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vendredi 5 septembre 2025

Motocultor 2025 J1

Site de Kerampuilh - Carhaix

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Nouvelle édition, nouvelle programmation et nouvelle configuration. Après des années d’un coin de terre morbihannais à un autre, le Motocultor s’est établi depuis 2023 sur le site de Kerampuilh de Carhaix (Finistère), qui accueille également les Vieilles Charrues. Nombreux.ses festivalier.ères habitué.es ont pu remarquer le nouvel agencement du site, renversé pour positionner les scènes principales au fond du site, tournées vers le camping, profitant d’un large espace avec une légère pente devant les Dave Mustage et Supositor Stage pour mieux voir la scène depuis la fosse, sans danger pour les moshpits. Malgré l’accueil record de 62 500 personnes sur tout le week-end étendu, la circulation sur chaque scène reste fluide et l’expérience à taille humaine reste intacte. Il faut toutefois prévoir plus de marche pour passer d’une scène à une autre et faire parfois le sacrifice de premiers ou de derniers morceaux pour enchaîner des concerts d’un bout à l’autre du site avec une bonne place.

Cette année, pour des raisons logistiques, seule une des deux autres scènes se trouve sous chapiteau. La Bruce Dickinscène est donc à l’entrée, profitant de plus de visibilité, mais également exposée au soleil et manquant de points d’ombre pour profiter du concert.

Parlant de point météorologique, le festival est également parvenu à gérer la canicule sur tout le week-end, culminant le dimanche. Accès aux points d’eau aux quatre coins du site et aux campings, offre gratuite de bouteilles d’eau fraîche aux bars les derniers jours et canon à eau le dimanche sur les festivalier.ères (sur deux scènes seulement) pour rafraîchir les corps et limiter les nuages de poussières qui s’élèvent régulièrement à chaque pogo.

Niveau restauration, l’offre est aussi variée avec de nombreux stands pour tous les régimes et tous les horizons culinaires, tandis que les bars proposent des bières bretonnes de toutes les couleurs, pour une qualité supérieure aux infâmes 8:6 longtemps proposées.

Une amélioration sur tous les fronts qui rend le festival plus agréable malgré les éléments contraires (notamment la chaleur). On peut également saluer la sécurité sur le festival, avec une équipe réactive à l’avant des scènes, des stands de prévention, de nombreux messages de bienveillance, sans incident signalé à notre connaissance. Nous avons pu regretter quelques manques au niveau de l’hygiène des sanitaires du camping et une entrée difficile sur le site du festival le jeudi, avec de longues attentes sous le soleil pour récupérer son billet. Un seul guichet pour les accrédités presse et les personnes qui avaient choisi la formule VIP, c’était trop peu pour que ce soit fluide.

On peut aussi mentionner les upgrades VIP, qui donnaient accès à une tribune surplombant le pit de la Dave Mustage, lieu des têtes d’affiche et, pour ceux avec une bonne vue, un aperçu de l’autre main stage. Un bar, avec un espace d’accueil confortable, et deux food trucks exclusifs à cette partie du site étaient aussi présents. Rien de luxueux mais un pas de côté quand la foule est trop pressante sur le reste du festival, et un coin d’ombre supplémentaire sous une tente sans aucun aménagement, donc à même la poussière, mais le métalleux ne fait pas vraiment fi de ces conditions un peu rudimentaires.

Passons enfin au cœur du sujet, ce qui nous amène et nous anime : la musique. Une première journée d’un festival de quatre jours désormais, éclectique comme le Motocultor nous y a habitué, cette fois entre metal extrême et rock planant (post ou prog).

Jeudi 14 août - Jour 1

Groupes évoqués : Saqqarah | Versatile | Gutalax | Year of No Light | TesseracT | Nailbomb | Ne ObliviscarisMogwai | Magma | DIIV | Samael | Dool 

***

 

Saqqarah
Bruce Dickinscène

Simon : Est-ce la chaleur du site égyptien de Saqqarah que nous ramène le groupe ? Décidément, le réchauffement climatique nous rattrape pour plus d’immersion. Blague à part, Saqqarah, c’est un peu le Yes de Ploeren, la faute aux sonorités prog des années 70 et aux guitares éblouissantes qui rappellent la candeur eighties de Marillion, intégrant même un gong au centre de la scène et de la guitare lapsteel du plus bel effet. Le groupe de jeunes retraités a beau être local, la prestation n'en est pas moins lumineuse et soignée. Malgré la température et exposé au soleil, le chanteur tient à changer de costumes à CHAQUE chanson, et parfois avec de grosses vestes steampunk qui doivent faire transpirer le monsieur.

