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samedi 18 avril 2015

GODFLESH + VATICAN

L'Aéronef - Lille

AxHell

Cramé de musique depuis 15 ans / cinéphile / retrogamer / vieux con / hater notoire. Ah, et je bosse chez les fous. Je le deviens peut être, à force.



Il y a dans l’année certaines dates qu’il est de fort mauvais goût de rater. Qu’importe le jour du concert, la distance à parcourir où encore son prix, la présence semble obligatoire, car on sait que si l’évènement nous passe sous le nez, l’occasion de réitérer l’expérience risque d’être incertaine…
En effet, ce n’est pas tous les jours que GODFLESH vient traîner ses basques rouillées par chez nous, et c’est avec grand plaisir qu’on l’accueille ! Fort d’une reformation (plus si récente que ça d’ailleurs, le temps passe vite !), d’un single, d’un EP et d’un album sorti depuis (le bien nommé «  A World Lit Only By Fire »), l’hydre bicéphale anglaise compte bien rappeler à tout le monde qui est le patron, et sera accompagnée des français de VATICAN pour cette date à l’Aéronef !

On prend les mêmes et on recommence ! Même point de chute, même camarade, même trajet, même place bâtarde pour ma petite voiture qui se retrouvera une fois encore à dormir à la belle étoile (mais les tarifs de nuit du parking d’Euralille sont-ils intéressants ?) et toujours cette angoisse de la retrouver sur le dos à mon retour, haha !
Le temps d’investir les lieux, de commander la première bière (le rituel, on ne déconne pas avec ce putain de rituel !), de s’extasier une fois encore devant les Bagels et autres Burgers qui finiront un jour dans mon ventre à force de me faire autant de l’œil, de cloper à l’extérieur qu’il est déjà pile-poil l’heure d’assister au show. C’est là que mon travail d’écriture se corse.

Mea culpa, jamais je n’avais entendu parler des français de VATICAN jusqu’alors. Aucun souvenir d’un flyer les mentionnant, où d’un camarade m’en parlant en soirée (même si ma mémoire est ce qu’elle est dans ce genre de circonstances, haha). Et puis une énigmatique biographie s’est retrouvée visible sur le facebook officiel de l’évènement, opacifiant davantage le mystère autour de ce groupe qui s’est vu qualifié de « noise » sur le flyer. Ayant déjà été présent à quelques concerts bruitistes, je savais déjà que leur prestation serait tout sauf conventionnelle. J’étais encore très en deçà de la réalité…
Premier constat, le groupe n’est pas encore installé sur scène, mais un sympathique DJ est installé non loin avec son matos et nous inculque une leçon de groove en passant « Last Night A DJ Saved My Life » d’Indeep (ou était-ce la reprise de Madonna ? Elles sont tellement similaires !). Avouez que ce choix est quelque peu déstabilisant. La « puissance de la fonke », comme dirait notre bon vieux Terminator, héhé !
Le sample va progressivement se voir malmené… Quelques parasites, des retours avant/arrière viennent entacher l’écoute…ce sont bientôt des tintements de cloches et des chants religieux qui occupent le premier plan, changement d’ambiance… Le DJ entre en communication avec le public de sa voix chaleureuse, douce et d’un ton presque clérical. « Nous sommes tous VATICAN. Vous êtes VATICAN vous aussi ».
Et les autres membres arrivent. Chacun empoigne son instru, et le DJ quitte son poste pour officier en tant que chanteur, cette fois. Sympathique tablier Jupiler au passage.
La musique proposée par le groupe est extrêmement difficile à catégoriser, à ranger dans des petites cases… J’en veux pour preuve avec leur introduction à l’ossature instrumentale « rachitique » qui me fera immédiatement penser aux groupes de noise rock/hardcore que sont KEN MODE ou surtout BONE DANCE, pour rebondir sur un punk/hardcore diablement énergique sur-plombé (ceci est un jeu de mots) d’une voix gorgée d’écho, presque malfaisante, comme un GODFLESH qui reprendrait du SEX PISTOLS, pour bifurquer vers des passages rampants et précis carrément plus Sludge/Doom dans l’esprit qui iront taper droit dans mon petit cœur tout mou, pour (enfin) bifurquer dans le WTF complet avec un chant hyper grandiloquent et théâtral. Mention spéciale à ce frontman visiblement possédé par son art et qui n’hésite pas à en faire des caisses en gesticulant comme un damné et en prenant dans ses bras un bon tiers de la salle pour échanger les bisoux, voire lui passer le micro pour pousser une petite gueulante au choix. Le show terminé, il réintégrera son poste de DJ pour nous passer un « Angel Of Death » de qui vous savez sur ses platines. Cerise sur le gâteau.

L’étiquette « noise » qu’ils se trimbalent n’est à mon sens qu’un leurre. Amis curieux, penchez-vous sur ce groupe qui aura très certainement le mérite d’envoyer valser vos idées préconçues d’un bon coup de pied !

