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jeudi 21 août 2025

Alcatraz Metal Festival 2025 : J1

De Lange Munt - Courtrai

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Les portes du pénitencier s'ouvrent à nouveau ! Comme l'année passée, et cette fois avec un crew renforcé, Horns Up est allé faire un séjour à l'ombre (pas toujours), direction l'Alcatraz Festival, à Courtrai. Un festival où chaque année, on a l'impression de croiser plus de Français, attirés par la proximité de la frontière (Lille n'est qu'à une demi-heure) et une affiche parmi les plus belles d'Europe. Ou par nos conseils avisés, c'est selon.

Pour ceux qui ont lu notre live report de 2024, un constat s'impose à notre arrivée (toujours très fluide) sur le site : il n'y a à peu près aucun changement, à part vaguement cosmétique. Quatre scènes, dont une seule en plein air (la main stage, appelée Prison) et trois tentes : la Swamp, globalement consacrée aux musiques sombres ; la Helldorado, pour le hardcore/punk (peu représenté cette année) et le stoner mais dont l'identité est au final un peu fluctuante, et la Morgue qui alterne entre musique de niche et étoiles montantes. Malgré le sold-out, peu de concerts donneront vraiment une sensation de congestion, à l'exception de quelques groupes de fin de soirée attirant tous les curieux des autres scènes. Mais nous discuterons les détails au fil du reportage : place à la musique !

Vendred 8 août - Jour 1

Groupes évoqués : Blaze Bayley | 3 Inches of BloodMessa | Me and That ManDvnePhill Campbell and the Bastards Sons | Wind RoseAbsu | W.A.S.P | Year of No Light | Thy Cathafalque | Mastodon | Hypocrisy | Ministry | Slomosa

 

Blaze Bayley
Prison

Malice : C'est ce qu'on appelle commencer en force. Premier jour, premier concert, et c'est rien moins que Blaze Bailey, chanteur d'Iron Maiden sur les mésestimés The X Factor (1995) et Virtual XI (1997), qui nous accueille sur la plaine de l'Alcatraz. La résilience de Bailey, qui a forgé une longue carrière après son passage compliqué chez Maiden, jusqu'à se refaire une place (même relative) au soleil, force le respect, et cette année, il tourne pour fêter les 25 ans d'un album capital pour lui : Silicon Messiah, son premier en solo.

Et ça tombe bien : c'est un excellent album, à l'image de la triplette « Ghost in the Machine », « Silicon Messiah » et surtout le très Maidenesque « Born as a Stranger » qui lancent parfaitement le concert. Bailey interagit avec le public déjà fort nombreux pour l'heure matinale, et a visiblement gardé des vieilles habitudes de l'époque où il remplissait des stades. Son groupe (et notamment son guitariste Chris Appleton) est très carré et sa voix, si elle manque parfois de puissance, n'a pas beaucoup bougé en 30 ans. Mais si « The Launch » sonne comme un « Man on the Edge » 2.0, c'est bien à partir des morceaux de Maiden que le tout prend une autre dimension. « Wrathchild », seul morceau tiré d'une autre ère que la sienne, rappelle que Blaze avait surtout une voix proche de celle de Paul Di'Anno, avant la prévisible mais toujours réjouissante doublette « Man on the Edge » - « Futureal ». « What is real ? Futureal ! » : on a rarement entendu la plaine chanter si fort, si tôt. Et on ne peut qu'être heureux pour un homme qui a connu tant de galères.

Setlist: 

Ten Seconds
Ghost in the Machine
Silicon Messiah
Born as a Stranger
The Launch
Wrathchild
Man on the Edge
Futureal

 

3 Inches of Blood
Prison

Malice Voilà une reformation que je n'avais pas vue venir ! Et, il faut être honnête, on ne l'attendait pas forcément. Mais en me replongeant dans leur discographie, force est de constater que 3 Inches Of Blood a une personnalité clairement unique, avec ce mélange de power, de thrash et d'élans extrêmes, et a donc clairement quelque chose à apporter. Ce concert me l'aura confirmé : 40 minutes de tubes.