Saqqarah proclame un message anti-guerre, parce que c'est pas bien, la guerre. Sans dénoncer un camp plutôt qu'un autre, Jean-Luc Le Pogam pointe du doigt les dirigeants, les traders et autres profiteurs de conflits notamment sur le morceau « Trader of death » où il incarne un banquier en costume cravate avec sa mallette de faux billets qui finiront jetés dans le public. Au-delà de la mise en scène, le rock prog du groupe est plus séduisant en live que sur disque, profitant d’un son éclatant et d’un fort capital sympathie.

 

Versatile
Supositor Stage

Simon : Dès les premières heures de festival, les Suisses de Versatile ont le mérite de nous immerger dans leur univers de techno-Cour des miracles avec un show théâtral, même en plein jour, loin des caves sombres qui s’apprêteraient mieux pour leur style spectaculaire des bas-fonds obscurs. Le soleil ne ternit en rien la crédibilité de leur prestation avec costumes et maquillages horrifiques. Le groupe genevois sort d’emblée les flammes comme s’il ne faisait pas déjà assez chaud, et malgré quelques jets pas toujours bien enflammés sur le devant de la scène, l’effet est saisissant avec leur black horror indus qui détonne sur « La Régente Blême ». Avec les beats qui captivent la foule sur « Ieshara » sous des vagues électro, le batteur masqué Morphée semble parfois faire de la figuration derrière son kit et vient même sur le devant de la scène taper sur son bidon comme un tambour, y compris avec des mailloches enflammées sur « La Marque du chaos », tout pour le show.

Malgré la présence envoûtante et agitée de Cinis et Famine, les guitares se perdent dans le mix, mais le chant vociférant s’impose davantage, gagnant plus de poids en concert. Dans un style bien différent, la narration en français chuintante au chant hurlé et la mise en scène conceptuelle sous l’écurie LADLO rappellent le groupe Houle évoluant en parallèle. Niveau influences plus installées en metal industriel, on pense également à leurs compatriotes Samael qui joueront sur la même scène ce soir, ou encore Shaârghot, qui apparaît sur un morceau de leur album Les Litanies du vide. C’est ce même « Alter Ego » qui ravive la débauche sur la fin du set, avec lance-flammes et drapeaux noirs de sortie. « Monstre » fait résonner le clavecin et les rythmes ferreux à réveiller les goules damnées, avant de terminer avec succès un concert qui marquera les esprits.

 

Gutalax
Supositor Stage

Aurélie Jungle Quoi de mieux pour démarrer mon fest qu’un groupe de grind ? Enfin de gore’n’groll plus précisément. Place donc à Gutalax, à la musique intelligente, au growl exquis et inimitable de Maty et aux textes engagés. Les Tchèques sont survoltés et la mise en scène de tout ce beau bordel est à mourir de rire : le quatuor est évidemment en combinaisons de protection, les amplis sont recouverts d’une bâche imitation chiottes de chantiers, le dérouleur de PQ automatique géant est de sortie… Et évidemment, la fosse suit. Les bouées en tout genre, cuvettes de toilettes et brosses à chiottes sont brandies, les pogos sont bon enfant, les walls of death sont complètement foirés… C’est un défouloir sur lequel je suis ravie d’avoir misé. 

Je le répète : le grind est sous-coté. Et au-delà de cette vitrine de la déchéance, Gutalax est au sommet. Le groupe débarque sur « Ghostbusters », il t’échauffe avec quelques riffs puis paf le set se lance sur « Assmeralda ». Le mantra de ce concert de 45 minutes ? « Let’s dance ». « Vaginapocalypse » mettra tout le monde d’accord, la fosse deviendra irrespirable et mon arcade sourcilière pissera le sang. Alors oui, le grind c’est pas de la musique très travaillée mais reste quand même à trouver la bonne balance pour sortir du lot. C’est là où Gutalax a réussi. Le groupe embrasse cette culture du n’importe quoi tout en produisant des sets de qualité, ultra accessibles et efficaces. Sans oublier la voix de Maty qui fait évidemment une bonne partie du taff. On terminera sur « I’m so excited » de The Pointer Sisters et l’heure sera à la pinte pour se rafraîchir voire au Sterimar pour retrouver des semblants de sinus.   

