
Raton et la bagarre #35
mardi 18 novembre 2025
Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Le hardcore a un seul point commun avec la patate douce, celui d'être extrêmement populaire en septembre / octobre. La rentrée scolaire est toujours une période extrêmement vive pour le style avec un nombre impressionnant de sorties majeures, du retour de La Dispute et de Fleshwater aux triple A de Lorna Shore et Dance Gavin Dance, en passant par un déluge de metalcore moderne avec à boire et à manger (Dying Wish, Vianova, Currents, Tallah, Greyhaven, Trivium, Bloom ou Heavensgate).
La scène française n'a pas été en reste avec ten56., Eurydice (RIP), Split, Barimore ou Revnoir et est mise à l'honneur dans cet épisode avec les camarades de Karaba FC et Pluie cessera. Ce 35e numéro, que j'ai voulu particulièrement divers dans les styles abordés, vous donnera j'espère quelques bonnes idées d'écoute et si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager sur vos réseaux et à en parler autour de vous. Bonne lecture !
La Dispute | The Acacia Strain | Karaba FC | Fleshwater | Times of Desperation | Pluie cessera | Bodyweb | Modern Life Is War | iusedtodreamincolours | Dying Wish | Mentions bonus
La Dispute – No One Was Driving the Car
Post-hardcore émotif – USA (Epitaph)
La France, si elle a quand même reconnu le succès de Somewhere at the Bottom of the River... et Wildlife, n’a jamais pu saisir l’ampleur de l’impact que La Dispute a eu sur les musiques émotives saturées et déclamées. Les légendes de Grand Rapids, Michigan ont mené une carrière créative formidable entre screamo, post-hardcore et poésie et je ne peux que vous inviter à aller explorer toutes leurs époques, tant il y a des trésors d’inventivité à chaque étape.
On pourrait écrire des chroniques interminables sur le parcours du groupe, les thématiques développées sur ce disque fleuve qui dépasse l’heure, et notamment sur l’angoisse existentielle de la vieillesse et de l’oubli qui traverse l’oeuvre, et ce cinquième disque le mériterait. Malheureusement, je n’ai pas le temps et cette rubrique sera déjà assez longue. En revanche, je peux vous dire comment No One Was Driving the Car est le meilleur album de La Dispute depuis Wildlife, et potentiellement même depuis Somewhere.
C’est un disque-voyage avec d’innombrables fulgurances, pas seulement dans les paroles mais aussi dans les instrumentations, La Dispute revenant à un post-hardcore plus musclé que les longues déambulations de Panorama. Plusieurs morceaux sont renversants de talent et d’intensité comme le single « Environmental Catastrophe Film », mais aussi les moins évidents « The Field », « Steve » ou « No One Was Driving the Car ». C’est un album qui célèbre la fragilité, la magnifie, en fait une oeuvre artistique avec un cadre, une direction et un propos. Presque 20 ans après leur premier EP, les garçons du Michigan reviennent au sommet à une époque où on est davantage capable de célébrer l’emo comme un style légitime, alors n’hésitez plus, car c’est un des albums de l’année.
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The Acacia Strain – You Are Safe From God Here
Metalcore / Deathcore – USA (Rise Records)
De tous les groupes de metalcore qui ont marqué l’époque MySpace, The Acacia Strain a assurément la trajectoire la plus singulière. Après des débuts dans le metalcore / deathcore assez conventionnel, le groupe du Massachussetts a été pionnier du deathcore downtempo, style qui restreint les influences death metal pour se concentrer sur des structures mid-tempo, des ambiances inquiétantes travaillées et des breaks titanesques. Après quatre albums dans le genre, le quintet va encore plus loin dans la pesanteur et commence à incorporer du sludge dans sa recette, avec le très post-metal It Comes in Waves et même leur disque de sludge-doom Failure Will Follow.
The Acacia Strain a atteint une constance de qualité avec cette nouvelle approche stylistique, Step Into the Light, sorti en 2023, étant mon préféré de leur période récente. You Are Safe From God Here était donc une grosse attente personnelle et il est probable qu’avec ce treizième disque, les Etasuniens aient sorti un de leurs meilleurs efforts. Le mélange entre la brutalité sourde du deathcore, les breaks du metalcore, les textures lugubres du downtempo et l’épaisseur du sludge semble ici à son meilleur dosage.
