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Album

16 septembre 2020 - ZSK

Finntroll

Vredesvävd

LabelCentury Media Records
styleFolk Metal
formatAlbum
paysFinlande
sortieseptembre 2020
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Je suis peut-être le seul, mais j’attends toujours chaque retour en bacs des trolls finlandais avec une certaine impatience. Peut-être que parce que c’est un des premiers groupes de « Metal extrême » auquel j’ai touché il y a bien des années. Peut-être parce que Nifelvind (2010) fut le premier album que j’ai chroniqué pour un webzine. Peut-être parce leur discographie est sans vraie faille (même l’album acoustique Visor Om Slutet (2003) est sympa) et que quoi qu’on en pense, Finntroll reste une valeur sûre du Folk-Metal. Moonsorrow, groupe auquel il est souvent et logiquement associé (Henri « Trollhorn » Sorvali étant une figure évidente des deux formations), lui est repassé devant en termes de popularité ces dernières années, mais qu’importe. Le groupe restait sur un satisfaisant Blodsvept (2013) et donc depuis, plus grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est des concerts. Un album où Finntroll faisait un peu le bilan de toute sa discographie, sans rien apporter de plus mais, encore une fois, qu’importe. Ses années « cultes » sont derrière lui, lui qui a bien malgré lui accentué la popularité du Folk-Metal « à sandales » ou « à boire » qui a inondé les festivals et le catalogue de certains grands labels pendant un paquet d’années (je vous épargne un name-dropping qui laisserait des souvenirs cringe où un développement de mauvais goût). Il a suffi d’un tube comme "Trolhammaren", niché dans son troisième album Nattfödd (2004) pour lancer la machine. Mais Finntroll mérite bien plus que d’être considéré comme à la limite de la caricature en termes de Folk-Metal « pouet-pouet », plus focalisé sur les claviers et un Metal guilleret que de vraies aspirations folkloriques. Car il fut, et est encore, à certains égards, un monstre en son genre. Son association voulue de la Humppa et du Metal a détoné en son temps, et sa culture trollesque a toujours été pertinente. Et même musicalement, il a toujours assuré, dès Midnattens Widunder (1999) et surtout sur Jaktens Tid (2001), un album qu’aujourd’hui je n’hésite pas à élever au rang de culte voire même de référence absolue de Folk-Metal. C’est bien simple, en regardant tout ce qui est sorti depuis 19 ans, je trouve que rien ne lui arrive à la cheville dans son registre globalement plus joyeux et dansant que dark et ténébreux. Certes, il y a eu énormément de déchet dans le genre « Folk-Metal », très vite galvaudé, mais rien que ce Jaktens Tid fut une leçon et l’est encore aujourd’hui. Suffit de réécouter ne serait-ce que le sautillant et efficace "Skogens Hämnd" ou l’épique "Aldhissla" pour s’en convaincre, sans compter les autres facéties et son inspiration globale. Ceci étant dit, nous sommes maintenant en 2020 et Finntroll est toujours là, et regarde vers l’avenir avec un 7ème album, Vredesvävd.

Regarder vers l’avenir… quoique. Après tant d’années de carrière, il serait logique qu’un groupe comme Finntroll n’hésite pas à tenter le retour aux sources. D’autant qu’il restait sur un Blodsvept qui résumait assez bien sa carrière, piochant dans tout ce qui était sorti depuis Nattfödd. Trollhorn nous situe même Vredesvävd entre Nattfödd et Nifelvind mais pour ma part, je trouve qu’il remonte même plus loin. Quand bien même la fine équipe reste peu ou prou la même, seul le batteur a changé depuis Blodsvept et l’on retrouve toujours le duo Tundra-Skrymer présent depuis 1998. Le guitariste Routa, autre membre « ancien » n’étant là que depuis 2003, on est bien sûr pas dans une configuration 2001 mais voilà, on va bien vite se rendre compte que Vredesvävd est assurément l’album qui se rapproche le plus des deux premières œuvres de Finntroll, et sonne même souvent « old-school » d’une certaine manière. Vreth varie même ses chants et à certains moments, on croirait entendre Katla ! Finntroll revient donc presque à ses premiers amours, en moins forestier et moins délirant peut-être (les interludes fun en « …visan » ont hélas disparu depuis Ur Jordens Djup (2007) et ne reviennent pas ici non plus), mais remet en avant un Folk-Metal ultra-entraînant et même hyper efficace. Nifelvind et Blodsvept étaient plutôt bons mais sans crever le plafond, Vredesvävd les dépasse largement avec une inspiration de tous les instants. Mention spéciale à tout ce que peut proposer Trollhorn sur cet album en termes de synthés donnant la bougeotte et d’instrumentations folk diverses, le « leader » du groupe est particulièrement en force et toute la fine bande de trolls suit le mouvement à l’unisson. Finntroll redevient clairement ce pour quoi il a été forgé, un groupe particulièrement festif, mais un minimum intelligent. Il semble toujours être resté en marge de toute la vague Folk pouet-pouet de l’entre 2000-2010’s, et c’est tant mieux vu que maintenant il revient encore plus fort. Sept ans après Blodsvept, Vredesvävd va remettre Finntroll sur le trône qu’il n’aurait jamais du quitter.

