Articles Retour

Nos essentiels des années 2010 - Post-metal, post-hardcore et post-rock

samedi 28 novembre 2020
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Cette sélection fait figure d'exception parmi les tops précédents. En effet, là où il est assez aisé de cadrer et de définir le heavy, le death, le hardcore ou encore le black, il est plus difficile de mettre des mots sur ce que l'on entend par "post".
De Sigur Rós à Cult of Luna, d'Oathbreaker à La Dispute, de We Lost the Sea à Deftones, ce top est probablement le plus varié de tous. Plusieurs dénominateurs communs unissent cependant ces différents albums. Généralement, l'expression et la transmission d'émotions priment sur la technicité, sur la qualité des riffs ou sur l'intensité des plans. Thématiquement, pas d'artifices derrière lesquels se cacher, exit Satan, la weed, les films d'horreur de série B ou l'heroic fantasy. L'humain, ses faiblesses et ses failles sont au cœur du propos. Enfin, s'il n'est pas pertinent de parler de "scène" à proprement parler, chaque groupe est greffé à un grand ensemble. Celui des musiques lourdes, du black, du hardcore, du post-rock. Cependant, chacune de ces formations touche un public qui va au-delà de sa scène tout en étant méprisé par les gardiens du temple de celle-ci. Le rapport entre Sólstafir et la scène black metal et ses acteurs semble à cet égard particulièrement révélateur.
Étant donné que la scène "post" n'existe pas en tant que telle, impossible de faire un historique du mouvement, cependant, quelques considérations s'imposent. De manière générale, alors que les années 2000 ont été un sommet en matière de créativité pour le post-hardcore, le post-rock et le post-metal, les années 2010 – 2019 ont marqué un relatif essoufflement même si le genre n'en est pas devenu impopulaire pour autant. L'ouverture du metal vers une certaine institutionnalisation, le succès des plus gros représentants (Amenra en tête) et la relative nouveauté du genre (seulement deux groupes ont été formés dans les années 80 au sein de ce top) ont contribué à maintenir cet engouement. S'il n'y a pas de scène, inutile de parler de géographie me direz-vous. Glissons tout de même un mot pour nos amis belges qui ont relativement porté le genre au cours de cette décennie. La Church of Ra, Lethum et Briqueville contribuent à la vitalité de ce vaste sous-genre dont nous allons vous présenter les 20 monuments de la décennie passée.

 

Cult of Luna Vertikal (2013)

S.A.D.E : Peu de temps après le départ de Klas Rydberg, l'un de ses deux vocalistes principaux et membres fondateurs, Cult Of Luna annonce la venue de son sixième album, Vertikal. On aurait pu craindre un album quelque peu bancal ou moins abouti ; il n'en est rien. Vertikal se présente comme la sortie la plus impressionnante du groupe. Le travail sur les claviers et les arrangements est dantesque, le sens de la composition s'élève encore d'un cran et le chant ne perd pas en intensité, Johannes Perssonn compensant avec brio le départ de son camarade. Déjà obsédés par les détails et les progressions par petites touches, les Suédois démontrent ici une tendance qui, si elle ne se traduisait pas par une production artistique d'une telle qualité, pourrait bien passer pour une véritable névrose. Tout est calculé au millimètre, rien ne dépasse. Et pourtant, malgré cet apparente froideur cérébrale, les compositions de Vertikal parlent directement aux tripes, font éclore des émotions viscérales. D'un bout à l'autre, ce sixième opus fascine et aimante : la beauté fragile succède à la rage glacée, la puissance colérique à la maîtrise conceptuelle, et toujours avec une facilité qui pourrait presque faire oublier le travail d'orfèvre que constitue chaque titre.
La suite de la carrière de Cult Of Luna n'est pas en reste, loin de là. Mais Vertikal marque clairement un sommet et donne l'image d'un groupe qui connaît ses forces et sait les utiliser de la meilleure des manières. 

 

Amenra Mass VI (2017)

Matthias : Comment présenter le plus charismatique des émissaires de la Church of Ra à des non-croyants sans les effaroucher ? Car Amenra ce n'est pas qu'un groupe issu des brumes des anciennes Flandres parmi d'autres ; c'est un projet artistique et transmédiatique complet, transporté par la voix et la présence pourtant toute en retenue de Colin Van Eeckhout, et dont les concerts s'apparentent à de véritables performances. Qui n'a pas vu le chanteur donner de sa personne au sens le plus littéral du terme, ou bien entendu le glas du beffroi d'une ville martyre rendre l'écho d'une dernière note ne peut comprendre la véritable fascination que vivent les fans du groupe courtraisien.

