Live reports Retour
jeudi 7 juillet 2022

Hellfest 2022 - Partie 1

Open Air - Clisson

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Introduire un live report sur le Hellfest est toujours délicat car, de fait, tout ou presque a déjà été dit sur ce festival. On ne vous fera pas l'affront de vous présenter son histoire, le site ou bien encore la programmation. Vous connaissez bien tout cela ; vous êtes en terrain connu voire conquis. Reste que cette édition revêtait une saveur particulière compte tenu de l'annulation des deux précédentes pour cause de pandémie mondiale et du doublement du plaisir : une première partie de 3 jours du 17 au 19 juin, puis une seconde partie de quatre jours du 23 au 26 juin. Une grosse semaine de metal, donc, pour le plus grand plaisir des festivaliers.

Pour ce qui est du contexte et du bilan, nous ne pouvons mieux faire que de vous renvoyer vers notre podcast du dimanche 3 juillet 2022 où nous sommes revenus sur nos coups de coeur, nos coups de griffe et, plus généralement, sur notre sentiment à la sortie de cette semaine éprouvante. Pour notre sentiment sur les groupes vus, en revanche, cela se passe ci-dessous !

Naturellement, les deux parties du festival étant indépendantes, deux live reports sont prévus. 

Plongeons sans plus attendre sur ce premier week-end, placé sous le signe des retrouvailles avec Clisson, d'une canicule pas possible et d'une bonne odeur de bière / poussière / sueur / crème solaire qui nous avait tant manqué ces 24 derniers mois.

*

Vendredi 17 juin 2022 - Jour 1

Groupes évoqués : Laura Cox | Higher Power | EnforcedThe Inspector Cluzo | Seth | Witchcraft | Opeth | The Offspring | Mastodon | Baroness | Abbath | Deftones | Volbeat | Suicidal Tendencies

 

Les premiers pas sur le site du Hellfest sont toujours assez amusants. On est venu tellement de fois qu'on a l'impression d'être un peu chez nous ; on a envie de taper sur l'épaule du type de la sécu et d'aller un peu où on veut tant les lieux nous sont familiers. Et malgré une pause de deux ans, les habitudes sont toujours là pour la plupart des festivaliers : récupération du bracelet, installation de la tente, visite du merch pour vite avoir son t-shirt de l'édition, commande d'une bière et d'un peu de nourriture grâce au cashless (hyper pratique, au demeurant, malgré quelques hics dans le fonctionnement made in Weezevent cette année - Digitick en PLS).

Laura Cox

MichaëlPetite mise en bouche du festival avec Laura Cox, sur la Mainstage 2. Passée de vidéos Youtube dans sa chambre - regardées par des millions de personnes en ligne, tout de même - à la scène en 2013, elle ne semble guère effrayée à l'idée de jouer devant autant de monde. Car même si l'horaire est on ne peut plus avancé (11h40), le public est déjà assez nombreux sur les pavés autobloquants flambants neufs des mainstages, décidés à bien rentabiliser les nombreux jours de festival manqués du fait de la pandémie. Du rock somme toute assez classique, mais suffisamment enjoué et bien réalisé pour que les premières têtes tournent sous un soleil de plomb et un mercure déjà bien trop élevé. Hard Blues Shot fait son petit effet sur les amoureux de (hard) rock.

Higher Power

Di Sab : Il y a toujours au Hellfest un certain plaisir un peu bourgeois à tenter des accords temps / concert. Il est midi, l’intégralité du site est poisseuse et hagarde. Deux ans qu’on n’avait pas masqué l’absence de sommeil par des Ray Ban. Dans ce contexte, difficile de trouver mieux qu’un crossover frais comme un jus de fruit pour essayer de rentrer rapidement dans ce marathon que l’on débute. Higher Power a une trajectoire un peu particulière. Un premier album aux allures d’hommage total à Suicidal Tendencies, un second qui va lorgner vers le rock alternatif, voire le néo et qui regarde allègrement en direction de Sacramento et surtout de Deftones. La Warzone n’est pas blindée pour des Anglais qui décident de sécuriser leur set en commençant par une doublette "Can’t Relate / Low Season" soit leurs deux meilleurs titres. Jimmy Wizard tient sa scène et malgré la faible affluence et l’horaire matinal, il ne semble pas être capable de quitter sa bonne humeur. La bande de Leeds exécute aussi bien qu’elle n’innove pas. La demi-heure se boit en 4 gorgées comme un Ice Tea sous 30 degrés. Les sept jours seront longs et cette prestation un peu anecdotique sera éclipsée par des moments plus mémorables, des groupes plus gros, des shows plus attendus. Mais Higher Power a tenu son rang et a été là au bon moment.

Enforced

Di Sab : L’enchaînement Higher Power / Enforced a du sens. Passage d’un groupe teinté de crossover, le regard tourné vers les années 90 aux nouveaux joailliers du thrash evil. Marchant dans les pas de Slayer, Enforced propose un thrash aussi académique qu’habité. Les riffs « à la Hanneman » puent le soufre, les ralentissements rappellent la presse hydraulique Obituary (groupe que l’on retrouve floqué sur le t shirt du chanteur). Le tout contraste avec l’agression par la vitesse dont Slayer s’est fait une spécialité ces dernières décennies. Malheureusement, là où Power Trip fait respirer sa musique par un groove bienvenu, la dimension « totale » d’Enforced rend le show un peu linéaire à un moment où l’Altar se transforme lentement en étuve. On retient quelques moments de grâce, on remercie le Hellfest d’être attentif aux groupes émergents qualitatifs mais on attend de revoir Enforced dans des conditions plus acceptables.

The Inspector Cluzo

Michaël : Après une prestation de Leprous très aseptisée mais agréable, The Inspector Cluzo débarque sur scène. Bon, quand vous avez déjà vu le groupe plusieurs fois en live et que vous n'êtes pas un fan de ce type de rock un peu garage, vous allez rapidement tourner de l'oeil. D'autant plus avec un setup minimaliste sur scène - batterie, guitare et amplis recentrés sur quelques mètres carrés tout au plus - ; un peu étrange pour la mainstage. Vous allez aussi en avoir plein le dos de les entendre parler de leur ferme. MAIS, puisqu'il y a un mais, ça reste quand meme un moment très agréable car le duo reste hyper charismatique. C'est simple et ça fonctionne. Les Montois savent jouer à la perfection avec le public et produire un rock assez efficace qui nous fera bien bouger. C'est un peu binaire ce type de groupe ; ça passe ou ça lasse. Mais comme l'a si bien dit Malcom, de son vrai nom Laurent Lacrouts, si leur musique ne vous plaît pas bah... ils ont leur ferme bio en Gascogne, et ça suffit à leur bonheur. Une belle prestation en ce début d'après-midi.

