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vendredi 28 février 2020

Turia + Coldborn + Iffernet @ Bruxelles

Magasin 4 - Bruxelles

Matthias

Punkach' renégat hellénophile.

Le groupe néerlandais Turia a droit à de nombreux éloges depuis la sortie de son troisième album, Degen van Light, le 14 février dernier. C'est, je pense, mérité : les Amstellodamois officient dans un registre (post) Black moderne et introspectif, qui n'est pas sans me rappeler les sonorités belges contemporaines qui gravitent autour de la Church of Ra. Ce point de vue n'engage évidemment que moi, mais en découvrant Turia via ces compositions récentes, j'y retrouve la même attitude de défi face à l'adversité. Sentiment peut-être exacerbé par le ciel plombé du Nord ou les intonations néerlandaises, j'en conviens. Quoiqu'il en soit Turia a pris la route pour défendre sur scène ce nouvel album le temps d'un Unconquered Light Tour en compagnie des Rouennais d'Iffernet. Partie de Lille, la transhumance a rapidement fait escale à l'incontournable Magasin 4 de Bruxelles, avec Coldborn pour compléter une affiche entièrement dédiée au Black atmosphérique.

Iffernet

Alors que les lumières s'affadissent, Iffernet ouvre la soirée et, dès le premier riff... B. casse une corde, et N. a bien du mal à cacher son rire derrière ses fûts pendant que son comparse opte pour une guitare de rechange. Moment d'hilarité générale totalement impromptu pendant lequel le batteur présente le groupe le sourire aux lèvres. Mais cette péripétie passée, le chant sépulcral du guitariste commence à donner la réplique aux rugissements du -très solide- batteur, et le duo, visiblement bien rôdé, instaure rapidement son atmosphère. Que ne ternit d'ailleurs aucunement l'instrumentation réduite, l'absence de basse en particulier, un choix qui m'a toujours fasciné. Les morceaux se succèdent, étonnament aériens, comme autant de pas d'une valse menée avec douceur mais détermination par la Faucheuse, en robe pour l'occasion.

Coldborn

Aux protagonistes locaux de Coldborn de prendre la relève. Projet personnel de Norgaath, vétéran de nombreuses formations dont l'incontournable Enthroned, Coldborn commet pourtant des concerts assez régulièrement, même si pour moi, c'est une découverte. Les musiciens qui accompagnent le chanteur se mettent en tout cas à l'ouvrage avec un professionnalisme certain tandis que Noorgath éructe sous le même corpsepaint qu'il arbore sur son unique album, Lingering Voidwards, sorti en 2016. Les musiciens sont convaincus et déterminés, mais persiste toutefois une certaine distance qui m'empêche de m'immerger complètement. Bien sûr, nous sommes là pour plonger dans nos réflexions sur le mystère ultime qu'est la mort, non pour danser une gigue, mais hélas l'immersion n'est pas si évidente. Problème récurrrent entre le Black atmosphérique et les performances scéniques, d'autant que Coldborn n'est pour moi pas si éloigné de l'ambient, du moins dans ma manière de l'écouter. Reste que la prestation des Flamands est techniquement irréprochable, et je prends goût au style très personnel des compositions de Norgaath dont un "In the Absence of Light, Death Gazes" glacial et oppressant comme les craquements d'un vieux saule sous le vent de novembre. Sans doute la soirée fait-elle trop dans le contemplatif pour que j'adhère totalement, ça sera peut-être pour une prochaine fois. Reste un album que j'apprécie volontiers à domicile.

Turia

L'odeur ô combien reconnaissable de l'encens commence à se répandre dans la pénombre tandis que les Néerlandais installent instruments et reliques. Ce gimmick odoriférant est vraiment devenu omniprésent dans la scène Black, et il me tape parfois un peu sur les nerfs, quand ce n'est pas sur les bronches. Mais pour le coup l'arôme reste discret, et assez subtil, voire agréable, pour ajouter une touche de recueillement à l'ambiance. Le trio ne s'épanche pas sur ses compositions instrumentales, pourtant intéressantes, et attaque tout de suite sur les pistes les plus émotionnellement contraignantes de Degen Van Licht : la glaciale mélopée meutrière de "Merode" s'échappe de la gorge de la chanteuse T pendue à son micro tandis que O fait résonner de ses riffs un vent plus froid que celui qui souffle dehors sur la Senne. Le son hélas ne me semble pas parfait, et certaines subtilités des compositions en pâtissent. La voix, déjà naturellement en retrait, nous vient cette fois de bien loin. Mais cela ne gâche en rien le concert, et je me laisse lentement prendre par les mélodies entêtantes et désespérées du morceau-titre de l'album et de "Met sterven beboet", compositions lancinantes, presque minimalistes, et pourtant tellement séduisantes, avant que le rêve ne s'estompe bien trop vite, et qu'il faille retourner dans la crue réalité des docks de Bruxelles.

Merci à Hinvernal pour les photos.

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