Amenra reste aussi un groupe aux sorties plutôt rares : cinq ans, quand même, séparaient Mass VI de l'album précédent. Mais l'attente en valait certainement la chandelle, car c'est là une véritable plongée en apnée dans les recoins d'une âme tourmentée, mais qui cache en son sein une lumière inattendue se révélant progressivement à l'auditeur attentif. Œuvre sans nul doute très personnelle, Mass VI m'a toujours donné l'impression de frôler toutes les douleurs que peut infliger le temps qui passe ; séparation, solitude, deuil ou déchéance ô combien choquante malgré sa naturelle évidence. Cet album tient véritablement de la catharsis, de la thérapie même. Il appuie là où ça fait mal tandis que la voix de Colin, alternant entre le cri primal et un murmure qui rappelle la caresse d'un linceul de lin blanc, nous immerge tant en anglais qu'en flamand ou en français dans ces souffrances si familières qu'il nous faut tous, un jour ou l'autre, transcender et surmonter. Altijd en overal...

 

La Dispute Wildlife (2011)

Hugo Wildlife représente beaucoup de choses pour moi. De tous les disques qui m’ont marqué à l’adolescence, il fait partie de ceux qui ont réussi à traverser les années, à me plaire toujours plus, voire à revêtir une signification différente au fil des expériences de vie. Au-delà de ces aspects purement personnels, force est de constater que, en un peu moins de dix ans, c’est tout un pan des musiques extrêmes qui a été influencé par l’opus. Il devient difficile d’affirmer le contraire.

Là où le premier album de La Dispute, œuvre déjà imposante, laissait entrevoir un groupe à la personnalité débordante, Wildlife entérine à mon sens sa capacité à proposer des compositions redoublant d’intelligence. La production est assez irréprochable, et tout à fait au service du superbe travail effectué sur les lignes de guitare, et encore plus des paroles déclamées de Jordan Dreyer, complètement intelligibles et donc d’autant plus déchirantes. Par un mélange très identifiable entre spoken-word et chant hurlé, on a l’impression que Dreyer s’adresse directement à l’auditeur, dans un élan profondément humain. Les images sont constamment ultraprécises, à tel point qu’il devient impossible lors des montées en puissance de ne pas fermer les yeux et s’imaginer les situations décrites. L’album porte en lui des images qui hanteront l’auditeur par la suite, comme une vieille photographie ramenant à des souvenirs aux charmes terrifiants, tant il réussit à mettre en musique des textes (d’une qualité rare !) relevant autant de l’écriture automatique que de la véritable poésie.

Quelques années avant le Stage Four de Touché Amoré (évoqué plus bas), Wildlife est également un exemple d’œuvre Post-Hardcore complète, disons « totale ». L’album se consomme d’une traite, les paroles sous les yeux, et difficilement en faisant autre chose que réfléchir à son existence en même temps. Je ne conçois pas que l’on puisse ressortir indemne d’un « King Park », sûrement l’un des morceaux les plus intenses de la décennie passée. Mais à ses côtés, des « Safe In The Forest/Love Song for Poor Michigan » ou « Edward Benz, 27 times » ne font pas pâle figure. L’album est une progression constante, un voyage d’une heure qui paraît quelques minutes, déchirant rêves et souvenirs. Si la section rythmique est si dynamique, donnant une impression d’urgence, c’est pour mieux que chacune des mélodies, et que chaque cri, deviennent balles réelles tirées en plein cœur. En plus de ses qualités techniques évidentes, de l’inventivité constante dont il fait part, Wildlife est un déferlement d’émotions débridées qui prend aux tripes. Et ne lâche plus.

 

The Ocean Pelagial (2013)

Raton : Je ne sais pas s'il est encore utile de présenter The Ocean, mais ne persistons pas dans l'élitisme que l'on nous reproche déjà et détaillons. Le collectif allemand, qui avait quand même vu passer dans ses rangs des pointures comme Nate Newton (Converge, Old Man Gloom...) ou Caleb Scofield (Cave In, Old Man Gloom), a décidé de formaliser sa composition et de devenir un groupe traditionnel en 2010.

Formé autour de la figure du compositeur de génie Robin Staps, le groupe a sorti trois albums depuis (le double disque Heliocentric / Anthropocentric faisant office de transition), dont le cultissime Pelagial.
Transposant en musique une plongée dans les profondeurs sous-marines, les titres portent le nom des différentes zones de profondeur océaniques. Alors que l'intro "Epipelagic" reste lumineuse et rassurante, l'album sombre de plus en plus vers l'obscurité et la claustrophobie. "Bathyalpelagic" (entre 700 et 1000m de profondeur) devient plus frontal et frénétique mais conserve des mélodies fortes avec un équilibre impressionnant qui en fait pour moi le meilleur mouvement du disque.. "Abyssopelagic" poursuit la démarche avec un riff lancinant qui n'est pas sans rappeler le doom mélancolique à la Katatonia ou My Dying Bride. Pas aussi agressif que son prédécesseur, il est néanmoins nettement plus lugubre et mélancolique. "Hadopelagic" (zone la plus profonde) ajoute des cordes frottées et un piano pour se rapprocher de l'angoisse abyssale tandis que la durée des morceaux augmente. Enfin, "Demersal" et "Benthic" concluent avec une énergie rappelant clairement Isis et s'éloignant davantage du progressif des plages précédentes. 