 

Year of No Light
Massey Ferguscène

Storyteller : Premier concert sous l'unique tente du festival. Premier groupe instrumental, et premier raz-de-marée émotionnel. Year of No Light n'aura besoin que de quatre morceaux pour remplir l'espace de l'heure qui leur est allouée. Donc de l'espace pour respirer et faire monter la tension. Le groupe se regarde, comme pour se donner des repères et valider le fait qu'ils font exploser leurs instruments. Certes, le créneau de milieu d'après-midi, le premier jour est à la fois une bénédiction car les esprits sont frais, et une peine car les gens ne sont pas encore en pleine possession de leurs moyens auditifs, l'échauffement n'a pas eu lieu.

Difficile aussi de jouer sur des shows de lumière, l'ensemble est simple, sans fioritures, on se perd dans la musique tout simplement. Mais les Bordelais, visiblement ravis de la réaction du public et d'être là ce jeudi, vont contribuer à lancer le festival avec leur musique post si prenante. Les percussions viennent doubler l'écrasante batterie sur la doublette « Persephone » et son groove envoûtant. Les morceaux choisis sont les plus réguliers et percutants, étalés sur trois albums. Oui les morceaux sont longs, lents, parfois répétitifs et sans le chant, on doit développer un sens de l’introspection pour en profiter pleinement, mais le voyage vaut le coup tellement on plonge profondément. Un show qui m'a pris aux tripes, et qui a mis mon festival en route de la plus belle des manières.  

 

TesseracT
Dave Mustage

Simon : Retour sur les scènes principales pour le concert de TesseracT. Impossible de voir l’entrée avec « Natural Disaster » si on a vu Year of No Light sous la tente à l’autre bout du festival, mais je parviens à m’insérer au cœur de la fosse dès le milieu du titre et à rentrer dans l’ambiance directement sur le pic émotionnel du morceau. Sur ce concert, le groupe a mis les petits plats dans les grands en déployant un écran géant au fond de la scène, possiblement en prévision de leur concert outre-Manche à ArcTanGent. Avant la grande messe du prog, le public du Motocultor peut profiter d’une scénographie encore plus poussée que sur leur tournée européenne pendant laquelle je les avais déjà vus en début d’année.

Après un « Nocturne » irrésistible avec son final groovy qu’ils ont eu trop tendance à charcuter par le passé, c’est deux chanteuses (Cestra et Rhyannon du collectif Choir Noir) qui viennent compléter un Daniel Tompkins impérial. Le groupe avait déjà fait appel aux choristes sur une date au Radar Festival en 2024, captée pour une sortie future. Arrivant sur les côtés avec des grosses lunettes sci-fi, ces invitées créent une atmosphère plus chorégraphiée pour embellir vocalement les titres comme « King » et le duo « Smile/The Arrow » du même album Sonder. Un triplé explosif qui voit même un pit s’agiter et mes cervicales se décrocher sur les rythmes djent du brillant architecte Jay Postones.

Parfaitement inscrit dans le thème guerrier, c’est carrément un circle pit que « War of Being » déclenche sur des riffs percutants, perdant en festival ce contraste mélodique et apocalyptique qui m’avait subjugué en janvier dernier. Introduit par une macabre voix robotique, le classique segment « Acceptance » revient échauffer le cortex cérébral et la nuque des fans, sans signer la fin du concert comme il le fait d’habitude. « Juno » m’offre une occasion en or de slammer sur un magnifique titre dynamique. Alors que je pensais m’éclipser ainsi sur ce morceau, j’ai dû courir vers le pit en entendant la batterie relancer le final explosif du segment « The Impossible » de « Concealing Fate ». J’avais trouvé cet arrangement un peu bricolé la dernière fois, mais l’excitation en festival fonctionne davantage en l’entendant. Messieurs les Anglais, n’hésitez pas à jouer ce titre en intégralité sur vos prochaines dates en salle.