Seth

Michaël : Au tour de Seth, groupe de Black Metal largement connu dans l'hexagone, d'entrer sur scène. À voir le public largement massé sous la Temple en ce milieu de journée, il est certain que la cote de popularité du groupe - ou la cote de curiosité - est très haute malgré l'horaire plus propice à taper une grosse sieste. Rien de très original côté setlist (Les océans du vide, La morsure du Christ, Métal noir, Le triomphe de Lucifer...) mais une prestation solide et un peu théâtrale qui fait son petit effet. Toujours difficile de se plonger pleinement dans un concert de Black Metal en pleine journée, sous une chaleur suffocante comme ce fut le cas en ce premier jour de festival. Mais le pari a malgré tout été tenu par les Français avec cette prestation pleine de relief et de puissance.

Witchcraft 

Di Sab : Witchcraft a une trajectoire fascinante. Arrivés avant tout ce revival proto hard rock / Iommi Worship, les Suédois ont sorti peut-être les deux meilleurs albums hommage au Sabbat Noir des années 2000 dans une indifférence toute relative. Projet d’un homme et mené d’une main de maître par Magnus Pelander, ce n’est que tardivement que j’ai pris le train Witchcraft et c’est au milieu d’une foule éparse que je me prépare à redécouvrir en live un groupe que j’avais vu auparavant dans une relative indifférence. Cette fois ci, impossible de s’en foutre. L’ambiance est hyper bizarre. Pelander passe son temps à pavoiser sur scène, demande plus de bruit, fait la moue quand le public ne réagit pas assez à son goût, enchaîne 30 grimaces à la minute. Impossible de savoir s’il est caustique ou s’il s’ennuie totalement. En revanche, côté setlist, 0 plaisanterie. Une pluie de titres du premier et meilleur album dont un "It’s so Easy" que je n’attendais pas. Bizarrement, l’impasse a été faite sur Legend, premier album de l’ère Nuclear Blast et référence totale du groupe. Au terme d’un "Witchcraft" définitif, on ne sait sur quel pied danser. Concert ultra solide, personnalité un peu dure à cerner. Un moment plus intéressant que pas mal d’autres.

Opeth 

Michaël : C'est l'heure pour Opeth d'entrer sur scène. Veni, vidi, vici. C'est un peu le motto habituel avec les Suédois. On pourrait gloser des heures sur le choix des titres ou tel ou tel point, mais que c'est beau, putain. Le son est bon, la présence scénique est toujours aussi magistrale et que dire de Mikael Åkerfeldt ? C'est indécent d'être aussi talentueux, sans faire le moindre effort. La voix est juste, l'émotion toujours palpable même lorsque leur musique ne se prête pas forcément au fait de jouer à 17h30 sous 45 degrés au soleil. Le choix de conclure sur le duo Sorceress / Deliverance était d'ailleurs osé, même si le groupe y est très habitué, compte tenu du contexte qui ne se prêtait pas forcément à des titres comme ceux-ci. En bref, Opeth a fait du Opeth et on est heureux qu'Arte ait filmé le concert pour se le remater en boucle.

The Offspring

Michaël : 18h40 pétante, The Offspring pose le pied sur la Mainstage 1. Cela reste un petit plaisir coupable mais, contrairement à d'autres, cela reste acceptable aux yeux des metalleux lambda. Comme on pouvait l'attendre, Noodles et Dexter ne bougent plus beaucoup sur scène ; ce dernier arbore d'ailleurs fièrement un petit dad bod comme on les aime. La communication avec le public n'est pas hyper naturelle et cela fait un peu réchauffé, mais cela a toujours été le cas avec les Américains. Leur musique se veut un peu fofolle mais tout est trèèèèèès convenu. La voix n'est pas toujours des plus justes - elle ne l'a jamais été - mais l'essentiel est ailleurs : porté par un son plutôt pas mal, le Hellfest va pouvoir retourner au collège d'un coup en s'égosillant et en bougeant comme des singes hurleurs sur une setlist aux allures de bestof : "Want You Bad", "Why don't you get a job ?", "Can't get my head around you", "The kids aren't alright", "You're gonna go far kid" et la magique "Self esteem" pour terminer. L'occasion pour le groupe d'achever une fosse martelée par un soleil décidément bien trop présent. Deux titres plus récents du groupe ont été joués : "The opiod diaries" et "Behind your walls" ; sans toutefois obtenir un public très réactif. Mais ne boudons pas nos plaisirs, c'est toujours parfait de mettre son cerveau de côté et de se prendre les années 90/2000 en pleine face.

Mastodon

Di Sab : Ayant adoré le dernier album de Mastodon tout en ayant la flemme de mettre 50 balles pour les voir en salle, j’ai conscience que la maigre heure du Hellfest ne sera pas un rattrapage digne de ce nom. Mastodon en festival n’a pas la meilleure des réputations. Un son trop souvent flottant et peu précis (ce qui ruine totalement l’expérience) et un choix de setlist pas toujours adapté au format.

En effet, alors que Mastodon a dans sa boîte à malice son lot de titres directs et de tubes bien adaptés quand ils n’ont pas deux heures devant eux, il est toujours assez dommage de les voir s’égarer et proposer une setlist vraiment pas exempte de toute critique. Cette fois ci, sur 12 titres, la moitié sont extraits du dernier album et ce, au détriment de Crack the Skye qui n’est pas représenté ce soir alors qu’un "Divination"passe toujours bien en live. À noter que rien ne vient d’Emperor of Sand non plus alors qu’un "Show Yourself" ou un "Steambreather" aurait été parfaitement bien intégré dans la setlist.