Alors que l'album a été écrit pour être instrumental, les Allemands rappellent Loïc Rossetti pour assurer le chant. Sa participation est loin de faire l'unanimité, le chanteur alternant entre voix claire mélodique et accrocheuse et chant saturé dans un emploi clairement hérité du hardcore/metalcore. Pour moi, c'est sa présence qui porte l'album à de nouvelles hauteurs émotionnelles avec des lignes ultra-mémorables comme sur les deux premiers mouvements de "Bathyalpelagic" ou sur le dernier "Hadopelagic".
Profond et consistant, Pelagial est un unique voyage dans la psyché humaine. À écouter autant à tête reposée que par morceaux épars, c'est à mes oreilles la meilleure proposition de The Ocean de la décennie (même si l'excellent dernier album parvient à s'en rapprocher par moments).

 

Brutus - Nest (2019)

Di Sab : En 2017, Burst avait nourri bien des espoirs. Ces trois petits Belges étaient sortis de nulle part avec leur hardcore hyper lumineux. Mais à l’inverse de toute la scène américaine à la Stick to Your Guns, chez Brutus, cette façon de faire rayonner son hardcore ne passe pas par l'ajout d'éléments punk rock mais par les lignes vocales cristallines de Stefanie Mannaerts et par une grosse dose de post rock dans le riffing. Une toute petite quarantaine de minutes d’un post hardcore urgent, cathartique et aveuglant en guise de résultat et un succès immédiat. Ouverture pour Russian Circles, grosse exposition dans les milieux indés, Brutus avait tout pour réussir mais se devait de confirmer.

Nest affine l’identité du groupe. Le sens du tube est toujours présent ("Django", "Cemetery" et surtout ce"Fire" d’ouverture) et est contrebalancé par des titres un peu plus contemplatifs ou moins directs ("War" ou "Sugar Dragon"). D’une délicieuse sucrosité, d’une mélancolie à la luminosité exacerbée, Nest est cette douceur facile d’accès dégustable à tout moment de la journée. Autant certains albums de cette sélection requièrent des dispositions d'esprit spécifiques, autant Brutus vous accompagnera pour vos moments de moins bien ou vous boostera lors de vos montées d’adrénaline.

Une seule ombre au tableau : ces dernières années, nombreux sont les groupes à avoir eu une trajectoire similaire à celle de Brutus : premier album encensé, deuxième album où le groupe est au sommet avant un effondrement total (Khemmis) ou partiel (Mantar)… Brutus a montré de très belle choses ces deux premiers albums, voyons comment ils vont négocier le troisième opus qui fait souvent figure de tournant dans les carrières.

 

Waste of Space Orchestra Syntheosis (2019)

Circé: Si vous êtes passés à côté du plus bel ovni de 2019, voici votre chance de vous rattraper. Waste of Space Orchestra n'est donc ni plus ni moins qu'une collaboration entre Oranssi Pazuzu et Dark Buddha Rising, et un side project né de deux entités aussi singulières se devait lui aussi d'être tout aussi déroutant que mémorable. On y retrouve des vocaux écorchés et quelques traces de black metal typiques de l'un, la lourdeur du doom/sludge de l'autre, et bien sûr des ambiances hautement psychédéliques que les deux groupes savent si bien manier.

Mais il serait faux de réduire ce Syntheosis à un simple mix des deux. De leurs influences communes et de leurs différences, les finnois font naître une musique complètement possédée, parcourue de hurlements déments et de voix incantatoires sous acide, de murs sonores et expérimentations musicales en tout genre, bien au delà des sphères rock/metal. Post-metal par défaut de meilleur terme, sludge, drone, black metal, space-rock, influences électro et psychédélique diverses, il serait fastueux d'essayer de dresser la liste de tout ce que les finnois ont fait tenir dans cet album. Il reste pour autant impressionant de voir à quel point le résultat est consistant, homogène et unique.

Composé initialement pour le Roadburn festival, il y a des chances que Syntheosis ne trouve jamais de suite. Mais certainement n'en n'aura t-il pas besoin pour rester dans les annales.

 

Neurosis - Honor Found in Decay (2012)

S.A.D.E : En terme de Post Hardcore, existe-t-il un groupe plus important que Neurosis ? Véritables pionniers du genre, ayant ouvert la voie à tant de groupes présents dans cette sélection, les Californiens demeurent, après vinq-cinq ans de carrière, un monument incontournable du genre. Avec deux albums sortis au cours de la période qui nous intéresse ici, le choix était loin d'être évident. Fires Within Fires, avec sa concision et son côté plus urgent, ne démérite pas le moins du monde, mais ce Honor Found In Decay a fini par s'imposer. Toujours aussi plombants et obscurs, le son et l'atmosphère de cet album trouvent un juste équilibre entre les tentatives d'accalmie de The Eyes Of Every Storm et le retour à une colère plus sourde sur entendue sur Given To The Rising. Les plages atmo/folk plus aérées, malgré leur inhérente tristesse, vous apaisent en construisant un cocon sonore confortable, masquant d'autant mieux les forces telluriques qui ne demandent qu'à ressurgir quelques instants après. Le travail des claviers, orgues et autres samplers de Noah Landis confèrent une fois de plus cet aspect grandiose et profond à la musique du groupe, tandis que les chants, toujours habilement combinés, de Steve Von Till et Scott Kelly offrent cette noirceur caractéristique. La lumière du monde est avalée par des entités naturelles, obscures, rampantes, présentes de tout temps aux franges de notre conscience et il n'y a rien que l'on ne puisse faire face à cela.
Neurosis parle d'une mythologie secrète, enfouie en chacun de nous, à la fois personnelle et commune. Et Honor Found In Decay perpétue, avec brio, cette longue histoire de l'humanité se débattant, impuissante, contre ses propres contradictions et ses démons intimes.

