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jeudi 9 novembre 2023

Sigh + Laster @ Backstage by the Mill

Backstage by the Mill - Paris

S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

En ce lundi 6 novembre de l'an de grâce 2023, Sigh pose pour la première fois ses valises à Paris dans le cadre de sa tournée célébrant les trente ans de Scorn Defeat, son premier album. C'est donc une soirée au goût d'exceptionnel qu'abrite le Backstage by the Mill, proposée par les immanquables Garmonbozia.

Ce sont les Néerlandais de Laster qui ouvrent cette soirée, avec un début de set à... 19h30. Autrement dit, je n'attrappe que les trois derniers titres de leur prestation et c'est un peu sans regret tant les conditions pour découvrir ce groupe ne sont pas optimales. Alors qu'ils ont déjà une discographie relativement conséquente (quatre albums, un split et un EP depuis 2012), je n'avais jamais posé une oreille sur le projet. Et ce premier contact ne s'est pas fait de la meilleure des manières : un déficit de puissance sonore de la guitare ne laissait audible que la section rythmique et le chant, donnant l'impression d'avoir des titres très monotones. Pour les besoins de cet article, je suis allé écouter un peu leurs travaux studio et, miracle, il y a en fait bien de la guitare, assez étrangement amenée mais intéressante. Derrière les demi-crânes alienoïdes qui masquent leurs visages (les cagoules c'est trop commun), les musiciens se donnent sur scène mais leur son un peu saboté ne premet pas de profiter de leur post-black metal assez singulier. On aura en revanche pu profiter d'une basse bien ronflante, ce qui n'est pas souvent le cas dans le black metal. Dommage pour les riffs...

 

Il aura donc fallu plus de trente ans de carrière pour que les maîtres du black metal japonais foulent les planches d'une salle parisienne. Et quand je dis les maîtres, je pense davatage LE maître, le grand Mirai, tête pensante et seul membre permanent à travers les époques. Avant d'entrer plus en détail dans le déroulement du concert, deux points négatifs à souligner d'entrée de jeu. Le premier, concerne la formation sur scène. J'imagine que c'est lié à des contraintes budgétaires et logistiques (organiser une tournée européenne en venant du Japon doit relever du défi, surtout ces dernières années), mais Mirai, qui tient la basse, n'est entouré que de deux compères : Nozomu Wakai à la guitare et aux choeurs et Tomotaka Ishikawa à la batterie. Tout le reste de l'artillerie Sigh, le sax, la flûte, les claviers, les milliards et milliards d'arrangements seront balancés en sample (pour un résultat correct, j'y reviendrai). Un poil frustrant mais comme je l'ai dit, compréhensible vu la conjoncture. Ce qui est en revanche nettement plus regrettable, c'est le très (très très) fort soupçon que j'ai eu tout au long du set que Nozomu Wakai chantait tout simplement en playback. Alors oui, maîtriser les parties guitares de Sigh en chantant par-dessus est un gros défi, mais j'aime pas trop qu'on se foute de moi en plaçant devant un type un micro débranché.

Ces deux bémols, assez conséquents, posés sur la table, force est de constater que Sigh a proposé une prestation affriolante ce soir. Si la tournée célèbre les trente ans deScorn Defeat, il ne sera pas question de jouer l'album en entier : Mirai a un petit dernier à défendre, Shiki. C'est donc « Kuroi Kage » qui ouvre les hostilités et de suite l'étrange folie qui caractérise l'approche musicale de Sigh se diffuse dans la salle. Même les arrangements passent par les samples, ils ne sont pas noyés dans le mix, un dosage loin d'être facile. On perd seulement en précision lorsque la grosse caisse un poil trop trigguée s'énerve un peu niveau vitesse. Si on aura le droit à trois morceaux de Scorn Defeat (« A Victory of Dakini », « Gundali » et « Ready for the Final War »), c'est presque toute la discographie du groupe qui sera passée en revue avec à chaque fois les tubes des différents albums. On alterne entre des morceaux mid-tempo et un peu rugueux et les envolées véloces et épiques (« Corpsecry-Angelfall », « The Transfiguration Fear »). En milieu de set, Mirai nous dit, en français et à regret, qu'il n'a pas le droit de s'amuser avec les éléments pyrotechniques prévus. C'est d'ailleurs lui qui fixera mon attention toute la soirée, absolument classieux dans son kimono et totalement habité lorsqu'il déclame ses textes avec sa scansion si particulière. Et en fin de set, juste après un « Me-Devil » totalement fou, le grand maître nous annonce que, comme nous avons été privés des jeux de feu, on a le droit à un petit bonus. Et là démarre la tronçonneuse la plus célèbre du metal avant que les premières notes diaboliques de « Black Metal » de Venom ne rendent le public (acquis à la cause du groupe depuis le début) frappadingue et qu'un joli et joyeux pit ne se forme.

Même si en terme de dispositif et de line-up Sigh ne partait pas gagnant, Mirai et ses compères sont parvenus à transporter le Backstage dans cet univers si étrange et fascinant qu'est leur musique. Entre folie pure et folie douce, agression et accélérations impromptues, ruptures stylistiques en tout genre et assemblages infernaux, Sigh nous a fait traverser trente années de dévotion à un art qui s'est au fil du temps enrichi.

Setlist de Sigh :
1. Kuroi Kage
2.The Transfiguration Fear
3.Hail Horror Hail
4.Shikigami
5.Shingontachikawa
6.Mayonaka No Kaii
7.Satsui - Geshi no Ato
8.Gundali
9.A Victory of Dakini
10.Ready for the Final War
11.Corpsecry - Angelfall
12.The Soul Grave
13.Introitus/Kyrie
14.Me-Devil
15.Black Metal (Venom cover)

 
  Un grand merci à Garmonbozia pour cette soirée !