Grâce à ces influences variées et le recours à de nombreuses techniques différentes, l’album est extrêmement digeste. Tantôt appuyé sur des réflexes metalcore MySpace (dans les rythmiques syncopées de « Swamp Mentality » notamment), tantôt concentré sur un travail formidable sur les atmosphères (l’infernal « Sacred Relic » avec ses hurlements déments répétés), et toujours focalisé sur une efficacité redoutable dans les ralentissements de tempo et les breaks (« Eucharist I: Burnt Offering »), The Acacia Strain atteint un niveau de maturité saisissant. Et pour conclure le disque dans la tradition sludge, « Eucharist II: Blood Loss » est long, approchant les 14 minutes, suffoquant et sublimé par le chant éthéré de Allison « Sunny » Faris de Blackwater Holylight.
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Karaba FC – SYMBIONTS
Emo / Post-hardcore – France (Voice of the Unheard)
Je n’oserai pas mentir au lectorat, si je parle aussi régulièrement de Karaba FC, après les papiers dithyrambiques sur leur premier et leur second EP c’est qu’en plus de la grande qualité de leur musique, ce sont des copains. Si certains-es dans la rédaction préfèrent éviter par crainte de conflit d’intérêt, je réinsiste un coup parce que je pense sincèrement que le groupe mérite davantage de reconnaissance.
Déjà parce que Karaba FC est un groupe qui joue dans un style que personne n’occupe vraiment en France, construit par une myriade d’influences, versatiles mais cohérentes. La base principale est indéniablement emo avec des couleurs qu’on retrouve chez Brand New ou Sunny Day Real Estate. Il y a également de nombreux emprunts aux franges plus saturées avec du post-hardcore multicolore qui traverse le disque, un feeling sass parfois (« Trails » me rappelle quelques maniérismes à la Blood Brothers), mais surtout une véritable culture et un amour pour le rock indé des années 2000 (« Neighbours » et son jeu sur les contre-temps, le groupe ayant toujours cité Bloc Party comme influence majeure) et le rock alternatif des années 90 (« Even Summer » et une guitare que les Cranberries auraient pu assumer).
Le groupe se permet aussi d’ajouter des singularités comme un dembow (cette rythmique iconique du reggaeton) sur « Life » ou un duo de chants qu’il exploitait déjà sur les premiers EP mais qui se fait encore plus fin sur ce premier long format. Pourtant, ma première écoute n’a pas été aussi étincelante que sur les deux précédents opus, n’y retrouvant pas les mêmes dynamiques. Et c’est normal car Karaba FC a grandi, a fait progresser son identité sonore, y a insufflé quelque chose d’encore plus résigné et mélancolique. De fait, SYMBIONTS est un album qui s’apprivoise, qui contient moins de mélodies collantes au premier contact, mais davantage de compositions qui s’étirent comme des méandres dont il faut apprendre la navigation. C’est aussi ça la signature d’un groupe de qualité, de ne pas se laisser parfaitement comprendre à la première rencontre, de se distiller au gré des écoutes et de révéler une oeuvre complexe et puissante de densité.
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Fleshwater – 2000: In Search of the Endless Sky
Metal alternatif / Post-hardcore / Shoegaze – USA (Closed Casket)
Fleshwater est un groupe assez curieux, que ce soit dans son histoire ou sa direction artistique. Alors que Vein.fm était en plein boom, la majorité de ses membres annonce la sortie du premier album de leur side-project Fleshwater. Alors que personne ne pariait gros dessus, We're Not Here to Be Loved a eu un impact considérable sur la scène dans un style mêlant révérence à Deftones et au post-hardcore émotif à la Title Fight.
Sauf que le groupe n’a pas vraiment réussi à prendre son propre train en marche, le succès du disque l’a dépassé et surtout, Fleshwater a complètement manqué ses premières tournées. Entre attitude désagréable et désinvolte et un ratage instrumental et vocal complet, l’essai n’a pas été transformé.