 

 

Vi som älskade varandra så mycket Det onda. Det goda. Det vackra. Det fula. (2019)

Hugo Vi som älskade varandra så mycket (pour « nous qui nous aimions tant ») est une formation suédoise, qui sortit l’an dernier son second album. Le choix de l’intégrer à cette sélection des meilleurs disques de la décennie peut poser un certain nombre de questions, d’autant que le groupe est sûrement le moins connu parmi ceux présentés ici. Néanmoins, quiconque suit un peu les scènes Screamo et Post-Hardcore a dû entendre parler de cet album, particulièrement bien reçu par les fans du genre, et à raison. Car Det Onda. Det Goda. Det Vackra. Det Fula. mérite selon-moi une plus belle exposition, j’ai décidé d’en parler brièvement ici.

D’un bout à l’autre, l’opus est hallucinant de maîtrise, et intègre des influences Post-Rock (évidentes dès les premières secondes) à la perfection. J’oserais même dire qu’il y a là parmi les plus belles ambiances du genre, tant elles débordent de couleurs, d’émotions, de majesté. Aux formations Black Metal d’en prendre désormais de la graine, et aux fans de s’ouvrir, tant ce disque est une autre preuve que les frontières entre les genres (surtout quand on évoque le « Post-Black Metal ») sont désormais poreuses. Si les bases sont résolument Screamo/Post-Hardcore, les riffs, certaines envolées et progressions, ce trémolo picking caractéristique, pourraient définitivement avoir leur place sur n’importe quel disque en « Post-» quelque chose. Ce, avant tout car les bases Post-Rock sont effectivement magnifiquement incorporées, traduites en huit compositions débordant d’inventivité et d’émotions. On n’est, pour moi, pas si éloigné de ce que peut proposer un Deafheaven par exemple, autant en fait que d’un Envy.

Ainsi, le groupe est à mon sens l’un des meilleurs représentants d’une scène suédoise assez riche mais toujours relativement underground (Nionde Plagan, Shirokuma, Suis la lune, …). Det Onda. est d’une intensité rare, alternant brillamment entre montées triomphantes et passages beaux à pleurer. Hallucinant de songwriting, tout en ne s’encombrant pas de quelconques fioritures, l’album est finalement très homogène, basé sur quelques idées, quelques influences. Mais une telle finesse dans l’écriture, une telle efficacité dans l’exécution, sont tant d’éléments qui manquent à de nombreuses formations s’entichant dernièrement d’influences Post-Rock (largement infusées dans la musique extrême des années 2010s). Ici, les émotions sont brutes, parfaitement transmises, et les compositions d’une rare authenticité, captivantes d’un bout à l’autre. Un album exemplaire, qu’on adopte donc très vite dans sa collection, susceptible de plaire à chacun des lecteurs de ce top.  

 

Entropia - Vacuum (2018)

ZSK : Ici quand on parle de Pologne on aborde généralement le sujet du Death/Black bien brutal et saignant. C’est sans compter que le Polonais peut aussi être plus doux, à l’image de pas mal de groupes de Rock/Metal progressif œuvrant là-bas, avec Riverside pour locomotive. Il y a aussi, quelque part entre ces deux humeurs, un peu de Post-Metal. Il y a bien sûr Blindead, apôtre de Cult Of Luna assez assumé auteur notamment du remarqué Affliction XXIX II MXMVI (2010). Mais il y aussi le moins connu (hélas) Entropia. Qui a sorti 3 albums dans les années 2010 en commençant par Vesper (2013), album plutôt typé… Post-Black. Oui, je vais encore parler du groupe le plus estampillé « extrême » de la sélection, mais en même temps c’est un peu mon rayon et promis, c’est la dernière fois. De toute façon, Entropia s’est maintenant assez éloigné des oripeaux Black-Metal pour basculer vers du plus pur Post-Metal teinté d’un fort apparat psychédélique…

Cela avait commencé avec l’excellent et remarquable Ufonaut en 2016. Et le clou fut enfoncé deux ans plus tard avec Vacuum, l’exceptionnel troisième album de la formation silésienne, terre du Metal extrême le plus expérimental. Entropia laissait le BM de côté pour se concentrer sur un Post-Metal autrement plus enlevé, très progressif à sa manière, et toujours résolument psychédélique, même si ici l’expression des ambiances et atmosphères est à son paroxysme. A l’image du clip très enivrant du morceau-titre, on plane, on voyage, sous des effets bizarres mais le dépaysement est au rendez-vous. En se laissant driver par des compos à la fois lourdes et aériennes, où le chant est très parcimonieux, on se laisse aller à cette formidable expérience, originale et déroutante. Un Post-Metal différent, toujours très enfumé, mais qui possède une marque forte d’un groupe vraiment pas comme les autres, surtout au milieu de ses compères polonais. Le point d’orgue d’une discographie singulière qui aura marqué la décennie, pas assez pour que son aura atteigne assez de monde, mais du coup il n’est jamais trop tard pour s’y mettre !