Au-delà de ça, l’absence de problème de son est vraiment salutaire, certains titres du dernier album sont vraiment géniaux à découvrir en live ("More than I Could Chew" et "Teardrinker" en particulier), Brann Dailor a toujours le meilleur cardio de la scène et surtout, Mastodon est le groupe qui a le mieux exploité les écrans de derrière. Impossible de détacher mon regard des créatures dessinées comme dans les dessins animés vintages qui se reconfigurent perpétuellement comme si l’écran était un kaléidoscope. Ce n’était pas nécessairement adapté au groupe mais le résultat est hypnotique. Scéniquement, tout tient la route, Brent Hinds se fend de son petit solo porté par la foule pendant que Troy Sanders met tout le monde d’accord sur le break de Blood and Thunder. Difficile de tirer une conclusion claire de ce moment : on se retrouve heureux de voir le groupe en forme et de constater que les nouveaux titres fonctionnent bien, mais le sentiment qu’il a manqué un petit quelque chose reste relativement prégnant. 

Baroness

Di Sab : À ce moment, on se dit qu’on ne peut pas vivre deux fois des moments de grâce. Qu’il y a des concerts qui ne sont pas reproductibles. En 2017, Baroness avait donné le concert du festival. Servis par un son parfait, les boys de Savannah avaient vraiment transmis, via les riffs, une foule de choses. De la fraîcheur, de la tristesse, beaucoup d’amour, de la légèreté, de la lourdeur. Trop pour notre cœur. 2022, la Valley est blindée et tout le monde attend sa deuxième dose, votre serviteur inclus. "Take my Bones away" débute et dès les premières notes, on sait que ça sera pareil et que celles et ceux qui ne sont pas sous la Valley auront tort. 

On peut penser ce qu’on veut de Baroness en studio. Certains sont sceptiques quant à leur trajectoire. On part d’un sludge doom « à la Mastodon » (sur l’album rouge) pour dériver vers des contrées toujours un peu plus pop, avec toujours un soupçon de prog pour épaissir le tout. En live, les contrastes sont magnifiquement rendus. "Isak" écrase tout le monde, "Shock me" fait décoller toute la Valley. Le charisme de Baizley est trop grand pour cette Valley, tout le monde sans exception lui mange dans la main. A l’instar de Mike Sheidt de Yob, il a également une façon extrêmement touchante de communiquer des choses très simples. Le public en a pu être témoin lors du fameux discours sur la pandémie (qui sera une marotte de ces week ends) où il ne nous explique rien de très compliqué : Baroness est heureux de pouvoir travailler de nouveau. Dieu sait que de notre côté, nous sommes heureux de les revoir.  À ne jamais rater, même si cela vous passe à côté en studio. 

Abbath

Michaël : Abbath, c'est un peu comme cette série vue et revue que tu mets en fond sonore quand tu cuisines, pour éviter le silence. T'y prêtes pas tellement attention ; on peut pas dire que tu passes un grand moment à regarder car c'est du déjà vu de l'espace ; mais t'arrives quand même à lâcher un sourire ou au moins un regard approbateur à certains moments. La plume est un peu acerbe car l'ami Abbath donne un peu le bâton pour se faire battre depuis des années. Mais on peut quand même admettre quelque chose : l'ambiance était bonne, Abbath est en grande forme (vocalement et sur scène - un "Dream cull"de folie, on doit l'admettre) et le son pas trop mauvais. Manifestement, les aficionados du groupe ont apprécié et on ne peut certainement pas leur en vouloir. On est juste trop vieux et trop blasé pour apprécier le bougre que l'on a beaucoup trop vu faire des pitreries sur scène, certainement.

Deftones

Di Sab : Le clash Deftones / Electric Wizard étant le pire du fest pour moi, jusqu’à la veille, je n’étais pas sûr de mon choix. Ayant vu X fois le sorcier électrique en live tout en ayant été déçu quasi à chaque fois, je décide de faire mon premier concert sur la Mainstage 1 du festival malgré un contexte relativement compliqué pour le groupe de Sacramento. Carpenter, antivax devant l’éternel est resté aux US car il ne peut pas voyager et récemment, Deftones a changé de bassiste supposément car ils ne voulaient pas embaucher de manière permanente Sergio Vega, leur bassiste en CDD depuis 10 ans.

Comme beaucoup de fois au cours de ce Hellfest, c’est franchement partagé que je ressors du concert des demi-Deftones.  Les Californiens ont bien compris le concept de festival et ont sorti une setlist best of avec des « raretés » que je n’aurais osé espérer ("Sextape" tout particulièrement). Chino Moreno est réputé pour ne pas délivrer des performances constantes, et Dieu sait qu’à Clisson, nous avons été gâtés de ce point de vue. Malheureusement tout cela a été contrasté par deux éléments fâcheux : Tout comme Slipknot, Deftones fait bien sentir aux deux remplaçants qu’ils n’ont pas le même statut que les trois permanents. Dans l’ombre, aucune light sur eux, pas de caméra qui les retransmettent, pas un regard de la part de Chino. Certains stagiaires sont mieux intégrés dans leurs boîtes. Enfin, tout a déjà été dit sur la dimension aléatoire du son des Mainstages. Pour Deftones, ce fut bien équilibré mais quel manque de puissance. Les titres les plus directs ("My Own Summer / 7 Words") ont fait office de pétard mouillé la faute à un vrai manque d’incisivité. Toute la dimension lascive du set, en revanche, a été sublimée par ce son légèrement vaporeux. Pas le pire concert de Deftones, pas le meilleur non plus, et probablement 3 crans au dessus d’un vieux "Funeralopolis" d’un Electric Wizard rincé. 

Volbeat

Michaël : Le show des Deftones a peine fini que l'attention se concentre alors sur la Mainstage 2 pour l'arrivée des Danois de Volbeat. Après une brève vidéo un peu kitsch reprenant des images de concert, le groupe démarre son concert sur "The devil's bleeding crown", qui est clairement le meilleur titre du groupe pour démarrer un set. Je suis bien content qu'ils y retournent après s'être hasardés à autre chose lors de la dernière tournée. Premier constat : le son est bon, les lights sont excellentes, l'utilisation des écrans est optimale et, surtout, on a ce soir le droit à un Michael Poulsen en forme qui n'oubliera même pas ses paroles ; une prouesse. Au programme, pas mal de titres du dernier (4) et de l'avant-dernier album (3) ; avec plus ou moins de réussite. De toute évidence, l'excellente "Shotgun blues", "Pelvis on fire" ou bien encore "Die to live" mettent le feu à la fosse et égayent le public, à grands renforts de saxophone et de piano pour cette dernière. C'est un peu moins le cas de "The Devil rages on" qui me laisse un peu de marbre, comme sur CD. Quoi qu'il en soit, si le groupe n'est pas le plus charismatique du monde sur scène, ni du reste hyper communiquant avec le public, le show est excellent. Comme précisé dans notre podcast, cette tranche de concert de nuit est souvent magique au Hellfest. Le son, l'ambiance qui rapproche d'un concert en salle, le fait que seuls des fans ou curieux ++ sont présents crée une atmosphère vraiment excellente. Un top de ce festival, à coup sûr. 

