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Album

05 mai 2023 - ZSK

Entropia

Total

LabelAgonia Records
stylePost-sludge-black-prog-psyché
formatAlbum
paysPologne
sortiemars 2023
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

On ne l’avait pas vu venir, ce groupe polonais. En tout cas pas comme ça. Parti d’un post-black somme toute banal pour Vesper (2013), Entropia avait ensuite embrassé la cause du psychédélisme latent, dans le sillage d’Oranssi Pazuzu et consorts, pour le déjà marquant Ufonaut (2016). Ensuite, le quintette silésien a fait montre d’une progression fulgurante. Explosant déjà ses propres limites, Entropia avait livré un Vacuum (2018) assez sensationnel, élaguant ses racines black pour creuser son côté sludge tout en restant naturellement « post » mais virant, à sa manière, vers quelque chose de résolument progressif. Hors des barrières et presque hors des codes (à l’image d’un chant se faisant à la fois plus particulier et plus parcimonieux), n’hésitant pas à user de l’improvisation en studio et d’une méthode d’enregistrement live/one-shot, Entropia était subitement devenu gros, ou en passe de l’être. Vient donc le temps de la prochaine étape, qui aura d’ailleurs pris son temps, 5 ans séparant Vacuum de Total et la formation polonaise est attendue au tournant. Tout en gardant sa couleur locale dans une progression qui ne brûle pas les étapes, passant du confidentiel Arachnophobia Records à Agonia, écurie reconnue du metal extrême en Pologne. Si cela n’avait pas empêché Vacuum de tutoyer le chef-d’œuvre, et quand bien même tout était déjà presque dit, Entropia doit au moins continuer à se perfectionner. Le pari est bien là, mais avec un tel style si ouvert et déjà un brin expérimental de base, les perspectives sont nombreuses et l’on avait hâte de voir comment Entropia allait évoluer à un échelon supérieur et avec des attentes sur le dos.

Mais histoire de déjà se sécuriser, Entropia ne prendra finalement pas de risques. Total va surtout montrer une chose : que le groupe a bel et bien fixé son style avec Vacuum et qu’il va surtout broder dessus. La progression se fera donc dans la continuité. Avec déjà un schéma qui prend une certaine logique dans la forme : après les 7 morceaux à 7 lettres de Ufonaut, les 6 morceaux à 6 lettres de Vacuum, voilà donc les 5 morceaux à 5 lettres de Total. Si cela ne fera pas allonger les pistes plus que de raison (la plus longue, l’éponyme, dépasse de peu 15 minutes - ce n’est même pas plus que « Poison » qui ouvrait Vacuum, et Total sera même moins long que son prédécesseur de 11 minutes), Entropia va en profiter pour se recentrer un peu, sans pour autant perdre sa créativité. Le son reste dans la lignée de celui de Vacuum, bien adapté à tout ce qui est d’obédience sludge/post, le chant est strictement sur le même ton, mais grande nouvelle sur le son de batterie désormais bien moins claquant. Tout ceci pour dire que Total sera un album relativement accessible comparé aux deux opus qui l’ont précédé. C’est un peu le syndrome d’un groupe classé comme « expérimental » qui débarque sur un label avec plus d’envergure, mais est-ce un mal ? Ou au moins un mal nécessaire ? Sans se trahir, Entropia va tenter de prendre d’autres couleurs. En devenant un peu plus éthéré et lumineux, ce qui a d’ailleurs été directement mis en valeur par le single « Final », qui clôturera Total. Toujours assez inclassable entre black (?), sludge, psyché, post et prog’, Entropia navigue à son rythme, et Total est au minimum une nouvelle preuve de ses capacités.

Total recentre aussi un peu Entropia sur un riffing plutôt tarabiscoté, revenant finalement assez sur les terres de Ufonaut. Ce qu’on constate dès l’entrée sur « Retox » qui ne s’embarrasse pas d’une intro, mais finit tout de même par prendre des couleurs assez mélodiques. On remarque aussi que le groupe arrive à prendre des teintes fondamentalement psychédéliques sans pour autant user de divers effets, de toute façon les compos sont déjà suffisamment aliénantes. Entropia semble inspiré, et « Mania » montre qu’il a encore des choses à dire, avec un riffing assez étonnant, plus syncopé, plus dur, plus efficace. La meilleure pièce de Total, déjà, qui en éclipserait presque la suite. Dans la lignée du final plus lumineux de « Mania », « Orbit » se déroule de manière plus atmosphérique, même si une certaine folie reste contenue et finira même par ressortir au sein d’un final un peu plus chaotique. Le fleuve morceau-titre se chargera de remplir les pleines capacités d’Entropia, toutefois… sans réelle surprise, si ce n’est une partie finale cette fois-ci bardée de synthés psychédéliques. Si le riffing est toujours convaincant, il est légèrement redondant et ce morceau-titre n’égale pas la classe d’un « Vacuum » avant lui. « Final » clôture finalement Total de manière assez classique, là aussi loin de la fulgurance d’un « Endure » de l’album précédent. Dommage ? Un petit peu, mais il faut bien avouer que Total est à considérer comme un album plus immédiat - bien que tout reste relatif pour un style aussi aventureux - qui fait office de porte d’entrée à l’art de Entropia. Donc si vous ne vous y étiez pas encore mis, c’est le moment où jamais, et il faudra bien sûr embrayer sur Vacuum ensuite, qui en l’état reste inégalable. On verra si Entropia prendra plus de risques par la suite, Total reste un album inspiré et réussi, mais le groupe polonais est ici resté à l’essentiel pour gagner de nouveaux auditeurs. On ne peut pas lui en vouloir, c’est sûr qu’après 5 ans d’attente on aurait pu compter sur quelque chose qui aurait cassé le plafond de verre, mais le talent est bien là et Entropia garde le potentiel pour devenir sur la durée une référence d’une variation assez poussée du metal extrême « post sludge black psyché machin truc ».

 

Tracklsit de Total :

1. Retox (7:46)
2. Mania (9:05)
3. Orbit (8:18)
4. Total (15:16)
5. Final (7:21)

 

 

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