
Entretien avec Dino Cazares (Fear Factory) : retour sur Demanufacture et indices sur le prochain album !
Dino Cazares

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Aurélie Jungle : Fear Factory a choisi le Motocultor pour terminer sa tournée européenne. L'occasion était trop belle ; j'en ai donc évidemment profité pour tenter une interview avec le groupe qui est, un peu, ma Madeleine de Proust. Mon premier concert en 2004, mes ambassadeurs de la double pédal. Demande acceptée – j'en pleure presque.
Fear Factory fête cette année les trente ans de Demanufacture. Au-delà de cette quasi-actualité, le vrai mystère, le gossip du moment, c'est précisément le prochain album en préparation. Premier opus de Fear Factory sans Burton C. Bell et donc premier opus avec la participation active de son digne remplaçant : Milo Silvestro. En somme : j'ai quinze minutes, 100 questions et, je le sais, un Dino bavard.
Je débarque dans la salle de presse le dimanche 17 août, tremblante, avec mon tee-shirt Demanufacture. Et il est là. Dino Cazares, lunettes de soleil sur le nez, posé sur une table de cantine, sa compagne à ses côtés. « Hey nice tee-shirt! » – l'interview était lancée.
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Ça y est, c’est la fin de la tournée. Ça fait un moment que vous enchaînez concerts, festivals, etc. C'est votre dernière date aujourd’hui, du coup, comment ça va ?
Oh mon Dieu… Ça fait environ deux ans et demi qu’on ne s’arrête pas. Beaucoup de concerts et de festivals, et on enregistre un album au milieu de tout ça, tout en fêtant les trente ans de Demanufacture. Ouais ça fait beaucoup, mais je suis super fier de cet album ! Et cet anniversaire va nous permettre de jouer des sons que nous n’avions pas joués depuis approximativement dix ans, à l’occasion des vingt ans de Demanufacture donc.
En parlant de ça, c’est quoi ton morceau préféré sur cet album ?
Ça a tendance à changer, mais en ce moment, c'est « H-K (Hunter-Killer) ». C’est vraiment un morceau qui déchaîne la fosse.
On va creuser Demanufacture. C’est un peu l’album qui a changé le game quand il est sorti en 95. Celui qui a mis une claque à tout le monde et qui est à l’origine du metal cyber / industriel. C’est quoi tes premiers souvenirs, les premiers sentiments qui te viennent à l’esprit quand tu repenses à la création de cet album ?
Wow ! Il y a beaucoup à dire. Quand on a mixé cet album et qu’on l’a écouté pour la première fois, on savait qu'il allait casser les codes et « changer le game » comme tu dis. Et ce sentiment a été renforcé par le fait qu’on a traversé pas mal de galères en l’enregistrant. On a démarré dans un studio à Chicago. On a été là-bas parce que c’était un studio de renom où pas mal de groupes étaient passés : Ministry, Skinny Puppy, par exemple. On s’est donc dit « Waw ! On va avoir droit au matos dernier cri, le son va être incroyable ». Bon eh bien ça ne s’est pas déroulé comme prévu.
Premièrement, les gens qui bossaient là-bas vendaient de la drogue à l’extérieur du studio. Donc il y avait des personnes qui rentraient et sortaient constamment pour acheter de la cocaïne ou autre. Bref, c’était pas un super environnement. Deuxièmement, et c’est peut-être la pire partie, les ordinateurs crashaient à chaque fois qu’on avait fini d’enregistrer. On perdait tout le temps l'intégralité de nos données. On l’a fait trois fois puis on a abandonné.
On est alors partis dans un autre studio. On enregistre, tout se passe bien puis démarre alors le mixage. Le producteur est insupportable, donc on abandonne une nouvelle fois. On repart à Los Angeles, à la recherche d’un producteur pour mixer le tout. On fait trois ou quatre morceaux, on écoute et « WOW ». C’était exactement ce qu’on recherchait, ce qu’on visualisait pour cet album. Une combinaison d’électronique, de thrash, de techno, de musique industrielle… Le tout avec une voix mélodique, gothique, new wave, presque angélique, ce qui n’existait nulle part ailleurs à l’époque. On était des précurseurs.
Puis, on a commencé la tournée, on a vu la réaction du public ; je ne parle pas juste des fans, mais des retours du public et de l’industrie metal en elle-même. Toutes les chroniques nous attribuaient des 5/5, des 10/10… Aucune critique négative. On était soufflés, on avait du mal à y croire. Cet album a complètement changé nos vies.
Soul of a New Machine, Fear is a Mindkiller puis Demanufacture... comment ?
On a toujours été des fans de films et de livres futuristes. Donc quand on a fait Soul of a New Machine, c’était la naissance de ce son un peu technologique, la naissance de la nouvelle machine. Un album death parce que la scène death en 92 était énorme : Morbid Angel, Napalm Death... Et nous, on est arrivés avec un album qui contenait une voix mélodique. Les gens se sont dits « WTF ? ».