Suicidal Tendencies

Di Sab : On a beau traverser avec pas mal de difficultés le site, on reste tout de même en Californie pour Suicidal Tendencies. Comme beaucoup ici, j’ai une vraie tendresse pour Mike Muire, son crawl digne des meilleurs olympiens et ses discours interminables sur la vie. Sauf que là, vraiment, c’est trop, même pour moi. "You Can’t Bring me Down",le titre d’ouverture, a duré 15 minutes, les speechs sont plus longs que les titres et pas plus intelligents. J’ai ragequit après un "Send Your Money" poussif mais, par curiosité, je me suis infligé le reste en replay Arte. 1 heures 10 de show, 10 titres. On parle de crossover là, y’a la place pour en caler minimum 15, si Muire apprenait à la fermer un peu. Parmi ces 10 titres, une version partielle de "Cyco Vision" qui fait déjà moins de 3 minutes en studio ? On se moque de qui ?  Alors ok c’est pittoresque, ok ça fait toujours plaisir de voir ST faire monter des dizaines de personnes sur leur scène mais cette fois ci, la presta de Suicidal fut gênante, au bas mot.

*

 

Samedi 18 juin 2022 - Jour 2

Groupes évoqués : Duel Rectal Smegma | The Picturebooks | Frustration | Heaven Shall Burn | Pelican | Agnostic FrontSteel Panther | Ensiferum | Mono | Ghost Envy 

 

Duel

Di Sab : Au Hellfest, il y a une vraie place dans nos cœurs pour les groupes de 11h40. Le groupe qui te cueille au réveil et qui n’a qu’une maigre demi-heure de perf. En règle générale, ce n’est que rarement les meilleurs concerts, mais c’est, parfois, des instants frais et agréables qui préparent au mieux pour la suite. Et Duel, c’était exactement cela. Officiant dans un stoner hyper direct, qui lorgne vers le hard rock et qui rappelle nécessairement Orange Goblin ou Truckfighters, ils compensent leur manque d’originalité et leur trop grand académisme par une vraie qualité d’exécution et une joie extrêmement communicative.

Assez fan du deuxième album (Witchbanger), la setlist ne lui rend pas honneur malgré un "Devil" de circonstance. Les compos jouées sont moins catchys à part un "Fear of the Dead" final qui récolte une belle ambiance pour l’heure. C’est de loin mais avec intérêt que je regarde le tout. Globalement pas assez bien pour plaire à des non geeks, Duel reste une vraie valeur sûre de la scène et l’a montré aujourd’hui.

Rectal Smegma

Michaël : Pour continuer dans la légèreté, un petit détour par l'Altar pour se délecter du show de Rectal Smegma, groupe batave de grindcore. On se demande un peu ce qu'ils foutent sur cette scène. Un passage par la Warzone aurait certainement été plus judicieux. Quoi qu'il en soit, le fait de voir le groupe avec un immense pit photo, loin de la scène et face à un public semi amorphe fait un peu de peine à voir. Après tout, c'est une musique faite pour perdre son cerveau ; mission pas vraiment accomplie par nos joyeux lurons, donc.

The Picturebooks

Di Sab : Pas vraiment le même délire sous la Valley où The Picturebooks donne une belle leçon de présence scénique pour un duo. Le batteur est un peu fantasque, le guitariste/chanteur hyper expressif et le public clissonais leur mange assez rapidement dans la main, surtout lorsque les premières notes de "The Rabbit and the Wolf" résonnent. Portés par un son très correct en ce début de journée, le duo met tout ce petit monde à température. A l'issue du concert, on est pas tellement étonné de savoir que le groupe enflamme les salles d'Europe en première partie de Blues Pills avec son rock percutant. Décidément, la Valley aura été une belle expérience durant ce premier weekend.

Frustration

Mess : Face aux choix peu courageux d’une Warzone taillée pour les clients d’un punk perdant (ou ayant déjà totalement perdu) sans saveur comme les Toy Dolls, Guerilla Poubelle, Agnostic Front ou encore Anti-Flag, Horns Up a tout de même accordé sa clémence et sa présence au groupe le plus bouillant de cette journée : Frustration. Nos frenchies sillonnent les salles de France depuis de nombreuses années mais cette présence au Hellfest était un dépucelage pour eux. Comment ne pas résister à leurs synthés entêtants et à ce punk qui bastonne comme à la bonne vieille époque ? C’est simple, on ne résiste pas et on se laisse porter. Malheur à ceux qui n’étaient pas présents pour voir ça.

Heaven Shall Burn

Michaël : Il est 16h45, plus de 40 degrés au soleil, on est tous moites voire dégoulinants. C'est affreux. Et nos amis allemands de Heaven Shall Burn n'ont rien trouvé de mieux que de rajouter de la pyrotechnie sur scène et de nous balancer des vagues de chaleur régulières. Alors on leur pardonne car on aime beaucoup le groupe et que le death mélodique était clairement sous-représenté à ce Hellfest, mais c'était d'une violence inouïe pour notre épiderme de fragile. Pour le reste, rien que du très classique pour Heaven Shall Burn. Toujours le même décor façon GIGN, toujours plus ou moins la même setlist. Heureusement, Marcus Bischoff est toujours chaud, a fortiori depuis qu'il arbore sa belle crinière brune. Je n'irais pas jusque dire que c'est un groupe de festival, mais pas loin car c'est toujours la claque quand on les voit. Même si c'est toujours la même chose. Le Devildriver allemand ; mais en mieux.

Pelican

Di Sab Pelican était ma plus grosse attente de ce premier week end. A mon sens, il est assez difficile d’évoquer Pelican sans tomber dans des truismes. Plus qu’aucuns, ils arrivent à mettre en place cette contradiction inhérente au bon post metal : les riffs sont hyper heavy, mais par on ne sait quel procédé, ils t’élèvent plus qu’ils ne t’écrasent. Isis sont très forts pour cela également, mais la dimension instrumentale de Pelican accentue réellement cette sensation unique. What We All Come to Need m’a souvent servi de BO pour des voyages et c’est parfaitement statique et assez loin de la scène que je m’apprête à repartir ailleurs. La setlist est incroyable, nous n’aurions pas pu avoir mieux que Lathe Biosas pour rentrer directement dans le set. La retranscription est vraiment fidèle, il y a chez Pelican une espèce de grain sur les guitares qui épaissit le tout et rend le tout moins lisse et beaucoup plus intéressant et j’ai été ravi de le retrouver en live. Ce tableau quasi parfait est légèrement terni par une présence scénique assez moindre. Les musiciens exécutent, ils exécutent bien mais la vie sort de leurs amplificateurs. Ce n’est pas vraiment gênant, fermer les yeux n’a jamais été interdit.

