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vendredi 24 octobre 2025

Dark Dungeon Festival 2025

Château de l'Avouerie - Anthisnes

Matthias

Punkach' renégat hellénophile.

Le dungeon synth continue à croître en popularité, d'une manière aussi rapide qu'inattendue, avec de nouveaux événements dédiés qui éclosent un peu partout. Mais en Europe du moins, c'est ici que tout a commencé ; le Château de l'Avouerie d'Anthisnes, demeure de pierres qui surplombe les méandres de l'Ourthe, dans une région de Belgique qui fait mentir l'appellation de Plat Pays. Depuis sa première édition en 2023, le Dark Dungeon Festival a offert son cadre exceptionnel aux premières prestations en live de nombreux claviéristes des profondeurs. L'édifice a dû être rénové, toutefois, ce qui a décalé cette édition d'une petite année, et aussi bousculé sa promotion ; le festival n'a été confirmé que fin août, avec une affiche qui n'a été révélée que progressivement après la mise en vente des tickets. Pas forcément l'idéal, pour rameuter le ban et l'arrière-ban des fans de dungeon synth et organiser une transhumance vers l'ancienne principauté des princes-évêques. Mais voici que s'ouvrent les portes du donjon...

Vendredi 10 octobre

Groupes évoqués : Dragon Mastery | Fragmented Memories | Seregost | Skhemty | A Spell Enraged |

Les vieilles pierres ont souvent le bon goût de rester en place, et l'aménagement a peu changé depuis mon passage lors de la première édition. Le rez-de-chaussée accueille les labels et les artistes, tandis qu'un escalier de bois massif mène à la grande-salle, qui se divise entre un espace bar parsemé de quelques tables, et la scène proprement dite. On remarquera juste que la boutique officielle du musée de l'Avouerie, où je vais vite me réapprovisionner en épices anciennes, a déménagé. L'ancien espace qu'elle occupait accueille pour l'occasion une tatoueuse, Judith de Lotharingie, venue vendre ses illustrations et encrer quelques épidermes dans une arrière-salle prévue pour l'occasion.

Dragon Mastery

L'artiste néerlandais qui officie sous le nom de Vetus Supulcrum a l'honneur d'ouvrir le festival. Sans s'encombrer de décorum, il s'installe à ses claviers et nous embarque dans une aventure pleine de majesté, de fureur et de sauriens antédiluviens qui fait son petit effet. Dragon Mastery professe un fantastique certes classique, mais toujours efficace pour nous mettre dans l'ambiance de ce qui va suivre durant le week-end, et le musicien n'est pas le dernier à s'envoler avec ses arpèges. C'est peut-être un peu sobre dans l'exécution, mais tous les claviéristes ne sont pas obligés d'associer l'image à la musique.

Fragmented Memories

Venu des Pays-Bas également, Fragmented Memories fonctionne en duo, avec une dame en cape de velours rouge qui officie sur un clavier décoré de tulle de la même couleur, et une goule au masque scintillant aux percussions. La musique s'aventure cette fois-ci vers quelque chose de plus éthéré, plus romantique même, comme un conte qui mettrait en scène ce vieux cimetière mousseux perdu dans dans un automne victorien. C'est très mélancolique, on s'en doute, et le décorum ne suffira pas à prévenir une petite baisse de rythme durant le set, mais Fragmented Memories garde à son crédit un véritable travail de scénographie. La goule scintillante sort de sa cape un petit sac de petites lumières (à piles ; ce ne sont pas des vraies lucioles, sans vouloir saborder l'immersion) et descend les distribuer dans le public. Une petite touche qui a un charme certain, et que rend possible le cadre restreint de l'avouerie.

Seregost

Les premiers accords suffisent à faire comprendre que la mélancolie, ça n'est guère le fond de commerce de Seregost. Bardé de cuir et de clous, un grand barbare nous toise sous sa capuche ; en guise de hache, il manie un keytar dont le manche s'orne de chaînes et d'une tête de mort. Tout chez Seregost nous renvoie vers des œuvres de Sword&Sorcery âpres à souhait, où le sort d'un être, d'une cité ou du monde se décide à la force des bras. Juché comme un pilier au milieu d'une scène dépouillée, le claviériste parvient sans peine à capter toute l'attention avant de l'envoyer à l'assaut. Certes, on note qu'il doit s'aider de quelques samples, en particulier pour les chœurs, mais fichtre, car son « seul-en-scène » prend vite des proportions véritablement épiques. Surtout, notre héros, biclassé barbare et ménestrel, s'avère à fond dans sa prestation ; il grogne et il éructe, et c'est pour le moins communicatif ; Seregost nous offre ici le premier véritable concert de bruit et de fureur du festival, et conjure sans difficulté le spectre de Robert E. Howard.

