
Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.
On vous parlait il y a un peu plus d'un an de The Kingdom Is Ours, album collaboratif dans lequel Erang avait invité presque toute la scène dungeon synth (et sous-genres affiliés) à prêter la main. Avec Tome Zero, sorti le 2 octobre dernier, Erang prend le contre-pied de sa dernière démarche pour tâcher d’opérer un retour aux sources intimiste et personnel.
Le multi-instrumentiste le dit clairement : au moment de composer et de sortir cet album, il ne va pas très bien, et ressent, de son propre aveu, « un grand vide existentiel, qui [l]’a toujours habité, mais qui s’accentue à mesure que le monde avance vers un avenir plutôt sombre. » Produire de la musique semble être pour lui une activité cathartique et libératoire, et visiblement ça lui fait du bien.
Cette catharsis passe par l’exploration de sonorités nouvelles, dans la discographie d’Erang du moins. Les synthés se font par moments plus électroniques (« Feelings While the World Ends », « Frumenty »), trahissant le faible – jamais dissimulé, il est vrai – de l’artiste pour Boards Of Canada, LORN, ou encore Oneohtrix Point Never. Le spectre d’Ulver n’est également jamais loin, de l’aveu d’Erang lui-même une fois de plus, et comment pourrait-il en être autrement ? Je ne connais pas grand-monde qui a su articuler si bien, ces vingt-cinq dernières années, le côté introspectif de la musique électronique avec la puissance évocatrice du black metal. On n’avait d’ailleurs pas entendu une track si vibrante de black metal chez Erang depuis longtemps, avec ce « Specter of the Iron Path ». D'ailleurs, la dungeon synth a toujours eu un potentiel intimiste fort, et Erang le démontre à nouveau avec « Death of a Parent », où un texte en français vient dire les mots du deuil, du manque et de l’absence.
La dungeon synth de l'anonyme comble finalement assez bien le delta qui sépare la fiction totale de la « Terre des 5 Saisons », l’univers que construit Erang depuis des années, et le réel mortifère qui nourrit chaque instant la dépression collective. « Pas du tout imperméable au réel ni aux autres », Erang s’intéresse « beaucoup à l’actualité du monde qui [l’]entoure ». On sent poindre dans Tome Zero la peur des désastres écologiques, de la guerre, de la misère, et puis aussi peut-être le souvenir poignant d’un passé pas si lointain où pas mal de choses allaient mieux. « Spoken Bones » fait écho à « Silent Bones », titre issu du superbe Within the Land of My Imagination, de même que « Specter of the Iron Path » est pensé comme une suite à « Funeral for Erang ». Et puis, de manière évidente, Tome Zero vient boucler une boucle entamée avec Tome I, premier full-length du projet, sorti en 2012.
Finalement, Erang continue de construire, avec sa musique, un système référentiel et auto-référentiel total, où tout se justifie, comme si la cohérence de la fiction était le seul moyen de produire du sens dans un réel où l'on se perd sans cesse.
Tracklist :
1. Feelings While the World Ends (04:05)
2. Godless Behavior (02:24)
3. The Sound of My Beating Heart (02:21)
4. Frumenty (02:15)
5. Spoken Bones (04:03)
6. Three Candles in the Castle (02:57)
7. Specter of the Iron Path (02:23)
9. La mort d'un parent (Death of a Parent) (02:50)
10. When Your Life Is a Jail the Key Is Your Minde (02:33)
11. The Last Child on Earth (04:56)















