
Alcatraz Metal Festival 2025 : J2-3
De Lange Munt - Courtrai

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Suite et fin de nos aventures carcérales à l'Alcatraz Festival, dont ne pourrons pas vous dire grand chose au sujet des commodités et du camping, puisque les trois-quarts de l'équipe présente faisait l'aller-retour jusqu'à notre domicile. Les échos qui nous reviennent, cependant, sont ceux d'un camping... étonnamment silencieux, loin des excès du Motocultor ou du Hellfest. L'âge moyen assez élevé du festival joue probablement un rôle, et il faut dire que l'Alcatraz n'a pas de Macumba ou d'afterparty - le Presidio ferme ses portes dès la fin des concerts, par exemple.
C'est peut-être le bon moment, d'ailleurs, pour évoquer ce Presidio, bar couvert où les festivaliers peuvent s'asseoir - ou danser sur le set des DJs qui se succèdent - et déguster une bière belge un peu plus spéciale qu'aux stands de boissons classiques. Le choix, comme souvent en festivals belges, est un peu décevant au vu de ce que le pays a à offrir, mais satisfera la plupart. N'espérez juste pas grand chose de véritablement "craft", plutôt des triples et blondes à la belge très correctes (comme la Tongerlo) et une IPA plutôt commerciale, par exemple.
Côté stands de restauration, rien de neuf à signaler : l'offre était impeccable l'année passée et elle le reste, pour des tarifs qui n'ont rien de scandaleux au vu des prix habituellement pratiqués en festival. L'offre végétarienne/vegan, déjà honnête en 2024, m'a paru encore améliorée en 2025. Bref : après des années de retard dramatique sur la concurrence, les festivals belges semblent se mettre au diapason.
Date - Jour 2
Groupes évoqués : Myrath | Mammoth Grinder | Evergrey | Ne Obliviscaris | Rivers of Nihil | Wytch Hazel | Vola | Crypt Sermon | Doro | The Night Eternal | Candlemass | Leprous
Myrath
Prison
Malice: L'Alcatraz a pris l'habitude de lancer ses journées par du heavy ou du power metal souvent mélodique, catchy et fédérateur, histoire de réveiller tout le monde. Et si on a manqué une majeure partie du régional de l'étape Magic Kingdom (qui s'est terminé sur un « I am a Lionheart » très efficace, mais qui était loin d'être optimal niveau son), pas question de louper Myrath, qui a sorti un de mes plaisirs de 2024 avec Karma. La dernière fois que je voyais les Tunisiens, cela datait du défunt Power Prog Metal Fest, en 2013. Depuis, le groupe a changé d'orientation, rendant son metal oriental de plus en plus catchy, accessible, « mainstream » - sans que ce soit péjoratif.
Et ce concert, fort axé sur les deux derniers albums du groupe, confirmera cette orientation. Des refrains hyper accrocheurs (et même souvent projetés derrière le groupe, afin de s'assurer que le public participe), des mélodies assez « faciles » et une bonne humeur contagieuse : Myrath s'est presque totalement débarrassé de tous ses atours progressifs, même si Malek Ben Arbia (avec sa guitare fretless) reste un gratteux de haut vol. Les titres de Shehili, à part l'imparable « Dance », me laissent toujours aussi froids, et le grand moment du concert reste le très arabisant « Tales of the Sands » issu de l'album du même nom. Preuve par la démonstration que, peut-être, Myrath a perdu un peu en force de frappe et de conviction ce qu'il a gagné en mélodies, tout en ne choisissant franchement pas les morceaux les plus intéressants musicalement de ses derniers albums en se bornant aux plus « catchy » (« Heroes »). Zaher Zorgati, toutefois, est toujours aussi impeccable et même par moments meilleur en live que sur album, un fait rare. À revoir en salle, peut-être ?
Setlist :
Into the Light
Born to Survive
Dance
Heroes
Tales of the Sands
Merciless Times
No Holding Back
Believer
Mammoth Grinder
Swamp
Matthias : Allez, sans transition, il est temps d'aller défier un tractopelle au concours de coups de boule. Mammoth Grinder fait partie de ces groupes pour qui la subtilité n'est qu'un concept lointain et fort théorique, et le nom que ce sont choisis ces Texans sied fort bien à leur musique. Un death metal bourrinissime dans lequel pointent encore quelques soupçons de sludge et de hardcore tendance collision frontale. Concrètement, cela fait touka touka touka de bon matin, ce qui couvre fort opportunément les craquement de cervicales mises à rude épreuve. Allez, je caricature un peu, car Sebastian Phillips – fraîchement arrivé dans le groupe l'année dernière – nous varie quelque peu les plaisirs avec les envolées stridentes de sa guitare. Mammoth Grinder joue tôt, certes, mais le groupe reste composé de vétérans des scènes death/grind et crossover américaines (Ehhumed, Power Trip, j'en passe et pas des plus délicats) qui savent y faire. C'est l'occasion de soulever un peu de poussière avec quelques mastodontes mal réveillés, et à titre personnel, je n'aurai pas craché sur deux morceaux de plus.
Evergrey
Prison
Malice: Décidément, me revoilà forcé de parler du Power Prog & Metal Fest, puisque c'est au PPM 2012 que je voyais Evergrey pour la dernière fois, après la sortie du terriblement sombre Glorious Collision. La setlist de l'époque m'avait laissé froid, bien trop axée sur les premiers albums que je trouve peu intéressants des Suédois. Alors qu'Evergrey a depuis sorti une tripotée d'opus tous plus réussis les uns que les autres, mes attentes sont élevées.
Et cette fois, Tom S. Englund va m'ensorceler. Bon, tout d'abord : le leader d'Evergrey sera tout bonnement le meilleur chanteur du week-end. Quelle voix, mais quelle voix, tellement chargée d'émotion (l'enchaînement « Midwinter Calls » - « Where August Mourn » est beau à pleurer). Ensuite, ce ne sera qu'une succession de tubes, tirées de l'excellent dernier album (« Say ») ou des deux précédents, preuve de la confiance – logique - d'Evergrey en sa musique la plus récente.Bien sûr, j'aurais aimé que Hymns For The Broken (pour moi leur magnum opus) soit mieux représenté, « King of Errors » en étant le tube plus dispensable, mais ce serait faire la fine bouche. Car Evergrey a donné un concert d'une classe absolue : malgré une musique sombre, la lumière jaillit toujours, le groupe diffusant des messages dignes d'un coaching en développement personnel en arrière-plan... et ça marche sur moi, tant leurs albums ont déjà su me faire monter les larmes. Une leçon de metal mélodique moderne, qui marche à fond malgré le cagnard peu adapté.