Skhemty

Tous les geeks, je pense, ont eu durant leur enfance une période de fascination pour l’Égypte ancienne ; visiblement, Skhemty n'a jamais arrêté – le nom même du projet est une référence à la fameuse couronne Pschent, portée par les pharaons comme symbole de domination sur la haute et la basse-Égypte. Le Français nous emmène dans un long périple à travers les temples maudits et les mystères des pyramides, dans les traces d'Ozymandias et d'Howard Carter. J'avais déjà tendu l'oreille vers « Hidden Treasures of Egypt », et j'avais trouvé une certaine efficacité à cet album sorti en décembre dernier. L'avantage du thème égyptien étant que nous avons tous un film, un jeu vidéo ou une bande dessinée à laquelle nous accrocher pour entamer notre voyage intérieur. En ajoutant quelques volutes d'encens, un peu de déco' et de fumée (la machine s'avérera capricieuse durant tout le festival), Skhemty transforme aisément l'essai en live. D'autant qu'il bénéficie de quelques renforts inattendus, comme Tristan Feilla d' Elyvilon qui l'accompagne à la clarinette le temps d'un morceau.

Alors que l'on vogue tous au rythme des eaux du Nil et des sonorités orientalisantes, Skhemty nous prend finalement par surprise avec deux percussionnistes et un changement de décor, et enchaîne sur quelques compositions de Balrog, autre projet de synth qu'il avait apparemment mis en pause depuis quelques années, et qui va bénéficier d'une réédition. Un concert bonus à l'affiche, en quelques sortes, qui ne manque ni de panache ni de puissance et qui obtiendra un véritable tonnerre d'applaudissements.

A Spell Enraged

La première édition du Dark Dungeon Festival avait fait fort en accueillant à la fois Depressive Silence et Mightiest, « l'autre » groupe d'une bonne partie des membres du projet DS allemand, pour un warm-up black metal. Cette fois-ci, c'est un autre groupe d'Olli, le chanteur de Mightiest, qui vient clore la première journée, et si A Spell Enraged reste encore assimilable au dungeon synth, son registre tire quand même fort vers le shock rock et le metal gothique. Un détour par les toilettes m'apprend que le groupe ouvrira prochainement pour The Vision Bleak, et ça me semble une bonne idée. Ce soir, toutefois, la magie prend moins. Olli débarque en cosplay d'Andrew Ryan et parle, beaucoup et longuement, d'expériences ésotériques dans une ambiance très décadente-tournant de siècle.

Alors certes, il est desservi par quelques soucis techniques, mais ses discours grandiloquents de Monsieur Loyal tombent quelque peu à plat, sur une si petite scène noyée par ses décors, tandis que ses musiciens, grimés jusqu'aux sourcils, n'ont pas l'air fort concernés. Chaque morceau est une scénette inspirée de récits d'horreur d’antan, illustrée par un couple que je suspecte d'être les grands ados du chanteur, pourquoi pas, mais là aussi, l'exécution souffre de longueurs accentuées par l'aspect intimiste des lieux. Dommage, et peut-être à revoir dans un autre contexte ; il faut dire que la musique horrifique a toujours été une alchimie complexe.

Samedi 11 octobre

Groupes évoqués : The Wanderer | SvampPrinsen | Anglachel | Cave Spellcaster | Arcana Liturgia | Silencio Permanente | Valen | Wraith Knight | Elyvilon

Il est temps d'évoquer l'accueil, et si les fondamentaux restent les mêmes – on sent que l'équipe est rodée – le menu a changé. Le festival propose un joli assortiment de petits plats mijotés (chili con y sin carne, poulet à l'estragon) et de burgers, bien que la version vegan au fruit du jacquier sera un peu trop vite plébiscitée. Le tout s'arrose avec de l'hydromel, les produits de la brasserie Minne, en particulier sa très pintable Super Sanglier, ou encore un café correct. Le dernier accompagnant d'ailleurs très bien les gaufres de Liège et surtout les lacquemants, une spécialité ultra-locale qu'on sert d'habitude sur les fêtes foraines. Disons qu'il s'agit d'une sorte de gaufrette fourrée similaire aux stroopwafels des Bataves, mais qui baigne dans un sirop de sucre candi parfumé à la fleur d'oranger. Je veux bien reconnaître un certain manque d'élégance à la gastronomie de mon pays, mais qui désire mourir heureux se doit de goûter les lacquemants.