Trois ans après le premier né, Fleshwater dévoile un deuxième album, forcément très attendu. Et moi qui ne tenais pas du tout le groupe en estime, je suis extrêmement agréablement surpris. Bien moins dérivatif, il ne convoque plus un spectre fidèle à Deftones mais s’émancipe en injectant plus de post-hardcore rétro (« Jerome Town »), des lignes vocales plus poussées et une sensibilité émotive encore plus flagrante. C’est surtout un album bien plus léger, qui s’éloigne de la lourdeur metal de son prédécesseur pour embrasser une direction plus atmosphérique et mélodique. Anthony DiDio chante aussi beaucoup moins sur ce disque, laissant la lumière à Marisa Shirar qui s’en sort avec les honneurs. Il fallait laisser le temps à Fleshwater de mûrir et de trouver sa vraie singularité, et il semblerait que ce soit chose faite avec cet album généreux et créatif.
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Times of Desperation – Vegan Manifesto
Metalcore – Suède (Genet Records / Bitter Melody)
En plus de bien maîtriser la cuisson des légumineuses, les vegans excellent à la pratique du metalcore vif, brutal et exalté. En Europe, Iron Deficiency, Divine Sentence, xDELIVERANCEx ou Temple Guard ont su faire voler haut les couleurs du véganisme dans le metalcore. Times of Desperation fait également partie du haut de cette liste. Les Suédois m’avaient soufflé en live et convaincu sur toutes leurs sorties, de leur premier EP Gaia Bleeds à leur split avec les regrettés-es Path of Resurgence et leur double single de 2023.
Digne héritier de l’edge metal, Times of Desperation pousse le metalcore dans ses retranchements de brutalité, en empruntant au thrash ses riffs acérés et en insistant sur des breaks de tous les diables (celui de « Skinned Alive » est indécent). Plus que sur leur premier EP, on sent également des influences metalcore mélodique avec des leads de guitare mélodeath sanglants sur « Denied ».
Pour ce disque encore plus que pour les autres, privilégiez l’écoute sur Bandcamp, le rendu étant mauvais sur Spotify et ne rendant pas du tout justice au mixage et au mastering d’Anthony Burke (taulier du metalcore floridien avec xElegyx, Magnitude, Envision et cie). Ça vous servira particulièrement pour l’immense morceau de clôture, « The Final War », qui vous donnera immanquablement l’envie de faire sauter un abattoir. Le groupe le rappelle, ce disque est dédié « à toutes les personnes qui risquent leur propre liberté pour la liberté des autres ».
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Pluie cessera – We've Been Alone
Emo – France (Spleencore)
Pluie cessera est un témoignage vibrant de ce que la scène française actuelle parvient à faire en se réappropriant de l’emo au sens large, du midwest emo à l’emoviolence. Ce qui était une fierté nationale dans les années 2000 avait disparu de la culture DIY et est en train de revenir de la plus belle et pure des manières. Dans le cas des cinq musiciens-nes parisiens-nes à l’aide d’une proposition parfois lorgnant sur les versants les plus indie rock de l’emo, parfois sur le midwest screamo et ses arpèges hurlés.
Groupe DIY qui porte l’émotivité chevillée au corps et dont la majorité des membres n’avait jamais joué dans un projet musical auparavant, Pluie cessera porte parfois de façon évidente ses influences, mais le fait avec une sincérité absolue et une poésie touchante. L’impression générale qui se dégage de l’EP, avec ses arpèges fragiles, son chant twee féminin et ses compositions à tiroirs, rappelleront autant l’indie emo de 125, rue Montmartre, Eldritch Anisette ou Endive, que le midwest screamo à la Merchant Ships ou I Hate Sex. Les plus attentifs-ves retrouveront aussi dans le chant des accents à la Single Mothers, Foxtails ou même une inspiration assumée de La Dispute (sur « Love Is Blind » ou « And Then, Rain Fell », qui rappelle fortement « Andria »).
