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Album

27 octobre 2023 - Matthias

Gruzja

Koniec wakacji

LabelIndépendant
stylePunk expérimental ?
formatAlbum
paysPologne
sortieoctobre 2023
La note de
Matthias
7.5/10


Matthias

Punkach' renégat hellénophile.

La scène black metal polonaise n'a jamais manqué de perles noires de l'underground, toutefois souvent perdues dans l'omniprésence aveuglante d'un Behemoth. Mais la décennie 2010 a quelque peu dissipé ce brouillard avec la percée à l'international de Mgla et de son fameux album Exercises in Futility. Une renommée soudaine qui, musicalement, n'était nullement imméritée, selon moi. Mgla a ouvert une porte d'entrée très engageante vers le black metal, et dans un style dépouillé de ses oripeaux les plus grandiloquents, ce qui n'était pas pour me déplaire. Mais ce faisant, le groupe de Cracovie a aussi ouvert la voie à toute une série de copycats, qui ont profité de l'engouement pour les cagoules et l'encens. On en connaît tous.

Depuis quelques années, la scène black metal semble réagir à cette véritable mode. Avec des groupes qui retournent aux racines punk et thrash dans leur musique d'abord. Mais aussi, en Pologne, en partant résolument à contre-courant ; du black metal, mais qui ne ressemble en rien aux clichés du black metal d'Europe orientale, et dont le label Godz ov War Productions s'était fait un temps la spécialité. C'est grâce à lui que j'ai connu Gruzja du temps du deuxième album du projet, le complètement dingue Jeszcze nie mamy na was pomysłu. Une charge black metal hallucinée et hurlée en polonais, qui vire progressivement au trip au moonshine d'un infortuné cosaque perdu dans le carnaval de la Nouvelle-Orléans. J'avais depuis perdu la trace de Gruzja, alors que le groupe poursuit sa route, tanguant d'un label à l'autre et d'EP en split. Jusqu'à ce Koniec wakacji (littéralement : « La fin des vacances » me disent les algorithmes), sorti en indépendant.

Première surprise : les Polonais ont délaissé la majeure partie de leur black metal avant-gardiste pour adopter un ton résolument punk, même si l'ensemble reste plus soigné que les canons du genre. Seconde surprise : Gruzja n'a pas trouvé mieux que d'entamer l'album par un morceau intitulé « Jerusalem Shore ». Alors bien sûr, on ne blâmera pas le groupe pour les développements géopolitiques récents, mais le hasard fait parfois bizarrement les choses. Le morceau en question tient du véritable crachat radioactif façon punk des 90's avec le petit passage mélodique qui va bien, mais de l'autre côté du Rideau de Fer – des scènes injustement méconnues, au passage. Quant aux textes, je vous laisse vous amuser avec les logiciels traducteurs modernes.

Bon, tous les morceaux ne sont pas aussi marquants, et après un « Aleksandria » sous acides, je perds le fil par moments. En fait des pistes comme « Od przedszkola do okopa » se révéleraient peut-être formidables, s'il n'y avait la barrière de la langue, qui frappe ici à plein sur un travail à plusieurs voix quand même fort impressionnant. De manière générale, l'album laisse plus de place aux voix qu'aux instrumentations, fussent-elles teintées d'électro martiale comme sur « Moda nienawiści ». Ce n'est pas un mauvais choix ; je ne suis juste pas polonophone. Mais l'énergie négative reste toutefois communicative, on se prend à s'agiter et à donner des coups dans le vide, comme si on découvrait la setlist dans une cave mal aérée de Varsovie. Quoiqu'il en soit, 14 pistes avec des ambiances parfois très différentes c'est un peu beaucoup, mais mention spéciale à « Koniec wakacji ». Le morceau-titre nous balance une charge de jeunes cosaques sur la verte Ukraine, où le sang sucré coule des pastèques quand on a terminé de clouer le moujik. Tout un programme. Après, c'est la descente, avec un « Kciuk cel pal » en remix par Perturbator pour retrouver la bipédie et se remettre les vertèbres dans le bon sens.

Koniec wakacji est un ovni musical comme Gruzja sait nous en lancer à la face, mais je pense qu'il déroutera aussi ceux qui avaient investi des neurones dans les albums précédents de ces Polonais complètement pétés. À réserver pour les jours où vous avez vraiment envie de boire du napalm-coca en novembre, les deux pieds dans la Baltique. Et santé hein, au passage.

Tracklist :
1. Jerusalem Shore
2. Aleksandria
3. Pomnik
4. Od przedszkola do okopa
5. Poczytaj mi tato
6. Moda nienawiści
7. Kciuk cel pal
8. Sałynka
9. Następna stacja getto (feat. Mold)
10. Do pokoju
11. Koniec wakacji
12. Już po dzwonku (feat. LARMO)
13. Wojna domowa
14. Kciuk cel pal (Perturbator remix)