Setlist :
Falling from the Sun
Say
Midwinter Calls
Where August Mourn
Call out the Dark
Eternal Nocturnal
A Touch of Blessing
King of Errors
Ne Obliviscaris
Helldorado
Circé : La dernière fois que j'ai vu Ne Obliviscaris, c'était avant le covid en première partie d'Ihsahn en salle à Paris et j'étais à la fois curieuse et anxieuse de voir ce que le groupe donnerait dans un contexte et des conditions totalement différentes – celles d'un festival en plein air, avec un son potentiellement moins bon et un public potentiellement moins attentif.
Ma première crainte s'avère vite balayée : le son est plutôt propre, et surtout, on entend le violon. En avoir un sur scène est toujours quitte ou double, je ne compte plus les souvenirs de concerts gâchés par un instrument à cordes frottées complètement noyé dans la réverb des guitares. C'est d'autant plus essentiel pour les Australiens, car c'est cet élément qui me permet de rentrer dans leur musique, qui donne une personnalité et une émotion aux structures progs complexes et changeantes de leurs compos. Le public est aussi au rendez-vous et attentif, ce que je n'attendais pas forcément pour un des groupes les moins accessibles de l'affiche jouant aussi tôt. Mais malgré cela.... J'avoue ne pas vraiment être arrivée à autant rentrer dans leur set que je l'espérais, l'ambiance n'étant pas assez immersive, malgré un mix de mélodies et de passages efficaces qui contrebalancent l'aspect technique de leur musique qui me parle moins en tant que tel.
Rivers of Nihil
Helldorado
Aurélie Jungle : Un changement de line up qui mérite mon attention (Jake Dieffenbach a quitté le groupe si vous n’aviez pas suivi, remplacé par le bassiste Adam Biggs), un nouvel album, sorti en mai dernier, qui mérite largement un 10 (la chronique est par ici), ce live de RiversofNihil était un test grandeur nature.
Changer de chanteur c'est un peu le pari le plus risqué pour un groupe. Ouais, ben je vais le résumer rapidement : Adam Biggs c'est un peu le quinté dans l'ordre. Bien que certains diront qu'il pêche dans les graves, il ne m’a franchement pas fait cet effet. En même temps... La setlist était à 80% composée du dernier album. Un terrain donc connu pour le bassiste puisque c'est le premier où il chante. Pour les plus nostalgiques d'entre nous, seuls : « Silent Life » et évidemment l'incontournable « Where Owls Know My Name » étaient là pour nous rappeler qu'il y avait un avant Adam Biggs. C'est peut-être le seul point négatif de ce live (avec « Water and Time » qui arrive vraiment comme un cheveu dans la soupe). Est-ce que j'ai senti un gap entre les deux vocalistes ? Non.
Au-delà : une presta' carrée où tu vois que le bassiste fait tous les efforts du monde pour assumer pleinement son nouveau rôle, « The Sub-Orbital Blues » en ouverture est un chef d’oeuvre, Andy Thomas (guitariste et chœurs - quasi nouveau dans le game lui aussi) est d’une justesse absolue, sans parler du saxophoniste qui entre sur scène quand il se doit et tente de te séduire avec son petit déhanché (ce qui avait manqué au Motocultor 2022). Bref cette ambivalence de RiversofNihil qui passe ou qui casse. Très déçue de voir que nous étions aussi peu nombreux à assister à cette démonstration.
Wytch Hazel
La Morgue
Matthias : Après Messa et Thy Cathafalque la veille, je pense que voici le troisième concert que nous attendions le plus – allez, au moins les trois quarts d'entre nous. Cela fait quelques temps déjà que Wytch Hazel fait partie des référents communs au lobby – restreint mais influent – du heavy metal au sein de la rédaction, et c'est la première fois que nous avons l'occasion de nous faire une opinion en live. C'est d'ailleurs aussi la journée des premières fois, pour les Anglais, avec l'Alcatraz comme première date en Belgique, et plus gros festival sur lequel ils ont pu se produire jusqu'à présent. Or, leur hard rock très 70's met en avant un message explicitement chrétien, et nous sommes à la fois curieux de ce que cela donne sur scène, et de la réaction du public.
Celui-ci n'est pas trop dense, mais on sent quand même un certain empressement contre la scène, ce qui me laisse à penser que nous ne sommes pas les seuls curieux de la performance de Wytch Hazel. Quelques cierges, des branches de lierre ; la décoration reste finalement assez sobres, au contraire des musiciens, dans leurs tuniques blanches et leurs collants improbables dans des bottes montantes. Des tenues dignes des elfes d'un dessin animé psychédélique des 70's, ce qui, au final, leur va si bien quand ils commencent sur une doublette « The Fire's Control » - « I Am Redeemed » qui met immédiatement tout le monde d'accord. A l'inverse d'autres artistes aux convictions fort importantes pour eux, nul sermon ; les Anglais laissent leur musique aérienne et leur bonne humeur communicative prêcher à leur place. « Je me suis surpris à prendre goût à les lancer dans la foule », s'excuse presque Colin Hendra alors qu'il se retrouve à court de médiators – sur le ton de quelqu'un qui n'a guère plus croustillant à raconter à confesse.
Si, personnellement, j'ai une préférence pour le deuxième album, Sojourn, bien des morceaux plus récents révèlent tout leur potentiel en live. Nous sommes quelques-uns à redécouvrir les compositions du dernier opus, Lamentations : « Woven », « Elements », et puis surtout « Healing Power » en superbe morceau final, véritable révélation : « Healing me through melody, He is Wytch Hazel healing power ». Les gars de Lancaster subiront quelques soucis techniques avec la guitare d'Alex Haslam, mais rien qui n'a pu entâcher le show, ni surtout leur bonne humeur. Hendra retourne une paire de fois sa propre gratte pour nous montrer le nom de Jésus dans une graphie plutôt psychédélique, et le public lui répond avec enthousiasme... en lui montrant les cornes. Pas certain que tout le monde était sur la même longueur d'onde, mais ce qui est certain, c'est qu'une belle carrière live semble toute tracée, pour cette adorable Sorcyère Noisette.
