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Album

20 décembre 2025 - ZSK

Health

Conflict DLC

LabelLoma Vista Recordings
styleMetal indus
formatAlbum
paysUSA
sortiedécembre 2025
La note de
ZSK
9/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

« On appelle ça « cum metal » parce que la musique est plutôt excitante, mais en même temps les paroles sont assez dépressives donc c’est bizarre… puis le bassiste aux cheveux longs là avec ses oreilles de chat il est plutôt bg même si c’est un gros gooner ». On ne va pas encore une fois chercher à comprendre la logique de l’art de Health mais plutôt faire comme toujours : se laisser porter par ses innombrables memes. Mais bien sûr, il faudra avoir un minimum de « refs » pour suivre (comme par exemple, reconnaître le générique de Neon Genesis : Evangelion, ce qui n’est pas forcément donné à tout le monde). Déjà, si on est pas g33k : pourquoi Conflict « DLC » ? Eh bien DLC, abréviation de « DownLoadable Content » désigne un contenu additionnel téléchargeable d’un jeu vidéo, généralement ajouté quelque temps après sa sortie initiale, ce qu’en français on appelle aussi « extension ». Je ne vais pas aller jusqu’à vous expliquer le principe d’un season pass sinon je vais perdre ceux qui honnissent l’univers du jeu vidéo – et encore estimez-vous heureux que ce n’est pas avec Health que je vais faire des références au foot. Donc Conflict DLC pourrait être considéré comme un addendum à Rat Wars, le cinquième album de Health sorti il y a deux ans (il est même présenté comme ses faces C et D), probablement un nouvel EP quoi. Eh bien… non, car les petits californiens rigolos nous ont encore pris par surprise. Révélé illico avec le single « Ordinary Loss » – morceau qui avait déjà été joué en Live notamment au dernier Rock in BourlonConflict DLC sera bel et bien un nouvel album complet de 12 pistes, sortant deux ans presque pile poil après Rat Wars et bien évidemment encore un jeudi parce que « feliz jueves », un MEGA jueves même. Un DLC gargantuesque qui sera donc presque un nouveau jeu… euh, un nouvel album, Health a vu les choses en grand et va faire plus ambitieux que les Blood and Wine, Phantom Liberty et autre Shadow of the Erdtree aux rangs des plus grands « DLC ».

« More bangers, more fun ». C’est ainsi que Health a présenté son Conflict DLC et il ne va pas y avoir tromperie sur la marchandise et downvoting sur la page Steam. Ce DLC ne va pas radicalement changer le gameplay et l’on se retrouve dans la pure continuité de Rat Wars. Health semble même affirmer clairement son identité, désormais. « Cum metal » si vous voulez mais le trio se range maintenant dans un domaine résolument metal indus, Conflict DLC étant davantage drivé par les riffs en se calant nettement sur des morceaux comme « Demigods », « Crack Metal » ou « DSM-V ». Deux conséquences : l’héritage noise des débuts, encore présent sur des pistes comme « Future of Hell » ou « Sicko » sur l’album précédent, a pour ainsi dire totalement disparu ; et on s’éloigne même finalement de l’ambiance qui avait été posée par Vol.4 :: Slaves of Fear, album qui restera unique et dont seule la vibe cyberpunk perdure encore. C’est que Health en deviendrait plus accessible, même s’il reste ici très « metal oriented » ce qui est un peu surprenant d’ailleurs, quand bien même quelques moments de l’album se révèleront plus feutrés et plus particuliers. Et toujours dans le paradoxe permanent qui oppose sa musique très « sérieuse » à son univers memesque provoquant l’hilarité devant la plupart de ses stories sur Instagram, les paroles de Jake sont ici plus mélancoliques que jamais, presque « émo » mais avec une pertinence souvent touchante (« Everyone that you love / They're here and then they're gone / And I'm the same » ; « Wish I'd never been born / I wouldn't worry so much » ; « You're dead, I'll be like you / You'll be like me, I'll be dead too » - pour ne citer que trois exemples). Et à musique sérieuse, production sérieuse et c’est ainsi que Health s’offre avec Conflict DLC sa meilleure sonorisation, parfaite pour ce metal indus souvent percutant, avec un mixage signé Drew Fulk (Knocked Loose) et Lars Stalfors (Yungblud, The Mars Volta…). Mais bon, c’est bien beau tout ça, mais ce Health en mode performance en 4K/60fps/ray-tracing, ça donne quoi manette en main ?

