Chronique Retour

Album

27 janvier 2017 - ZSK

The Great Old Ones

EOD - A Tale Of Dark Legacy

LabelSeason of Mist
stylePost-Black Metal Lovecraftien
formatAlbum
paysFrance
sortiejanvier 2017
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Iä, Iä, tout ça… Depuis ses débuts, le groupe bordelais The Great Old Ones a voué son œuvre à H.P. Lovecraft, à la manière de Summoning qui a dédié la quasi-intégralité de sa discographie à J.R.R. Tolkien et ses récits. Dans les deux cas, les illustres auteurs influencent textes et musique, pour former un tout. Et rien ne sert mieux un Metal lourd et ténébreux que l’œuvre de Lovecraft. Sulphur Aeon l’a bien compris, The Great Old Ones lui est allé un cran plus loin, et continue sortie après sortie à rendre hommage à l’écrivain horrifique. Après Tekeli-Li (2014) qui s’inspirait de la nouvelle « Les Montagnes Hallucinées », EOD - A Tale Of Dark Legacy se base sur « Le Cauchemar d’Innsmouth » (« The Shadow Over Innsmouth » en VO, que l’on retrouve d’ailleurs pour nommer un morceau), en osant d’ailleurs se poser comme une séquelle. N’étant pas un expert des textes de Lovecraft et ne disposant pas des paroles de ce 3ème album des Bordelais, je laisserai les amateurs apprécier l’effort. Toujours est-il que musicalement, The Great Old Ones a tout compris au concept de terreur et de tension résolument Lovecraftienne. On ne présente déjà plus leur son, Post-Black Metal grandiose et éthéré devant l’éternel, les succès de Al Azif (2012) et Tekeli-Li parlant pour lui. Passé des Acteurs de l’Ombre à Season of Mist, The Great Old Ones doit passer une étape, franchir un palier. Sans se révolutionner et en restant lui-même en toutes circonstances, avec les références à Lovecraft pour chaque parcelle de leur univers, The Great Old Ones évolue, tapi dans l’ombre pour mieux ressortir plus fort à la lumière.

Parti d’un Post-Black à trémolos, The Great Old Ones prend donc la forme d’une créature tentaculaire, en élargissant son spectre et ses capacités rythmiques. Tekeli-Li montrait déjà la voie et EOD - A Tale Of Dark Legacy est bien parti pour enfoncer le clou. Avec un son toujours aussi rocailleux et brumeux, difficile à aborder pour les oreilles impies, le groupe bordelais dévoile ici un Metal lovecraftien plus massif que jamais. La très courte introduction "Searching for R. Olmstead" laisse de suite place au mur du son proposé par "The Shadow Over Innsmouth". Les guitares cristallines sont toujours présentes mais laissent place à des rythmiques plus pesantes et cossues. « Monumental » est un adjectif qui sied bien à The Great Old Ones et il n’a jamais été aussi approprié qu’ici. Tourbillonnant et impressionnant, le Post-Black des Bordelais part ici dans une dimension encore plus sombre qu’auparavant, même si les leads sont toujours là pour essayer de nous extirper vers la lumière et rendre le propos un minimum épique et atmosphérique. Mais l’horreur lovecraftienne prend toujours le dessus, également matérialisée par les râles de Jeff et/ou Benjamin. On se rapprocherait presque, et justement, d’un Sulphur Aeon, mais à leur manière. Plus lourd et percutant sans renier ses particularités, The Great Old Ones surprend. Un effort très vite confirmé par "When the Stars Align", peut-être le premier « tube » de la carrière de The Great Old Ones du haut de sa durée relativement courte (même pas 5 minutes). Particulièrement efficace, le groupe semble être au meilleur de sa forme et de son inspiration, en livrant un morceau immédiat aux compos géniales, pour un ensemble définitivement grandiose que ça soit dans les purs riffs massifs ou les mélodies (même le chant est ultime en son genre). Et quoi qu’il fasse, The Great Old Ones sonnera toujours « Lovecraft » à chaque instant (Yog-Sothoth a droit de cité ici), ce qui lui confère une personnalité et une aura qui n’ont pas beaucoup d’équivalent en Metal extrême.

Mais chassez Cthulhu, il revient à R’lyeh, et ensuite EOD - A Tale Of Dark Legacy va retrouver des accents plus classiques même s’il est au bout l’album le plus massif et pesant de The Great Old Ones. "The Ritual" porte bien son nom et nous emmène dans une introspection Post-Black Metallique, avec de subtiles montées en puissance, des moments de trance blastées et chantées, avec des claviers pour soutenir l’ambiance plus lovecraftienne que jamais. Les trémolos recommencent à bien occuper l’espace même si The Great Old Ones flirte parfois avec le Black chaotique, en témoignent ces guitares bien hallucinées et apocalyptiques à partir de 5", vites contrastées par un break très éthéré. Ethérée, la musique des Bordelais l’est toujours, le très aéré "In Screams and Flames" est là pour le prouver, même si l’on frôle souvent le chaos riffique, et à force d’aller plus profond, Les Grands Anciens ont touché de près l’Enfer. Les 11 minutes très posées mais épiques de "Mare Infinitum" clôturent ce nouveau voyage dans l’univers lovecraftien mis en place par The Great Old Ones avec un final assez sublime. Le groupe Bordelais progresse à son rythme, changeant ses équilibres, livrant ici son album le plus frontal et le plus inspiré, toujours dans un Post-Black sombre dans l’essence musicale mais dont le résultat est souvent lumineux. Comme d’habitude, EOD - A Tale Of Dark Legacy est un album qui commence très bien avant de souffrir de quelques petites longueurs, aussi le groupe n’a pas encore pondu un chef-d’œuvre mais n’est pas loin de donner naissance à un véritable manifeste de Metal lovecraftien. Un peu différent de Al Azif et Tekeli-Li dans le sens où il est encore plus ténébreux et se concentre plus sur les rythmiques à de savants moments, EOD - A Tale Of Dark Legacy est un album assez monumental dans son approche, cela aurait d’ailleurs probablement donné quelque chose d’assez énorme si le groupe avait choisi de faire tout un album de la trempe de "The Shadows Over Innsmouth" et "When the Stars Align" plutôt que de rebasculer dans des schémas plus classiques ensuite. Je vous laisse seul juge de dire si EOD - A Tale Of Dark Legacy est le meilleur album de The Great Old Ones, dont la disco me semble finalement assez homogène avec des disques qui se complètent et s’équilibrent sur certains points, toujours est-il que ce 3ème full-length est leur œuvre la plus ambitieuse, à l’image du pari fait par le postulat de départ qui régit l’existence du groupe. Il ne reste donc plus qu’à The Great Old Ones à confirmer sa lente évolution pour accoucher de quelque chose qui ferait même pâlir Cthulhu. Iä, Iä, on a dit !

 

Tracklist de EOD - A Tale Of Dark Legacy :

1. Searching for R. Olmstead (0:25)
2. The Shadow Over Innsmouth (9:24)
3. When the Stars Align (4:48)
4. The Ritual (9:31)
5. Wanderings (1:15)
6. In Screams and Flames (7:50)
7. Mare Infinitum (10:55)

 

Les autres chroniques