Puis est arrivé Fear is a Mindkiller, un album avec lequel on dit très clairement de ne pas avoir peur parce que justement la peur ne va pas te donner la confiance d’avancer. Et là, on lâche un album de remix techno avec une voix beaucoup plus death sur une scène normalement habituée à des voix mélodiques. Second « WTF ». On faisait tout à l’envers. Et puis on évolue avec ces deux premiers opus pour en sortir un troisième, qui est un mix des deux premiers : Demanufacture.
Le mot « demanufacture » est littéral. Avec cet album, on a voulu « défabriquer » notre environnement. Non seulement musical, mais aussi celui dans lequel on vivait à l’époque. 92-94, c'est une grosse période de catastrophes naturelles en Californie : incendies, inondations, tremblements de terre… En parallèle de ça, on voyait la technologie se développer, avec l’arrivée des premiers emails, alors qu'on venait de perdre des arbres et pour la plupart, nos maisons. On s’est retrouvés en décalage et en quelque sorte contre tous les moyens mis en œuvre pour développer la technologie alors qu’il y avait d’autres chats à fouetter. Sans parler de la tournure, type Terminator, que pourrait prendre la technologie et qui n’est, à ce jour, toujours pas exclue, voire au premier plan.
On va faire un bond trente ans plus tard, en 2025. Nouvel album en cours, premier album sur lequel Milo est l'un des compositeurs. Est-ce que tu peux m’en dire plus sur cet album ? Qu’est-ce qu’on peut en attendre ? Comment tu me le vendrais ?
Ahahahah ! Tu veux l’information ! Tu veux l’exclusivité ! C’est un peu tôt. Allez une deadline : le premier single… Non, je peux pas te le dire. Mer**. Bon. OK. Si tu vas au merch aujourd’hui, tu vas trouver un nouveau tee-shirt de Fear Factory. Sur ce tee-shirt, il y a le nom du nouveau single (NDLR : « Roboticist »). Là, on va rentrer. On a trois semaines pour finaliser le mixage du nouvel album avant de repartir en tournée (NDLR : avec Cavalera, tournée Chaos A.D. et Demanufacture). Tout ça, ça nous amène au 11 novembre. En admettant que l’album soit complètement terminé, il faut également qu’on tourne une vidéo qui accompagnera la sortie du single…
Le fameux tee-shirt avec le nom du premier single : « Roboticist »
OK ça nous amène vers janvier 2026 tout ça, au moins pour le premier single ?
Je ne dirai rien (NDLR : L’absence de réponse est une réponse) ! Mais ce que je peux te dire, c’est que ce prochain album va être « heaviest as fuck ». Et le dernier morceau sera magnifique. Petit clin d’œil aux titres comme « Timelessness », « A Therapy for Pain » ou « Resurrection ».
Toujours en lien avec le nouvel album : aujourd’hui, sur scène, Milo doit s’approprier la voix de Burton, lui coller au mieux. Logique. Est-ce qu'il aura plus de libertés sur le nouvel album ?
Oui ! Tout en conservant les éléments de Fear Factory, c'est-à-dire ce mix voix mélodique et agressive. Il y aura de toute façon toujours deux équipes. Ceux qui disent que « Milo ne sonne pas comme Burton » et ceux qui disent que « Milo sonne comme Burton ». Milo est entre les deux, avec ses spécificités.
On a parlé des groupes qui ont inspiré Fear Factory lors de la création de Demanufacture, quid de vos inspirations aujourd’hui ? La scène du metal industriel a pas mal évolué, qu’est-ce que tu écoutes aujourd’hui ?
Dans le processus de création d’un album, je me coupe généralement de tout. Au final, si je fais le point, je suis vraiment resté sur mes premiers amours : je suis resté bloqué dans les années 70, 80, 90. Ouais bon, j'écoute quand même un peu de la scène metal actuelle, mais je ne peux te sortir aucun nom à l’instant T !
Question bonus : est-ce qu’on aura un jour une tournée anniversaire pour un autre album ?
Tout le monde me demande Obsolete. On finit le nouvel album et on va travailler dessus. Je pense qu’une tournée d’Obsolete serait folle.
Clairement. « Edgecrusher » est mon morceau favori depuis la nuit des temps.
Ok, on va le jouer ce soir (NDLR : on est sur une tournée Demanufacture normalement) ! Alerte spoiler : on ne va pas faire que du Demanufacture, on va juste en jouer les morceaux principaux et on garnira la setlist d’autres albums, mais que du vieux, rien post-Archetype.
Ok, je vais pleurer (rires).
Et pour le reste, c'est dans le live-report du J4 du Motocultor ! Merci à Dino Cazares pour sa disponibilité et à Angie Dufin du Motocultor pour avoir organisé cette rencontre !
Dino Cazares au Motocultor 2025