 

Nailbomb
Supositor Stage

Simon : Directement sur la scène à gauche, c’est un autre programme qui s’annonce sur la Supositor Stage, mais qui s’enchaîne avec autant de force. Max Cavalera a ressuscité le projet Nailbomb pour interpréter les titres de l’unique album Point Blank en live, entouré d’une nouvelle équipe, sans sa tête pensante Alex Newport, mais avec son fils Igor Amadeus à la guitare et au chant. Après l’introduction de la musique d’Orange mécanique, les hostilités commencent sans ménagement. Le pit s’enflamme immédiatement aux premiers riffs de « Wasting Away », créant un nuage de poussière quasi constant, délétère pour qui n’a pas un foulard pour s’en prémunir. Ayant prévu le coup, n’ayant pas oublié ma dernière rencontre avec la famille Cavalera au Hellfest 2011 où je me suis mouché de la poussière pendant quatre jours, j’avais été acheter mon petit foulard à 2€ sur le Metal Market pour survivre au pogo, dans une ambiance orangée post-apocalyptique au soleil couchant. Chez Horns Up, on se mouille la chemise pour vous offrir des récits en première ligne. Comme prévu, c’est un joyeux bordel dans le pogo fou. C’est là où la musique de Nailbomb a le plus de sens. Un pur plaisir de se défouler sur « Cockroaches », de sauter sur le sample « Hate is reality / Don’t you know God hates ? » de « World of Shit ».

Malgré le tumulte, force est de constater que le groupe envoie la sauce, alors qu’on a vu Max dans de moins bons jours. Aux côtés des Cavalera, on compte les membres de Pig Destroyer Adam Jarvis à la batterie ultra triggé pour ce son indus-thrash à la fois clinique et sauvage, Travis Stone à la guitare, Alex Cha aux samples et aux headbangs à en donner le tournis, ainsi que la bassiste Jackie Cruz, compagne du fiston Igor et membre de Go Ahead and Die, side-project des Cavalera père et fils. Sur scène, Nailbomb cible toujours le KKK avec son backdrop iconique. Max s’amuse à lancer le break punky de « Refuse/Resist » avant de s’arrêter net par un « motherfuckers » en ricanant comme un troll, mais c’est « Sick Life » dans une version rallongée qui achève le chaos avec son mid-tempo simpliste et redoutable, pendant lequel je me lance dans un crowdsurfing de la dernière chance. On peut critiquer l’accaparement des Cavalera sur le projet Nailbomb, mais le rendu est bien solide et présente une occasion rarement offerte de pogoter sur des titres énervés dont on a fortement besoin en ces temps troublés.

 

Ne Obliviscaris
Massey Ferguscène

Storyteller Parfois les choses ne vont pas comme on les prévoit. Ne Obliviscaris, groupe moitié Australien, moitié international a connu des déboires de personnel (vol annulé) avant le festival. Heureusement les musiciens sont plein de ressources et les collègues ont aidé pour que le groupe puisse faire ses balances et se produire comme il se doit, sous la tente, comme tout bon groupe qui vous remue les tripes et a son petit côté technique. Il faut aussi mentionner que James, le chanteur growl, fait sa première tournée en tant que titulaire, et donc prend toute la place qui lui est due. Encore une fois, quatre morceaux seulement pour un set d'une heure. Donc il va falloir se plonger dans ces titres à rallonge, aux ambiances prog et techniques. NeO c'est un kaléidoscope, violon, blasts, chant clair, growls, tout est là, et le public de connaisseurs n'en perd pas une miette. En plus, ils ont sorti les pépites, deux du dernier album, « Equus » qui a marqué la sortie de Exul avec son clip très travaillé, et « Suspyre » qui laisse exploser la virtuosité des musiciens (quelle ligne de basse...), un titre de Portal of I et un de Citadel, album réédité et qui sera joué en entier sur une tournée à venir.

Le son est excellent, Benjamin, le guitariste Français viendra nous dire un petit mot, histoire de saluer la Bretagne, le reste de la communication se répartit entre les chanteurs. La musique de Ne Obliviscaris est exigeante, car ce sont des œuvres qui doivent être transmises avec l'énergie du groupe sur scène. Et c'est une vraie réussite. L'alternance des chants, des ambiances, le shred, tout est fluide et tombe pile où il faut dans nos cerveaux. On sent un groupe lié, certainement par les moments de composition et de temps passé ensemble qu'ils se sont accordés quelques jours avant. Tout ceci n'augure que du bon pour la suite et en ce qui concerne cette prestation, j'ai pris une belle vague, qui a rendu ce premier jour encore plus fort.  