Agnostic Front

Di Sab On a parlé plus tôt du groupe de 11h40, rendons justice à un nouveau « groupe de festival ». Comme son nom l’indique, il s’agit du groupe que tu vois UNIQUEMENT en festival. Alors qu’Agnostic Front est habitué à arpenter l’Europe, plutôt mourir que de mettre 30 balles pour les voir sur Paris. En revanche, à 17 heures quand il n’y a rien de mieux à faire, c’est demandeur que je me présente à la Warzone pour me prendre directement The Eliminator en pleine face. Agnostic Front fait partie de ces groupes qui n’ont pas sortis de bons albums depuis une éternité. Cependant, dans chaque nouvel album, il y a toujours un titre sympa qu’ils sélectionnent et jouent live. La setlist fait le grand écart entre vieillerie ("Crucified") et titres récents ("Only in America / My Life my way") et on se prend à connaître tout le set sans en avoir le moins du monde à foutre du groupe de Hardcore New Yorkais. En revanche, il est assez difficile de juger la prestation. Roger Miret sort d’un cancer, le fait de le voir sur scène est une victoire en soi mais on le sent un peu court sur certaines lignes de chant. Le son est assez flottant, similaire à celui des Mainstages et cela atténue grandement l’impact du show. Mais malgré un relatif désintérêt, on se prend à sourire quand "From the East Coast to the West Coast"résonne dans le ciel de Clisson. Pas incroyable mais difficile de résister pour autant.

Steel Panther

Michaël : Avec Steel Panther, on sait toujours à quoi s'attendre : le beaufomètre va crever le plafond. Mais cela fait partie de l'atmosphère festival et on s'en accommode volontiers. Les Américains n'ont pas raté leur coup, encore une fois, avec une imitation de Ozzy Osbourne bien comme il faut (pour une reprise de "Crazy Train") et une setlist taillée pour faire bouger le public, malgré la chaleur toujours aussi harassante. On ne sait pas s'il faut être admiratifs de types de 50 ans qui parlent de nichons all year long en collants moulants, mais probablement que si. Quand on sait que Satchel a cotoyé Paul Gilbert pendant des années, je suis toujours amusé de voir le cheminement de carrière de certains de ces gonzes. Mais pourquoi pas, après tout ! En tout cas, aucun doute sur le fait que "Asian Hooker", "Gloryhole" et "All I Wanna Do Is Fuck Myself Tonight" sont des valeurs sûres en festival pour un public toujours friand de cela, ou toujours aussi pervers.

Ensiferum

Michaël : L'heure est alors venue de se rendre vers la Temple pour assister à l'une des catastrophes du weekend : le show d'Ensiferum. On a dit à plusieurs reprises par le passé à quel point le groupe n'a jamais été grandiose en live, notamment en raison du fait que Petri est un plot sans émotion sur scène et que les autres membres - à l'exception du bassiste, Sami - ne sont pas davantage passionnants à voir évoluer. Tant que le son et la setlist sont bons, on parvient à trouver un peu de satisfaction par-ci par là. Mais tel ne fut pas le cas pour ce concert avec un des sons les plus affreux du weekend. Voix largement sous-mixées dans les premiers rangs puis basse surmixée sur les côtés. Une bouillie sonore comme on les aime, rendant indigeste une prestation du reste gâchée par des lights insipides. C'est dommage car même si la setlist était sans surprise (on a tout de même apprécié l'enchainement "From Afar /Lai Lai Hei"), le groupe a ratissé suffisamment large pour plaire à tout le monde. Et Pekka Montin est quand même un sacré ajout au groupe. Surtout, avec le nombre d'albums que le groupe se traîne aujourd'hui, il faut vraiment creuser pour trouver les concerts où ils ont proposé un peu de folie et des titres plus rares ; les Finlandais se bornent à jouer les mêmes titres en permanence et, pour un groupe qui tourne autant, cela finit nécessairement par lasser. Un flop, donc.

Ghost

Michaël : Naturellement, Ghost était attendu et se devait d'honorer son statut de tête d'affiche du samedi. Un son excellent, une scénographie toujours aussi millimétrée, une setlist assez classique avec tous les grands tubes du groupe qui étaient manifestement attendus par le public venu en masse ("From the Pinnacle to the Pit, "Ritual", "Year Zero", "Cirice"...)... mais rien n'y a fait. Ce fut chiant comme la pluie. Impossible de savoir si c'était le monde, la sorte de torpeur dont étaient pris les musiciens sur scène - et même Tobias -, ou bien encore tout simplement une journée trop éreintante sous le soleil. Rien n'y a fait. Du coup, à mi-course, on se laisse porter jusque la Valley où va se tenir l'un des shows du weekend : celui d'Envy. Et grand bien nous en a fait, puisque Ghost a finalement écourté son show car Tobias n'avait manifestement pas pris de Ricola.

Envy

Mess Tous les reports de l’édition 2019 du Hellfest vous le diront : Envy a survolé, cette année-là, le festival. Si le groupe y a déjà joué par plusieurs occasions dans le passé, jamais autant de bruit n’avait été produit pendant (sur scène) et après la prestation (dans les médias) des post-rockeux japonais sur la Valley, ce soir-là. C’est donc sans surprise que nous avons constaté une Valley largement bien plus garnie de curieux qu’en 2019. Un pari de reprogrammation osé et réussi alors que le set aurait pu souffrir d’un léger goût de déjà-vu pour ceux qui étaient déjà présents en 2019. Bon, effectivement, on ne va pas se mentir, la setlist a été simplement rebattue comme un paquet de cartes mais l’apport des titres de The Fallen Crimson (sorti en 2020) et la maîtrise absolue sur des morceaux comme "Footsteps In A Distance" ou "A Warm Room" ont un peu plus consolidé la place de choix d’Envy dans le coeur des fans et des curieux. Grâce à une prestation sur le fil du rasoir de la dépression et de la mélancolie et jouée par une entité unique dans la scène post-rock / screamo peu adepte des dates à l’étranger, on finirait presque par valider l’idée d’une résidence systématique et privilégiée du groupe au sein du festival, chaque année, histoire d’avoir la certitude d’obtenir son quota de purification émotionnelle. 