Le chant de Cam Pipes n'a pas bougé en 10 ans de break – et s'il dépend fort de la qualité du son, il atteint toujours des notes indécentes (« Night Marauders », le gigantesque final « The Goatriders Horde »). C'est la fête totale dans la fosse, qui rugit de plaisir sur les tubes « Destroy the Orcs » et « Deadly Sinners » (popularisés par le fameux jeu Brütal Legend). Un concert à classer dans la catégorie des plaisirs coupables, et on est bien content que 3 Inches Of Blood recommence à nous en offrir de temps en temps. Avant un album ?

Setlist: 

Battles & Brotherhood
Trial of Champions
God of Cold White Silence
Destroy the Orcs
Night Marauders
Forest King
Leather Lord
Deadly Sinners
The Goatriders Horde

 

Messa
Morgue

Malice Au moment d'écrire ces lignes, c'est assez clair dans mon esprit : Messa a sorti, avec The Spin, l'album de 2025. Autant dire que mes attentes étaient grandes avant ce concert, le premier sous une Morgue absolument bondée. Et avec une setlist basée en quasi-intégralité sur leur dernier album, les Italiens vont envoûter absolument tout le monde. Sara Bianchin, bien sûr, est impériale : splendide, lumineuse, sa voix ne souffre aucune faiblesse et son attitude, réservée mais souriante, nonchalante mais impliquée, vole les coeurs de la foule.

Après un intelligent démarrage sur les titres les plus accrocheurs et up-tempo de l'album, « Fire on the Roof » et « At Races », on passe aux choses sérieuses avec le fantastique « The Dress ». Quel morceau, quelles atmosphères : les premières larmes montent, poussées par ce passage central, le solo d'un Alberto Piccolo touché par la grâce et la reprise sur le refrain - « All my monsters, ready to feed... »... Nous sommes vendredi, même pas 15h, et je sais déjà qu'aucun concert ne fera plus fort. La sombre ballade « Immolation » m'achève : LE morceau de l'année, le solo de l'année, la chanteuse de l'année, le concert de l'année. J'ai besoin d'un peu de temps pour m'en remettre quand s'achève « Thicker Blood », final plus extrême lors duquel Rocco Toaldo (batterie) se charge du chant hurlé. Messa a d'ores et déjà terminé l'Alcatraz.

Aurélie Jungle : Messa c'est un des groupes pour lesquels je me suis bougée pour un passage éclair sur l'Alcatraz. Deux jours au lieu de quatre. Et principalement pour les raisons évoquées par Malice plus haut. Ce fût la course pour y arriver, Messa ouvre mon fest' à trois morceaux de la fin du set. Et bordel quelle ouverture ! Le groupe est dans la stratosphère et le prouve avec ce live où l’impro faisait loi ! Accélération de certains morceaux qui deviennent alors taillés pour le live (« Immolation », « Thicker Blood » qui perd son « tac tac tac » timé avant le pont), prises de libertés sur la voix de Sara qui en rajoute quand il faut... C’était une démonstration de puissance et une claque démentielle. 

Setlist: 

Fire on the Roof
At Races
The Dress
Rubedo
Reveal
Immolation
Thicker Blood

Malice : Difficile, après une telle prestation, de passer à autre chose, mais l'avantage du set de Wednesday 13, qui se termine sur trois tubes absolus quand j'arrive, est qu'il est très distrayant. « I Walked with a Zombie », « Bad Things » et « I Love to Say Fuck » : difficile de faire plus efficace. Wednesday 13 est un frontman à la Alice Cooper (le parallèle est évident), le show est carré, très 00's, la voix est impeccable. En fait, on aurait juste préféré voir ça plus tard sous la Helldorado, plutôt qu'en pleine journée sur la Prison.

Me and That Man
Swamp

Circé : 15:50 le vendredi, heure fatidique de mon seul vrai clash du festival : Dvne ou Me and that Man, le projet rock/country du leader de Behemoth ? Un groupe dont j'adore les deux premiers albums mais dont le dernier m'a touché une oreille sans faire bouger l'autre et que j'ai déjà vu, ou un projet que je ne connais que de loin mais dont je sais qu'il peut me plaire ? C'est ma curiosité et l'envie d'un peu de légèreté après Messa qui l'emportent. Car si je ne peux pas parler en tant qu'amatrice de blues, de country ou d'americana dont je ne connais pas grand chose, les rythmiques entraînantes et la variété du chant grâce à tous les guests présents, sont assez pour m'avoir laissé une bonne impression sur album.