 

We Lost the Sea Departure Songs (2015)

 

Raton: Je ne vous apprends probablement rien en vous disant que la paysage post-rock des années 2010 n'a pas été des plus réjouissants. Les chefs d'oeuvre fondateurs des années 1990 et l'explosion populaire des années 2000 semblent loin dans le rétroviseur. À part la branche plus expérimentale de la scène (principalement Swans et Gospeed You! Black Emperor) et la subsistance de quelques têtes d'affiche (Sigur Ros ou Mogwai), la majorité des sorties post-rock dignes d'intérêt ne pouvaient se trouver qu'à la frontière du post-metal. Sólstafir et Year of No Light sont déjà dans ces lignes, Kauan et Jambinai auraient pu l'être et j'ai longuement hésité à inclure Toundra. Mais j'ai préféré vous parler de We Lost the Sea, pour vous montrer que de l'excellent post-rock, dans les règles de l'art, se fait encore.

Departure Songs est une leçon dans le genre. Excellente introduction pour les profanes, confirmation forte pour les habitué.e.s, l'album aura marqué avec panache la scène et les musiques atmosphériques à sa sortie en 2015. Alors que leur précédent album, The Quietest Place on Earth était sorti dans une relative indifférence et dans un registre bien plus metal, Departure Songs trouve un équilibre contemplatif admirable. 
Suivant la tradition cinématographique du post-rock, les Australiens donnent à voir la beauté du départ et la puissance évocatrice des paysages défilant par la fenêtre d'un quelconque moyen de transport. C'est un album qui transpire autant la nostalgie que l'excitation des cimes, le vertige des profondeurs et l'admiration de l'infiniment haut. C'est enfin et surtout une ballade onirique en cinq actes, pertinents et immersifs aux crescendos mémorables comme celui de "The Last Dive of David Shaw". 

 

Deftones Diamond Eyes (2010)

Traleuh : C’est acté, Deftones est sur toutes les lèvres. Non pas que le projet tricennal (!) de Sacramento ait attendu cette nouvelle décennie pour faire parler de lui à une telle amplitude. Car déjà, à l’aube des années 2000, Deftones conquérait les terres des cools kids – en refusant catégoriquement, soit-dit en passant, de passer sur MTV, performance digne d’un hardflip - ; déjà, en la décennie passée, Deftones se voyait encensé par toute une rangée d’admirateurs tous plus prestigieux les uns que les autres, de Chelsea Wolfe à Higher Power en passant par Deafheaven, culminant de tout son long jusque cette année, qu’il est sensé, à mon humble avis, de voir comme point apothéotique d’un groupe qui forge un respect à l’étincelle érotique, autant par la sortie, bien sûr, de son merveilleux dernier disque chroniqué ici que par celui du Loathe, son héritier lacté, qui lui se trouve à cette adresse.

Sensé aussi, on y vient enfin, de voir Diamond Eyes comme l’album charnière, l’album qui rendait évident la marque Deftones, cette marque-éclat, une signature devenue intemporelle malgré les évidentes houles stylistiques que la formation aura connue. Un album d’autant plus marquant qu’il sera le dernier de son effectif initial, puisque Chi Cheng descendra dans son coma, cette nuit de verre auquel on songe de toute nécessité, mélancoliquement, à l’écoute des "Risk", des "This Place Is Death" bien sûr, et nombre de leurs successeurs qui se marquent d’une empreinte obsidienne, cette gemme noire engloutie que Moreno appelle d’une voix polychrome, comme par murmure. En bref, Diamond Eyes c’est cette flamme inexpugnable, l’album-synthèse de cette poétique si particulière dont Deftones a les arcanes ; cet album qui convoque, en langueur, l’effraie des clochers et son érotisme antique et fatal.

 

Oathbreaker Rheia (2016)

Dolorès : S'il y a bien un groupe dans ce bilan qui représente cette belle montée en puissance commencée au début des années 2010 et qui s'est étendue sur toute la chronologie, c'est Oathbreaker. Dans la lignée d'Amenra, qui évoluent dans cette même sphère de la Church of Ra, Oathbreaker suit un chemin similaire avec quelques années de décalage. Le projet apparaît aux yeux de tous après un premier album en 2011, suivi d'un second en 2013 qui ouvrira quelques portes. Mais c'est véritablement Rheia, en 2016, qui donne au groupe son cadre doré qui lui permettra de s'exporter et de transporter.