The Wanderer

Mais je m'égare, et l'aventure n'attend pas. Car c'est un véritable voyage par la musique, que nous a préparés le Britannique, mais également par la plume. Alors qu'il nous joue son dernier album, Journeys in the New North, chaque morceau ouvre un nouveau chapitre vers l'une des mésaventures du Wanderer éponyme, personnage libre et sans attache qui arpente le monde du compositeur. Une histoire dont on peut suivre le texte sur l'écran disposé derrière la scène, qui s'agrémente également des flèches de l'itinéraire parcouru, ainsi que des différents paysages traversés.

Le musicien me confiera plus tard sa crainte que l'ensemble ne soit pas assez lisible, mais dans une petite salle comme celle-ci, c'est au contraire une scénographie qui fonctionne à merveille. Celui-ci ne reste pas inactif, et alterne au fur et à mesure des morceaux entre clavier, guitare, bourdon de mage et autres percussions. Ceux-ci nous accompagnent d'un chapitre à l'autre, d'une ambiance champêtre aux villes tentaculaires, jusqu'au stimulant froid du nord – en passant par l'inévitable niveau dans les égouts. The Wanderer a trouvé la recette idéale pour nous immerger dans son univers comme pour entamer cette journée de pérégrinations musicales.

SvampPrinsen

Le projet franco-suédois évolue, en un sens, dans un dungeon synth similaire : porté sur la nature et la marche, silencieuse, dans le tintamarre de bruissements que fait le petit peuple des forêts. La musique de SvampPrinsen est plus atmosphérique toutefois, plus introspective, pour ne pas dire intime. Le masque de chouette effraie que porte le musicien, penché sur son clavier parsemé de feuilles mortes, renforce cette impression plus ambient, et dans le genre, les compositions de SvampPrinsen fonctionnent très bien, en grande partie peut-être parce qu'elles sont porteuses d'une certaine simplicité ; celle-ci peut devenir une vertu, entre tant de récits de hauts faits et de batailles. Mais elles manqueront peut-être d'un petit quelque chose pour marquer l'expérience en live ; le fait d'être en groupe casse un peu trop aisément l'immersion, alors que ces compositions fonctionnent au mieux lors d'une expérience véritablement contemplative.

Anglachel

Je vous avais dit que le Dark Dungeon Festival était ce que la Belgique a de plus proche d'une convention de fanatiques de Tolkien ? Eh bien sachez qu'Anglachel est l'épée en fer météorique forgée au Premier âge par Eöl, dit l'Elfe Noir, et qui deviendra plus tard la lame de Túrin Turambar, le héros humain qui défia Morgoth et tua le grand dragon Glaurung. Non, il n'y aura pas d'interro' à la fin, mais tout ça donnera une idée d'à quel point nous sommes au coeur de l'œuvre de Tolkien – celle qu'il faut lire, et attentivement, encore bien.

Le duo grec, claviériste et percussionniste, nous joue ici son dernier album, Of the Sea-Longing and the Journey to the West, évocation des Contes inachevés du grand maître britannique de la fantasy, dans ce qu'ils ont d'épique comme de tragique. Le spectacle est emprunt d'une certaine solennité, qui pourrait plaire aux fans de Summoning ou d'Emyn Muil ; si vous voulez vous replonger en terre du Milieu, je vous recommande chaudement « The Battle at Cirith Thoronath ». Les images de batailles et de fureurs qui défilent, tirées, je pense, de spectacles de reconstitutions historiques, achèvent d'installer une certaine immersion. Anglachel ne sort peut-être pas des thèmes ou des sonorités classiques du dungeon synth, mais l'achimie est fort bien dosée.