Cette bonne impression se reflète vite sur scène. Alors que nous avions peur de nous retrouver face à un one-man show de Nergal, dont l'image médiatique a largement dépassé sa musique, on se détrompe vite. Nergal est le leader du groupe, certes - il en est le visage, la tête pensante et celui qui communique avec le public. Mais à aucun moment il ne s'accapare l'espace scénique comme il peut le faire avec son groupe principal, et on a ainsi vraiment l'impression de voir un vrai groupe sur scène, complices, amis, sur un pied d'égalité. Le partage du chant y fait certainement : si c'est Nergal qui chante sur le premier album, les vocaux sont uniquement interprétés par des invités sur les deux suivants. J'espérais sans trop y croire qu'il en aurait ramené avec eux ce soir (c'est le cas lorsqu'ils jouent en Norvège – mais il faut avouer qu'un certain nombre sont alors des locaux). En Belgique, pas de guests ; après deux morceaux du premier album, c'est un type au vrai look de rockeur vintage qui prend le micro : cheveux relevés plaqués à l'arrière, manteau noir, petites lunettes noires. Après recherches, il s'agit de Maciej Świniarski, chanteur / compositeur polonais. Et si avoir des types de voix aussi variées les unes que les autres est ce qui m'a le plus plu sur album, sur scène, cela marche très bien sans, Świniarski me fait directement oublier que ce n'est pas le très reconnaissable Matt McNerney sur « Burning Churches », et s'adapte très facilement aux énergies de chaque morceau. Couplé à quelques participations vocales du bassiste tout au long du set en complément, le tout fonctionne à merveille, donne un concert vivant et interactif. La setlist est parfaitement choisie parmi les morceaux les plus entraînants du groupe et très bien équilibrée entre les trois albums. On a aussi le droit à un nouveau morceau non sorti (qui ne m'a malheureusement pas marqué outre mesure), et une mini reprise spontanée d'un bout de « Paranoid » de Black Sabbath pour notre hommage de l'heure à Ozzy.

Donc oui, Me and That Man s'est révélé être un groupe intéressant, vivant au-delà de sa figure centrale. C'est avant tout un excellent groupe de live qui sait entraîner une foule de fans comme de curieux à chanter, bouger, et s'investir dans leur set. Si je juge certes leur musique comme une ignorante complète des styles dont ils s'inspirent, cela n'enlève rien au très bon concert que j'ai passé ni à la bonne surprise de mes compères belges qui m'ont suivi pour découvrir les Polonais.

Setlist :

Run with the devil
My church is black
Nightride
On the road
Burning Churches
Got your tongue
New Song
White faces
Loosing My blues
Intro paranoid
Coming Home
Blues and Cocaine

 

Dvne
Morgue

Aurélie Jungle : Dvne, ce fut ma claque de 2024, Voidkind une révélation. Ouais, j'ai le cerveau qui a ensuite implosé quand j'ai découvert le reste de la discographie. Bref Dvne en live, je l'attendais. Et c'est très simple : je ne m'attendais clairement pas à ça. Pas à autant de précision, pas à cette minutie d'exécution. Et je remercie largement l'ingé son pour le taff derrière. Bordel, tout était parfaitement audible, Victor Vicart et Dan Barter (guitaristes et chanteurs) était d'une justesse folle, j'étais sur Spotify, en mieux. « Si-XIV » sera la première claque et toute la fosse tendra l'autre joue sur « Abode of the Perfect Soul ». Dvne terminera sa presta sur un « Cobalt Sun Necropolis » dantesque mais qui nous laissera évidemment sur notre faim. On en reprenait largement trois heures, le set était beaucoup trop court ! Et mettez ça en soirée ou début de soirée la prochaine fois, par pitié ! 

Setlist: 

Towers
Sì-XIV
Eleonora
Abode of the Perfect Soul
Cobalt Sun Necropolis

 

Phill Campbell and the Bastard Sons
Prison

Malice Depuis le départ de nombreuses icônes du rock, on a vu fleurir ces groupes mi-tribute, mi-continuation de leur héritage : l'année passée sur la même scène, Dio Disciples, qui n'a franchement plus grand chose de pertinent, était déjà présent. Phil Campbell a une toute autre légitimité, bien sûr – plus de 30 ans de carrière avec Motörhead, au hasard. Et si en salles, il parsème ses setlists de titres issus du répertoire de Phil Campbell & the Bastard Sons, en festival, il a le bon goût de jouer ce que le public attend : du Tête de Moteur.