*

 

Dimanche 19 juin 2022 - Jour 3

Groupes évoqués : Vile Creature | Landmvrks | Ingested | Lacuna Coil| Jesus Piece | Twin Temple | Deez Nuts | Down | Dying Fetus | Korn | Judas Priest | Alcest | Gojira | Coroner | Running Wild 

 

Vile Creature

Di Sab Alors que Thou n’arriveront que le WE prochain, Vile Creature est le seul groupe de sludge du premier week end. Bien qu’assez loin de la crasse de la Nouvelle Orléans, le duo propose une réécriture moderne et pertinente du style. Alors que le sludge a, par nature, une dimension sociétale, et que les personnes transgenres sont une population particulièrement exposée à la violence, la proposition de Vile Creature fait totalement sens. Cri de rage envers l’indifférence et l’oppression coulé dans une chappe de riffs, le tout reste élégant et le groupe est, contrairement à sa musique, hyper affable. Ne connaissant que le dernier en date et sa pochette si particulière, je trouve la restitution live assez fidèle. Dans le sludge il y a souvent le risque d’avoir une espèce de haine un peu vide et Vile Creature réussit vraiment à esquiver cet écueil en proposant de belles ambiances malgré la lourdeur du propos.   Les petites incursions vers la noise rendent tout de même le tout assez difficile d’accès pour l’heure mais les personnes déjà présentes sous la Valley semblent conquises. En tout cas, ici c’est clairement validé.  

Landmvrks

Michaël : De bon matin, on court vers la Warzone pour voir une des "curiosités" du jour, à savoir les Marseillais de Landmvrks qui ne cesse de se créer un nom dans la scène metalcore française. Créé en 2014 et avec déjà trois albums au compteur, le groupe semble avoir fait un bond de popularité avec leur dernier album Lost in the Waves. Et ce Hellfest n'a fait que confirmer ce constat car c'est devant une warzone bien blindée malgré l'horaire que les Français débarquent sur scène. Trente petites minutes, sept titres, ça fait peu à se mettre sous la dent mais... les Marseillais ont bien cassé des bouches. Avec une rentrée dans le vif du sujet sur l'excellente "Lost in a wave" suivi de "Rainfall", le public de la Warzone semble avoir été conquis par ce metalcore teinté de hardcore mais toujours mélodique. Pas une grande surprise de les voir produire une si belle prestation - portée par un son vraiment très bon - mais plus une confirmation d'un statut grandissant, et mérité.

Ingested

Michaël : Sans trop savoir pourquoi, on est nombreux à être passés à côté d'Ingested au fil des années, alors même que le groupe existe depuis 2006. Alors certes, la musique du combo anglais n'est pas forcément ultra révolutionnaire sur CD, mais en live c'est manifestement une autre paire de manches. Au delà de Jason Evans qui ne cesse de se mouvoir dans tous les sens, le son est MASSIF. La double pédale vous décolle la plèvre dans les premiers rangs et on se surprend à se laisser porter par leurs riffs souvent syncopés, comme sur Rebirth, extrait de leur prochain album du même nom qui sortira à l'automne. Résolument un groupe sur lequel il faudra se pencher un peu plus.

Lacuna Coil

Michaël : Un petit tour sur la Mainstage pour Lacuna Coil. Et le groupe est exactement où on l'avait laissé ; c'est-à-dire nulle part. Rien ne va dans ce groupe. Les looks qui n'ont absolument rien à voir avec le style musical, c'est kitsch, ça sonne dégueulasse. Même avec toute la bonne volonté du monde, l'Italie montre encore un certain penchant pour le mauvais goît dans la scène metal. Et on a le droit de le dire car on a un Italien dans l'équipe et même lui est d'accord. Donc s'il y a des fans de Lacuna Coil qui se perdent sur ce live report, merci de nous indiquer ce qu'on rate sur ce groupe parce qu'on comprend pas.

Jesus Piece

Mess Célébrer la salade de patates, telle est la mission que réussit parfois la Warzone quand elle ne s’entête pas à nous offrir des journées punk avec cet éternel goût de déjà-vu autour d’un Circle Jerks lessivé ou d’un The Exploited péniblement anachronique. Jesus Piece est venu, s’est battu et a vaincu avec un set garanti sans pitié oscillant entre death metal et hardcore motorisés façon monster truck. Il fût néanmoins regrettable de ne pas ressentir en live tous les fins éléments industriels que les résidents de Philadelphie disséminent sur leurs albums. Les quelques rares samples entendus pendant le set ont sensiblement donné une atmosphère emplie de tension qui aurait mérité d’être proposée pendant l’intégralité du set. Qu’importe mon pinaillage pour quelques menus détails, Jesus Piece a tout de même réussi à rallumer cette petite flamme en moi qui ne s’était pas rallumée depuis le set de Code Orange sur la Warzone en 2015.

Twin Temple

Mess Je l’avoue, je prends le train en cours de voyage mais la destination Twin Temple me semble, comme bon nombre de mes comparses métalliques, la bonne direction d’un metal qui ne se présente pas comme une piètre excuse poncée pour jouer de la musique qui frappe fort mais qui, d’un contre-pied magistral, s’approprie à la perfection les codes culturels du metal pour offrir une toute nouvelle proposition musicale. Le Evil Doo Wop, il fallait y penser et il fût accueilli chaleureusement par les nombreux curieux présents sous la valley, cet après-midi là. Ensorcelée et ensorcelante, Alexandra James s’est payé notre totale attention grâce à une voix qui nous a rappelé les plus belles heures de notre planète lorsque Amy Winehouse était encore parmi nous. Costumes, backdrop, mise en scène, Twin Temple a déjà tout saisi de l’univers particulier dans lequel il s’inscrit et on espère fortement que le projet ne finira pas par tourner en rond. L’improvisation jazzy incroyable de fin de set laisse à penser que l’aventure Twin Temple peut encore dérouler beaucoup de choses intéressantes à l’avenir. Croisons fort les doigts pour eux et la fraîcheur qu’ils apportent sur la globosphère metal.