Toujours à la frontière entre Post-Hardcore, inspirations Black Metal et même Dark Folk ici, le groupe belge a su trouver sa voie et proposer un album où les compositions s'équivalent, les émotions se complètent et où le chant de Caro Tanghe devient une véritable marque de fabrique, assumée et maîtrisée. Elle est également de plus en plus obsédante au fil des titres, avec un timbre unique bien que l'intention rappelle parfois Julie Christmas. L'enchaînement de l'acoustique et déchirant « Stay Here - Accroche-moi » avec l'abrasif « Needles in Your Skin » et les boucles tourmentées de « Immortals » forment le cœur de l'album, avant de s'étirer en longueurs explosives sur les presque-homonymes de fin d'album. Ces courbes si particulières donnent une silhouette mémorable à Oathbreaker, à qui on souhaite la même ascension que leurs camarades d'Amenra, pour le bonheur de nos oreilles.

 

Les Discrets Septembre et ses dernières pensées (2010)

Malice :  C'est parfois avec une décennie de recul qu'on prend conscience de l'importance (pour tous ou pour soi-même) qu'a pu avoir un album. En réécoutant en 2020 ce Septembre et ses dernières pensées, j'en suis frappé : quel impact a bien pu avoir la poésie de ce merveilleux album sur l'adolescent que j'étais alors, l'ado curieux mais pas encore vraiment initié à tout ce qui est présenté dans cette sélection, mais aussi à tout ce que Les Discrets m'ont permis de fil en aiguille, peut-être même sans que je le réalise, d'apprécier et qui en dépasse le cadre ?

Sans l'écoute, en 2010, des Discrets et de leurs arpèges mélancoliques, peut-être n'aurais-je jamais été perméable par la suite au Mantle d'Agalloch, aux sonorités shoegaze et éthérées de nombreux groupes actuels. Avant de tomber amoureux de l'Écailles de Lune d'Alcest, j'ai dû passer par cet alter-ego moins black metal, celui de l'incroyable artiste qu'est Fursy Teissier, également auteur de la pochette si onirique de ce Septembre et ses dernières pensées. Un alter-ego qui s'est ensuite débarrassé de ces sonorités encore très légèrement extrêmes, perceptibles sur « Les feuilles de l'olivier » ; Ariettes Oubliées et Prédateurs, les opus suivants,gardent cette magie, mais ont perdu, nostalgie oblige, cet impact qu'a eu sur moi ce premier album des Discrets. « Je me souviens des jours anciens et je pleure » : les mots sont de Verlaine, chantés sur cette version impeccable de la célébrissime « Chanson d'Automne » qu'on croirait avoir été écrite pour que Teissier la chante. Des mots qui définissent par moments cet exercice si délicat qu'est celui de réécouter, dix ans plus tard, un album vous ayant changé sans forcément que vous vous en soyez rendu compte. Car si la tentation est grande de greffer sur l'album d'autrefois les connaissances et les références acquises par la suite, d'analyser cette fois « à froid » l'affection qu'on lui porte, ce ne serait pas lui faire honneur : je me contente de réécouter Septembre et ses dernières pensées chaque année, à l'arrivée de l'automne et à travers l'hiver, avec la même sensation de réconfort. C'est bien assez ...

 

Holy Fawn - Death Spells (2018)

Mess : On ne va pas se le cacher, les candidats potentiels et méritants pour ce nouveau top de la décennie sont légions. Mais curieusement, et peut-être parce que trop sous-estimé, Death Spells, orchestré par Holy Fawn sonnait comme une évidence dans cette liste. 

Ce qui justifie la place de Death Spells dans ce classement nous éclate au visage dès les premières minutes de l’album : Holy Fawn est bien décidé à centraliser, contrairement à beaucoup d’autres, le post metal et le post rock. Un projet, vous en conviendrez, audacieux sur le papier.

Le résultat ? Un album qui emprunte avec maîtrise toute la clarté de groupes comme Alcest, Nothing ou les très subtils Sigur Ros pour l’injecter dans une heure d’orchestration ambiante où de manière progressive le post rock aux larges textures s’engouffre dans un doom saturé dont l’émotion n’a d’égale que sa sensation, à son écoute, d’être au bord du précipice puis, l’instant suivant, transpercé par sa lumière divine. Deafheaven qui tenterait de faire du Explosions in the Sky, ou inversement, on ne sait plus trop.

Blackgaze, noise, doom, post rock, post metal, dream pop, ambiant, ceci est un name-dropping crapuleux mais véritablement nécessaire dans le cas de Holy Fawn. Chaudement recommandé.

 

Touché Amoré - Stage Four (2016)

Hugo : Stage Four est le quatrième album de Touché Amoré, et assurément la pierre angulaire d’une discographie déjà bien fournie. Disque de transition il l’est assurément, et ce pour plusieurs raisons. La raison la plus évidente, si l’on se cantonne aux aspects purement musicaux, est l’affirmation de la facette dira-t-on « Indie Rock » du groupe, déjà présente en germe sur les précédents opus. Il convient de souligner que le Post-Hardcore, ainsi que les musiques Screamo et affiliées, ont toujours été intimement liées à ces scènes alternatives, et dotées d’un sens de la mélodie certain que Touché Amoré a toujours épousé. Face à la sortie récente de Lament, on comprend encore davantage le rôle décisif qu’à joué ce quatrième opus, et des titres comme « Benediction » ou « Palm Dreams ».