Quelques pépites appréciables (« Going to Brazil », « Orgasmatron », « Rock Out », « Born to Raise Hell » qu'on imagine placé là en hommage à Ozzy) et les inévitables tubes : qu'est-ce que le public peut faire d'autre que remuer la tête et chanteur en choeur sur l'enchaînement final « (We Are) The Road Crew » - « Ace of Spades » - « Killed by Death » - « Motörhead » - « Overkill » ? Et Campbell, bien sûr, est toujours un sacré guitariste. Problème : au micro, Joel Peters est loin d'avoir le coffre et le graillon de Lemmy, ce qui donne toujours un côté tribute band au tout. Après tout, est-ce autre chose ? Pas vraiment. Reste à voir combien de temps cela restera utile.

 

Wind Rose
Prison

Aurélie Jungle : Oui. Il existe un monde dans lequel je m'extirpe du live de Dying Fetus pour aller voir Wind Rose. Lancez-moi des petits cailloux, je ne regrette rien. Presque. On aurait tout de même préféré une scène fermée pour ce karaoké minier, histoire de bien s'entendre beugler « Diggy diggy hole ». Alors oui, nombreux sont ceux m'ayant prévenue : « deux sons, après c'est chiant », mais difficile de résister au charisme de Francesco Cavalieri muni de lunettes de soleil oranges apportant cette touche d'anachronisme complètement assumée qui te dit « je sais que tu sais que je sais pourquoi on est là ». Un public un peu timide qui se réveille sur le classique « Mine Mine Mine » que nous chanterons avec ferveur, tentant de survivre sous les nuées de slams qui déferleront jusqu'à la fin du set. Francesco Cavalieri assume alors son passage à mi-temps, nous tendant le micro autant que faire se peut.

Et on en pense quoi de Wind Rose en live ? Wind Rose c'est pas un groupe que tu vas spécialement voir pour la musique et la technicité, bien qu'il n'y ait pas grand chose à dire dessus, tout le monde fait un excellent taff et j'ai beaucoup de respect pour le cervicales de Federico Meranda (clavier). Wind Rose, t'y vas comme tu vas au Presidio : pour danser, chanter et boire de la bière. En ce sens : satisfaction absolue, la promesse a été tenue. 

Setlist: 

Dance of the Axes
Fellows of the Hammer
Drunken Dwarves
Gates of Ekrund
Mine Mine Mine!
Rock and Stone
Together We Rise
Diggy Diggy Hole
I Am the Mountain

 

Absu
Swamp

Circé Enchaîner Wind Rose et Absu, ou comment étudier toutes les déclinaisons de la phrase « c'est pas malin » dans le metal. Bon, on ne va pas se le cacher, du black/thrash bête et méchant, mal produit, avec un chanteur à la voix de gremlin habillé en pseudo-vampire, c'est un peu plus mon style de débilité que nos amis italiens de la Moria. Je n'ai jamais vu Absu, et vu comme les Américains peuvent être efficaces sur album... J'en attendais peut être un peu trop en live.

Premier écueil, le son n'est pas terrible (comme ce sera malheureusement plusieurs fois le cas sur la Swamp) - on n'entend sur les premiers morceaux que les basses. Il faut attendre quelques minutes pour qu'émergent les riffs et le chant de Proscriptor. Ajoutez à cela un public peu réceptif, et Absu n'arrivera pas à être la tornade diabolique qu'on pourrait espérer. Bon, aucun de ces éléments ne sont vraiment la faute du groupe, et on passe quand même un bon moment rien qu'à regarder les gesticulations d'un Proscriptor bien en forme. Ce n'est que sur la fin de la setlist que les choses semblent se réveiller avec un meilleur son et des morceaux plus thrash que black, et donc plus efficaces.