Deez Nuts

Michaël : Twin Temple terminé, on se balade à travers les scènes où l'on voit Jinjer retourner la Mainstage alors que c'est tout nul ; du coup on se pose au VIP jusqu'à ce que l'heure de Deez Nuts sonne. Pourquoi ? Parce que cette journée commençait à devenir un peu trop intelligente ! Donc allons faire les singes sur la Warzone devant le groupe le plus brainless de la journée. Si les titres un peu plus récent comme "Crooked Smile" font bien bouger le public, c'est quand les "tubes" du groupe résonnent que la Warzone se transforme en zoo de Beauval, rayon chimpanzés. "Your Mother Should've Swallowed You", "I Hustle Everyday", "Stay True" ou le final sur "Band Of Brothers" font leur petit effet, bien aidé par JJ Peters en mode zébulon sur scène qui passe son temps à taper des têtes débiles et à faire des gestes façon collégien. Tout ça n'a aucun putain de sens, mais c'est ce qui fait le charme du groupe. Clairement, on paierait pas 20 balles pour les voir en tête d'affiche, mais les rater en festival c'est prohibé par la convention de Genève.

Down

Di Sab Le climax sentimental est atteint alors que la fatigue de la fin du week end commence à se faire méchamment sentir. Alors que NOLA, au-delà de son statut culte, est un des albums qui m’a le plus marqué de ma vie, que "Stone The Crow" fut longtemps mon réveil sur téléphone, j’ai dû attendre 11 longues années avant de pouvoir revoir Down. En 2016, l’affaire du White Power et ses conséquences m’avaient fait penser qu’Anselmo ne remonterait jamais sur scène et que Down rejoindrait le cimetière des groupes dont le hiatus est à durée indéterminée.

Retour de Kirk Windstein (Crowbar), des livestreams pendant la période Covid d’excellente qualité, c’est bizarrement assez confiant que j’attends la prestation du plus célèbre groupe de cette scène néo-orléanaise. Tuons le suspens dans l’œuf, tout fut presque parfait. Alors que la voix d’Anselmo avait connu quelques errances ces dernières années, il semble avoir retrouvé réellement une seconde jeunesse. Le son était extrêmement limpide et les titres pouvaient se développer dans toute leur amplitude. Malgré la taille de la scène et le dépouillement du set up, le quatuor s’approprie vraiment bien l’espace. Pepper et Phil quadrillent les lieux, tout sourire là où Kirk est toujours un peu plus statique. On retrouve encore et toujours chez Down cette impression d’un groupe de potes qui jouent ensemble pour le plaisir. Les échanges de regard, la passation des instruments aux roadies à la fin de "Bury me in Smoke", le fait d’arriver sur scène en buvant une bière  tout renvoie l’idée qu’on est face à quatre copains qui font de la musique ensemble et c’est hyper agréable. On pourrait râler vaguement sur la setlist avec des choix discutables ("The Seed" à la place de "Temptation’s Wings" ou "Pillars of Eternity"), mais c’est dérisoire. Nous avons attendu longtemps, Down a donné beaucoup.

Dying Fetus

Michaël : C'est avec quelques minutes de retard que les Américains de Dying Fetus débarquent sur scène, devant une foule pas vraiment compacte. C'est la première surprise du jour car le groupe jouit quand meme d'une excellente réputation chez les puristes ; une nouvelle preuve du fait que les cool kids désertent le Hellfest ? Peut-être est-ce dû à la chaleur et à la flemme des gens de se déplacer ; ou alors est-ce tout simplement que c'est le groupe le plus relou du monde à regarder en live ? Forcément, quand t'es trois sur scène, c'est pas simple de donner de la dynamique. Mais quand en plus les trois ne bougent absolument pas et tirent des tronches pas possibles, c'est chaud. J'ai vu maintes fois le groupe en live, et John Gallagher n'a jamais été un bon client pour donner du dynamisme et encoire moins sourire. Les précédentes fois, j'ai malgré tout trouvé que le groupe compensait cette absence de mouvement par une certaine présence scénique, un bon son et un charisme indéniable. Rien de tout ça ce dimanche. Y-a manifestement quelqu'un qui a glissé un truc dans leur bière. Dommage car le son n'était pas si affreux et on a quand même pu faire craquer nos genous sur les classiques "Grotesque Impalement", "In the trenches", "Your Treachery Will Die With You" ou bien encore la ballade "Kill Your Mother, Rape Your Dog"venue clore le set. Mais tout cela laisse un goût bien amer pour un groupe que l'on aime pourtant à la folie. Un jour sans, pour les natifs du Maryland.

Korn

Mess C'est plus fort que moi : quand un groupe culte de la belle époque nu metal joue au Hellfest, je ne peux pas m'empêcher d'aller jeter un œil. Korn m’avait infligé une branlée intersidérale en 2016 (notamment grâce à une setlist best of solide sur ses appuis) et impossible de cacher mon excitation de les revoir. Mais 6 ans c’est long et mes craintes qui s’étaient évaporées en 2016 ont refait surface à cause d’une prestation bien peu convaincante. La faute à un son de basse tout sauf dans l’abus, si timide qu’on se demandait si le bassiste de remplacement avait été sommé, en coulisses, de se tenir à carreau pendant le concert pour ne pas faire de l’ombre au grand absent (excusé) de la soirée : Fieldy. Rajoutez des morceaux du nouvel album quelque peu bancals en live, un léger manque de voix pour Jonathan et vous obtenez un concert de Korn en demi-teinte.

Judas Priest

Di Sab A l’inverse de Down, je ne me suis pas avancé serein pour Judas Priest. L’accident de Faulkner, le move lunaire avec Sneap qui se fait virer avant de se faire réintégrer sec, Halford et son air malade, Tipton qui n’est plus en état de jouer, les funestes présages s’accumulaient. Rajouter à cela une scénographie type Travaux Publics que n’aurait pas renié Anne Hidalgo et j’ai eu l’orgueil de penser que "War Pigs" serait le meilleur moment du concert du Priest.

