
L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
La carrière d'Amorphis force le respect, c'est indéniable. En 35 ans de carrière, les Finlandais font partie de ces groupes dont on peut raisonnablement dire qu'ils n'ont pas vraiment sorti le moindre « mauvais » album. Au doom-death des débuts, Amorphis a rapidement insufflé un sens de la mélodie et de la mélancolie si typiques de la Finlande sur le culte Tales from the Thousand Lakes (1994). Mais c'est l'arrivée de Tomi Joutsen en 2005 qui fait passer un palier au groupe : s'il est un growler de qualité, Joutsen a surtout l'une des plus belles voix claires du circuit, chant qui prend de plus en plus de place au fur et à mesure que la musique d'Amorphis deviendra plus folk et plus « mainstream ».
Surtout, sans vraiment percer au point de devenir un acteur majeur de la scène (en témoigne cette tournée en 2025 en ouverture d'Arch Enemy et Eluveitie, deux groupes bien moins pertinents qu'eux), Amorphis a sorti à intervalle régulier des albums phares permettant de raviver l'intérêt général : Skyforger en 2009, le très bon enchaînement Under the Red Cloud (2015) / Queen of Time (2018)... et maintenant Borderland ? On peut très certainement l'espérer.
Après un Halo globalement assez sombre et progressif qui m'est franchement passé au-dessus, je n'ai ainsi pas peur de le dire : Borderland est à mes oreilles le meilleur album d'Amorphis depuis Under the Red Cloud... si pas depuis Skyforger. Il en est en tout cas la synthèse parfaite de 35 ans de carrière, même s'il ne reviendra pas au doom-death des débuts – quoique, j'y reviendrai. Dès « The Circle », le titre introductif, on retrouve ces notes joyeuses désormais typiques d'Esa Holopainen (guitares), qui accompagnent tout le titre jusqu'à, peut-être pour certains, l'écoeurement. Borderland est en effet un album globalement lumineux, et qui se permet de pousser le curseur du « dansant » jusqu'à des contrées jamais explorées par Amorphis : le titre de travail de « Dancing Shadow » était « Disco Tiger » et on comprend aisément pourquoi. Un rythme totalement sautillant sur le refrain (est-ce que j'y entends... des maracas?!), un Joutsen qui, s'il place un growl pour le principe, n'a peut-être plus été aussi mélodique depuis « Silver Bride » (Skyforger). « Dancing Shadow » fait office de véritable « tube » d'un album qui, s'il a un défaut commun aux précédents d'Amorphis, manque probablement d'un véritable hit qui deviendra immanquable dans les futures setlists.
« Fog To Fog » et « The Strange » reviennent à l'essence plus épique d'Amorphis, qui est toujours aussi fort dans ce domaine, les textes du poète et lyriciste finlandais Pekka Kainulainen étant rédigés en finnois spécialement pour le groupe puis traduits par Tomi Joutsen, ce qui a toujours donné un fort caractère ésotérique à leur musique. Les amoureux de l'aspect plus « progressif » de Halo seront déçus, car il passe cette fois totalement à la trappe, même si Amorphis sort par moments les griffes : « Bones » et son riff lourd est porté par le chant growlé de Joutsen – mais c'est l'exception qui confirme la règle d'un Borderland par moments presque power/symphonique (« Light & Shadow » semble tout droit sorti de Skyforger).
Puis, sorti de nulle part, arrive ce final bien nommé, le saisissant « Despair ». Une ligne de guitare presque shoegaze traverse l'un des titres les plus sombres composés depuis longtemps par Amorphis. Un titre rappelant le Swallow The Sun moderne – on sait d'ailleurs que les deux groupes sont proches, Joutsen ayant chanté sur le déchirant projet Hallatar créé par Juha Raivio suite au décès de sa compagne et muse Aleah Stanbridge en 2016. Le final déchirant de « Despair » évoque avec force le même type de sentiments, et contraste étonnamment avec le reste de l'album – dont il est pourtant l'un des points culminants. La conclusion idéale d'un album immanquable pour les amateurs de mélodies finlandaises.
Tracklist :
1. The Circle
2. Bones
3. Dancing Shadow
4. Fog to Fog
5. The Strange
6. Tempest
7. Light & Shadow
8. The Lantern
9. Borderland
10. Despair