Malheureusement, l'Alcatraz a la mauvaise tendance de faire se chevaucher les sets au lieu de les enchaîner ; et c'est donc pile sur ces derniers morceaux qu'on se décale sur la mainstage pour W.A.S.P. Un goût d'inachevé, mais la prog' aura heureusement d'autres occasions de satisfaire ma soif de musique à headbang.

 

W.A.S.P.
Prison

Malice Je me suis longtemps moqué de W.A.S.P. ... en fait, je me suis moqué de W.A.S.P jusqu'à ce que je prenne le temps de vraiment écouter W.A.S.P – mais paradoxalement, pas vraiment les premiers albums. C'est bien avec Golgotha, fantastique album très premier degré (et post-coming out born again de Blackie Lawless) que j'ai commencé à comprendre quelle émotion la voix de Lawless pouvait porter, de quel génie de composition il était capable. Et depuis, The Crimson Idol (1992) est devenu l'un des mes, disons, cinq albums de heavy préférés. Rien que ça. Problème : les débuts plus sulfureux et plus glam me parlent moins, et le fait que W.A.S.P joue en intégralité son premier album me laisse un peu de marbre. D'autant que Blackie Lawless reste toujours borné à ne pas jouer « Animal (Fuck Like a Beast) » par pure pudibonderie.

Anecdote marrante cependant : sur le site du festival sont affichées des photos d'artistes présents aux éditions précédentes – dont une de Blackie Lawless, d'assez près, prise en 2014. Et le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'est pas flatteuse. On est donc un peu inquiet de voir l'état du chanteur plus de 10 ans plus tard, à 68 berges, lui qui est aussi fort réputé pour abuser de bandes en live. Sur ce plan, le résultat sera... moins pire que craint ? Pour résumer : Blackie Lawless ne chante (presque) pas les refrains, mais c'est bel et bien sa voix, et seulement sa voix, qu'on entend pendant les couplets, dès l'imparable entrée sur « I Wanna Be Somebody ». Les choeurs et refrains, eux, sont bien sûrs gonflés aux bandes (même si les autres membres du groupe tentent de donner le change), mais W.A.S.P n'essaie pas vraiment de nous entuber : c'est assumé (notamment sur l'énorme « Hellion », que Lawless a bien du mal à chanter aujourd'hui).

Physiquement, l'homme est en forme : par rapport à la regrettable photo de 2014, il doit avoir perdu au moins 15 kilos. Sa voix ? Elle va et vient, elle se brise à certains moments. Elle est loin d'être ridicule au vu de son âge et du style franchement exigeant pour les cordes vocales que Blackie a utilisé toute sa carrière – le tout en n'ayant jamais été un « grand » chanteur. Mais l'album éponyme de W.A.S.P a tout de même quelques moments faiblards (l'enchaînement « B.A.D. » - « School Daze » a mal vieilli), que compense notamment un splendide « Sleeping (in the Fire) ». J'attendrai cependant la sortie d'un nouvel album (Golgotha ayant 10 ans cette année...) et une tournée plus « best-of » avant de revoir le groupe, s'il garde un peu la pêche...

 

Year of No Light
Morgue

Aurélie Jungle : ALORS. Ca faisait partie des mes devoirs puisque Year of No Light figurait dans la liste des groupes que j’avais casé dans l’article pré Alcatraz : 12 groupes à ne pas rater. Pour rappel, Year of No Light c’est un groupe de post rock / sludge originaire de Gironde, full instru et composé de 6 musiciens (dont deux batteurs). C'était aussi su d’avance : les morceaux sont longs (post / sludge oblige) et mettent du temps à se lancer (post / sludge oblige again).

Bien qu' impressionnant sur la technique et la polyvalence des musiciens, c’est long en live. Beaucoup trop long. Les morceaux mettent quasiment plus de 5 minutes à se lancer et dans l’attente, impossible de me mettre dans le mood. Il fait jour, chaud, la faute peut-être à l’horaire de passage, va savoir. Mais s’installe alors une lassitude quand t'aperçois deux batteurs et que tu ne distingues aucune variation entre les deux. La chorégraphie est sympa à regarder mais l'exercice s'arrête là. Pareil pour les trois guitaristes (trois guitaristes !!!). On peut aussi peut-être mettre ça sur un problème de son. La présence de deux batteurs et de trois guitaristes vient normalement apporter un son plus massif mais il n'en était rien. S'ajoute à ça le fait que le bassiste abandonne parfois son instrument pour passer derrière le clavier, bon. Y'a une ambiance cours de découvertes musicales, ça en devient un peu complexe cette histoire. La magie n’a pas opéré et j’en suis la première déçue. 

