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15 trésors cachés... du Black Metal polonais

vendredi 19 octobre 2018
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Nostalmaniac: Devenue incontournable, la scène Metal extrême polonaise ne cesse de monter en puissance et qu'importe ce qu'on pense du succès commercial de ses mastodontes, la scène underground n'est pas en reste et semble bénéficier de cette renommée. Il ne faudrait pas balayer l'histoire particulièrement riche de cette scène passionnante non plus. Dans un pays ultra-conservateur et croyant, sorti du long couloir communiste, le Black Metal a conservé quelque chose de dangereux, pas à l'abri des foudres judiciaires et religieuses. Ce qui n'empêche pas des formations de plus en plus nombreuses et une scène incroyablement active.

Après la Finlande, penchons-nous donc sur la Pologne et sa scène Black Metal à travers une sélection de quinze trésors cachés. La vocation de cet article n'est pas d'être un top, mais d'exhumer certains joyaux méconnus, ce qui reste forcément subjectif et incomplet. 

Dans les 90's, à l'instar d'autres scènes, la scène polonaise a créé son propre type de Black Metal, son propre son. Comme les Norvégiens, comme les Grecs, etc.

Impossible de parler de la scène polonaise sans évoquer ses aspects les plus nauséabonds. Un peu d'histoire : voulant suivre "l'exemple" du Black Circle en Norvège au début des années 90, les jeunes membres de Xantotol, Behemoth et Veles forment la Temple of Infernal Fire qui va se politiser sous l'influence de Capricornus, alors membre de Graveland, et devenir la Temple of the Fullmoon qui s'associe à des groupes d'extrême-droite et une idéologie clairement néo-nazie. Certains membres, dont Nergal de Behemoth, quitteront cette "organisation" créant alors des rivalités et même une campagne anti-Nergal.

Dans cet article, nous évoquons certains groupes en lien avec la Temple of the Fullmoon comme Infernum ou qui s'inspirent de son idéologie. En effet, certaines de ces productions font partie intégrante de l'histoire du Black Metal polonais et nous n'avons pas voulu les exclure en tant qu'objets musicaux. Nous ne voulons pas faire écho à leur message politique, qui ne rejoint en aucun cas les valeurs des membres de la rédaction de Horns Up, et condamnons toute forme de racisme, de discrimination et de xénophobie.

 

Traleuh

1. EVILFEAST Lost Horizons of Wisdom | Nykta Records

Evilfeast ? Alors oui ,c'est culte, cultissime même. Mais alors non, ce n'est certainement pas une raison pour ne pas en parler. Parce que le savoir-faire de GrimSpirit ne sera, à mon sens, jamais assez reconnu et célébré. Parce qu'à nous sortir des tueries tous les 4-5 ans et à repartir aussitôt, sans dire au revoir, on le prendrait presque pour un malpropre. Parce qu'avec Lost Horizons of Wisdom, troisième disque du projet, Evilfeast va enfin encapsuler son essence profonde, édifier son antre, son intemporel sanctuaire de glace, duquel il ne cessera par la suite de puiser pour consolider son univers, affiner son son, ses ambiances. Parce que Lost Horizons of Wisdom est un album majeur, aussi bien pour la scène polonaise que pour la carrière du one-man band le plus glacial du pays. Parce qu'Evilfeast, c'est formidable et puis c'est tout.
 


2. TRIVIAL THORN  Beyond Nothing | Indépendant

Le frimas pèse sur vos bras, vos extrémités sont comme gelées. Un vent glacial jusqu'alors inconnu engourdit vos membres. Beyond Nothing, comme annonciateur de ce vent nouveau, un vent venu de l'Est, celui d'un black plus naturaliste, plus doux. Plus mélancolique. Beyond Nothing, emprunt d'un lyrisme unique, magnifiant ce sentiment de solitude et d'isolement propre à cette nouvelle scène Black de l'Est à l'aura si particulière. Ce Black, ce sera celui des Sear Bliss, des Negura Bunget, des WalknutBeyond Nothing, une démo magique, profondément nostalgique, et emprunt d'une poésie et d'une beauté que je me devais de réhabiliter sur ces quelques lignes.
 