Néanmoins, et plus que jamais, les morceaux de l’album sont indissociables des paroles de Jeremy Bolm, chanteur du groupe. L’album est complètement tourné vers la mort de sa mère, mais parle pourtant de choses bien plus larges, de la vie, de nos relations, des regrets. À vrai dire, rarement un disque du genre (j’oserais dire, du Punk au sens large) n’aura été aussi viscéralement touchant. Par son impudicité, le propos du disque devient universel. Bien que sorti il y a déjà quatre ans, il continue de procurer des frissons comme au premier jour, les paroles étant d’une précision bouleversante, d’autant plus mises en musique de cette façon.

Stage Four est donc le quatrième album de Touché Amoré, mais aussi une tentative de catharsis, voire de révolte contre l’absurdité qu’incarne un cancer en stade 4. Mais malgré toute sa gravité, le disque n’est jamais totalement obscur, et laisse toujours un peu de lumière transpercer ses compositions. Si l’album est à mon sens un chef d’œuvre du genre, c’est précisément aussi pour ces raisons-là. Il y a eu un avant et un après Stage Four, celui-ci ayant réussi à cristalliser des expériences personnelles en une musique intemporelle, et c’est là tout le brio du groupe. Le disque donne envie d’aimer la vie : belle comme les mélodies de « Skyscraper », bien qu’impitoyable comme l’écoute du message vocal à la fin du morceau.

 

Sólstafir Ótta (2014)

Circé : Le débat fut long au sein de la rédac' afin de décider quel album de Sólstafir devrait trôner dans cette liste. Départager Svartir Sandar et Otta, deux albums aussi différents qu'emblématiques de leur décennie et de l'évolution du fleuron de la scène islandaise s'est avéré franchement difficile. Et c'est à moi que revient donc la responsabilité de me mettre la moitié des vieux fans du groupe à dos... Malgré mon amour pour leur début de carrière. Oui, Svartir Sandar introduisait déjà plus de post-rock qu'auparavant dans son black metal déjà très atmosphérique, mais c'est définitivement sur cet essai suivant que la tendance entre les deux genres laisse la part belle au second. Si Otta l'a finalement emporté, c'est sûrement car il représente un tournant majeur pour le groupe tandis que Svartir Sandar montre des musiciens à l'appogée d'un art qu'ils cultivent déjà depuis longtemps. Il leur a de plus, sans conteste, ouvert les portes d'une plus large audience pour définitivement devenir le groupe majeur que Sólstafir est aujourd'hui.

Otta délaisse pour de bon ses racines metal extrême sans pour autant proposer un changement trop radical, ou modifier fondamentalement l'identité sonore du groupe. La dualité demeure au cœur de la musique, entre le froid et la lumière, la rudesse et la douceur, servies par un mélange d'influences post-rock, blues, et autres musiques atmosphériques. On y retrouve encore quelques expérimentations, et en tout cas une personnalité immanquable dans les compositions qui mettent les Islandais à part, au dessus de la mêlée. Une musique libérée de ses codes, des étiquettes qu'on tente en vain de lui coller, dont les années 2010 auront définitivement été le point culminant.

 

Year of No Light Tocsin (2013)

S.A.D.E. : Alors que Nord donnait déjà un aperçu de l'unicité dans le son et le style de Year Of No Light, voici que les Bordelais décident en 2008, après leur passage au Roadburn et au Hellfest, de se réinventer en groupe entièrement instrumental. Renforçant sa puissance de frappe avec l'ajout d'une seconde batterie et d'une troisème guitare, le désormais sextette s'enfonce dans un territoire aux frontières du Doom, du Sludge, du Post Rock avec parfois quelques accointances avec le Drone. Si Ausserwelt, premier album dans cette nouvelle configuration, ne démérite pas, la suite s'avère encore plus impressionnante. Tocsin est un habile récit sans mot, explorant les ténèbres et la lumière, les faisant même cohabiter. YONL vous embarque dans un périple tout en oxymores, porté par un son à la fois très lisible et très épais, mais surtout toujours puissant. La force de frappe ryhtmique, du fait des deux batteries, est imparable, aussi bien lorsque le mode rouleau compresseur est activé que quand l'intention est plus subtile et attentiste. Les trois guitares quant à elles autorisent des constructions mélodiques plus complexes et enchevêtrées (mais participent aussi bien sûr à cette force sonore implacable). Et enfin, le groupe a donné encore plus de matière aux claviers et synthés, offrant des moments de grâce au milieu d'un champ de ruines, apportant une solennité aussi belle que terrifiante.  
Avec ce troisième album studio, YONL affirme encore davantage son idiosyncrasie en proposant une musique à la fois grandiose, sombre, cathartique, intimiste et porteuse d'espoir. Je ne sais pas bien comment autant de contradictions tiennent ensemble, mais le fait est là : Tocsin est un album à part mais susceptible de toucher tout le monde.