 

Thy Catafalque
Morgue

Circé : On vous en a parlé dans notre article de groupes à ne pas rater, nos collègues du Hellfest ne les ont pas ratés non plus... Thy Catafalque est un incontournable du line up et l'une des attentes principales d'une bonne partie de notre équipe sur place à Courtrai. Seconde date belge et second passage dans la petite commune de Flandres pour les Hongrois après 25 ans de carrière dont seulement 4 de carrière live. Bref, je n'étais pas là la première fois, mais bien au rendez vous aujourd'hui, aux premiers rangs d'une petite scène qui s'est bien remplie et qui comptait même quelques fans hongrois dans ses rangs.

Et on aura pas été déçu.e.s.

Les basses resteront un peu trop fortes dans les premiers rangs, mais après le premier morceau, les quelques problèmes de son majeurs se règlent et on aura une excellente expérience auditive nous permettant d'entendre à la fois les instruments live, le backline, et surtout, les pas moins de 4 chanteurs et chanteuses sur scène. Difficile de rendre en live une musique aussi riche, et Thy Catafalque semble avoir trouvé les moyens techniques pour donner un bon rendu aux morceaux choisis pour leurs setlists. Et voir tout ce monde sur scène rend la musique tellement plus vivante, donnant au groupe un aspect « collégial », presque familial en live. Tout le monde n'est pas présent sur scène pour chaque morceau, mais chacun des deux chanteurs et deux chanteuses arrivent à faire leur marque, imposer leur personnalité. L'un des chanteurs saute partout sur sène, les chanteuses dansent et interagissent avecc les musiciens – c'est un show vivant où chacun.e prend sa place à la fois sur scène et dans la musique. Chacun.e semble s'être pleinement approprié les morceaux et la musique du projet, ce qui n'est pas toujours évident lorsque l'on parle d'une oeuvre d'un seul homme. Un seul homme, Támas, qui est au final l'un des membres les plus discrets sur scène, accroché à sa basse.

Grâce à un set de presque une heure, les Hongrois nous feront parcourir un bon bout de leur discographie, bien que l'accent soit tout de même bien mis sur le dernier album dont on aura 5 morceaux. Mais quel plaisir d'entendre aussi deux des meilleurs morceaux de Rengeteg, d'un « Trilobita » bien connu par le public à un « Vashegyek » atmosphérique et immersif, à la mise en scène travaillée. Des mélodies dansantes du dernier album aux ambiances futuristes de Geometria et lourdes de Alföld en passant par la déferlante black metal de « Jura », Thy Catafalque offre un concert très équilibré - pour les novices, un bon apercu de tout ce qu'ils ont à offrir, pour les fans, des surprises et du pur bonheur.

Malgré toute sa richesse et complexité, la musique des Hongrois se traduit parfaitement sur scène, servi par un groupe qui permet au projet de dépasser son statut de « one man band ». Thy Catafalque est plus que jamais l'un des groupes les plus intéressants que le metal a à offrir aujourd'hui.

Merci, et bravo.

Setlist :

Néma Vermek
Töltés
Trilobita
Piros Kocsi, Fekete éj
Vasgyár
Embersólyom
Ködkirály
Jura
Csillagkohó
A gyönyörű álmok ezután jönnek
Vashegyek
Aláhullás
Köd utánam
Fehérvasárnap

 

Mastodon
Prison

Malice Mastodon est le groupe le plus talentueux de sa génération. Voilà ma position, qui évacue d'emblée toute objectivité. À mes yeux, aucun groupe depuis les années 2000 n'a sorti autant d'albums proches du parfait, y compris en sortant un double album composé à 75% de tubes (Hushed & Grim). Mais sans Brent Hinds, difficile de rester serein, car la relation entre les trois voix de Mastodon faisait partie intégrante de son identité. On ne reviendra pas sur les raisons de son licenciement, ni sur la regrettable attitude d'ex toxique que Hinds a depuis adoptée.