3. WĘDRUJĄCY WIATR  Tam, Gdzie Miesiąc Opłakuje Świt | Werewolf Promotion

Dernière contribution de votre serviteur à cette liste, et pas des moindres, puisque je viens ici quérir votre attention pour m'épancher sur une de mes formations polonaises récentes favorites, Wędrujący Wiatr. Loin de la noirceur - très en vogue – des Mgła et autres FuriaWędrujący Wiatr préfère lui officier dans un style plus minimaliste, plus contemplatif, n'hésitant pas à piocher dans le folklore de son pays natal. Cette direction fut prise dès le premier disque, Tam, gdzie miesiąc opłakuje świt, véritable petite merveille de Black Metal atmosphérique. Si on y entend tour à tour des teintes de Drudkh, un soupçon de Panopticon ou encore la poésie d'un Ulver première période, c'est bien une matière tout à fait singulière laquelle nous avons affaire, avec un soin tout particulier porté à cette production, lointaine, inatteignable mais finalement terriblement enrobante et nostalgique. Je ne saurais donc que trop vous conseiller de vous attarder sur ce groupe, mais également sur les autres formations gravitant autour, comme Kres et surtout Stworz, que j'ai tendance à voir comme le penchant plus mélodique et moins atmosphérique de Wędrujący Wiatr.
 


Nostalmaniac


4. HEFEYSTOS Vilce Sjen | Wounded Love Records

Sans jamais avoir été une formation Black Metal au sens strict du terme, Hefeystos a été formé par deux membres de Sacrilegium (Nantur Aldaron et Suclagus), l’un des groupes pionniers du Black Metal en Pologne avec Behemoth et Graveland, et on y retrouve leur touche si particulière, si mystique. Modestement produit, l’EP « Vilce Sjen » paru en 1997 reste un petit joyau méconnu avec son ambiance superbement héroïque et païenne, ses claviers majestueux omniprésents, mais aussi cette touche gothique (la voix féminine) qui fait tout le charme et l'intérêt de ses 11 petites minutes dont je ne me lasse pas. Malheureusement, le groupe prendra une direction plus expérimentale par la suite...
 



5. HOLY DEATH  Triumph of Evil ? | Baron Records

Sous la poussière du temps, nombreux sont les trésors oubliés surtout quand ils sont d’abord sortis uniquement au format cassette. C’est le cas pour ce premier album du trio de Cracovie paru en 1996 (bien que Head Not Found le sortira maladroitement en CD, mais en l’amputant de deux titres). Quoi qu’il soit, « Triumph of Evil ? » est un must-have du Black polonais mélangeant magnifiquement les passages épiques avec des samples de bataille et une ambiance véritablement morose grâce à ce riffing lent et morbide, mais aussi aux nappes de claviers qui surgissent ci et là. À l’écoute de l’album il est difficile de ne pas penser à l'influence d'un certain « Worship Him » de Samael surtout avec le terrible « Always Lonely » et ses faux airs d’ « Into the Pentagram ». C’est simple, à chaque fois que j’écoute cet album, j’ai l’impression d’être hors du temps et de plonger dans une crypte sinistre… À noter que Witching Hour Productions l'a réédité en 2015 ! Aucune excuse donc pour ne pas s'y intéresser... 
 

 

6. NORTH Thorns on the Black Rose | Astral Wings Records

Dans l'éclosion du Black Metal en Pologne, Astral Wings Records a eu un rôle important. Le label défunt a en effet sorti quelques albums devenus cultes, comme ce « Thorns on the Black Rose ». Ce premier long format de North sorti en 1995 serait sans doute qualifié de Raw Black de nos jours, mais malgré le côté brut de sa prod et son mix imparfait, il s’en dégage beaucoup de mélancolie, et quelques mélodies s'en échappent aussi. La batterie martèle mais je trouve que ça apporte à leur son et à ce rendu à la fois malsain et épique...
 