Setlist :
The Fire's Control
I Am Redeemed
Still We Fight
Archangel
Dry Bones
The Devil Is Here
Woven
Elements
Spirit and Fire
Healing Power
VOLA
Scène
Malice: L'enchaînement Wytch Hazel – VOLA est franchement digne d'une session de haute voltige, et je traîne les pieds avant de me rendre devant le set des Danois, dont j'ai découvert la musique peu de temps avant le festival. Sans surprise, c'est d'une propreté ahurissante alors que j'arrive sur l'énorme morceau « Head Mounted Sideways » (big up à Charlotte Wessels qui m'avait, à l'époque de notre interview, déjà conseillé d'écouter le groupe et ce titre avant leur tournée commune). Malheureusement, c'est un petit peu trop lisse pour parvenir à vraiment rentrer dans le set, malgré l'appréciable participation du chanteur de Ne Obliviscaris sur le gros tube « Cannibal » (sur lequel chante Anders Friden – In Flames – en studio). Une chose est sûre, par contre : avec Leprous et quelques autres, VOLA fait partie des futurs grands noms du style, qui pourrait grimper encore et encore sur les affiches.
Crypt Sermon
Morgue
Circé : Après un monumental concert de Wytch Hazel, Crypt Sermon reprend le flambeau de la chrétienté sous la Morgue. Alors que l'un nous contait sa foi, l'autre exploite tout ce que la religion abrahamique a dans sa mythologie d'épique, pour une fresque heavy doom théâtrale chargée de douleur et de fatalisme. Le groupe avait frappé fort en 2015 avec un premier album prometteur, puis à nouveau en 2019 avec un second essai les hissant directement chez les grands du style... avant que leur dernier effort sorti l'an dernier ne calme un peu le jeu. Un album pas mauvais en soi, mais qui sonnait peu inspiré, parfois plat, qui en faisait parfois trop sans savoir frapper juste comme son prédécesseur. C'est donc avec un peu d'appréhension que les deux Belges de la rédac' et moi même nous rendons sous une Morgue bien remplie – la qualité du set dépendra sûrement de la setlist.
« Christ is Dead », pièce maîtresse du second album, sera sans surprise le moment le plus fort du concert, ses riffs lents et mélodieux chargés de fatalisme, la voix du chanteur montant sur le refrain avec la passion d'un conteur emporté par son récit épique. Et c'est sans surprise cette voix qui sera la grâce du concert – théâtrale mais juste, tantôt puissante, tantôt douce et caressante ; elle me fera oublier que la setlist est au final principalement axée sur The Stygian Rose, le dernier album – avant de terminer tout en beauté et douceur avec « The Master's Bouquet », et sa lourdeur apocalyptique. Qui plus est, je ressors du concert avec l'envie de lui donner une nouvelle chance. Crypt Sermon est arrivé à créer une atmosphère prenante, la lenteur épique de leur musique aidée par un frontman charismatique entouré d'excellents musiciens. Une très bonne surprise, bien que je ne puisse cacher mon regret de ne pas avoir entendu un petit « Ruins of Fading LIght » ou « Key of Solomon ».
Setlist :
Heavy is the Crown of Bone
Christ is Dead
Heavy Riders
Glimmers in the Underworld
Down in the Hollow
Thunder
Master's Bouquet
Doro
Prison
Matthias : Les années passent, et la pensée que je n'en ai pas vu beaucoup sur scène, des monstres sacrés du metal, se fait de plus en plus insistante. Entre tournées anniversaires et décès emblématiques, j'écoute de plus en plus de heavy metal, mais j'ai tendance à guetter les petits groupes plutôt que les grosses machines - et je rate quelque chose, à la longue. L'Alcatraz cultive d'ailleurs un bel équilibre à ce niveau avec quelques belles découvertes au rayon hard/heavy/doom en plus de l'un ou l'autre nom bien installé. En 2024, j'avais pu revoir un Saxonen très grande forme ; cette fois, c'est la Metal QueenDoro Pesch qui vient défendre sa couronne sur la Prison.
Je ne sais pas à quel point la dame allemande, active dans Warlock avant de continuer sa carrière en son nom propre pour une affaire de droits (qu'elle a fini par reconquérir en justice) reste une icône du heavy metal de portée internationale. Ce qui est certains c'est qu'ici, aux confins de l'espace germanique, la reine reste visiblement très populaire. Et c'est mérité : Doro, 61 ans, reste capable de belles performances avec sa voix si particulière, et elle n'a guère besoin d'artifices pour occuper la grande scène avec ses musiciens. Elle y fout le feu, d'ailleurs, dès le début avec « Burning the Witches », spontanément repris dans un chœur généralisé.
On prendra cela comme on veut, mais la dame reste indubitablement germanique. Outre son accent qui ressurgit par moments, Doro garde cette habitude de solliciter son public pour chanter et taper dans ses mains (« Raise Your Fist in the Air », difficile de faire plus explicite), comme si tout le monde avait une grosse pinte de bière à claquer sur la table. Mais l'ambiance s'y prête, d'autant qu'elle nous enchaîne une succession de tubes de Warlock. Difficile de rester de marbre devant « Für immer » ou « Metal Racer » alors que la météo oscille entre beau fixe et slams à outrance d'indigènes bien chargés. Cela dit, le jeu avec le public c'est bien, mais je ne peux m'empêcher de penser que si Doro était un peu moins communicative, elle aurait pu nous jouer deux ou trois morceaux de plus. La dame, de son côté, s'excuse un peu que l'hommage qui va suivre n'est pas pour celui que tout le monde attendait, mais pour une autre légende avec qui elle a apprécié partager la scène – Rob Halford. Et suit une reprise assez réussie de « Breaking the Law ». Un petit « All We Are » forcément chanté à 10.000 voix termine le set, et Doro reste indétrônable.
Setlist :
Time for Justice
I Rule the Ruins
Burning the Witches
Fire in the Sky
Raise Your Fist in the Air
Warriors of the Sea
Hellbound
Für immer
Metal Racer
Breaking the Law
All We Are
The Night Eternal
Morgue
Circé : Quelle belle journée pour les voix claires en tout genre – du chant quasi pop de Myrath à la puissance iconique de Doro en passant par la douceur vintage de Wytch Hazel, le registre goth manquait tout de même à l'appel. The Night Eternal fait partie des plus belles étoiles noires montantes pour le heavy goth, et ils nous le prouvent ce soir une fois de plus. Les Allemands se sont bien fait connaître grâce à leur dernier album Fatale, et leurs passage au Hellfest aura permis d'étoffer un peu plus leur public français.
Tout comme Crypt Sermon avant eux sur cette scène, The Night Eternal est pleinement porté par le charisme et la voix de son chauteur - avec une touche en plus apportée au visuel du live. Des lumières blanches rétro-éclairent le groupe, ombres vivantes dansantes contre le froid des spotlights, et créent une ambiance éthérée. Presque une heure de poésie sombre portée par une voix grave et chaude en harmonie avec le groove de la basse et des guitares. La setlist desservira équitablement les deux derniers albums du groupe, avec un « Prince of Darkness » du dernier album sans surprise dédié à the man himself, Ozzy. Dernier album dont les fans des premiers rangs pourront d'ailleurs se disputer un vinyle lancé par le chanteur, arguant que « on bosse sur un nouveau chapitre, celui-ci est terminé ».
