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Album

16 mars 2023 - ZSK

Majesties

Vast Reaches Unclaimed

Label20 Buck Spin
styleMélodeath 90's
formatAlbum
paysUSA
sortiemars 2023
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Le metal étant un genre qui voyage sans mal à travers les âges, il fait souvent fi des périodes et des modes, et est parfois pris en flagrant délit d’anachronisme. Si le meilleur exemple de ces dernières années me semble être Paradox de Nocturnus AD, album de techno-death du début des années 90 arrivé en 2019 par le biais d’un continuum spatio-temporel, les exemples sont en réalité nombreux et encore plus dans certaines scènes, forcément inspirées par des périodes emblématiques. Si l’on peut citer à raison le death old-school, suédois en particulier - bien que pas mal de formations de swedeath actuelles savent vivre avec leur temps - il ne faut pas oublier son penchant le plus mélodique. Certains se sont déjà essayés au versant black - citons ici l’ensemble des clones et descendants divers de Dissection - en traversant même les sous-genres du metal extrême. On peut déjà évoquer Sarcasm, qui était allé assez loin dans l’anachronisme en signant par exemple un Esoteric Tales Of The Unserene (2019) qui lui aussi semblait être exhumé des années 1995/1997. Mais Nocturnus comme Sarcasm étant des groupes qui existaient déjà à l’époque, parlons plutôt de groupes réellement contemporains qui surfent sur la vague. Le mélodeath « old-school », ça existe déjà, avec pas mal de groupes qui ont choisi de sonner très nineties (on en a d’ailleurs quelques-uns en France, comme Innermoon ou Fallen Joy), mais aujourd’hui il y a un groupe qui a décidé d’aller plus loin dans les couloirs du temps. Il s’agit de Majesties, groupe d’outre-Atlantique qui regroupe Tanner Anderson tête pensante du projet de black médiéval Obsequiae, accompagné de deux musiciens qui l’accompagnent en Live et font par ailleurs partie d’Inexorum, groupe qui officie justement depuis 2018 dans un style de black mélodique très suédois et très nineties. Et d’une certaine manière, Majesties sera au death ce que Inexorum est au black. Et quelle manière !

C’est bien simple, on aurait pu vous dire que Vast Reaches Unclaimed est un album qui a en réalité été enregistré en 1996, vous l’auriez cru sur parole. Majesties s’est donc échiné à reproduire tous les codes du metal extrême qui étaient en vigueur du côté de Göteborg - et même du reste de la Suède - au milieu des années 90. Cela fait donc de Vast Reaches Unclaimed un album qui revendique et assume une filiation particulière, celle de The Jester Race, le deuxième album d’In Flames paru en 1996. Malgré tout, Majesties ne s’arrête pas à un bête copié-collé et le metal qu’il pratique évoquera tout autant les groupes attenants de la scène d’époque (At The Gates, le Dark Tranquillity des deux premiers albums, A Canorous Quintet, Gates Of Ishtar…) que les formations plus black comme Dawn, Sacramentum, et… Sarcasm. La production sonne comme à l’époque, c’est plus le mastering assez puissant et clinquant qui fait sonner Majesties un minimum dans l’air du temps. On parvient tout de même à retrouver le touché mélodique d’Obsequaie, bien évidemment lavé de toute l’aura médiévale, et les musiciens d’Inexorum qui évoluaient déjà dans un style similaire font le reste. Même la pochette est dans le ton de qui aurait pu être fait à l’époque et sur le CD, le groupe s’est amusé à pasticher le logo du label 20 Buck Spin pour le faire ressembler à celui de No Fashion Records, label suédois culte des années 90. Alors n’en jetez plus. Le résultat, c’est donc 10 morceaux et 38 minutes de metal mélodique suédois des nineties, fait par des Américains mais ça n’engendre pas de différences. On y retrouve tous les codes, leads mélodiques presque omniprésents, rythmiques légèrement thrashisantes voire heavy, unique chant éraillé, breaks acoustiques et passages épiques à foison. La DeLorean a été ressortie du garage encore une fois, et on reprogramme le convecteur temporel vers mille-neuf-cent-quatre-vingt-seize pour aller dans ces vastes contrées non réclamées…

Dès les premières mélodies de « In Yearning, Alive », on est donc transporté au cœur des années 90 quand les guitaristes solistes suédois étaient au top de leur inspiration et qu’il y avait pas mal de choses à développer dans le genre mélodeath, qui atteignait son apogée. On est donc en face d’un modèle parfait du genre, pour un morceau d’ouverture qui se termine d’ailleurs avec des mélodies fantastiques. « The World Unseen » prolonge déjà le plaisir et l’on se délecte de cet étalage de somptueuses mélodies. Vast Reaches Unclaimed se déroule donc selon ce schéma, sans réels chichis ni grandes envolées à l’exception de « Across the Neverwhen » qui s’offre des passages épiques formidables (et un chant un peu différent), et constituera assurément le climax de cet album. Qui il est vrai se déguste d’une traite plutôt que de chercher de vrais tubes, mais par contre on continuera à collectionner les plus belles mélodies du lot (« Seekers of the Ineffable », « City of Nine Gates ») ou encore quelques sursauts remarquables (le délicieux break acoustique de « Sidereal Spire » par exemple). Serait-ce donc la perfection en termes de mélodeath nineties ? Il faut dire que le concept est tellement bloqué que Majesties ne va jamais chercher plus loin qu’à reproduire cette glorieuse époque, occasionnant un peu de déchet (« Verdant Paths to Radiance », « Temporal Anchor »). Mais rien de rédhibitoire et même si le groupe américain n’est pas le premier à réaliser cet exercice, il le fait avec brio et avec classe. Vast Reaches Unclaimed est donc un album hors du temps, qui parlera forcément à tous les amateurs de cette époque qui, vu tout ce qui sort dans le même genre depuis un moment, n’est pas si révolue que ça. Majesties n’est donc pas le premier à se positionner sur le créneau, mais il assume à 100% cet anachronisme et de ce point de vue, cet album est tout à fait excellent. Les plus fins amateurs du mélodeath des 90’s seront en terrain connu dans ces contrées pourtant non réclamées, mais ce premier album de Majesties leur amènera grand plaisir tant il applique à la lettre les codes d’une période glorieuse, jusqu’au bout du voyage sur le magnifique « Journey’s End »…

 

Tracklist de Vast Reaches Unclaimed :

1. In Yearning, Alive (4:24)
2. The World Unseen (3:43)
3. Our Gracious Captors (3:51)
4. Verdant Paths to Radiance (3:30)
5. Across the Neverwhen (3:25)
6. Seekers of the Ineffable (2:40)
7. Sidereal Spire (4:26)
8. Temporal Anchor (3:59)
9. City of Nine Gates (3:52)
10. Journey's End (4:43)