 

7. SACRILEGIUM - Sleeptime | Pagan Records

Comme je l’écrivais plus haut, Sacrilegium est l’un des groupes pionniers de la scène Black Metal polonaise. J’aurais sans doute pu parler de leur premier album, « Wicher » de 1996, mais tant qu’à parler de trésors cachés, je préfère m'attarder sur leur première démo beaucoup moins connue : « Sleeptime ». En plus de poser les bases de leur Black Metal au feeling très pagan avec quelques touches tribales en introduction, cette démo de 1994 est aussi fascinante que captivante. Un son de guitare totalement glaçant et un riffing qui l’est tout autant pour un son qui caractérise le Black polonais à ses débuts et que l'on retrouve également sur les premières démos de Behemoth qui méritent aussi de s'y pencher (surtout l'excellent « ...from the Pagan Vastlands » de 94). Mais bref, toujours dans les bons coups, Witching Hour Productions a réédité et remasterisé cette démo culte de Sacrilegium avec des bonus en 2015...

 


 

8. SZRON - The Purificating Flame of Annihilation | Under the Sign of Garazel Productions

Quand j'étais plus jeune et avide de Black Metal, l’excellent label Under the Sign of Garazel Productions m’a ouvert de nombreuses portes dans la scène polonaise qui allait longtemps me captiver. Parmi mes découvertes marquantes : Szron et leur premier long format « The Purificating Flame of Annihilation » (2004) qui pourrait se résumer à son titre. Dévastateur, sans humanité et sans aucune forme de compromis, je n'arrive pas à le décrire autrement que comme un lance-flamme sonore à la face de l'humanité ! Plutôt influencé par les premiers Darkthrone, Szron y distille une ambiance terriblement macabre et pesante tout au long de l'album. Pas de synthé, pas d'effets, juste un riffing assassin et des vocaux haineux. Rares sont les albums qui me donnent cette impression de ne pas avoir d'échappatoire possible, et il en fait partie.
 


 

9. XANTOTOL Thus Spake Zaratustra | Witching Hour Productions

Voilà sans doute le groupe le plus injustement méconnu de la scène polonaise : Xantotol ! Pas d'album, il est vrai, mais deux démos et un EP : « Thus Spake Zaratustra » en 1995 ! Un son caverneux qui fait écho aux premières réalisations de Varathron et Rotting Christ en Grèce bien sûr voire même Samael mais une atmosphère tellement prenante et unique qui fait de cet EP un chef d’œuvre obscur à tous les niveaux. Un Black Metal sans doute archaïque pour beaucoup d’oreilles, mais le témoignage sincère d’une vision orthodoxe à l'heure où les modes se succèdent. En 1996, Xantotol devait sortir son premier album, « Czort », mais malheureusement le groupe se séparera… définitivement, laissant un gout d'inachevé mais aussi sa marque au fer rouge sur la scène underground polonaise et au-delà. Notons que l’intégralité de leur discographie est disponible chez... Witching Hour Productions depuis 2015!
 



S.

 

10. INFERNUM Taur-Nu-Fuin | Astral Wings Records

1994…quelle année phare pour le Black Metal. Alors qu’en Scandinavie les chefs d’œuvre se succèdent, la Pologne joue les outsiders dans un registre plus underground, mais avec un album qui fait figure de référence. On pardonnera le plagiat de la pochette, pompée chez Darkthrone, tant ce Taur-Nu-Fuin est un concentré de noirceur. Durant un peu plus d’une demi-heure, le trio plonge l’auditeur dans un rituel occulte, grâce aux compositions hostiles, à ce clavier glacial, cette voix d’outre-tombe et cette atmosphère dérangeante. Cela fait bien une dizaine d’années que ce Taur-Nu-Fuin est parvenu à mes oreilles et je le considère encore comme l’un des albums les plus sinistres jamais réalisés. Oui.
 