Avec un EP généreux qui s’essaie à de nombreuses textures et techniques, il y a inévitablement quelques propositions qui fonctionnent moins (le spoken word sur « Montagnes » ou le pont, trop long, au centre de « A Song for My Dead Dog »). Mais, la majorité des idées prennent avec des fulgurances, comme l’excellent et amer « Love Is Blind (Saison 3) », le lick emo à la guitare de « Amelie », ou les habiletés d’écriture de « Montagnes » : « J’aimerais suivre les coulées de lave, j’aimerais compter les pierres dans mon estomac / avoir la liste des arbres qui ont brûlé et de ceux qui ne repousseront pas ».
Plus généralement, la seconde moitié de l’EP se détache, particulièrement bien sentie et inspirée, dans un style qu’aucun autre groupe français n’explore. Si vous avez l’occasion de les voir, à Paris ou en tournée, ne vous privez pas car Pluie cessera représente toute cette nouvelle génération de groupes qui a des choses à dire et qui reconnecte avec l’essence des musiques émotives, avec une créativité artistique débordante et une générosité indéniable.
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Bodyweb – deadwired
Nu-metalcore – Angleterre (Flatspot)
Vous vous êtes déjà demandés ce qu'aurait donné Code Orange s'il n'avait pas aussi mal négocié ce virage metal alternatif avec The Above ? Si le groupe avait gardé cette intensité primitive en mélangeant au metalcore des sonorités et réflexes nu-metal ? Ça aurait probablement donné quelque chose d’assez similaire à Bodyweb et leur deuxième EP deadwired (la fin du dernier morceau confirme définitivement la ressemblance).
Le nu-metalcore est un style dont les propositions se multiplient, pas toujours avec bon goût, mais avec des réussites certaines comme Graphic Nature ou Tallah en tête. La raison pour laquelle le nu-metalcore est aussi intéressant est qu'il semble être une forme d’aboutissement du nu metal. Comme si ce dernier avait eu besoin de maturer 20 ans pour se parfaire et se débarrasser de certains de ses tics encombrants. Et peut-être aussi pour laisser le temps à son public de gagner en sagesse et lui accorder la légitimité qu’il a toujours mérité.
Quoiqu’il en soit, Bodyweb tape fort et juste avec ce deuxième EP qui vient synthétiser plusieurs décennies de metal alternatif. Que ce soit dans le refrain marquant et indolent de « sugarcoated », où le chant vient rappeler tour à tour Deftones et System of a Down, ou dans l’efficacité absolue du morceau qui porte l’EP, « shadowboxing ». Les Anglais, auparavant dans Higher Power, Pest Control ou Big Cheese, prennent l’efficacité frontale du metalcore (le break de « deadwire »), les textures synthétiques et le groove du nu-metal, sans oublier des mélodies nonchalantes du metal alternatif début 2000s pour faire dans la scène une belle promesse qu’on ne manquera pas de suivre.
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Modern Life Is War – Life on the Moon
Post-hardcore / Art rock – USA (Deathwish)
Dans la scène hardcore mélodique qui a bousculé la scène des années 2000, il n’y en a souvent que pour Have Heart, parfois Bane ou Defeater, et on tend à oublier la bourrasque qu’a été Modern Life Is War, surtout avec le chef d’oeuvre qu’est Witness, en 2005. Le groupe de l’Iowa n’a jamais retrouvé les mêmes sommets après ce disque, mais a conservé un statut de légende discrète. Puis il a annoncé sa séparation en 2008, est revenu en 2013 avec un album, Fever Hunting, qui avait ses arguments puis presque plus rien pendant 12 ans, à part des singles dispensables.
Life on the Moon arrive donc à un moment où, malheureusement, tout le monde se fiche un peu du groupe. Et ce n’est pas ce disque qui changera la donne, car il donne à voir un changement stylistique assez radical qui ne sied pas au quintet étasunien. Le hardcore mélodique aux riffs acérés et au chant de tête saturé s’est transformé en post-hardcore mollasson qui cherche avec difficulté à expérimenter du côté du rock arty.