Et on espère que ce nouveau chapitre leur offrira tout le succès qu'ils méritent – mais après une performance aussi immersive et poétique, on n'en doute pas.
Malice : Je me permettrai d'ajouter quelques mots concernant la performance de The Night Eternal : Ricardo Baum, le vocaliste, qui est également à la basse chez les blackeux de Imha Tarikat (d'où, peut-être, cette attitude quasi-possédée), était pour l'occasion fort diminué puisqu'il portait une atelle après ce que j'ai cru comprendre être une rupture des ligaments (il se promenait sur le site du festival en béquilles!). Et pourtant, même moins mobile, Baum a fait le show, montant sur les retours avant de retourner clopin-clopant sur la scène, compensant par sa rage des déplacements forcément limités. Le tout sans rater une note, alors que franchement, ça ne peut pas avoir été conseillé par son chirurgien de déjà monter sur scène dans cet état. La grande classe, même pas gâchée par un son brouillon en avant-scène.
Setlist :
Between the Worlds
In Tartarus
Prince of Darkness
Run with the Wolves
Shadow's Servents
Deadly as a Scythe
Elysion (Take me over)
Stars Guide my Way
Moonlit Cross
Candlemass
Swamp
Malice : J'aurais bien été jeter un oeil plus appuyé, par curiosité, sur le set d'Extreme – majoritairement pour y voir Nuno Bettencourt, l'un des héros du Back to the Beginning et l'un des meilleurs guitaristes du week-end – mais c'est tout bonnement impensable de rater le set de Candlemass. C'est en effet la première fois que je vois le groupe depuis le retour de Johan Lanqvist, après l'avoir déjà vu en 2010 avec Robert Löwe et plus tard avec Mats Leven. Notons au passage que les clashs, s'ils sont bien sûr inévitables, m'ont paru un poil moins gênants qu'en 2024 (moins de concerts en chevauchements fin/début ?), aussi parce que le son de la Main Stage a été nettement revu à la baisse afin de ne pas déranger le set qui a lieu en même temps à la Swamp, en face. Très bon point.
J'avais une certaine appréhension avant de voir Candlemass avec son tout premier chanteur : certaines vidéos d'il y a quelques années soulignaient clairement que Lanqvist n'avait plus la voix d'Epicus Doomicus Metallicus, et tentait bien trop de forcer les choses après de longues années sans tourner. Sur ce plan, je serai rassuré. Non, Johan Lanqvist n'est plus le même qu'il y a 40 ans, n'a pas la voix de Messiah Marcollin – et même pas celle de Löwe ou de Leven. Mais là où Löwe était une outre à vinasse surdouée et Leven un mercenaire un peu dénué d'âme, Lanqvist vit sa musique dès « Bewitched ». Il ne tente plus de faire quoi que ce soit dont il n'est plus capable, gère au mieux sa voix plus râpeuse mais toujours puissante et, surtout, est parfaitement à l'aise sur « ses » titres : quelle claque incroyable que ces « Under the Oak » et surtout « Crystal Ball ». Mais comment ce titre a-t-il pu sortir des setlists de Candlemass ? C'est en tout cas la première fois que je l'entends et quel plaisir de hurler avec toute la fosse ce « black heart, your soul is mine, mine, MINE !!! »...
Alors non, tout n'est pas parfait, à commencer par la setlist : quitte à intégrer un titre récent (et ce n'était franchement pas obligé...), « Sweet Evil Sun » n'était pas le meilleur choix – pourquoi pas le dernier et assez bon single « Black Star » ? - et, surtout, nous prive de l'un ou l'autre classique à commencer par « At the Gallows End ». Leif Edling, il faut avouer, manque cruellement d'inventivité au moment de composer ses setlists, même si c'est toujours un plaisir d'entendre « Mirror Mirror » et « Dark Are the Veils of Death ». Un souci technique forcera Lanqvist, avec ses airs de papy gâteau très peu doom, à combler un temps mort un peu gênant, mais ce sera très vite oublié avec la doublette finale « plus doom que ça tu meurs probablement littéralement » : « Well of Souls » et, forcément, « Solitude ». À jamais l'hymne absolu du doom metal. Ma prochaine fois devant Candlemass, ce sera à Athènes en septembre avec un certain Messiah Marcollin au chant... Vous pensez que j'ai hâte ?
Leprous
Helldorado
Circé : Leprous est l'un des groupes les plus carrés et puissants que j'ai pu voir en live. Du lightsow à la présence scénique même de tous ses membres, sans oublier bien sûr les prouesses vocales d'Einar Solberg, les Norvégiens arrivent à trouver un équilibre précaire entre prouesse musicale et authenticité, technique et émotion, minimalisme et épique.
Alors, certes, je ne suis pas la plus grande fan de Melodies of Atonement, le dernier album des Norvégiens, qui a la lourde tâche de succéder à deux autres absolument parfaits, tout en étant en plus de ça un opus assez difficile d'accès. Mais comme Crypt Sermon avant eux, Leprous me donnera ce soir l'envie de m'y replonger, et ce dès les premières notes de « Silently Walking Alone ». L'aspect froid et massif des guitares frappe encore plus fort en live tandis qu'un Einar complètement possédé hurle comme s'il était au bord du précipice, comme si sa vie en dépendait. Sans qu'on aie l'impression qu'il surjoue, malgré toute l'avalanche de « aaaaaah » qui parcourent chaque morceau.
Leprous continue sur une setlist au final assez variée et bien construite, alternant nouveaux et anciens morceaux histoire de maintenir l'attention de tout le monde à bord – sans pour autant avoir fait le choix des plus accrocheurs, à l'exception probablement de « From the Flame » et « Nighttime Disguise ». Je serais curieuse de voir ce qu'une personne ne connaissant pas les morceaux en aurait pensé – mais pour moi, cette avalanche de morceaux immersifs, de la déferlante qu'est « Slave » au doux-amer « Out of Here », était juste parfaite. L'enchaînement « Out of Here » - « Below » m'aura sans surprise mis les larmes aux yeux – il me faudra une ou deux minutes après cela pour revenir dans le présent. Le groupe conclut sur un passage de « The Sky is Red » : ne pas jouer le morceau entier mais l'utiliser comme sorte de conclusion apocalyptique soudaine marche à merveille. Le tout servi par un lightshow à la fois minimaliste et travaillé, toujours pensé au milimètre près pour coller à la musique, à la moindre note, au moindre changement d'ambiance.