Cave Spellcaster

Alors que Tales Under The Oak avait compté parmi les prestations les plus apaisantes et les plus immersives de la première édition du festival, revoici le même artiste, mais sous un autre avatar. Pas de royaume des crapauds, cette fois, mais le petit monde troglodyte qui peuple les profondeurs. Musicalement, toutefois, la parenté est assez évidente, et on a un peu l'impression d'entrer dans le même univers par une lorgnette différente. Mais là où les histoires de batraciens avaient su produire un effet certain, avec un public qui s'est retrouvé assis en rond devant le mage-conteur, le charme fonctionne moins, cette fois. Si les compositions arrivent à retranscrire un certain écho des profondeurs, le fait est que nous ne sommes pas dans une caverne – et c'est dommage, la région en regorge, mais on ne peut pas y faire ce que l'on veut. « Goblin Town in the Fog » nous donne quand même l'impression de mener notre petit quotidien gobelinoïde juste avant qu'il soit perturbé par des Hobbits coupables de tapage nocturne, mais il manque quand même un je-ne-sais-quoi pour réellement s'identifier au petit peuple des tunnels aux dents pointues.

Arcana Liturgia

Endossé dans sa robe noire, l'artiste italien brandit son grimoire, comme pour une harangue ou un sortilège. Et pas n'importe quel sortilège : aussi loin que remonte la mémoire occulte, Arcana Liturgia est le premier projet de dungeon synth qui a vu le jour en Italie, en 1997. Après trois albums sortis au siècle dernier, il est ensuite entré en sommeil pendant vingt ans. C'est donc un événement de l'avoir sur scène aujourd'hui, alors que le sorcier de la Botte a repris une activité régulière et sorti cette année un remaster de Tales of an Ancient World, son album de la résurrection, en 2019.

Arcana Liturgia mérite donc une oreille attentive, pour qui serait passé à côté. La prestation live de ce soir, quant à elle, ne fait aucun faux pas, mais pâtit un peu de la fatigue qui commence à s'installer et du timing serré des concerts. Mais c'était l'occasion de découvrir les mélodies d'un compositeur qui s'est lancé dès les origines, quand on parlait encore plutôt de dark ambient ; une musique faite essentiellement pour l'immersion, à une époque où l'imaginaire se limitait vite à quelques VHS et l'un ou l'autre livre dont on était le héros. Mais là c'est moi qui radote.

 

Silencio Permanente

Sur le papier, le duo argentin masqué pouvait apporter quelque chose d'intéressant : une musique plus expérimentale, plus dissonante aussi peut-être, dans un style musical qui se retrouve parfois à tourner trop facilement autour de trois vieilles pierres. Et le début du set m'intrigue, avec quelques sonorités très 70's qui pourraient rappeler certaines bandes originales signées Goblin. Mais passé « Sobre Fuego y Distancias », le set s'enfonce dans des sonorités de plus en plus ambient, et si c'est là une étiquette qui sied bien au groupe, cela plombe un peu une prestation qui a du mal à décoller. Elle semble, il est vrai, souffrir de quelques problèmes sonores, alors que le festival en avait juqu'ici été plutôt épargné. Dommage.

Valen

On ne va pas se mentir, la journée commence à se faire longue, à arpenter sombres forêts et anciennes forteresses. Mais voilà que je reconnais sur scène notre ami le barbare/ménestrel de la veille, ce qui me suffit pour me faufiler aux premiers rangs. Là où Seregost tranchait avec son ambiance âpre, dont l'univers de Dark Sun était une influence assumée, Valen se veut en quelque sorte plus classique dans son propos. Un grand péril, de terribles enjeux, et des armées qui convergent, jouets de puissants mages assoiffés du pouvoir qui miroite derrière de sombres secrets.

Du dungeon synth dans ce que le style a de plus épique, donc, et l'artiste est à fond dedans, tout en grimaces et muscles saillants au-dessus de son clavier. Et moi aussi, car cela fonctionne très bien, d'autant que si Valen semble développer son propre univers, j'ai eu la bonne idée de me replonger dans La Compagnie noire avant de venir, et qu'on n'a pas le temps pour une partie de cartes.

La performance s'accompagne d'extraits de films, un procédé déjà exploré par Pafund, avec un certain succès. Le claviériste américain a opté pour des scènes de Dragonslayer/Le Dragon du lac de feu, long-métrage de 1981 étonnamment dark pour une production Disney, et petite perle pour qui aime les effets spéciaux à l'ancienne. Pour qui a besoin d'un petit regain de motivation avant de repartir à l'aventure, Valen est là pour enchaîner les succès critiques.

Wraith Knight

On entre dans le vif de sujet ; s'il me fallait nommer un seul album de dungeon synth pour mettre d'accord tant les aventuriers confirmés que les novices dans le style, ça serait Deep in the Dungeons of the Dragonlord, et Wraith Knight est là pour nous le jouer en intégralité. Le projet est d'ailleurs devenu une véritable porte d'entrée dans la musique troglodyte moderne en général et dans le renouveau de la scène américaine en particulier. Il a assuré la première partie de Castle Rat durant la dernière tournée américaine de la Rat Queen, ce qui était une très bonne manière de faire tâter du dungeon synth à un public sensible à un univers fantastique sans pour autant connaître ce genre de musique.