Le souhait de faire évoluer un son est tout à fait louable, mais quand l’inspiration ne suit pas, difficile de défendre une direction qui manque clairement de punch, à la manière d’un Refused à leur retour en 2015 avec Freedom. On sent sur ce disque un groupe qui a vieilli et est visiblement à côté de ses pompes, partagé entre l’ombre des succès passés et une volonté de réinvention, mais plus de souffle. Il y a sur Life on the Moon des bonnes idées, des réminiscences distantes des grandes heures du groupe (« Johnny Gone ») ou une intensité post-hardcore intéressante sur « Homecoming Queen ». Mais, il y a aussi toutes ces autres tentatives ; des accents floydiens (« Jackie Oh No »), des touches noise rock et surtout cette volonté manifeste de faire un rock arty, mystérieux et edgy, pas si loin des groupes anglais qui marquent l’actualité. S’il y a aussi des pistes intéressantes avec des cuivres discrets (« Talismanic ») ou des phases déclamées (« Over the Road »), difficile de ne pas s’arrêter sur tout ce qui ne fonctionne pas (« First Song on the Moon ») ou sonne fatigué. Même les tentatives punk comme « You Look Like the Morning Sun » sans être des complets ratages sonnent poussives. L’exercice du comeback est ingrat, Modern Life Is War a manqué le sien, mais a le mérite réel d’avoir essayé d’innover, de grandir. Tant pis, on retournera aux prodigieux morceaux de Witness.
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iusedtodreamincolours – andnowitsallgrey
Emoviolence – Allemange / Angleterre (Spleencore en France)
L’emoviolence est le plus beau concentré de ce que les musiques émotives et les scènes hardcore radicales peuvent offrir. Aux confins du screamo et de la powerviolence, le genre donne à voir le plus intense et le plus saisissant, noyés dans la saturation et les hurlements. iusedtodreamincolors vient exemplifier ça de la meilleure des manières en incarnant le style dans tous ses meilleurs clichés.
Le groupe, partagé entre Leipzig et Bristol, a été créé spontanément par les affinités communes de ses membres. La chanteuse Kiki et Samara à la guitare (qu’on connaît notamment pour avoir conçu les pochettes d’Heriot, Faced Out ou Divine Sentence) habitent Leipzig et ont profité de leur passage à Bristol pour visiter leur copain Dan (aussi derrière le chouette projet screamo Old Pride et le groupe de hardcore Perp Walk) et enregistrer avec lui un EP d’emoviolence. Le résultat de cette session : cinq morceaux pour douze minutes de musique.
Et comme dans l’emoviolence, tout est toujours mieux quand c’est brut et instantané, l’EP d’iusedtodreamincolors est prodigieux. Dès le morceau introductif, « A Geography Made of Bruises », les trois artistes font montre de talents de composition et d’une férocité émotive impressionnante. Les riffs sont inspirés et marquants (« Splinters in My Skin »), les hurlements de Kiki sont déchirants (« Breathing In, Bleeding Out ») et le tout est drapé dans un enregistrement lo-fi parfaitement adapté à la rude bourrasque de sentiments déversés de façon impudique. Les fans de Lord Snow, Orchid évidemment, mais aussi Tristan Tzara auront largement de quoi se régaler et revenir régulièrement vers cette fantastique proposition, sorti chez nous sur l’excellent Spleencore Records. Le groupe prépare d’ailleurs une tournée sur le vieux continent et un passage en studio en début d’année prochaine.
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Dying Wish – Flesh Stays Together
Metalcore (mélodique) – USA (Sharptone)
Je l’ai déjà dit dans ses lignes, notamment avec le sortie de Symptoms of Survival, leur deuxième album, mais Dying Wish est ma plus grosse déception dans la scène metalcore. Après des débuts explosifs avec un excellent split avec Serration et des singles mémorables, Dying Wish a acté avec le succès de Fragments of a Bitter Memory le retour en grâce du metalcore mélodique. Mais plutôt que de rester dans la frange dure et inhospitalière du style, Dying Wish s’est tourné vers la partie plus accessible et appuyé sur du chant clair qui a commercialement marqué les années 2000.
Symptoms of Survival marquait cette direction, Flesh Stays Together vient partiellement la confirmer avec encore plus de refrains en voix claire, et même des couplets, et une sensibilité metal alternatif assumée, là où le metalcore finit par être résumé à ses codes les plus évidents, voire grossiers. On se retrouve alors avec des morceaux bicéphales, comme l’introductif « I Don’t Belong Anywhere », sirupeux dans sa première partie et rentre-dedans dans sa seconde avec un break en chug-chug, évident mais efficace.