Je profite de l’entracte pour m’approcher tout naturellement des stands de merch. J’attaque par celui de GODFLESH qui sera enrichi d’une putain de distro vinyles qui me feront violemment de l’œil (j’y ai vu le tout premier album de NOCTURNUS en LP que j’aurai déjà acheté rien que pour la pochette si j’avais eu les ronds suffisants…) pour embrayer sur celui de VATICAN qui, non seulement de vendre des tee shirts ou des badges à son effigie, a carrément exposé des tableaux, des affiches et autres œuvres d’arts diverses représentant, entre autres, des collages où les hommes représentés semblent atrocement mutilés, recousus, patchworkés dans une iconographie religieuse où les nonnes ont des têtes de corbeau et où les insectes copulent ensemble… Un petit cadre en particulier attire mon attention. Il n’est pas à vendre mais je finis tout de même par l’acheter pour quelques euros (merci encore à toi, chère dame, et aussi pour le poster !). Typiquement le genre d’objet que je suis content de rembarquer chez moi, tiens !

Après quelques minutes d’attente, l’excitation monte car les membres de GODFLESH vont fouler les planches… Je ne suis ni un expert ni un fanatique inconditionnel du groupe de « base », mais je reconnais que leur son ainsi que leur univers bien particulier, pour ce que j’avais pu en entendre dans le passé, m’avaient bien retourné. Et pour cause, cela fait bien vingt-cinq ans que Justin Broadrick et son compère de toujours, Ben Green, terrorisent le paysage musical de leur metal lourd, massif et industriel, au point d’en devenir une véritable institution du genre et un vivier d’inspiration pour bon nombre de combos. Après un split douloureux et une reformation en 2009, l’hydre bicéphale renaît de ses cendres avec un single, un EP et un album sorti en 2014. Rien ne semble éteindre le feu qui dort dans les entrailles de la bête mécanique.
Déformation professionnelle, j’ai toujours l’habitude de tiquer contre les groupes utilisant une boîte à rythmes. Pas besoin d’être musicien pour comprendre que c’est une part de « groove » qui fout le camp, que la musique en devient moins organique, plus rugueuse… mais au final GODFLESH n’en à strictement rien à carrer. Pire, GODFLESH n’a pas « besoin » de tout ça, et je m’en rends immédiatement compte dès le premier morceau. J’associe assez tôt la musique des anglais avec l’image d’un char d’assaut poussiéreux (mais fonctionnel) qui, au ralenti, serait lâché dans la rue pour y écraser des piétons sans défense… Le son est énorme, lourd, suffocant. Chaque note jouée vient nous ensevelir la tronche six pieds sous terre en mid tempo. Les vociférations du chanteur, abrasives, revendicatives, économes en mots (presque punk dans l’idée) noyées dans les pédales d’effets accentuent cet effet d’oppression sonore. Les samples, essentiellement composés de superpositions vocales et/ou de loops, s’intègrent parfaitement à l’ensemble. Leur coté relativement « kitsch » me donne paradoxalement l’impression d’avoir affaire à quelque chose d’intemporel, à un groupe qui ne vieillira jamais. Le backdrop scénique est réduit à sa plus simple expression : un écran de rétro projecteur nous passera en boucle et au ralenti des visions de flammes, de ruines, d’androïdes et autres cyborgs en mouvement, de ferraille rouillée, bref de désolation. Les morceaux s’enchaînent pour une bonne heure et demie – peut-être plus, j’ai perdu toute notion du temps de set pour former un bloc homogène, compact. L’interaction avec le public, même si elle est présente, reste raisonnable, juste ce qu’il faut pour ne pas perdre le fil et oublier que c’est la guerre ce soir. Comme je l’ai dit plus haut, le temps semble s’être arrêté, tant la transe mécanique captive la foule (un bon 200 personnes ce soir). Le collègue a la bonne idée d’aller me chercher de la bibine tous les quarts d’heure, ce qui ne gâche rien.
C’est déjà l’heure du départ du groupe, puis de l’inévitable rappel, puis du silence. En deux mots comme en mille : la claque. Je suis désormais complètement converti aux sonorités rouillées et abrasives de GODFLESH. Chapeau bas, messieurs !

En résumé, encore une putain de date à l’Aéronef de Lille. Une agréable surprise avec VATICAN suivi du gros coup de massue qu’est GODFLESH. Je repars avec les oreilles qui bourdonnent (et elles bourdonneront encore autant le lendemain matin au taff) mais je suis plus que reconnaissant d’avoir été spectateur ce soir. Que la semaine commence bien !

Encore merci aux deux groupes pour leur prestation, à l'Aéronef pour cette programmation et pour l'accréditation, au collègue qui m'a acheté les bières, à celle qui tenait le merch pour Vatican et surtout à HORNS UP, qui rend tout cela possible !