Bref, Leprous nous montre ce soir un niveau d'attention aux détails de leur prestations live difficilement égalable. Comment le groupe n'a t-il pas encore percé au delà des cercles metal ? Car une telle maîtrise, couplée à une musique mêlant metal et sonorités électroniques, et servie par l'un des meilleurs chanteurs de sa génération, a bien de quoi plaire à un auditorat large et varié, connaisseur ou non.
Alors que je savais que Leprous était un grand groupe sur scène, les Norvégiens auront encore réussi à me laisser sur le cul ce soir. Je sors de là l'esprit lessivé, un corps siphonné de toute émotion. Cela faisait longtemps qu'un concert ne m'avait pas fait cet effet.
Malice: Je me contenterai d'ajouter quelques mots à ceux de Circé concernant l'incroyable concert de Leprous à l'Alcatraz. J'y suis arrivé en traînant les pieds, la setlist me parlant peu avec 3 titres d'un dernier album que j'avais encore eu du mal à apprivoiser, et deux d'un Malina qui ne m'a jamais vraiment parlé. Et la claque que j'ai prise a été inversement proportionnelle à mes attentes. Chaque titre est une explosion émotionnelle, y compris « Like a Sunken Ship » et son « lalalalala » si casse-gueule mais qui parvient à devenir plus glauque et inquiétant que cheap en live. Mon titre préféré de Leprous, « Out of Here », est un crochet au ventre, un moment fabuleux. Que dire d'Einar Solberg ? Oui, il abuse un peu de cette voix de tête qui fait sa force, mais peut-on lui en vouloir ? Le show est digne d'une tête d'affiche, ce que Leprous sera un jour, à n'en pas douter. Et pas sous un chapiteau, mais bien tout en haut des main stages.
Setlist :
Silently Walking Alone
The Price
Illuminate
Like a Sunken Ship
Nighttime Disguise
From the Flame
Out of Here
Below
Slave
Atonement
The Sky is Red
*
Date - Jour 3
Groupes évoqués : Majestica | Congress | Cobracide | Gutalax | Fear Factory | Tsjuder | Kerry King | Borknagar | Dimmu Borgir | Emperor | Machine Head
Majestica
Prison
Malice: Troisième jour... et troisième démarrage sur du heavy/power ! Le power mélodique et over the top de Majestica est parfait pour se réveiller avec un grand sourire, même si, un peu comme Magic Kindgom la veille, le son est loin d'être idéal (notamment le chant de Tommy Johannson).
Officiellement, Majestica existe depuis 2008 sous le nom ReinXeed, mais cette époque a été totalement balayé en 2019 quand le groupe change de nom et sort Above The Sky – dont le titre homonyme est l'un des meilleurs moments du set. Ce sont donc uniquement les titres sortis depuis qui sont joués, et c'est tube sur tube (le très 80s « Night Call Girl », les trois très bons extraits de Power Train sortis cette année), sans casser trois pattes à un canard ni révolutionner le genre. « Metal United » et ses mélodies celtiques font cependant danser toute la Prison Stage, et c'est une belle performance sous le soleil de midi. Un petit bonbon sans prétention !
Congress
Helldorado
Matthias : J'écrivais que cette édition de l'Alcatraz était pauvre en punk et en hardcore, mais voici l'exception, et non des moindres. Car Congress est un des groupes historiques de la scène H8000, le microcosme actif en Flandre Occidentale (dont tous les codes postaux sont compris entre 8000 et 8990) au début des années 90. C'est même cette formation qui a popularisé un son tirant plus vers le metalcore et le deathcore, offrant à cette scène typiquement flamande et très underground une renommée internationale dans le milieu de la bagarre en musique. Or, non seulement Congress n'est pas n'importe qui, mais le groupe joue en plus sur ses terres, la scène H8000 étant profondément liée à une ville comme Courtrai – comme l'est aussi, plus récemment, la Church of Ra, donc je pense qu'il y a quelque chose dans l'eau potable. Pour vous donner une idée de l'importance de l'ancrage local, la page Wikipédia de la scène H8000 n'est pas rédigée en néerlandais académique, mais en West-Vlaams.
Bref, on n'est pas là pour un cours d'histoire, alors que retentit l'intro de « Nyarlathotep », quasiment... eh bien, dungeon synth, avant que la lourdeur des guitares ne prenne la relève avec un « The Release » d'outre- tombe. Un peu de contexte : il fait grave CHAUD, bordel, le soleil tape et le campus de Lange Munte commence à devenir poussiéreux comme l'Arizona après l'apocalypse. Et voilà que Congress se met à enchaîner les uppercuts de Blackened Persistance, son monstrueux album de 1997.
Ce n'est pas l'empoignade généralisée attendue, car le climat ne s'y prête tout simplement pas, mais une bonne part du public connaît assez ses titres pour les reprendre spontanément en chœur. Sur le front, nous sommes quelques indécrotables bovins à mouliner et à lever les genoux. Avec relativement peu de contact toutefois, tant le pit s'avère trop large pour notre nombre assez réduit, et puis surtout un véritable sentiment de camaraderie. Le seul véritable risque, à part la déshydratation, est de se retrouver dans l'étreinte virile et gluante d'un Flamand bâti comme un ours nourri à la pils, mais néanmoins sympathique. Je dois d'ailleurs être le seul francophone sur les cinq premiers rangs, au moins. Ce qui se passe sur scène devient vite un peu flou dans le tourbillon de poussière qui s'élève, mais la doublette « Mainstream » - « Sinking in Sin » libère les énergies, hardcore certes, mais avec cette touche un peu thrash, un peu Slayer, qui fait la particularité de la scène locale. Je finis par jeter l'éponge vers « Grief (Deal With Death) » - super efficace, mais j'en peux juste plus. On lève son thé glacé devant Converge, il est temps d'aller voir ce que vaut la relève chez nos amis les Ménapiens.
Cobracide
Morgue
Circé : No rest for the weaked – après une bonne dose de hardcore, direction la bagarre thrash. Venue en curieuse sur les conseils de Matthias et Malice qui ont déjà vu les Flamands autre part dans leur plat pays. Et oui, pas loupé, c'est pour moi. Cobracide délivre un thrash frénétique à l'énergie punk destructrice, teinté de death old school dans ses vocaux et son riffing. Leur activité live dans la région leur permet d'avoir déjà un bon petit public devant eux aujourd'hui et d'apparaître clairement comme un groupe déjà rodé malgré un seul EP et aucun album de sorti.