Les influences mélodeath sont légèrement gommées pour se concentrer sur un metalcore beta façon fin des années 2000 comme sur « Moments I Regret » ou le break final de « Surrender Everything ». On pourrait y voir une volonté d’être encore plus abordable et charts friendly (comme le médiocre « Heaven Departs »), mais d’autres morceaux viennent contredire cette hypothèse simpliste comme le coriace et hargneux « Empty the Chamber ». Quoiqu’il en soit, avec l’augmentation de la place des lignes chantées maniérées et la simplification des compositions, Flesh Stays Together manque la marque, auprès d’un public comme de l’autre. Vous y trouverez probablement des choses à garder mais difficilement de quoi y revenir.
J’ai encore plein de rattrapages à faire sur cette période chargée, mais en septembre et en octobre il y avait aussi :
Dans le beatdown méchant à la caisse claire beaucoup trop tendue, les Californiens de Outta Pocket savent très bien s’y prendre. Leur nouvel EP est expéditif, malin dans sa bêtise, avec des basses bien grasses et des breaks primitifs. Le dernier morceau parle du décès de leur guitariste Christopher Oropeza en 2023 et emprunte des tonalités heavy metal.
Après un premier album très prometteur en 2023, Soulkeeper vient de révéler un EP toujours dans un style mathcore volontiers glitché et avant-gardiste. Le morceau éponyme qui ouvre l’EP est incroyable de violence et d’efficacité et la suite maintient un niveau de créativité qui force le respect.
Beau Space Marine sur la pochette, mais Spaced reste un ersatz de Turnstile, certes sympathique, mais sans grande inventivité. Leur dernier EP est composé de cinq titres génériques, aux paroles mal écrites (même sur les standards du hardcore) et qui manquent cruellement de mordant.
Je m’adresses aux plus stupides d’entre vous, celles et ceux qui aiment polir leurs dents avec du crépi : le groupe anglais Divine Hatred a sorti un premier album et c’est le metalcore le plus régressif de la sélection avec des breaks d’australopithèques. Bravo l’Angleterre, pour Wetherspoons et pour Divine Hatred.
Je vous en ai déjà parlé, Speed semble être le groupe actuel qui incarne le mieux l’esprit communautaire hardcore. Les Australiens enfoncent le clou avec un petit EP trois titres sur le thème du deuil, pas le plus inspiré, mais efficace et dans la directe continuité de Only One Mode. « My loyalty lies where my heart and values meet ».
Dans un registre quelque part entre hardcore rapide, crust et chain punk, les Rouennais de Split ont sorti leur premier LP. Une proposition crue et nerveuse, sans concessions et qui aborde frontalement des sujets sociaux comme les violences policières ou la pauvreté, avec notamment un excellent morceau final, « I Feel Nothing More ».
Excellente surprise avec le premier LP de Fading Signal qui fait dans le hardcore inspiré par Ruiner, Verse, Magnitude et même un peu Indecision. Ca a du souffle et énormément d’inspiration, avec des riffs doux amers, des lignes vocales fortes et des feats judicieux comme les chanteurs des groupes de metalcore Contention et Divine Right, du hardcore mélodique de True Love et du pop punk de Stateside.
Les nouveaux petits chouchous du beatdown metalcore new-yorkais c’est Missing Link et si je trouvais leur album de 2024 un peu trop longuet du haut de ses 30 minutes, leur nouvel EP va droit au but avec cinq morceaux bien pensés et exécutés, dont un en feat avec le grand Mikey Petroski, chanteur de Never Ending Game.
Alors que le premier album de C4 déployait un hardcore générique et peu intéressant, le second disque s’avère plus savoureux. Dans un registre thrash crossover / fast hardcore, le groupe de Boston déroule 21 minutes d’efficacité haineuse, pleines de palm mutes et de fiel.
Intense et épique, j’ai été séduit par le premier album de Serrate, groupe de screamo de Caroline du Nord. Dense et puissant, il s’aventure à la frontière de l’emoviolence avec des hurlements inintelligibles qui rappellent ceux de Jacob Bannon.