On a juste l'impression que ce départ signifie un peu que Mastodon est à un tournant crucial : soit le « prime » du groupe est derrière lui, et l'après Hinds sera une lente redescente. Soit, profitant de son statut (confirmé par Back to the Beginning), Mastodon en profite pour se revitaliser et passer l'ultime cap qui en fera une tête d'affiche indiscutable. Au vu du concert des Géorgiens à l'Alcatraz, je reste partagé. Mastodon a clairement fait un choix en termes de setlist : Brann Dailor semble appelé à prendre un rôle de plus en plus important, et s'en sort toujours aussi bien. « The Motherload » et « Steambreather », sur lesquels il brille, sont d'ores et déjà des classiques, mais on y ajoutera désormais l'énorme « More Than I Could Chew » et son final tout en émotion (« Say when, and I'll come running back »...). Brent Hinds n'était pas un grand chanteur, mais son énergie brute, et même sa sauvagerie font tout de même défaut sur les plus anciens morceaux (« Mother Puncher »), pas seulement par son chant mais aussi par sa présence. Car Nick Johnston, son remplaçant sur la tournée, a beau être techniquement irréprochable, il ne propose aucun vocal et a une vraie aura d'intérimaire – ce qu'il est, on ne peut donc pas le lui reprocher. Enfin, là où Hinds n'a pas tort dans ses récents crachats sur les réseaux, c'est que Troy Sanders est loin d'être un grand chanteur (l'excellente et inattendue « Black Tongue » est assez pénible sur le plan vocal). Le départ de Hinds redirige inévitablement une partie de l'attention sur lui, ce qui met en lumière ses moments plus faibles. Dailor est peut-être le meilleur batteur du monde du metal, et réussit jusqu'à présent à tenir la baraque en chantant de plus en plus pendant ses parties délirantes, mais peut-il y le faire sur le long terme ? C'est l'une des questions auxquelles Mastodon devra répondre. Probablement dès 2026, un album étant annoncé.

Malgré tous ces questionnements, ce concert à l'Alcatraz restera particulièrement solide et, surtout, Mastodon semble avoir surmonté le dernier souci qui les empêchait de toucher un public large : les problèmes de son en festival. J'ai souvenir d'un concert au Graspop, en 2009 (soit juste après la sortie de l'immense Crack The Skye), que j'avais dû tout bonnement fuir : ce temps-là est loin. Cette fois, c'est cristallin, et il le faut pour apprécier la musique puissante mais aussi éminemment fine des mastodontes d'Atlanta. Après un « Blood & Thunder » qui fait partie des hymnes metal du XXIe siècle, Mastodon conclut sur cette superbe reprise du « Supernaut » de Black Sabbath déjà entendue à Birmingham, et laisse certainement plus de conquis que de sceptiques.

Setlist: 

Tread Lightly
The Motherload
Pushing the Tides
Crystal Skull
Black Tongue
Megalodon
Ember City
More than I Could Chew
Motherpuncher
Steambreather
Blood and Thunder
Supernaut (Black Sabbath cover)

Parlant de reprise de Black Sabbath, évoquons au passage l'un des thèmes inévitables de cet été en festival : le décès d'Ozzy Osbourne. Durant tout le week-end, les hommages se sont succédés : l'Alcatraz Festival avait mis à disposition des festivaliers deux toiles blanches (et des feutres) sur lesquelles écrire leurs mots d'adieu au Prince des Ténèbres. L'initiative, bien sûr, a connu un franc succès. Tout comme la crème glacée « Prince of Darkness », au chocolat noir avec cône noir – absolument délicieuse et souvent en rupture de stock. De nombreux groupes sont montés sur scène avec du Ozzy en musique d'intro ou ont rendu hommage à sa mémoire – citons pêle-mêle Bark, The Night Eternal, Congress, Phil Campbell & the Bastard Sons, Machine Head, Crypt Sermon – voire ont repris un de ses titres (Mastodon avec « Supernaut », l'Extreme de Nuno Bettencourt avec un medley, Me & that Man avec un extrait de « Paranoid »...). La tristesse avait laissé place à cette chaleureuse impression d'amour et d'hommage collectif : une dernière fois après un Back to the Beginning déjà plus rassembleur qu'attendu, Ozzy Osbourne aura uni les foules.