A aucun moment on a l'impression d'être devant un groupe à ses débuts – Cobracide a une présence scénique servie par une énergie virulente, qui se reflète d'ailleurs dans le pit et le nombre de slams. Je ne vais pas m'attarder plus, parce qu'il n'y pas vraiment grand-chose d'autre à dire : des riffs violents et efficaces, des vocaux pleins de verve et de haine, et vous avez un thrash/death misant tout sur la vitesse et l'efficacité qui pourrait bien devenir une valeur sûre de la scène belge. Mes cervicales vous le confirment.
Gutalax
Helldorado
Malice : Pour être honnête, ce dimanche est particulièrement déséquilibré, et entre l'entame sur Majestica et la fin d'après-midi qui se réveille un peu, c'est un sacré enchaînement de bêtises. Le summum du bête étant évidemment ce set de Gutalax, devenu une sorte d'attraction de fête foraine loin d'être réservée à l'Obscene Extreme. Les amateurs de « vrai » grindcore fulminent certainement devant le succès de ce groupe qui n'est certainement pas le meilleur de la scène (au fond, qu'est-ce que j'en sais? ), les amateurs de musique se demandent probablement combien de temps cette connerie va durer.
Les autres se dandinent sur « Buttman », « No sim misto ponozky kousek svoji predlozky » ou « Robocock », et retournent au stade anal le temps d'un concert. Et musicalement, ça tient mieux la route qu'on pourrait le craindre. « Si vous n'avez pas aimé les deux premiers morceaux, vous pouvez vous tirer, parce que les suivants sont pareils », plaisante Maty en début de set. J'aurai tenu plus longtemps, mais il faut respecter la prescription de Gutalax et ne pas en abuser pour éviter les effets secondaires.
Fear Factory
Prison
Malice : Enfin, les choses sérieuses reprennent avec le set de Fear Factory pour les 30 ans de Demanufacture. Paradoxalement pas mon album préféré du groupe, même si je reconnais que sa première moitié est indétrônable – la seconde s'essouffle un peu. C'est surtout l'occasion pour moi de voir ce que vaut le remplaçant de Burton C. Bell, Milo Silvestro, arrivé en 2022. Pas question de regretter le départ de C. Bell : ses prestations live étaient tout bonnement lamentables, même aidées d'auto-tune. Et après trois albums de reformation que je trouve toujours monumentaux (Mechanize, The Industrialist, Genexus), Agression Continuum sorti juste avant son départ montrait de sérieux signes de faiblesse. On verra si, sur album, Silvestro contribue à redynamiser le groupe.
En live, c'est en tout cas... mitigé. Le chant hurlé est un mimétisme quasi-parfait, en un poil moins puissant que ce que C. Bell pouvait offrir dans ses bons jours tout de même ; le chant clair, s'il est évidemment toujours un peu trafiqué, est infiniment meilleur qu'à l'époque. Sur des titres comme « Self Bias Resistor » et « Zero Signal », aux refrains en voix claire si iconiques, c'est très appréciable. Côté aura et présence, par contre, Milo a encore du progrès à faire, même s'il est moins réservé qu'à ses débuts et s'adresse souvent au public. Puis bon, c'est terriblement superficiel, mais changer ce look franchement hasardeux (horrible mèche emo au vent et maillot de basket trop large) aiderait aussi à le prendre au sérieux.
Le reste du groupe, bien sûr, est archi-carré : Dino Cazares a toujours le poignet solide, Tony Campos (Static-X, ex-Ministry, ex-Soulfly) n'a rien à prouver sur la scène. Comme je le disais, on commence quand même à s'emmerder un peu passée l'explosive « New Breed », jusqu'à l'habituel titre final non-issu de Demanufacture. J'espérais « Archetype », ce sera « Linchpin », que je trouve toujours aussi balourd mais qui fonctionne bien en live (« Can't take me apart !!! »). Fear Factory, en fait, est à mes yeux plutôt un groupe de tubes que d'albums, et j'attendrai donc une tournée un peu plus best-of (et un nouvel album) pour me fixer un avis définitif. Un bon moment cependant !
Tsjuder
Swamp
Matthias : Il y a peu de styles musicaux aussi essorés que le black metal norvégien. Les groupes fondateurs vivotent sur leurs acquis depuis des années, tandis que ceux qui ont suivi ont trop souvent tendance à vouloir se raccrocher aux wagons d'un train dont la loco est déjà au hangar, au mieux. Et puis il y a Tsjuder, qui est quand même actif depuis 1993, et pour qui j'avais des attentes assez hautes, aujourd'hui. Et bien elles ne seront vraiment pas déçues. Parce que dès les premiers accords de « Malignant Coronation », le trio d'Oslo met nos cervicales à rude épreuve, et que la tension musicale et musculaire ne va pas redescendre d'un cran durant tout le concert.
Qu'est-ce qui fait la différence entre Tsjuder et nombre de groupes de black norvégien ? Les soli de Draugluin, d'abord, qui ajoutent une touche d'électricité à des compositions très rendre-dedans ; et une solide base rythmique, ensuite, pour le seconder dans cette tâche. Mention spéciale d'ailleurs au jeune batteur Emil Wiksten, arrivé dans le groupe l'année derrière. Celui-ci ne se contente pas d'un blast beat permanent, mais joue véritablement de ses fûts et de ses cymbales pour enrichir son mur de son. Déjà très punk sur album, le son du trio norvégien prend toute sa richesse en live, d'autant que la setlist fait la part belle au très efficace Desert Northern Hell. Mais le dernier opus, très bon aussi, n'est pas négligé pour autant, avec « Gods of Black Blood » et surtout « Prestehammeren » et son riff aussi imprévisible et nerveux qu'une attaque aérienne. UGH !
Tsjuder nous malmène les os à merveille et prend vraiment une dimension supplémentaire sur scène, ce qui n'est pas toujours le cas avec le black metal. Sans sourciller, les Norvégiens s'offrent de nous achever avec une – très réussie – reprise du « Sacrifice » de Bathory, avant de saluer longuement le public. Et ça, pour des blackeux norvégiens, c'est signe qu'ils ont aussi vraiment apprécié d'être là.
