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jeudi 11 décembre 2014

My Own Private Alaska + Maygar Posse

Ferrailleur - Nantes

U-Zine

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Il fait encore plein soleil sur le bord de l’Erdre quand les finlandais de Magyar Posse commencent à jouer. La salle est encore très clairsemée (malgré un retard sur l’horaire d’une bonne demi-heure, habitude chronique au Ferrailleur) et les finlandais distillent un set très honnête et psychédélique, qui aura le mérite de plaire aux plus barrés présent ce soir là. Etrange et réussi mix entre Pink Floyd, Radiohead, Indochine, Mogwai ou encore Ennio Morricone, ils propagent leur atmosphère très cinématographique à l’aide de riffs lents et répétitifs, très tournoyants et de synthé fortement mis en avant, à la Pink Floyd justement. On sent que les gars transpirent leur musique tant aucune surenchère n’est à déplorer, le chanteur (qui ne fera que quelques très courtes interventions, toujours hurlés et jamais à base de mots mais plutôt de syllabes, utilisant sa voix comme un instrument à part entière) claviériste évoquant parfois l’aspect autiste et possédé d’un Thom Yorke (Radiohead). S’il est difficile de départager les morceaux, le final de près de quinze minutes, avec les hurlements d’aliénés en guise de final en auront mis plus d’un sur le cul, votre serviteur y compris, le tout partant dans un chaos sonore absolument jouissif.

Un bon moment plus tard, changement de backline oblige, My Own Private Alaska s’empare de la scène. La salle est désormais bien plus pleine, et le rideau s’ouvre sur une première impression très bon enfant. Tristan est sur le tabouret réservé à Milka et ce dernier se trouve derrière le piano. Tristan prend la parole quelques instants, présentant le groupe (et oui, ces anticonformistes le présente avant de commencer et non à la fin, au cas où des personnes auraient l’idée étrange et malvenue de quitter le set avant le final) et invitant le public à venir discuter après le concert car « nous sommes des hommes avant des musiciens ».
Puis le moment fatidique arrive…les premières notes de piano résonnent dans la salle. Le son, à l’instar des finlandais, est superbement propre et, pour une fois, nullement trop fort. Milka se montre dès le début très impliqué dans le concert, monopolisant presque tout les regards sur lui, littéralement possédé, vivant ses textes, les hurlants, les interprétants, leur donnant simplement vie…d’une manière mille fois plus viscérale que sur disque (c’est dire). Mais s’il n’y avait que lui, Tristan est plus que déroutant derrière ses touches. Véritable virtuose maudit, il délivre une partition entre splendeur, décadence et feeling infiniment pur tout en étant d’une intensité laissant sans voix dans son jeu. Comme un aliéné, il martyrise ses touches, les regardant à peine, fixant l’horizon, son horizon interne et jouant ce que son cœur lui dit de jouer, ôtant la perfection du studio mais ajoutant toute la passion du live.

Yohan, derrière ses futs, s’évertue à déchirer ses peaux avec une détermination sans commune mesure. Loin de ses batteurs extrêmes sobres et stoïques, il frappe sa batterie jusqu’à ce que mort s’ensuive, l’homme ayant visiblement eu quelques soucis personnels dans sa journée, le concert devenant un exutoire (les hurlements qu’il sortira dans certains morceaux en témoigneront). Certains morceaux marqueront particulièrement ce soir là. « After You » et ses hurlements de souffrance incomparables, Milka se levant (lui qui est souvent décris comme un chanteur ne bougeant pas, il aura démontré le contraire ce soir là), se soumettant à toutes sortes de gestes plus ou moins obscènes et improvisés, enroulant le fil de son micro excessivement fort. Il aura fallu faire avec un « Die for Me » avec une partie de piano à vous déchirer les entrailles ou un sublime « Broken Army » à l’introduction mimé par les musiciens se frappant eux même la peau…

Décrire ce concert de manière exhaustive se voudra quasi impossible. Définitivement, MOPA est une expérience qui se vit mais qui, difficilement, se raconte. Les tripes se tordent, on se sent heureux d’être là tandis que toute notre souffrance nous remonte à la gueule. On hésite à pleurer ou simplement sourire, on se sent à peine maitre de nos émotions. Peu de monde aura headbanger ce soir là, MOPA est un voyage interne et personnel. Ce constat se révèlera criant de vérité sur un « I Am an Island » apocalyptique et purement démentiel. Milka devient en transe, il est assis, debout, à genoux, allongé, hurlant sa haine du monde et des autres, de nous et de lui-même dans un catharsis entre pitié et chaos. Terminant son périple sur la grosse caisse de la batterie, hurlant de manière effroyable « My…Own…Private…ALASKA !!!!! » qui m’aura personnellement retourné comme aucun groupe en live n’aura eu le loisir de le faire. Et que dire de Tristan, massacrant son piano, le frappant comme un fou, « comme s’il était ton pire ennemi » confiera-t-il quelques instants plus tard, les notes résonnant dans le Ferrailleur d’une manière solennelle et presque effroyable…encore…encore…puis la fin, Yohan hurle une dernière fois sa rage et défonce son kit d’un énorme coup de pied dans la caisse claire, le tout s’effondrant devant un public médusé. Rideau. Fin. Clap.

My Own Private Alaska a prouvé ce soir que si certains doutaient encore de leur sincérité, cette dernière était simplement leur unique leitmotiv. MOPA aura marqué les esprits. « Chaque concerts est différent ».
Celui de ce 17 mai était en tout cas proprement exceptionnel.