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Album

12 février 2019 - Malice

Saor

Forgotten Paths

LabelAvantgarde Music
styleAtmospheric/Celtic Metal
formatAlbum
paysÉcosse
sortiefévrier 2019
La note de
Malice
7.5/10


Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

La popularité acquise par Saor ces dernières années est assez impressionnante : depuis les débuts et l'album Roots sous le nom Arsaidh jusqu'en 2013, le projet écossais d'Andy Marshall a connu une évolution saisissante, devenant par la suite Saor (signifiant « libre » en gaélique) et célébrant les paysages calédoniens et leur mélancolie avec une honnêteté et un talent indéniables. Même si à mes yeux, l'album Aura et ses mélodies entêtantes (l'air de flûte du morceau-titre hante régulièrement mes journées d'automne) restent le pic créatif du groupe, Guardians a encore confirmé auprès du public la montée en puissance de Saor, qui se retrouve désormais programmé dans beaucoup de festivals à travers l'Europe... après que Marshall ait, rappelons-le, annoncé qu'il ne se produirait plus en concert avant de finalement revenir sur sa décision.

***

Mon rapport personnel à Saor est lié à une expérience : celle d'un voyage, c'était en 2017. L'album Guardians est récemment sorti, mais c'est surtout Aura qui m'emmène loin et, en juin de cette année, je l'écoute énormément lors d'une semaine passée en Irlande du Nord. Les décors de l'Ulster, s'ils ne sont pas ceux de l'Écosse qu'Andy Marshall chante, défilent au son des mélodies de Saor et jusqu'à aujourd'hui, je dois avouer que bien peu de groupes provoquent en moi cette espèce de voyage intérieur au détour de chaque morceau. Je citerais naturellement Panopticon, dont la démarche me paraît comparable bien que plus ancrée dans le contemporain et l'introspectif; le fait qu'Austin Lunn (l'homme derrière le panoptique) s'occupe somptueusement de la batterie sur Aura ne fait que renforcer le parallèle.

Les Voyages de l'Âme, voilà comment décrire d'une expression l'effet que me fait la musique d'Andy Marshall ; c'est Alcest qui en est l'auteur avec son album de 2012. Rien d'étonnant donc à retrouver sur Forgotten Paths la voix de Neige, qui vient se poser après un planant break piano-violon d'autant plus désarçonnant qu'il interrompt un titre parti tambour battant. Du moins serait-ce désarçonnant si la formule n'était pas déjà archiconnue chez Saor, qui a il faut le dire tendance à reproduire les mêmes schémas sur pas mal de titres. Le si particulier chant de Neige, comme un corbeau dans la tempête, amène donc ici une touche de nouveauté plus que bienvenue et fait de cette entame d'album très maîtrisée un des moments les plus marquants de l'oeuvre de Marshall jusqu'ici.

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Mais après tout, qu'est-ce qui a fait que Saor a pu me toucher autant ? Plus précisément, qu'est-ce qui a bien pu m'amener à être ému aux larmes à l'écoute d'Aura au fil des paysages nord-irlandaismais à rester au final de marbre à l'écoute de Guardians ? Je dirais que c'est une question de densité. Au sens le plus littéral du terme : Guardians était peu aéré, épais, laissait nettement moins de place aux envolées mélodiques et mélancoliques de ses prédécesseurs – et, désormais, de son successeur. Or si la prestation technique est, encore sur ce Forgotten Paths, irréprochable (le riff de Bròn est l'un des meilleurs écrits par Marshall), ce n'est pas sur ce plan – ni sur le plan vocal, décidément pas un point fort et qui a même vu le niveau baisser à chaque sortie depuis Roots ! - que Saor prend son ampleur mais au travers des moments plus atmosphériques de sa musique : la superbe introduction de Monadh, le final de Forgotten Paths sont autant de frissons rappelant les belles heures de Roots et Aura, sans en atteindre forcément la majesté.

L'effet de surprise, il faut le dire, est passé et plutôt que d'innover, Marshall se « contente » ici d'offrir trois de ses meilleurs titres, pris individuellement. Ceux qui se plaignent de ce service de prime abord minimum n'ont pas tort : trois morceaux, c'est peu, même quand chacun d'entre eux dépasse les dix minutes. C'était cependant le format de Roots, qui recelait quelques longueurs dont Forgotten Paths est dénué. Mieux : l'outro, exercice à mes yeux trop souvent peu intéressant, est ici de toute beauté – une composition à la harpe signée Glorya Lyr qui colle parfaitement à l'ambiance installée par Saor.

La tempête est passée, le calme revient et ces « chemins oubliés » débouchent sur le son de la mer balayant les plages d'Écosse. Ou, dans mon cas, les ancestrales formations volcaniques de la Chaussée des Géants, au nord de l'Ulster... 


Tracklist:

1. Forgotten Paths  (11:04)
2. Monadh  (10:21)
3. Bròn  (12:22)
4. Exile  (4:51)

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