Chronique Retour

Album

09 décembre 2025 - Sleap

Colosseum

Chapter 1 : Delirium

LabelFiredoom
styleFuneral doom
formatAlbum
paysFinlande
sortienovembre 2007
La note de
Sleap
8/10


Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Ce n’est un secret pour personne, la Finlande est depuis toujours la terre promise du funeral doom. Même si des projets très novateurs émergent dès 1990 (on pense notamment aux Australiens de disembowelment), ce sont les Finlandais de Thergothon puis de Skepticism à qui on attribue le plus souvent la paternité du genre. Mais je ne sors pas de ma retraite chroniquienne pour dire des évidences. Si j’ai choisi d’aborder les moins emblématiques Colosseum, et leur premier effort Chapter I : Delirium, c’est parce qu’il s’agit là de ma toute première rencontre avec ce style musical. C’est en feuilletant mon Metallian vers 2007 ou 2008 que je tombe sur une pub pour cet album tout juste paru chez Firedoom. Je fonce alors sur Myspace pour en écouter un extrait. Ainsi, c’est avec le morceau « Corridors of Desolation » que je passe la porte (en l’occurrence, le couloir) d’un tout nouvel univers : le funeral doom…

Du haut de mes 14 ans, je n’ai encore jamais connu d’ambiance aussi sombre et sépulcrale. Un death doom ralenti à l’extrême et nimbé d’une tonalité mortuaire grâce à de nombreuses nappes de synthés. Je dis bien nappes et pas lignes car tout est ici atmosphérique et non pas mélodique. Dès l’ouverture de l’album sur « The Gate of Adar », je suis également frappé par les vocaux de Juhani Palomäki. Un growl d’une profondeur et d’une noirceur tout simplement abyssales ! C’est presque un instrument à part entière tant ces grondements lourds et puissants sont quasi omniprésents. Et, le tout sur des titres qui, pour la plupart, dépassent les dix minutes ! La production est d’ailleurs exemplaire, en particulier le son de batterie – chose assez importante dans le funeral doom. Loin des coups de tonnerre du jeu metal extrême habituel, ici le son des cymbales est très diffus. Leur écho s’estompe lentement comme la brume, en parfaite adéquation avec le style musical pratiqué. Une mise en boite orfévrie signée Olli Haaranen, second guitariste du groupe.

Lorsque j’y réfléchis, il ne pouvait y avoir de meilleure porte d’entrée vers le monde souterrain du funeral doom. En effet, à l’instar de ses compatriotes de Shape of Despair, Colosseum met un accent tout particulier sur les claviers. Contrairement à d’autres mastodontes du genre qui sonnent plus dépouillés, l’abondance de nappes de synthés rend le tout bien plus accessible pour un auditeur néophyte. C’est simple, les claviers sont presque plus en avant que les guitares ! Leur omniprésence confère ainsi aux morceaux ce côté perpétuellement éthéré ; cela sonnerait presque sympho par moments (toute proportion gardée, bien entendu). Et, je continue de penser que si j’avais été confronté en premier lieu à l’austérité d’un Thergothon ou d’un Evoken, je n’aurais pas eu le déclic tout de suite. Mais rassurez-vous, les guitares ne sont pas absentes pour autant. On peut citer « Weathered », dont la beauté macabre de la mélodie principale évoque un sentiment de fatalité, de fin inéluctable. Et, que dire de la complainte circulaire du morceau éponyme qui clôt l’album. Comme un retour au cauchemar du réel après un rêve fiévreux. La fin d’un délire. La fin d’un chapitre.

Bien qu’il ne soit pas un emblème du genre, ce Chapter I : Delirium reste à mes yeux un joyau. Je le hisse aisément parmi les meilleurs « debut albums » de funeral doom, aux côtés de Stormcrowfleet (Skepticism), O Solitude (Pantheist) ou The Call of the Wretched Sea (Ahab). Pour mon plus grand plaisir, Colosseum donnera suite à ce chapitre deux ans après, en 2009, avec l’exceptionnel Chapter II : Numquam, puis encore deux ans plus tard avec le posthume Chapter III : Parasomnia. Je dis bien posthume car le leader Juhani Palomäki se suicide en mai 2010 (sa mort étant vite éclipsée par celle de Ronnie James Dio la même semaine) et le groupe prend donc fin cette année-là. Mais ce chapitre final étant déjà en boîte, il parait en mars 2011 et clôt sur une note amèrement logique une trilogie mortuaire absolument parfaite. Colosseum restera pour Palomäki une œuvre testamentaire, au sens littéral, comme si les trois derniers chapitres de sa vie étaient écrits d’avance. On en revient à l’inéluctable que j’évoquais plus tôt. Et le fait d’avoir suivi ce projet du début à la fin est sûrement la raison pour laquelle il aura à ce point marqué mon adolescence, mais aussi mon parcours musical tout entier.

 

Tracklist :

1. The Gate of Adar
2. Corridors of Desolation
3. Weathered
4. Saturnine Vastness
5. Aesthetics of the Grotesque
6. Delirium