
Belzebong + Cerbère @ Paris
Backstage by the Mill - Paris
Entre 2010 et 2015, le stoner doom a connu une exposition médiatique importante qui a eu des conséquences durables sur notre présent. C’est à cette époque que beaucoup d’évènements et de labels qui structurent le genre ont vu le jour ; c’est à cette époque que certains groupes anciens ont pu récupérer une notoriété qui leur était due et c’est à cette époque que se sont fondés une pléthore de groupes qualitatifs, plus ou moins durables, plus ou moins célèbres, mais qui ont, à leur façon, rendu cette période si vivante et intéressante. Belzebong fait partie de ceux-là. N’écoutant plus aussi régulièrement que par le passé, ce concert me replonge, non sans plaisir, dans une époque un peu révolue faite d'insouciance et de joints mal roulés.
Cerbère
Mais avant que les Polonais n’entament leur set, ce sont les Parisiens de Cerbère qui ont la charge de chauffer un Backstage plus rempli que ce à quoi je m’attendais. La place étant relativement chère, le groupe en tête d'affiche plutôt confidentiel et le genre pas au meilleur de sa forme, c’est donc un vrai plaisir de voir le trio évoluer devant un parterre pas super compact, mais néanmoins, pas ridicule pour autant. Je les avais entendus de loin au Grand Paris Sludge en arrivant et ils m’avaient fait une très belle impression ; c’est désormais confirmé, Cerbère fait office de réelle promesse.
Ce soir, rien de superflu, un trio guitare/basse/batterie avec quelques vocaux en plus au service d’un doom/sludge très inspiré par Hell, Bongripper et Cough. Tout est fait pour mettre en valeur le dialogue entre le riff et la structure rythmique : pas de solo, du chant saturé, aucune fioriture. Ce doom qui lorgne vers la radicalité du metal extrême, par sa forme, n’a jamais été le plus populaire et le plus plébiscité, mais qu’il est agréable de voir certains irréductibles le pratiquer à ce niveau. Bien que le projet soit jeune, il a tout pour grandir et perdurer, tant les compositions sont solides (bien que tombant parfois dans la tentation de trop prolonger certains plans) et la direction artistique pertinente. Une vraie révélation qui est vouée à marquer durablement le paysage des musiques lourdes.

Belzebong
Il y a dix ans, je voyais Belzebong en salle pour la première et seule fois, sur une scène de 10 cm de haut, dans une espèce de hall de petite maison absolument pas aménagée pour cela. Pas de lights, chaque membre du groupe a coulé une douille avant le début du concert et la fumée était plus dense que la foule de laquelle elle émanait. Que reste-t-il de cette époque ? Alors que les projets de doom qui font l’actualité ont pour point commun un certain raffinement et une direction artistique subtile, quelle place y a-t-il en 2025 pour ce doom un peu bouffi, qui sent le renfermé, les fringues humides et la sueur ? Comment exister en tant que Belzebong au sein d’une époque dominée par les Messa et autres Faetooth ? Parce que ce soir, le public n’est pas non plus le même qu’il y a dix ans. Il a vieilli, comme moi, et en vieillissant, il s’est aussi forcément assagi et policé. Le lieu, avec ses deux vigiles successifs, n’est pas forcément adapté à la constitution d’un aquarium.
Et passé l’amertume de se retrouver dans un cadre plus professionnel, de voir le concert en sortant du travail plutôt qu’en tant qu’étudiant et en ayant arrêté le THC, le moment fut vraiment agréable. Alors ok, la musique de Belzebong suit un cahier des charges assez précis, à base de samples, de boucles de riffs aux extrémités des morceaux avec un milieu un peu plus libre, ok tout se ressemble un peu et formellement, cela reste de la musique pour gros débiles un peu nerdy. Mais, avec un peu de recul, il y a de vraies aspérités et une vraie originalité dans ce que propose le groupe. Sur les quatre membres, trois portaient des t-shirts de metal extrême, et cette façon de riffer avec les notes qui raclent le fond des temps se retrouve assez régulièrement dans le death un peu marécageux à la Obituary. Sans verser dans le doom death, Belzebong arrive à incorporer des éléments extrêmes à sa manière. Scéniquement, on peut constater une vraie présence. Ce qui est d’autant plus surprenant et agréable considérant que Belzebong fait de la musique instrumentale. Cependant, les quelques mouvements synchronisés ainsi que la façon très démonstrative qu'a un des guitaristes de bouger rendent le concert assez dynamique visuellement. La setlist se concentre sur le classique Sonic Scape & Weedy Grooves tout en continuant de faire l’impasse sur le meilleur titre de l'album, à savoir « Acid Funeral ». Cependant, difficile de ne pas trouver le set hyper efficace. Je n’avais pas écouté les titres depuis plusieurs années et pourtant, je les avais tous en tête dès le premier riff, preuve que la dimension un peu goofy et basique de la musique de Belzebong n’occulte pas un réel talent de composition.

Y allant un peu par pure nostalgie et n’étant pas sûr de trouver un réel intérêt à ce concert avant d’entrer au Backstage, tant mes préoccupations esthétiques ont évolué, ainsi que le contexte, je me suis vraiment fait agréablement surprendre par les Polonais. Étonnamment, le propos a plutôt bien vieilli malgré toute la dimension un peu potache du propos et une musique enfermée dans des carcans esthétiques un peu serrés. Si vous n’êtes pas rétif au doom un peu concon, Belzebong reste une valeur assez sûre et continue son chemin là où tant d’autres ont abandonné une fois la hype pour le doom retombée.

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Un grand merci à Garmonbozia pour l'invitation et à Cropuscule pour les photos.