Hypocrisy
Swamp

Matthias : Le besoin de souffler et la programmation sans temps mort de cette première journée nous feront manquer le début du show des Suédois – sous un chapiteau quasiment comble. Cela dit, on se raccroche aisément au train en marche, tant leur death metal, mélodique sans tomber dans les excès de l'adjectif, s'avère carré et efficace. L'enchaînement « Warpath »  - « Fractured Millenium » présente sans doute au mieux la richesse du groupe en live. Certes, Hypocrisy s'inscrit à la fois dans un style très suédois et dans ce qui se faisait au tournant du millénaire. Mais les guitares gardent une certaine pesanteur sans pour autant se priver de grandes envolées ; la voix reste plus rauque, mais aussi plus épique, que le melodeath qui va suivre. Mais je m'égare dans mes réflexions, tandis que « Adjusting the Sun » termine de me convaincre que la prochaine fois, je placerai Hypocrisy très haut sur les groupes à aller voir dès la première note.

 

 

Ministry
Helldorado

Matthias Avec près de 45 ans au compteur et quelques changements de cap radicaux, la carrière de Ministry n'est pas des plus faciles à aborder. Cela dit, Al Jourgensen a l'air de s'y retrouver encore bien, comme en témoigne la setlist de cette tournée européenne : pas moins de six albums étalés entre 1988 et 2024 sont représentés, avec chacun entre un et trois morceaux. Que des tubes, ou presque, histoire de mettre d'accord les convaincus comme les nouveaux venus à convertir. Et en plus de nous avoir composé un joli best of, Ministry envoie du lourd, malgré l'heure tardive : avec « LiesLiesLies » c'est un véritable son et lumière de glaviots crachés à la face du vieux monde en général et des États-Unis et de leur bannière étoilée en particulier qui commence, et qui ne redescendra plus en intensité.

J'étais un peu déçu devant l'absence de punk, de hardcore et autre crossover cette année, alors que l'édition précédente m'avait offert quelques solides baffes. Cela aurait pu, je pense, mieux nous préparer à un show comme celui de Ministry, dans l'esprit si ce n'est pour la musique. Mais la bande à Jourgensen n'a guère besoin de petit bois pour allumer ses brûlots, dont un enchaînement « Goddamn White Trash » - « Alert Level » absolument phénoménal. L'autre homme au chapeau de la journée – après Nergal – ne nous laisse aucun répit, et s'il n'est plus guère mobile sur scène, il a su bien s'entourer pour éviter toute baisse de rythme. De toute façon, on garde les yeux rivés sur l'écran et sur le cauchemar éveillé, l'agonie interminable du rêve américain qu'il nous balance dans les mirettes. Ministry nous fout au sol avec son iconique « Just One Fix », et se permet encore un « So What » avant de tirer le rideau sur le pénitencier. Respect.

Setlist: 

Thieves
The Missing
Deity
Rio Grande Blood
LiesLiesLies
Goddamn White Trash
Alert Level
Stigmata
N.W.O.
Just One Fix
Jesus Built My Hotrod
So What

 

Slomosa
Morgue

Aurélie Jungle : Deux ans plus tard, me revoilà devant un Benjamin Berdous avec un peu plus de cheveux. Étrangement, Slomosa clôt cette première journée. La montée en puissance de ce groupe est folle et largement méritée. La tente de La Morgue est blindée, et l'ensemble du public trouve assez de force pour s'enchaîner l'ensemble du set composé, soyons clairs, de tubes. Le desert rock / tundra rock norvégien convainc même mes potes les plus core qui se retrouvent à bouger compulsivement la tête dès « Cabin Fever », deuxième titre du live. Ils étaient pas prêts pour « Rice ». Slomosa nous enchaînera pendant une heure tout pile, sans fautes, sans excès, savamment. Et cette maîtrise du live me fait limite halluciner. 

Bref, j'ai compris pourquoi Slomosa avait été choisi pour terminer cette journée : pour mettre absolument tout le monde d'accord. Pari réussi. 

Setlist: 

Afghansk Rev
Cabin Fever
Rice
Scavengers
In My Mind's Desert
Battling Guns
Red Thundra
Monomann
There Is Nothing New Under the Sun
Kevin
Horses

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