hétérogène, et laisse une sensation amère en bouche, celle d’une musique taillée pour le live, composée à la va-vite, sans plus de soin que cela (à l’exception peut-être de All For Nothing). On pense notamment aux soli, moins nombreux et gobalement d'une piètre qualité. En somme, n’espérez pas retrouver ici des titres comme All Twisted qui combinent à merveille riffs thrash rapides et breaks mélodiques, Transference et ses claviers entraînants ou bien encore le sens de la mélodie de One Bottle And A Knee Deep, pour ne parler que de Halo Of Blood.

De sorte qu’au final la frustration prédomine pour les fans des premières heures du groupe, et ce quand bien même cet album est à des millénaires de Relentless Reckless Forever. Et pour bien comprendre l’environnement dans lequel cet album intervient et la frustration qu’il créé, il convient de faire un petit retour sur le passé des Finlandais.

La carrière de Children of Bodom révèle plusieurs phases clairement distinctes. Une première phase dite néoclassique, des débuts, avec des albums au son très synthétique, une voix d’Alexi Laiho confinant au Black metal, un clavier omniprésent et un jeu de guitare au centre des débats. C’est la période qui a fait la réputation du groupe. On pense alors aux albums Something Wild, Hatebreeder et Follow The Reaper qui constituent encore et de loin les meilleurs opus du groupe, ces derniers continuant d’ailleurs de constituer la trame de leurs setlists en live. Une deuxième phase - trop courte - plus thrash, avec la sortie de Hatecrew Deathroll et du single Trashed, Lost & Strungout. S’en est suivi une troisième longue phrase d’agonie, avec le mitigé mais parfois foudroyant Are You Dead Yet?, suivi de deux incidents industriels que sont Blooddrunk et Relentless Reckless Forever où le groupe a cédé aux appels du pied d’une musique facile, lisse, sans aucune prise de risque ni inspiration (sauf à de rares exceptions). Simplement taillée pour le live avec un son beaucoup plus gras, juste assez de soli et de clavier pour ne pas perdre son identité, mais abandonnant tout ce qui faisait la magie du groupe.

Et finalement, on avait vu la lumière. Un Halo Of Blood sorti en 2013, avec un son à nouveau thrashy, de l’inspiration, des soli de qualité. Enfin un album où le groupe ne s’était pas cantonné d’aligner quelques riffs enregistrés quand ils étaient bourrés en studio dans les tréfonds de la Finlande. Et on espérait que le groupe suive ce chemin et redore son blason, eux qui étaient les fers de lance d’un Death metal mélodique moderne, dépoussiérant un genre en pilote automatique.

Et c’est là que le bât blesse. Après Relentless Reckless Forever, il n’y avait plus aucun espoir. Halo Of Blood en a créé un, pour aussitôt qu’il soit piétiné par la bande à Laiho qui semble définitivement faire primer, avec ce I Worship Chaos, un Death metal mélodique champagne pour faire sauter les jeunes en concert, mais qui n’apporte plus guère de satisfaction lors d’une écoute au calme. Seules All For Nothing et, dans une moindre mesure, Widdershins, dénotent à cet égard. Et c’est trop peu. Est-ce la simple volonté de faire un album lambda leur permettant de continuer à tourner ou une réelle orientation musicale assumée ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’alors qu’on attendait beaucoup de cet album, celui-ci risque finalement d'être écouté deux ou trois fois pour ensuite prendre la poussière sur les étagères où trônent les albums de Norther.

On pourra simplement, comme depuis de nombreuses années désormais, se consoler en live où certains titres de ce I Worship Chaos se révèleront probablement. Tout en sachant au fond de nous que notre présence ne sera récompensée que lorsque résonneront les douces mélodies de Downfall, Hate Me ou autres Lake Bodom.

Tracklist :

1. I Hurt
2. My Bodom (I Am The Only One)
3. Morrigan
4. Horns
5. Prayer For The Afflicted
6. I Worship Chaos
7. Hold Your Tongue
8. Suicide Bomber
9. All for Nothing
10. Widdershins

 

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