 

11. ARKONA - Imperium | Astral Wings Records

Nous sommes en 1996, Arkona sort son premier album après deux démos. Dans un registre assez raw avec une production corrosive, les Polonais suivent le sillon tracé par leurs compatriotes de l’époque, en distillant des titres très sombres et agressifs, tout en gardant une part énigmatique, grâce aux claviers éminemment froids. Des lignes mélodiques marquant l’esprit et traversant les âges, puisque vingt ans plus tard, les titres n’ont pas vieilli et font de cet Imperium une œuvre majeure de la scène est européenne.
 

 

12. KATAXU - Roots Thunder | Slava Productions

On attaque les années 2000, mais ce premier album de Kataxu recèle cependant toute la substance et la saveur des vieilles productions Est-européennes, avec cette sonorité légèrement usée. L’atmosphère est terriblement mystérieuse, grâce au savant mélange de l’ensemble de l’instrumentation ; les guitares assurent le solide tapis sonore, par-dessus lesquelles viennent se caler le jeu des fûts assommant et les nappes de clavier mystiques. Celles-ci permettent d’asseoir pleinement l’aura ténébreuse des compositions, comme plongées au cœur d’un rituel nocturne en terrain inconnu, avec une certaine dimension cosmique. Le morceau éponyme et surtout « My name from the forest » sont deux titres incontournables.
 

 

13. WEREWOLF The order of Vril | No Colours Records

Enfin, mon dernier choix se porte sur le second et déjà dernier opus de Werewolf, en 2009. Musicalement on est très proche de Iuvenes et pour cause, on y retrouve les mêmes membres. La recette reste presque inchangée, les claviers donnent une atmosphère panthéonique aux différents morceaux, pour trois quarts d’heure de musique épique, intense et sombre.
 

 


ZSK


14. CSSABA  Toxic CSSABA | Fog of the Apocalypse

Evoluant depuis plusieurs années au sein des groupes relativement classiques MasseMord et Furia, Michał « Nihil » Kuźniak est un musicien qui va vite avoir besoin de se lâcher. S'il a pu démontrer son goût de l'expérimentation au sein de certains albums de ses formations initiales ou encore par le biais de MoroweCSSABA et son premier album sorti en 2009 qui nous intéresse ici reste son projet le plus chtarbé, et sa première incursion dans un style purement expérimental. Un Black Metal fortement connoté Indus et même électro, torturé et glauque, mais aussi puissant et efficace. Inclassable bien que des influences se dégagent de l'ensemble assez court (37 minutes) mais dense et inspiré, Toxic CSSABA est une sacrée curiosité au sein de la scène Black Metal « silésienne » et montre bien toute la singularité des compositions de Nihil. A noter que sur l'album suivant, Underground Lo-Fi Songs (2012), CSSABA s'essayera avec brio à un Metal plus influencé par Godflesh, mais toujours avec la patte Nihil, très prégnante dans ce projet original.

 

 

15. SEAGULLS INSANE AND SWANS DECEASED MINING OUT THE VOID  Seagulls Insane And Swans Deceased Mining Out The Void | Witching Hour Productions

Et après CSSABA, parlons de l'autre projet le plus remarquable et le plus singulier de Nihil au nom interminable, Seagulls Insane And Swans Deceased Mining Out The Void. Nihil est ici accompagné de Havoc (Blindead, ex-Behemoth) pour un Black Metal à nouveau assez torturé, proche de Shining tout comme l'était Morowe. Mais S.I.A.S.D.M.O.T.V. va encore plus loin, avec des ambiances plus poussées, un chant varié et halluciné, des compos hyper dures et lourdes et pas mal de passages bruitistes à l'image du long morceau de clôture de l'album, "V". Mené par un morceau absolument monumental, prenant et aliénant comme "III" ou encore le tube plus épique à sa manière qu'est "IV", cet album est un bijou de Black-Metal désenchanté et morbide, mais aussi assez moderne. Sorti en 2011, cet album semble être un one-shot, mais on sait que le potentiel torturé et expérimental de Nihil peut encore s'exprimer ailleurs, comme il l'avait fait un an auparavant sur The Madness Tongue Devouring Juices Of Livid Hope de MasseMord.
 


***

La scène Black Metal polonaise regorge de tellement de trésors cachés qu'une deuxième partie verra sûrement le jour ! Peut-être...