Pas de surprise, forcément ; Wraith Knight joue debout derrière son clavier, sans autre décorum que sa cape noire et ses bracelets cloutés, et enchaîne des compositions que nous semblons tous très bien connaître. Mais dans son cas, nul besoin de plus ; nous arpentons les souterrains poisseux avec « By Way of Torchlight », nous découvrons des trésors que nous n'aurions jamais imaginés avec « Through Blackest Marshes & Darkest Caverns ». Et puis nous voyons la bête, titanesque, déployer ses ailes de cuir, dans une apothéose reptilienne qui nous met tous en transe. Le maître du donjon nous harrangue, et on lui répond, mais nul besoin, vraiment. L'interprétation que Wraith Knight fait du dungeon synth atteint, en terme de réponse émotionnelle, un degré d'habitude réservé à la musique classique.

Elyvilon

Après un tel déploiement de draconologie, difficile de rebondir. Et pourtant, Elyvilon, le dernier aventurier du Nouveau-Monde de la soirée et celui qui a pour tâche de clore le festival, y parviendra à merveille. Tout de peaux et de peintures de guerre vêtu, ce dernier avatar du champion éternel va se déchaîner sur ses touches et ses fûts, dans une prestation tenant de la danse tribale, et devant un public absolument surchauffé – j'ai bien cru que j'allais assister à mon premier mosh pit sur ce genre de musique, c'est dire.

Si Elyvilon s'inspire beaucoup de légendes finlandaises – son dernier album, Versebound, évoque le Kalevala – sa musique, elle, change de peau sans prévenir. De la synth forestière déjantée, elle vire à la démonstration musclée de percussions tribales, puis s'aventure dans une darkwave saturée qui ne dépareillerait pas dans un univers cyberpunk, avant de nous offrir des passages orientalisants et carrément dansants. Impossible de résister à l'enthousiasme d'Elyvilon, qui sue sang et eau sur scène comme s'il était seul face à une horde de trolls – ce qui n'est pas loin de la vérité, mais nous restons bien intentionnés. Là où j'ai déjà vu des claviéristes jouer comme s'ils étaient en plein dans leur partie d'Age of Empires II, lui tambourine comme si sa vie en dépendait. Alors que la scène n'a tranché que depuis peu sur ce qui était pertinent pour encourager un artiste, et restait attachée à une relative retenue, cette fois, le public éructe tandis que vibre le simple vitrage de notre citadelle. « Long live dungeon synth ! », finit par proclamer Elyvilon en nous remerciant chaleureusement. Ben mon vieux, t'as pas idée. On se recroise au merch' !

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Que dire de plus qui n'avait déjà été écrit dans notre report de la première édition ? Le Dark Dungeon Festival est un événement bien rodé, qui bénéficie tant d'une équipe expérimentée que d'un cadre exceptionnel. C'est d'ailleurs celui-ci qui a motivé la création de l'événement et qui encourage à le faire vivre, confient sans peine les organisateurs, Esteban et Denis. Sans avouerie, quel autre lieu pourrait se prêter à ce genre d'événement ? À part en plein milieu d'une forêt, difficile en effet de fournir une réponse.

Cette troisième édition, un peu inattendue, a démontré que le concept fonctionnait toujours. Tout au plus pointerai-je que cette fois, le festival n'était pas sold-out, même si ce n'est pas passé loin. Je pense que le modèle de mise en vente des tickets avant les annonces a fait son temps, sans doute en partie, certes, à cause d'une affiche fort underground, et d'une concurrence accrue – toute proportion gardée – d'autres événements en Europe. Mais les fans ont fait le déplacement, envers et contre tout ; « Long live dungeon synth ! », pour citer un de mes coups de cœur du festival, et gloire aux lacquemants.

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Merci à tous les groupes présents, dont c'était, pour certains, le premier concert en Europe ; merci à Esteban, Denis, et à toute l'équipe qui rend possible ce  festival ; merci à Joan Llopis Doménech pour ses illustrations et sa patience face à mon niveau d'espagnol. Et merci à la boutique de l'avouerie pour ses épices anciennes. 

Crédits photos : Matthias Bertrand