Sans pression, ils ont décidé de me faire taire en délivrant un show hyper nerveux. A l’instar du crâne de Rob Halford, pas un cheveu n’a dépassé. Setlist absolument parfaite avec une entrée sur "One Shot at the Glory", "The Sentinel" et "Turbo" qui arrivent vite dans le show et surtout, la meilleure reprise de tous les temps à savoir "The Green Manalishi" avant de se faire terminer par les indéboulonnables. Aucun solo interminable, peu de temps morts, Halford parfaitement juste, absolument rien à redire si ce n’est deux choses : j’ai toujours eu un peu de mal avec les frontmen qui changent sans cesse de tenue et doivent, de fait, aller en coulisses pour cela. Ca peut se justifier dans le cas d’Alice Cooper ou de King Diamond, quand c’est Priest, cela contraste avec la dimension sauvage du show. Seconde et dernière chose : alors que "Living After Midnight" clot le set, nous avons droit à une reproduction gonflable du taureau de la bourse de New York pour je ne sais quelle raison. De manière générale la scénographie était erratique mais ne boudons pas notre plaisir, peu de groupes donnent des concerts aussi pros après 50 ans de carrière. Chapeau.

Alcest

Mess En l'espace de deux heures et à moins de 20 mètres de distance, l'excellente French Cuisine fût à l'honneur. Après la prestation fiévreuse et résolument cold wave de notre cher Perturbator, c'était au tour d'Alcest de poser ses équipements sur la Temple curieusement vidée de sa population. La hype énorme de son dernier concert en 2017 ni même son excellent album Spiritual Instinct n'ont pas suffi à créer ce nouvel élan d'excitation pour le groupe le plus acclamé de la scène blackgaze (sûrement dû au fait que Judas Priest et Gojira s'enchaînaient sur les main stages pendant ce temps). Peu importe, une moitié de temple remplie n'a pas empêché Neige et ses acolytes de nous porter dans son superbe et habituel torrent de mélancolie maîtrisée et surtout gavée de reverb. Traversant sa discographie avec pas moins de 5 titres tous présents sur des albums différents du groupe, Neige a profité d'un son tout à fait convenable (ceci dit les fans de shoegaze ne sont jamais très exigeants) pour nous arracher le coeur avec un "Autre Temps" d'une douceur agréablement accueillie après ces jours de canicule franchement désagréables. Les chansons de Spiritual Instinct jouées en live possèdent ce petit bonus de lourdeur qu'on n'avait pas remarqué sur album mais on reste dubitatif sur la volonté de Neige à continuer de finir ses sets sur "Délivrance". Un petit rafraîchissement de fin de set ne serait pas de trop, surtout quand on connaît le potentiel de certaines chansons d'Alcest. Encore une lumineuse réussite pour les fondateurs du blackgaze.

Gojira

Michaël : 23h15, l'heure du gros morceau pour terminer ce weekend. Naturellement, une tête d'affiche comme Gojira ne fera jamais l'unanimité. Trop massif pour le public habituel des Mainstage, un peu chiant pour ceux qui préfèrent un Death metal plus "efficace" et j'en passe. Gojira c'est un son, une personnalité ; par conséquent, cela peut laisser du monde sur le carreau. Malgré tout, c'est devant une Mainstage 1 sacrément blindée que le groupe débarque sur scène. Et dès les premières notes de "Born for One Thing"on constate que le son est vraiment magistral, que les lights sont puissantes, que Mario a toujours 12 bras et 6 jambes façon Ganesh et que rien ne pourra nous flinguer ce concert. Si ce n'est la setlist pour ceux qui n'aiment pas Fortitude, le dernier bébé du groupe. Pas moins de 7 titres joués ("Amazonia" ; "Another World" ; "Born for One Thing" ; "Grind" ; "Hold On" ; "The Chant" et "New Found" - d'ailleurs jouée pour la première fois en live). Au fond, ce concert c'était une mise en avant du dernier album avec un best of des tubes du groupe pour le reste. Nécessairement, cela n'a pas plu à tout le monde ; on regrettera que plusieurs titres majeurs du groupe n'aient pas été joué. On pense notamment à "The Heaviest Matter of the Universe" ou bien encore "Toxic Garbage Island" ou "Only Pain".

Ne boudons toutefois pas notre plaisir. Non seulement Gojira a délivré un show d'une précision impressionnante tout du long des 1h30, mais c'est génial de pouvoir voir un groupe français clore en tant que tête d'affiche le Hellfest. La communication de Joe est restée assez minimale avec le public, la volonté de parler en Français ayant certainement êté contrecarrée par la volonté de conserver cet aspect monolithique de la performance et de ne pas perdre du temps en palabres. Bien aidé par une utilisation intelligente des écrans et un jeu de lumière habile, Gojira aura livré une masterclass ce soir. On en redemande.

Coroner

Di Sab : Alors que le gros des troupes est parti s’agglutiner devant Gojira, l’Altar semble bien vide pour la stature de Coroner. Mais les Suisses font contre mauvaise fortune bon cœur et "Golden Sleeper Cashmere Part 1" ouvre le set comme toujours et nous plonge directement dedans. Jamais trop technique mais toujours hyper froid, il y a chez Coroner quelque chose qui m’a toujours rappelé le milieu de la filmographie de Cronenberg. À la fois hyper viscéral avec toujours ce regard tourné vers une technologie qui questionne l’humain. En parallèle, à l’inverse d’un Triptykon, le groupe est hyper affable. Il est toujours assez amusant de voir un frontman qui blague sur le fait qu’ils pensaient qu’il n’y aurait personne (alors qu’il n’y a honnêtement pas foule non plus) avant de plonger son auditoire dans une forme de cauchemar industriel. La setlist fait la part belle à Mental Vortex tout en piochant dans tous les autres albums avec un final plus direct avec "Masked Jackal" et "Die by my hand". Au terme d’une heure bien dense, on se prend à penser qu’il était dommage que si peu aient bénéficié du set. Un groupe bon joueur (et bon tout court).

Running Wild

Di Sab : Malgré son statut culte, Running Wild fait partie de ces groupes, à l’instar de Savatage qu’il est difficile de voir ailleurs qu’en Allemagne. Pourtant leur speed metal hyper accrocheur a un fort potentiel pour s’exporter au-delà du Wacken. En revanche, pour moi, ce fut un peu le concert de trop. Pas mauvais en soi, loin de là mais le tout était assez peu vivant. Les tubes s’enchainent avec une entrée sur "Fistful of Dynamite" et un "Riding the Storm"qui fédère le parterre clairsemé, mais mon état ne me permet pas de me plonger totalement dans le set. Je reste pour chanter les chorus de "Bad to the Bones"avant de quitter temporairement Clisson. Pour mieux y retourner.

*

Nos remerciements au Hellfest et notamment à Roger pour l'accréditation et les conditions d'accueil.

Retrouvez par ailleurs toutes les photos de Michaël par ici.