Kerry King
Prison
Malice : En attendant de pouvoir, plus que vraisemblablement, profiter du retour de Slayer dans nos contrées en 2026, j'étais assez content à l'idée de voir Kerry King et son véritable supergroupe du thrash metal. Un vrai line-up de gala, avec l'excellent Mark Osegueda (Death Angel) au chant, Phil Demmel (ex-Vio-lence, ex-Machine Head) à la guitare et Paul Bostaph (Slayer, tout simplement, ce qui fait qu'on a quand même une moitié de Slayer sur scène!) à la batterie. La basse, enfin, est tenue par Karl Sanders, frère de Troy Sanders (Mastodon), qu'on a également connu dans l'horrible supergroupe Hellyeah.
Avec de tels musiciens, difficile de se foirer, et KK & friends ne se foireront pas. Les titres de From Hell I Rise valent ce qu'ils valent, certains sont franchement bons (« Where I Reign », « Idle Hands »), d'autres lourdingues (« Toxic », « Shrapnel »), et bien sûr, les meilleurs titres de Kerry King en solo n'approchent pas le niveau même d'un « Repentless », premier titre de Slayer joué et loin d'être un classique. Il est d'ailleurs balancé dans une indifférence quasi-générale, preuve que ce dernier opus de Slayer n'a pas tellement marqué les esprits. « Disciple » fait déjà un peu plus monter la sauce, mais c'est bien sûr le riff légendaire de « Raining Blood » qui amène enfin une réaction dans un public assommé par la chaleur (KK lui-même est rouge vif). Pas sûr qu'un meilleur titre, intrinsèquement, ait été joué durant tout le week-end à l'Alcatraz. Difficile, par contre, d'imaginer un véritable avenir en solo à Kerry King si Slayer reprend une activité normale, à moins de sortir un album bien plus solide (et de jouer plus de titres de Slayer en live)...
Setlist :
Where I Reign
Trophies of the Tyrant
Residue
Two Fists
Idle Hands
Repentless
Toxic
Rage
Disciple
Shrapnel
Raining Blood
Black Magic
From Hell I Rise
Borknagar
Swamp
Circé : Il est presque 19h, et après une journée de blast beats, touka touka, gruik gruik et autres onomatopées, nos cervicales se sont faites la malle avec nos neurones. Difficile donc de se dire qu'on va devoir remobiliser un peu son attention et ses cellules grises avec le power prog à l'héritage folk black des Norvégiens de Borknagar.
Et... a-t-on eu droit au meilleur concert que j'ai pu voir du groupe ? Cela fait plus d'une semaine, et je ne me suis toujours pas décidée. Le son était excellent, ce qui n'est pas toujours le cas en festival et encore moins avec Borknagar. Difficile, d'expérience, d'entendre à parts égales les synthés et le chant clair sans qu'il ne soit noyé par des balances priorisant les guitares et les growls. Mais c'était le cas aujourd'hui – nous avons probablement eu le meilleur son des trois-quatres autres fois où j'ai pu les voir. Et qu'est ce que ça fait du bien, de pouvoir danser sur les synthés d'« Up North » sans avoir à essayer de les deviner dans le brouhaha, de pouvoir apprécier les envolées lyriques de Vector et toute l'amplitude de son chant clair, tout comme celui de Lars, leurs deux voix si complémentaires se mélant à merveille sur « Winter Thrice » ou « The Rhymes of the Mountain ».
Oui, cela a donc bien de quoi être le meilleur concert de Borknagar auquel j'ai pu assister... si la setlist avait été un peu différente. Le groupe ouvre sur « Nordic Anthem », seul morceau que j'ai vraiment retenu de leur dernier album. Et il n'y a pas à dire, il fonctionne à merveille en live. Les percussions et les chœurs retiennent immédiatement l'attention, installent une ambiance intriguante, à la limite du mystique tout en mettant directement en avant l'un des principaux atouts du groupe : ses voix claires. Puis... « The Fire That Burns »? Sans être un mauvais morceau, j'ai du mal à voir l'intérêt de le jouer en live lorsque True North, duquel il est issu, regorge de bien d'autres morceaux mémorables comme « Lights » ou « Wild Father's Heart ». Heureusement, on enchaîne sur le trio gagnant : « The Rhymes of the Moutain », résumé parfait de l'identité musicale du groupe, l'hyper dansant “Up North » et le sublime « Voices », porté à bout de bras par la performance vocale de Lars Nedland (qui, oui, m'aura arraché une larme). Et après cet enchaînement tantôt épique et grandiose, tantôt subtil et touchant, Borknagar enchaîne sur deux morceaux du nouvel album qui... sans vouloir leur enlever leurs qualités, sont tellement axés sur la facette prog du groupe qu'ils sonnent pâles en comparaison et font tout de suite baisser l'attention. On conclut sur l'immanquable « Winter Thrice », qui parvient quelque peu à capter à nouveau mon attention. Une setlist en demi-teinte donc, et si je m'attendais certes à entendre des morceaux du dernier album, les éparpiller un peu plus dans la setlist aurait certainement été plus bénéfique pour un rythme équilibré. Je regrette aussi l'absence de morceaux plus anciens – une setlist basée uniquement sur les trois derniers albums est toujours un peu frustrante lorsqu'on voit un groupe régulièrement sur un nombre réduit d'années.
Quoi qu'il en soit, malgré mes aigreurs, je ne vais pas cacher avoir passé un excellent moment devant un groupe dont je n'attendais plus forcément beaucoup. Et un groupe qui, oui, en oubliant une partie de la setlist, a donné le meilleur conccert que j'ai pu voir d'eux.
Dimmu Borgir
Prison
Malice: Je n'attendais franchement pas grand-chose du set de Dimmu Borgir. Pour plusieurs raisons. D'abord, j'ai toujours été team Cradle Of Filth à l'époque, et j'ai passé mon adolescence à bouder les albums des Norvégiens au profit de l'approche plus horrifique et kitsch de leurs "rivaux" britanniques. Ensuite, mon premier (et seul) concert de Dimmu Borgir avait franchement été mauvais, en headliner d'une tournée insensée réunissant Bloodbath, Hatebreed, Kreator et donc Dimmu.
Mais l'idée de les voir sur la Prison Stage la nuit tombée, et surtout la possibilité au vu du timing de voir débarquer ICS Vortex sur l'un ou l'autre titre nous ont poussés à nous placer à mi-distance pour juger de ce que ça donnait. Ne faisons pas durer le suspens, Vortex n'est pas venu sur scène, et sa voix n'a résonné qu'en sample sur le néanmoins fantastique « Progenies of the Great Apocalypse». Pour autant, Dimmu Borgir a donné un set tout à fait digne de son statut de sous-tête d'affiche. Certes, Shagrath n'a plus la voix d'antan, mais s'impose comme un sacré frontman avec son allure steampunk, que renforce le côté par moments presque indus que peut prendre la musique du groupe en live. En réalité, la puissance des samples, particulièrement mis en avant, donne aussi l'impression de voir un concert de power black symphonique, loin des débuts (certes représenté par le ravageur « Stormblast»). Et ça n'est pas pour me déplaire, car à ce stade, j'apprécie parfois un show over the top s'il est balancé avec conviction, ce qui est cette fois le cas. Vrai plaisir d'entendre en live, aussi, « The Serpentine Offering », tube d'un In Sorte Diaboli parfois boudé. Et puis, bien sûr, comment résister à ce final sur le grandiose « Mourning Palace » ?