 

Sigur Rós Valtari (2012)

Dolorès : Impossible d'approcher la sphère Post-rock sans évoquer le projet islandais le plus vibrant et doux du XXIe siècle. Beaucoup connaissent Sigur Rós sans en connaître la discographie entière, bien sûr, mais Valtari est l'une de ces perles dont on a tous déjà entendu au moins un titre. Les craquements intégrés qui rappellent autant un feu de cheminée qu'un vinyle, les instruments à cordes qui nous plongent en enfance, le chant qui évoque autant une musique ancestrale qu'imaginaire : chaque élément est d'une simplicité et d'une douceur qui évoquera à chacun(e) des souvenirs certains. J'ai dû écouter je ne sais combien de fois “Varúð” qui est un chef-d'oeuvre d'harmonies chaudes et de couleurs glacées.

Même si les titres isolés sont superbes, les albums du groupe s'écoutent d'une traite, au creux d'une couette, sur le siège d'un train ou d'une voiture, et cet opus sorti en 2012 ne déroge pas à la règle. Il faut un certain confort pour laisser le cocon nous enrober dans un nuage de sucre, et alors que beaucoup des albums dont on vous parle sur Horns Up évoquent les tourments, Valtari vous donnera envie de sourire, rêver et aimer. C'est pas souvent, alors merde.

 

Rorcal - Vilagvege (2013)

S.A.D.E. : Explorateur de sonorités assommantes et écrasantes, Rorcal a déjà été remarqué pour ses morceaux fleuves et ses albums concepts ambitieux. Mélange de Postcore, Sludge et Doom, avec au fil des sorties une influence Black Metal de plus en plus palpable, la musique des Suisses défie largement les classifications. Avec ce Világvége, le quintet sort un album plus "accessible" (les guillemets sont très gros), avec un découpage en morceau d'une longueur plus traditionnelle mais toujours cette volonté de ne pas mettre de temps mort entre les titres de manière à ce que l'ensemble s'écoute d'une seule traite. Proposant avec cet album la bande-son de la fin du monde (Világvége signifiant "fin du monde" en hongrois ; pourquoi le hongrois ? je ne sais pas), Rorcal présente un son extrêmement riche et difficile à décrire, passant d'une froideur très Black Metal sur les passages rapides à une lourdeur épaisse lorgnant vers le Postcore et le Doom lorsque le tempo est plus plombant. Le chant est lui aussi tout en équilibre entre ces deux approches, toujours impressionnant et souvent proche de l'inhumain. Et puis il y a ces courts interludes à la fin de certains titres où des chants grégoriens célestes sortis de nulle part viennent éclairer la dévastation laissée par l'Apocalypse.
Avec ce troisième album, Rorcal démontre définitivement son talent pour produire une musique hors des cases et des codes, toute personnelle. Certes, il faudra à l'auditeur, pour entrer dans cet univers noir et torturé, un effort d'adaptation. Mais une fois que l'on est pris dans cette masse sonore, rien ne nous en fait sortir.

 

Omega Massif Karpatia (2011)

Raton : Le post-metal est tout de même un curieux genre. C'est un des seuls dans le metal qui se concentre autant entre les mains d'une poignée de groupes. Encore davantage que le thrash et son (ses ?) big 4, le post-metal (aussi appelé sludge atmosphérique par quelques irréductibles de l'internet) peut se résumer à un Big 5 des sourdes pétarades : Neurosis, Isis, Cult of Luna, Rosetta et Pelican (encore que les deux derniers sont moins majeurs). Mais parfois, ici et là, fleurissent des groupes au talent indéniable et qui parviennent sur l'espace de quelques disques à égaler les plus grands.

Vous vous en doutez, Omega Massif fait partie de ceux-là. Les quatre Bavarois ont surtout été actifs dans la décennie qui précède notre sélection et n'ont sorti qu'un seul album dans notre fenêtre avant de se séparer en 2014. Pourtant Karpatia est une proposition impeccable de tempête musicale. Se plaçant dans la plus pure lignée des grands noms susnommés, entre un Neurosis instrumental et un Rosetta plus courroucé, Omega Massif a livré avec Karpatia, si ce n'est un monument d'originalité, une oeuvre forte et indispensable aux post-mélomanes.

Dense et sombre, l'album se passe de la moindre voix pour résonner avec triomphe. Il enchaîne les crescendos menaçants aux riffs saccadés pour peindre une atmosphère délétère et nous faire ressentir les vapeurs de soufre d'un monde détruit. Chose remarquable : malgré la pesanteur des guitares et les assauts tonitruants d'une section rythmique implacable, Karpatia se révèle extrêmement digeste, contrairement à beaucoup d'albums du genre. En cela, il est un excellent point d'entrée autant qu'un plaisir raffiné pour les spécialistes du post-boucan.

 

*     *     *

*

 

Retrouvez notre série d'articles "Nos essentiels des années 2010" dans la rubrique Articles !