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Album

28 octobre 2022 - Malice

Riot City

Electric Elite

LabelNo Remorse
styleYaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhh
formatAlbum
paysCanada
sortieoctobre 2022
La note de
Malice
6.5/10


Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

Et si le truc le plus cringe dans la scène metal, c'était cet amour inconsidéré que beaucoup d'entre nous ont pour les montées dans les aigus ? Du pécheur originel (ou presque) Robert Plant à Riot City, il y a cette espèce de fascination pour qui sait atteindre la note la plus haute, le plus longtemps, briser du verre avec sa voix, hurler comme une banshee. Soyons clairs : moi aussi, j'ai déjà hurlé « Medieval Steeeeeeeeeeeeeeeeeeeeel » comme un demeuré avec trois grammes dans le sang en fin de soirée. Parmi mes groupes préférés, il y a Queensrÿche, Judas Priest, Helloween, Mercyful Fate et rien ne m'impressionne plus en concert qu'un chanteur montrant son organe. Bref : je plaide coupable.

Alors que le style a pris de l'âge, et les vocalistes avec, on en finit par se raccrocher aux dernières vocalises d'un Halford de 70 piges, on reste pantois devant la voix qu'a encore King Diamond sur la dernière tournée de Mercyful Fate, on apprécie même le retour en forme de Geoff Tate (Queensrÿche) sur ses tournées en solo. Mais le power metal, qui gardait la flamme du « yaaaaah » haute et fière, est un peu passé de mode, et le revival heavy n'était pas forcément riche en hurleurs patentés. Côté vocalistes dignes de ce nom, le fan de heavy metal n'était pas servi par la nouvelle génération. D'où le fait qu'en 2019, Riot City a pris tout le monde par surprise avec Burn the Night, véritable brûlot porté par l'incroyable voix de Cale Savy. Qu'est-ce que c'est que cette voix ?! Et sur des compositions quatre étoiles qui plus est ! Et il assure ça en live, en plus ?! Ne cherchez plus : voilà les Canadiens propulsés sur le devant de la scène, méritoirement. D'où les attentes entourant Electric Elite, qui doit être l'album de la confirmation.

Oui mais voilà : comme je le disais, cet amour pour les aigus fait bel et bien partie des aspects les plus gênants de la culture metal, et franchement, Riot City a ici largement dépassé les limites du bon goût sur ce point. Cale Savy a discrètement été remplacé par Jordan Jacobs, et celui-ci est peut-être encore meilleur que son prédécesseur. La voix de Jacobs est incroyable. Mais l'homme a aussi un énorme défaut : il sait qu'il a une voix incroyable, et ça lui est peut-être monté à la tête. Résultat : Electric Elite n'est par moments plus qu'une espèce de démonstration vocale stérile, une sorte de Dragonforce du micro. Dès « Eye of the Jaguar », pourtant, on est soufflé par la performance du vocaliste, qui atteint des notes encore plus puissantes que par le passé, et par l'efficacité du morceau. Riot City parsème Electric Elite de véritables réussites : le très catchy « Paris Nights » et ses choeurs sur le refrain, ce « Tyrant » mid-tempo qui a tout pour devenir un vrai hymne. En fait, quand Jacobs se retient un peu, tout va bien. Mais les Canadiens ont l'air d'avoir un peu tout misé sur la performance de leur chanteur, qui en fait des tonnes et prend bien trop de place pour qu'on apprécie tranquillement la musique. « Ghost of Reality » en est l'exemple parfait : plus de 6 minutes de hurlements dans tous les sens, de lignes vocales à côté de la plaque, sans même évoquer le gimmick un peu éculé de l'intro électro-acoustique suivie d'un bon gros « yaaaaaaah » pour lancer le morceau. Si Queensrÿche est rentré dans la légende, c'est parce que Geoff Tate n'était pas qu'un hurleur mais aussi un raconteur, capable de laisser parler le feeling...ou les instruments. Jacobs ferait bien de s'en inspirer. L'effet de surprise de Burn the Night est passé, et malgré quelques grands moments (« Tyrant », « Eye of the Jaguar », le survolté mais à bon escient « Return of the Force »), Electric Jaguar n'en reproduit pas le plaisir jouissif, gâché par un équilibre bancal entre les qualités de composition du groupe et celles, réelles, de son vocaliste.

Un défaut par moments perceptible en live également, où Jacobs, s'il impressionne par sa capacité à reproduire la plupart des notes posées en studio, en fait des tonnes. Vraiment, on lui suggère de réécouter ses classiques s'il veut en devenir un à son tour. Parce que la qualité est là. Electric Elite, à n'en pas douter, plaira à la majorité et est chargé à la gueule de titres puissants, « over the top » et accrocheurs. Parfait pour drifter sur le périph', tendance générique d'anime. Mais je préfère mon power metal un poil plus fin...

Tracklist : 

1. Eye of the Jaguar (5:00)
2. Beyond the Stars (5:08)
3. Tyrant (5:36)
4. Ghost of Reality (6:18) 
5. Return of the Force (4:16)
6. Paris Nights (4:43)
7. Lucky Diamond (4:19)
8. Severed Ties (09:56)