Le début de ce septième album des trolls laisse pourtant circonspect. L’intro "Väktaren" nous remet bien dans l’ambiance fantasy typique du groupe, mais elle est un poil trop longue, c’est des compos sautillantes que l’on veut ! Elles arrivent avec "Att Döda Med En Sten" mais le son des guitares semble trop en retrait, trop sec. Le chant de Vreth est aussi bigrement rêche, trop peut-être. Mais les notes de clavier toujours aussi guillerettes prennent vite le dessus. Et on comprend bien vite que de toute manière, Vredesvävd ne sera pas l’album le mieux produit de Finntroll, mais cela appuie son côté légèrement old-school qui nous rapproche bien vite d’un Jaktens Tid. Aussi de Nifelvind, globalement et certes, car c’est surtout un Nifelvind qui aurait subi un voyage dans le temps. Les trolls ont trafiqué la machine, et ça donne Vredesvävd. De toute façon, il n’y a plus de doute une fois "Ormfolk" lancé : on est clairement dans l’esprit d’un Jaktens Tid, que ça soit pour les riffs ou les envolées de synthé. Le milieu du morceau nous rappelle même clairement le cultissime "Skogens Hämnd" ! Finntroll est en très grande forme et les trolls nous emmènent dans leur ronde infernale avec cet "Ormfolk" ultra couillu et totalement festif. Vredesvävd va même se permettre de multiplier ce genre de pistes bien rapides et dansantes, comme le court mais punchy "Myren", l’épique et toujours très Jaktens Tidien "Stjärnornas Mjöd", ou encore le classique mais bonnard "Mask". Finntroll tape fort et fait tout pour que Vredesvävd soit un album accrocheur et même mémorable. Et varie aussi les plaisirs en triturant toujours autour du folk trollesque, de la Humppa et de ses ambiances fleuries. "Gränars Väg" a tout du morceau parfait, intro magnifique, ensemble résolument folk, excellents riffs, compos très dansantes et moments fédérateurs (comment ne pas entonner ces « hey ! » super bien placés ?). Un "Forsen" est lui plus lourd et mélodique mais toujours totalement cohérent et convaincant. "Vid Häxans Härd" est aussi un beau nid à formidables moments folkisants mais aussi à riffs tranchants, finissant déjà de prouver que Vredesvävd est un album d’une inspiration resplendissante. Et bien sûr, Finntroll finit avec un "Ylaren" épique et plus enlevé, pas au niveau d’un "Aldhissla" quand même, mais témoigne que le « Folk » de leur Folk-Metal ne se résume pas qu’aux synthés et même quand c’est eux qui mènent la danse, ils font voyager dans les jolies forêts trollesques. Meilleur moment folk du disque, le passage à 3’15 file la banane est c’est bien ce qu’on attend en écoutant du Finntroll.

Soyons clairs : Vredesvävd est tout simplement le meilleur album de Finntroll depuis Jaktens Tid, album dont il se rapproche de toute façon le plus, retrouvant à la fois l’efficacité et l’ambiance d’époque. On y ajoute l’expérience et quelques variations acquises au fil des albums sortis entre, et cela nous donne un disque ultra solide. Et surtout, on retrouve de vrais tubes, ce qui n’avait pas forcément été le cas d’un Blodsvept par exemple. Un "Ormfolk" est immédiatement imparable, un "Gränars Väg" assure dans tous les domaines, un "Stjärnornas Mjöd" cartonne… chacun aura ses favoris mais Finntroll a bel et bien retrouvé l’inspiration pour pondre de nouveaux hits. Il n’a certes jamais sorti d’album décevant ou même juste moyen, mais les trois premiers albums de la période Vreth passaient après des débuts cultes… Ici, le discret retour aux sources fait toute la différence. Et quand on se base sur un album qui n’a eu que peu d’équivalent en qualité en presque 20 ans, le succès est assuré. Certes, cela ne convertira probablement pas ceux qui n’ont jamais adhéré à la « philosophie » trollesque, qui ont toujours trouvé le groupe trop fun ou, au contraire d’autres, trop sérieux. Finntroll était un peu le cul entre deux chaises pendant l’explosion du « Folk »-Metal, il a bien fait de se tapir dans l’ombre, de revenir quand tout ça s’est fait un peu oublier, et de rappeler qu’il est le patron. Vredesvävd restera aussi trop kitsch pour certains, d’autant que le groupe est loin d’avoir ici fait des choix de production hollywoodiens, c’est même tout le contraire d’ailleurs. Et c’est finalement tout un symbole. Après sept ans d’absence, Finntroll opère un retour aux sources plus ou moins assumé vers son meilleur effort, et nous livre un putain d’album de Folk-Metal, enfin de Troll-Metal, peu importe comment on appelle ça et où on situe la limite du « Folk », un putain d’album de Metal guilleret, dansant et résolument festif. Et avec la morosité ambiante, et bien qu’on ne soit pas près de les revoir sur scène (bon après, ce n’est pas là qu’ils montrent le mieux leur art), les trolls viennent nous abreuver d’une grosse dose de bonne humeur et de compos enjouées. Merci Finntroll !

 

Tracklist de Vredesvävd :

1. Väktaren (2:48)
2. Att Döda Med En Sten (3:37)
3. Ormfolk (3:58)
4. Gränars Väg (3:44)
5. Forsen (4:07)
6. Vid Häxans Härd (4:01)
7. Myren (2:49)
8. Stjärnors Mjöd (4:08)
9. Mask (3:01)
10. Ylaren (5:06)
11. Outro (1:03)

 

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