Eh bien, c’est une claque. De toute façon, « Ordinary Loss » qui se lance par la douce voix androgyno-robotique de Jake puis par des riffs implacables, donne le ton d’entrée. C’est le premier gros tube de l’album, au refrain fédérateur qui est peut-être déjà le meilleur de leur carrière d’ailleurs (« All there is is bad news / I know we'll be gone soon / Is it just another lie - or is this real life? »). Health est en forme de compétition e-sport et va enchaîner les brûlots dans un album plus metal que jamais. « Vibe Cop » est jouissif avec ses compos imprévisibles, livrant un final de folie qui s’emboîte parfaitement avec l’excellent « Trash Decade » qui bénéfice d’un délicieux touché cyberpunk – et un clip illustré par une référence pointue encore une fois. Si « Darkage » est plus éthéré et metal indus old-school, « Shred Envy » cartonne avec des riffs tranchants assez phénoménaux pour faire bien headbanger leur public de metalleux. Mais quel est le public exact de Health… on se pose toujours la question, lui de son côté assume fédérer autour d’une globalité de pop-culture et s’en félicite. Il y en aura donc pour « tous » les « goûts » et le côté le plus mélancolique de la musique de Health va aussi ressortir sur Conflict DLC entre deux sessions de riffs indus. « Antidote » et « You Died » seront donc deux morceaux nettement plus électro voire darkwave et même « pop » à leur manière, dans la lignée des « Unloved » et « Ashamed » mais poussant encore plus son côté « spleen devant son setup PC après être mort 60 fois dans un jeu FromSoftware ». C’est triste, très triste mais très beau aussi, et Jake en profite pour livrer une performance remarquable notamment sur les refrains, de quoi pleurer en relativisant plutôt que de balancer votre manette Elite à 180 balles dans le mur. Et tout l’art de Health finit par se diluer dans des morceaux plus trans-genres sans limites comme « Burn the Candles » qui témoigne encore d’un background electro-indus plus puriste ; ou sur le très épique « Don’t Kill Yourself » mariant des riffs blockbuster et une ambiance dépressive aux paroles trigger warning. Conflict DLC se finit même en apothéose par le magnifique « Wasted Years », générique de fin mélodieux qui a gardé le meilleur riff indus de l’album tout au bout du bout avant que le groupe ne quitte la scène sous les acclamations et les larmes du public, n’ayant pas compris s’il y allait y avoir un rappel ou pas à cause de l’accent californien à couper au couteau de Jake. On chipote ? Conflict DLC laisse un peu à penser comme Rat Wars que Health est dans sa zone de confort et n’en sortira probablement pas de sitôt, avec même un peu de redite ici et là (« Burn the Candles » qui rappelle « Hateful », « Darkage » qui rappelle « Demigods ») ou du léger déchet (« Thought Leader »). Mais le trio livre ici ses meilleures compos, des tubes encore meilleurs que ceux de Rat Wars, ses meilleurs refrains, des ambiances futuristes encore stupéfiantes, des vocaux émouvants, bref c’est pas juste un DLC c’est aussi un Hollow Knight : Silksong et remballez votre Expédition 33 là, c’est Health le GOTY. Et aimez-vous les uns les autres.

 

Tracklist de Conflict DLC :

1. Ordinary Loss (3:53)
2. Burn the Candles (3:14)
3. Vibe Cop (2:53)
4. Trash Decade (2:36)
5. Torture II (1:07)
6. Antidote (3:04)
7. Darkage (3:11)
8. Shred Envy (3:43)
9. You Died (3:24)
10. Thought Leader (3:22)
11. Don’t Kill Yourself (2:35)
12. Wasted Years (6:20)

 

 

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