 

Mogwai
Dave Mustage

Di Sab Cela fait plusieurs années que la plupart des festivals, afin d’optimiser les coûts de production, sont passées au format 4 jours. Le Motocultor, en France, est quasi pionnier de cette tendance et historiquement a toujours proposé une journée un peu « décalée » par rapport au reste du week-end. Mise en valeur de la musique bretonne en 2019 puis des journées plus orientées « rock » à partir de 2022. Cette année, les journées sont plus homogènes, cependant, les présences de Mogwai et de DIIV rappellent que le Motocultor se permet des pas de côté. Reste à voir la pertinence de ceux-ci.

Véritable révélation l’année dernière pour votre serviteur, Mogwai fait partie des groupes que j’attendais le plus à Carhaix. A la fois d’une beauté cristalline et d’une inquiétante étrangeté, ce mélange insortable fait le sel de Mogwai et les rend unique dans un paysage post rock surchargé. Et c’est devant une foule pas nécessairement dense que les Ecossais entament avec « God Gets you Back ». Le quatuor a pour particularité de changer systématiquement ses setlists ce qui fait qu’il est difficile de prévoir à quel point le set sera mémorable. Ce soir, un maigre « I’m Jim Morisson I’m Dead » pour m’enflammer totalement, le reste étant plutôt focalisé sur le pas si bon dernier album. Mais malgré ça, la maîtrise dans l’exécution et les moments de grâce qui arrivent parcimonieusement ont fait de ce concert de Mogwai un moment exceptionnel. Pas au niveau de l’Arctangent mais des années lumières devant beaucoup.

 

Magma
Massey Ferguscène

Simon : Catalyseur d’expérimentation et initiateur du courant zeuhl d’avant-garde, Magma est notre monument prog national, à l’instar d’un King Crimson ou de Yes dans les années 70. Les musiciens sont en nombre sur scène avec six voix, chanteurs et chanteuses, Hervé Aknin au centre entre deux claviéristes, déclamant les paroles en kobaïen sans temps mort comme un instrument indispensable. Peignant un univers de science-fiction comme un vieux film d’anticipation, les phrases répétées tels des mantras dans une langue fictive correspondent aux sons originaux que voulait transcrire le batteur Christian Vander pour coller à sa musique.

Après le trip cosmique qu’est « Mekanïk destruktïw kommandöh », le chef d’orchestre du groupe derrière sa batterie volumineuse aux multiples cymbales prend également le micro debout sur un passage. Plus inspiré par le jazz coltranien que par le metal qu’il semble mépriser gentiment, Vander ne semble pas fâché de revenir devant le public métalleux, ayant déjà joué au Hellfest en 2016, au Motocultor en 2019, et programmé l’année dernière avant de devoir annuler en raison d’un souci de santé. Le respect est mutuel, les applaudissements sont nourris entre chaque long mouvement extraterrestre. La musique de Magma hypnotise par sa forme fluide entre délire en transe et rigidité martiale des structures ciselées. Parfois inquiétante et possédée, elle ne manque pas de groove, avec une basse aidée par un son véritablement propre sur tout le concert qui facilite la digestion de tels morceaux.

Grand moment de la soirée, le magnifique passage de clavier triste extrait de « K.A. » sur une rythmique somptueuse vient embrayer le dernier mouvement du concert, ponctué d’« Allëhlüia » kobaïens et de passages désarticulés macabres, avant de clôturer par une dernière note sombre dans une ambiance rougeoyante fascinante. La grande classe et bravo à Magma et au festival pour avoir réuni une telle excellence avec ouverture, exploitant les frontières poreuses entre musique extrême et prog rock.

 

DIIV
Bruce Dickinscène

Di Sab Alors que Mogwai a tout de même une certaine expérience des festivals metal / post, la venue de DIIV est une véritable curiosité au sein d'un Motocultor qui n'a jamais accueilli, de mémoire, de groupe de shoegaze. Et qu’on se le dise, le public n’a franchement pas répondu présent alors que le concert se déroulait en même temps que les lamentables I Prevail. Ayant pris le train DIIV assez tardivement avec la redécouverte du groupe via Frogs in the Boiling Water, j’étais particulièrement enthousiaste à découvrir les New Yorkais sur scène.