Bémol cependant : pendant toute une partie du milieu de concert (on parle de deux à trois bonnes minutes), le son va tout bonnement... disparaître. Plus une note ne viendra de la scène. Certainement un couac lié au festival plutôt qu'au groupe, mais voilà qui a quelque peu brisé l'enchantement. Heureusement, le final rattrapera tout ça. Je reverrai Dimmu Borgir avec plaisir.
Emperor
Swamp
Matthias : Le groupe de Notodden est assez symptomatique de ce que je décrivais plus haut. Un black metal norvégien qui se repose sur des lauriers tressés il y a longtemps déjà, même si Emperor fait partie du haut du panier, on se calme, rangez vos surins. Mais personnellement, je n'avais jamais vraiment assisté à un concert du groupe d'Ihsahn dans les conditions idéales – la dernière fois, lors de ma seule incursion au Graspop, le show avait été quelque peu phagocyté par... Rammstein, qui enchaînait sur la scène parallèle, et devant laquelle se pressaient donc déjà les trois quarts de l'audience du festival. Pas de telle nuisance ici, Et Emperor a tout loisir d'installer son atmosphère devant un public venu pour acclamer son tyran.
Et cela, on ne peut pas leur enlever: s'il n'y a guère de surprise, le groupe parvient à installer une ambiance véritablement épique, grandiose, et ce, sans les artifices d'une grosse machine qui tournerait sur la scène principale. Ce n'est pas pour critiquer Dimmu Borgir qui vient de finir son set, mais celui d'un Emperor me transporte bien plus aisément. « Thus Spake the Nightspirit », admirablement soutenu par le claviériste Jørgen Munkeby, me plonge irrémédiablement dans un univers aussi sombre que grandiloquent.
L'autre point fort d'Emperor en live, c'est Ihsahn en lui-même, qui s'avère être un véritable guitar hero, derrière ses airs de prof' de littérature. Pas de masque, pas de maquillage, une présence sur scène entièrement basée sur le talent des musiciens, et en particulier de leur leader, qui n'a rien à prouver. Cela dit, si le show est carré, il dure quand même 1h10, ce qui est normal en haut de l'affiche, mais me semble un peu trop pour ce groupe. Si « Curse You All Men! » fait son petit effet, Ihsahn enchaîne ensuite les titres de In The Nightside Eclipse, qui ne sont pas tous des tubes, loin de là. « Cosmic Keys to My Creations & Times » me perd un peu, et perd selon moi un peu, à partir dans tous les sens. Je me raccroche un temps à « The Majesty of the Nightsky » avant, bien sûr, « I Am the Black Wizards », mais la fatigue accumulée se fait sentir ; Cela dit, qu'on aime ou pas la musique de ce groupe, celui-ci prend vraiment une toute autre dimension sur scène.
Machine Head
Prison
Malice: J'ai une relation personnelle particulière avec Machine Head. La première fois que je voyais la bande à Robb Flynn, c'était en 2010, à Forest National. Un concert gravé littéralement dans ma tête, puisque c'est depuis cette date que j'ai... un acouphène permanent. Quinze ans plus tard, le conseil vaut toujours : n'allez pas voir du metal à Forest National sans une protection sonore hyper performante – et si vous pouvez l'éviter, n'allez pas y voir de metal tout court.
L'eau a coulé sous les ponts depuis – et les mauvais albums de MH aussi. Je vous renvoie vers la chronique réalisée par Simon de l'horrible UNATONED, il avait tout dit. J'étais tout de même curieux de voir ce que donnait Machine Head en 2025, puisqu'il faut bien s'y résigner, ce sera une tête d'affiche de festivals majeurs pour de longues années encore. Côté setlist, impossible de nier l'efficacité de l'entrée en matière sur la doublette « Imperium » - « Ten Ton Hammer », même si elle est éculée.
Mais bien vite, je comprends... que je ne suis tout simplement plus le public-cible du concert. Autour de moi, majoritairement, des jeunes, des ados, des fans assez « casuals » - public pourtant loin d'être typique à l'Alcatraz – qui vont commencer à chanter et à se déchaîner... sur « Is there Anybody Out There ? », single assez récent sorti hors-album. « CHOKE ON THE ASHES OF YOUR HATE » (putain, Robb, arrête cette graphie en majuscules) reçoit un bien meilleur accueil que l'excellent « Now We Die ». Flynn a réussi son coup : il a visiblement bien renouvelé son public. Idéal pour l'adulescent qu'il est resté (on le comprend à chaque sortie publique) : très bavard sur scène, multipliant les clichés, il tient ses fans dans le creux de sa main – et force est de constater que c'est resté un sacré frontman. La machine est bien huilée, elle est efficace, « à l'américaine » : pas sûr, pour autant, que je retournerai la voir avec grand intérêt.
***
Les portes du pénitencier se referment donc après trois jours d'une qualité franchement impressionnante. Qu'il s'agisse du son, assez souvent impeccable sur la Main stage et souvent très bon ailleurs (seule La Morgue pousse parfois les potards trop loin près de la scène, ce qui a gâché quelques passages de Thy Catafalque ou The Night Eternal), du public plutôt discipliné et passionné ou de l'organisation globale du festival, l'Alcatraz s'impose plus que jamais comme le "petit frère" du Graspop Metal Meeting. Un statut comparable à celui du Motocultor en France, à un détail près : là où le Motoc' ouvre sa programmation à pas mal de genre périphériques et à quelques curiosités, l'Alcatraz va plutôt chercher de la niche, des raretés ou du local.
L'entame de l'affiche 2026 confirme cette orientation : aux côtés des deux têtes d'affiches annoncées (on le suppose), Powerwolf et Slaughter To Prevail, on aura le plaisir de voir Savatage, Dirkschneider, Deicide, Mushroomhead, Voivod ou encore Crimson Glory. On peut déjà vous dire qu'on en sera. À l'année prochaine !
[Nos aventures de la première journée du festival sont à (re)découvrir ici !]
[Merci à Alcatraz Music pour les photos marquées du logo du festival]