Alors que les types ont une grosse quarantaine d’années, tous les codes des millenials sont de sortie, des outfits amples aux projections caustiques. Tout est beaucoup trop arty pour la Bruce Dickinscène et ce décalage s'observe vraiment tant le public est clairsemé. Scéniquement, il ne se passe pas grand-chose, les musiciens sont dans l’ombre pendant que les lyrics sont projetées sur l’écran ce qui permet de constater le sens de l’écriture particulièrement à vif du groupe. Mais au-delà de cela, l'exécution est stratosphérique, la setlist gavée de tubes et le dernier album passent particulièrement l'épreuve live. Dans ces esthétiques, le côté très premier degré doit être accepté pour pleinement rentrer dans le concert et le climax de cette démarche ou immersion et malaise flirtent systématiquement est le moment où le groupe projette un « America is the great Satan ». Un grand moment de sociologie pour un vrai bon moment pour les Carhartt boys dont votre serviteur fait partie. 

 

Samael
Supositor Stage

Storyteller Cela fait trente ans que je suis les Suisses, depuis le black metal haineux de Ceremony of Opposites et, pour moi, le point culminant de leur longue carrière avec Passage. Alors les savoir au Motocultor cette année, et en pleine nuit a attisé ma curiosité au plus haut point. Alors on sera honnête, passer en dernier, le premier jour, c'est héroïque, mais la foule n'a pas eu peur de rester voir le quatuor d'hommes en noir animer la soirée. Premier morceau, « Rain », bien peu en lien avec la météo étouffante du festival, va poser la mesure d'un show où les lumières et l'aridité du son électronique, cher au groupe vont dominer.

La setlist est un patchwork des époques avec un focus sur Passage, et des titres comme « Shining Kingdom », « Angel's Decay », « Rain ». On imagine que ce sont ce que les fans connaissent le mieux et attendent de la bande à Vorph. Il est d'ailleurs toujours aussi impeccable dans son rôle de meneur, avec sa voix si particulière et qui donne une bonne partie du caractère de Samael. Xy, derrière son clavier passe parfois derrière un kit de batterie, dont on ne sait pas vraiment à quoi il sert et comment il s'articule dans le set. Peu importe, le son est exactement celui que l'on attend du groupe et ils vont nous servir une heure de musique qui se marie bien dans la nuit. A la fois sombre, sobre avec beaucoup de lumières blanches, et un backdrop éclairé avec leur simple nom stylisé mais pas soporifique, le black metal de Samael conclut cette première journée avec une touche de nostalgie pour moi, mais aussi une énergie qui va permettre à vos serviteurs de goûter à l'ambiance du late night Motocultor, comme seul un festival comme celui-ci peut le faire, j'ai nommé le Macumba !

 

Dool
Massey Ferguscène

Aurélie Jungle : Voir Dool deux fois en deux semaines ? Oui. Un grand OUI même. Découvert à l’Alcatraz, j’étais arrivée au milieu du set et m’étais pris une gifle. Je savais que j’aurai une seconde chance au Motocultor, en clôture du jeudi. Après une journée bien remplie, me revoilà donc devant le quintet hollandais prêt à tout pour te faire imploser. Trois guitaristes ça aide pas mal. On démarre par « The Shape of Fluidity ». Y’a pas plus immersif. La voix de Raven van Dorst (chanteuse et guitariste) est fabuleuse et bordel elle se donne sur scène. Elle vit ce qu’elle joue. Les cordes de sa gratte sont frappées, limite arrachées. Le reste du groupe n’est pas en reste, se déglinguant les cervicales sur chaque riff d’une lourdeur plus qu’excessive. À ça s’ajoute le taff réalisé sur le jeu de lumières, à la limite du stroboscope, et c’était parti pour 1h en lévitation. Dool c’est le genre de groupe que tu peux apprécier modérément sur CD, peut-être par manque de puissance. Puis en live tu finis par être convaincu(e). Apparemment pas la seule dans cette histoire puisque le lendemain matin, le camping ne parlait que de ça.  

 

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Nos remerciements au Motocultor Festival et à NRV Promotions pour les accréditations et l'accueil.

Nos remerciements également à Seiko Cat's, Oli de W-Fenec, Gaël MathieuRomain Ballez et Juliane Lancou pour l'utilisation de leurs photos.